Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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4 ÔTÉ DE 5, RESTE 1


Avez-vous déjà entendu des parents se plaindre de leurs enfants? Je pose mal la question:

AVEZ-VOUS CONNU DES PARENTS QUI NE SE PLAIGNENT PAS DE LEURS ENFANTS?

Monsieur, cet enfant nous fera mourir. Impossible d’en venir à bout. Il a une tête de mulet: il n’obéit ni à sa mère, ni à moi, ni à personne. Nous ne savons qu’en faire: Malheureux, tu périras sur l’échafaud!

L’apostrophe est connue. Vous l’avez entendue cent fois et tout en regrettant in petto d'être tombé au milieu d’une correction paternelle, vous essayez de calmer les parents, vous sermonner le coupable qui a l’air à peine confus, et vous vous apitoyez sur les malheurs des temps, l’éducation sans Dieu, l'influence délétère des mauvais camarades, etc.


TOUT CELA EST VRAI.

L'éducation devient de plus en plus difficile, les parents n'étant plus soutenus ni par la salubrité de la rue, ni par l'instruction religieuse de l’école. Mais, ayons le courage de l’avouer:


Les parents commencent les premiers à perdre leur influence

en ne se soutenant pas entre eux.


Quand ils sont petits, on pose déjà aux enfants des questions aussi peu intelligentes que celles-ci: Qu’aimes-tu mieux, de ton papa ou de ta maman?

L'enfant est perplexe. Il faudrait qu'il répondit: Je les aime tous les deux autant. Mais il tombe dans le piège tendu à sa naïveté, il fait une réponse saugrenue qui excite l’hilarité.

Souvent le père ou la mère font assaut de gentillesse pour obtenir d’être désigné par l'enfant. Est-ce assez stupide? Nous apprenons ainsi à nos enfants à peser nos mérites réciproques, c’est-à-dire à OPPOSER ENTRE ELLES DEUX PERSONNES DONT L’AUTORITÉ SACRÉE EST AU-DESSUS DE TOUTE DISCUSSION. C'est un grave coup porté à notre influence.


Mais elle en a déjà reçu bien d'autres. Le plus souvent, à cet âge-là, le petit bonhomme sait déjà comment faire marcher père et mère.

Le grand secret, c’est de crier — et il ne s’en fait pas faute:

Il crie pour être porté,

il crie pour ne pas manger sa soupe,

il crie pour tout et pour rien,

il se met en colère,

il pleure!


L'ENFANT AIME CENT FOIS MIEUX PLEURER QU’OBÉIR

ET LES PARENTS FINISSENT TOUJOURS PAR CÉDER.


Parfois le père se fâche, mais la maman intercède: «Il va se faire du mal; il est trop jeune pour comprendre; il est malade sans doute, il a des coliques! les dents!!!» Le père grommelle.

«Attends un peu, polisson, que tu aies 4 ans!»

Et quand monsieur a 4ans, il est déjà rusé comme un vieux diplomate.

Il profite de toutes les faiblesses pour refuser d'obéir et ne faire qu’à sa tête.

D'abord, il croit fermement être la huitième merveille du monde. Ses parents ne se sont pas gênés pour chanter ses louanges, raconter telle parole, tel acte qui prouve une intelligence hors ligne, un phénix! Les parents en sont persuadés, mais l'enfant encore plus. Allez donc donner des conseils à la huitième merveille du monde!

Mais le pire, c’est que les parents ne sont presque jamais d'accord ni sur la nécessité de la punition, ni sur le degré de la punition. L'enfant a fait une sottise.

«Va au coin! crie le père.

Il en sort, mon ami, dit doucement la maman.

Tans pis! qu'il y retourne.»

Le marmot ne se presse pas. Il regarde son père pour lire dans ses yeux si c’est sérieux. Jamais ce n'est sérieux tant que la patience paternelle n'est pas arrivée à son extrême limite, et, comme ils sont habiles les enfants, pour juger l'instant précis où la tempête va crever! Mais même alors, leurs yeux vont du père à la mère pour voir s'il n'y a pas un secours possible et s'il faut vraiment obéir.

Ceci, dans les circonstances les plus favorables.

Mais souvent le père ou la mère, qui ont le cœur très sensible, trouvent que l’autre n'a pas assez d'indulgence, qu'il ou elle est trop sévère. Tout cela devant l’enfant qui n’en perd pas une syllabe et qui en saura faire son profil.

Bien mieux! On prend ouvertement la défense de l’enfant. Chacun s’obstine de son côté. Que de querelles de ménage n’ont pas d'autre origine!

ADIEU ALORS, L’OBÉISSANCE. L'enfant, avec un instinct prodigieux, oppose le père à la mère et s'appuie sur l’un pour désobéir à l’autre.

Quand les parents comprendront-ils qu'ils sont souvent responsables de cet état de choses lamentable?


Il ne faut rien moins qu’une entente parfaite pour dompter ce petit cœur rebelle, celte volonté déjà si opiniâtre, ces instincts de résistance si étrangement forts?

Si, au lieu de nous fortifier l’un par l’autre, nous nous opposons l’un à l’autre, nous neutralisons notre influence réciproque, et plus nous nous contrecarrerons, moins l’enfant obéira.

C’est mathématique. En représentant l’obstination de l’un par 4, celle de l’autre par 5, on voit qu’il ne reste plus qu’un cinquième d’autorité; autrement dit, l'enfant n’obéira plus qu’une fois sur cinq: 4 ôté de 5, reste 1.

S. V.

La pioche et la truelle N° 19 (1891?)


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