Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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L’UNITÉ CATHOLIQUE?


Il en est certains mots comme de certains produits: ils font fortune, sans qu’on sache pourquoi; un détail insignifiant les a mis en vedette et les voilà lancés à toujours dans la circulation.

Bossuet écrit un ouvrage de polémique sur les «Variations du protestantisme». La mobilité de nos confessions de foi, la multiplicité de nos dénominations lui donne une apparence de raison.

Immédiatement, le catholicisme s’empare du terme comme d’une épée et depuis, c’est fini, vous ne pouvez discuter une seconde avec un adversaire sans qu’il vous en poignarde.

Par contre, on ne parle que de l’Unité catholique et vous voyez d’ici les développements brillants dont l'idée est susceptible «D’un bout du monde à l’autre, sous toutes les latitudes, à travers les siècles, le catholicisme est semblable à lui même

Ce serait admirable et l’argument vous écraserait s’il était fondé.

Le malheur, c’est qu’il est radicalement faux.


Les catholiques sont d’accord — à condition de ne pas échanger leurs vues. Dans le silence, aucune voix ne détonne: il n’y a là rien d’extraordinaire. Mais aussitôt qu’ils se mettent à défendre leurs croyances personnelles, ils divergent, tout comme les autres.

Le moyen-âge a retenti des querelles fameuses des ordres monastiques rivaux. Quelquefois le plus faible se rétracte, il recule devant les foudres de l’excommunication. Mais au fond du cœur il n'en proteste pas moins, comme Galilée. Le plus souvent, on le brûle; alors, il ne dit plus rien.


Il m'est arrivé, comme à tout le monde, de rencontrer des catholiques militants. Catholiques! ils le sont, déclarent-ils, depuis les pieds jusqu’à l’extrémité des cheveux.

Pressez-les, vous les voyez hésiter.

L’un admet l’infaillibilité, mais repousse le carême;

l'autre est partisan de la confession auriculaire, mais ne croit pas aux miracles de Lourdes; il n'en est pas un seul qui ne déplore tel ou tel abus.

Eh! mon ami, prenez-y garde, vous sentez le fagot. Le vrai catholique croit tout ce que le prêtre lui dit, que sa raison proteste ou non; il accepte tout, tout, entendez-vous. Quand même sur les 10.000 articles de foi, vous n’en renieriez qu’un, vous n’êtes plus catholique.

Et quand l’Église enseigne deux choses contradictoires, comment croire encore, et que devient la fameuse Unité?


Vous visitez Trêves, vous entrez dans la cathédrale et demandez à voir LA TUNIQUE DE JÉSUS-CHRIST. On vous la montre.

Allez à Argenteuil, faites la même demande: on vous la montre aussi.

Les deux clergés prétendent avoir la vraie, et le pape donne raison à tous les deux.


Lorsque Jésus vint au Jourdain pour se faire baptiser par Jean, celui-ci dit en le montrant du doigt: «Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde.»

Avouez qu’il serait dommage que L’INDEX DE JEAN-BAPTISTE fût perdu.

N’ayez pas peur, mon ami, il n’est pas perdu.

Au contraire, il a cru et multiplié: L’Église catholique vénère et exhibe onze index de Jean-Baptiste.

On a:

huit bras de saint Blaise,

neuf de saint Vincent.

autant de sainte Thècle,

douze de saint Philippe,

dix-sept de saint André

et dix-huit de saint Jacques,

Saint Jean-Baptiste a vingt mâchoires à lui tout seul et soixante doigts, dont onze index.

Tout cela répartis dans des églises différentes, mais d’une authenticité reconnue!!!

J'en passe et des meilleurs


On croit avoir tout dit quand on a prononcé le mot «Variations du protestantisme.» Ne pourrait-on pas parler un peu des VARIATIONS DU CATHOLICISME?

Au 1er siècle, l’Église catholique enseignait qu’il ne faut appeler personne du nom de père (Mat. 23, 9).

Maintenant, on ne donne pas d’autre nom, ni à son confesseur ni au pape. Il y a là une petite Variation qui va juste du pour au contre.

Au 1er siècle, l’église défendait d’user de vaines redites, comme faisaient les païens (Mat. 6, 7).

Maintenant le catholique pieux, c'est celui qui fait usage du chapelet où on répète 20 et 100 fois la même prière.

Au 1er siècle, l'Église catholique démolissait les images des divinités mythologiques en se servant du 2e commandement de la loi de Dieu: Tu ne te feras point d'image taillée et tu ne te prosterneras point devant elles (Ex. 20, 4).

Maintenant les églises sont pleines de statues devant lesquelles on s’agenouille.

Au 1er siècle, l’Église catholique enseignait qu’il n’y a point de purgatoire, parce qu’après la mort, on va soit au ciel, soit en enfer (Mat. 25, 33).

Maintenant le purgatoire est le pivot de tout le système, etc., etc.

Pour des variations, voilà des variations, ou je ne m’y connais pas. Et des variations d’un tel calibre que ce sont bel et bien des contradictions formelles.


Et que dire des variations dans les prescriptions du carême?

À Tourcoing, pendant l’année que j’y ai passée à prêcher la loi parfaite et éternelle de l’Évangile:

l’archevêque de Cambrai (France), avait autorisé le beurre,

l’archevêque de Tournai (Belgique) l’avait défendu.

Or, les Flamands (qui viennent le matin travailler en France et retournent le soir en Belgique), sont très friands de beurre, et cela leur eût fait beaucoup de peine de se priver de leur régal habituel. Alors, que faisaient-ils? Ils mettaient bien du beurre sur leurs tartines en Belgique, mais ils se gardaient scrupuleusement de l’entamer avant d'avoir passé la frontière; seulement, à peine le poteau franchi, ils y mordaient à belles dents, avec la satisfaction profonde d’être en règle avec leur conscience.


Quand j’entends parler de l’immutabilité du dogme catholique, je ne puis m’empêcher de penser à Jeannot.

«Vois-tu? disait-il à sa fiancée, pour l’éblouir par ses principes d’économie héréditaire; Vois-tu ce couteau? il y a deux générations qu’il est dans la famille; on a changé deux fois la lame et trois fois le manche, c’est toujours le même.»

S. V.

La pioche et la truelle N° 32 (1891?)


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