Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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L'ÉVANGILE À TRAVERS LE MONDE


Auchel, le 28 mars 1895.

Cher frère

Nous avons eu la joie d’inaugurer, lundi 18 mars, une salle de conférence à Lillers, ville de 8.000 habitants.

Notre local, qui peut contenir environ quatre-vingts personnes assises, était plein d’auditeurs attentifs et recueillis. Dieu a certainement quelque chose à faire dans cette localité.

M. Meyer, de Paris, qui est en ce moment dans le Pas-de-Calais, a bien voulu nous prêter son concours pour la circonstance et prononcer le discours d’ouverture. Ensuite M. Vautrin, de Bruay, nous a fait une intéressante allocution.

Quelques jeunes gens d’Auchel qui nous avaient accompagnés, nous ont fait le plaisir, pour la gloire de Dieu, d’exécuter quelques chants. La réunion a été terminée par la prière.

Que le Seigneur bénisse la semence répandue et les réunions qui se feront dans la suite.

Votre bien dévoué en J-C.

S. Rafinesque.


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Pas-de-Calais. — Ce n’est pas en vain que les enfants de Dieu, par les moyens misà leur disposition et avec les dons qui leur ont été donnés, travaillent au salut de leurs semblables.

Comme le cultivateur, ils labourent et ensemencent péniblement, puis le St-Esprit féconde cette semence de vie et lui fait produire ses fruits.

C’est ainsi que pendant les fêtes de Pâques nous avons été heureux de voir descendre dans les eaux du baptême 40 personnes qui avaient professé publiquement avoir reçu Jésus-Christ pour leur Sauveur et leur Maître. 10 étaient de Bruay, 7 d’Anchel. 4 de Béthune, 12 de Vermelles et 7 de Lens.

La cérémonie s’est faite en deux fois; le dimanche dans le temple de Bruay qui était bien rempli pour la circonstance et le lundi dans celui d’Auchel qui contenait environ 300 personnes.

Notre frère, M. Meyer, de l’Église de la rue de Lille, à Paris, qui a présidé, dans nos parages, des réunions bénies, où bon nombre de nos nouveaux convertis ont déclaré se donner au Sauveur, a eu la joie de participer à notre fête.

Nous espérons que ces jeunes chrétiens comprendront la vocation à laquelle Dieu les appelle.

S’ils veulent conserver la foi et glorifier leur divin Maître, ils devront se consacrer à Lui et chercher la sanctification.

Celui qui les a pardonnés veut aussi:

les délivrer de la puissance du péché.

Il veut ôter de leur cœur tout ce qu’il y a encore d'impur,

leur communiquer les dons du Saint-Esprit

et employer pour sa gloire leur vie entière.

Qu’ils se consacrent pour l'obéissance absolue, qu’ils étudient la Bible et prient beaucoup et le Seigneur accomplira ses desseins glorieux a leur égard.

Paris, 48 rue de Lille. — À l’occasion de la fête de Pâques, 5nouvelles personnes ont été ajoutées à l’église.


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Oncken. — L’Église de la rue de Lille a eu la joie de recevoir la visite de M. Oncken, le fils du chrétien vaillant et célèbre qui a fondé la mission évangélique Baptiste en Allemagne. Voici un extrait de l'allocution qu’il nous a adressée:

«Je suis né à Hambourg d’un père allemand et d’une mère anglaise; j'appartiens donc par moitié à chacun de ces pays; mais j’aime aussi la France, votre belle patrie; j’aime son ciel pur et ses riants paysages; et je remercie Dieu de pouvoir cet après-midi, avec mes frères de France, fléchir les genoux devant votre Dieu et mon Dieu, devant votre Père et mon Père.

Tout à l’heure j’ai été fort ému quand votre pasteur a parlé du pardon des péchés, car je suis l’un de ceux qui ont beaucoup péché et à qui il a été beaucoup pardonné.

Chaque fois que je viens à Paris, mon Dieu m'humilie au souvenir de ma vie passée; c'est ici que malgré les conseils et les exemples de mes parents pieux, malgré ma connaissance des choses du ciel, je me suis laissé entraîner par les plaisirs trompeurs de ce monde, j'ai profané le saint nom de Dieu; c’est ici le chemin de Jéricho où je suis tombé entre les mains des voleurs qui m’ont laissé à demi mort.

MAIS LE BON SAMARITAIN NE S'EST PAS DÉTOURNÉ DE MOI: il m’a vu quand je gisais dans mon sang, il m’a relevé, m’a soigné, m’a pardonné. Maintenant mon Sauveur ne veut pas que je sois un chien muet; il me donne de parler pour sa gloire, et aussi de faire quelque chose pour mes frères persécutés en Russie; il a changé l'égoïste d’autrefois en un homme qui voudrait embrasser le monde entier dans son amour.


Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de mon père, qui est au ciel depuis dix ans.

Il est né dans une petite ville de l’Allemagne; vous verrez dans son histoire comment les petites et les grandes choses couronnent aux desseins do Dieu.

Napoléon, après avoir subjugué l'Allemagne, lui imposa le blocus continental, par lequel elle ne pourrait plus tirer aucune marchandise de l’Angleterre. Aussitôt s'organisa un vaste système de contrebande, qui paraissait aux Allemands une œuvre patriotique au premier chef.

Quand la puissance de Napoléon déclina, les Anglais vinrent chercher en Allemagne le paiement des objets vendus en fraude. Mon père avait alors 14 ans; il était pauvre et orphelin, un marchand anglais entendit parler de sa détresse, le vit lui-même, l’aima aussitôt à cause de sa figure ouverte et intelligente, et se dit: «J'en ferai un homme.» Il l’emmena avec lui en Écosse, et le plaça sous une influence chrétienne.

À 15 ans mon père alla à Londres, où il se convertit; sa foi fut ferme et glorieuse, son caractère énergique, ses convictions fortes et enthousiastes, son cœur débordant d’amour pour ses semblables. Le jour où il sut que ses péchés lui étaient pardonnés et que son nom était écrit dans le ciel, sa carrière missionnaire commença.

On lui donnait 2 francs pour son dîner; immédiatement, il remplaça le vin par l’eau qu’il allait chercher avec un gobelet à une fontaine publique, et avec l’argent économisé il acheta et distribua des traités et journaux. Son désir de prêcher l'évangile s'accrut avec les années, et enfin, en 1823, il fut envoyé comme évangéliste en Allemagne, où Dieu bénit son travail.

Par l’étude fidèle de la Bible il reconnut que le système de l'aspersion des petits enfants et de la Confirmation était en désaccord formel avec la volonté de Dieu.

Il refusa de baptiser ses propres enfants. Lui-même fut baptisé par immersion, avec sa femme et cinq autres personnes: et ces sept chrétiens formèrent, en 1834, le noyau de la première Église baptiste en Allemagne.


À cette époque on n’avait, dans ce pays, aucune idée de la liberté religieuse, et la petite Église naissante rencontra, dans le clergé établi, une opposition formidable. La police dispersa les réunions, les auditeurs furent chassés dans les rues, mon père fut arrêté, maintenu en prison préventive puis condamné par le tribunal à quatre semaines d’emprisonnement.

Rendu à la liberté, il prêcha de nouveau et fut encore condamné à 14jours. Le sénateur directeur de la police lui dit:

Nous ne vous tolérerons pas ici; je suis résolu à exterminer votre secte dangereuse; vous voyez mon petit doigt M. Oncken, je le remuerai contre vous.

Oui, Mr. le sénateur, répondit calmement mon père, je vois votre petit doigt; mais derrière votre petit doigt, je vois le gros bras de Dieu, ce qui me donne confiance»

Le sénateur s’était trompé. Nous avons maintenant à Hambourg quatre églises baptistes, un collège d’études théologiques avec cinquante élèves, une immense agence de publications, et le sénat autrefois hostile, est maintenant notre meilleur ami; il nous a
donné, il y a déjà trente ans, la liberté de culte.


Quelques chiffres supplémentaires vous apprendront l’importance que l'œuvre si faible à ses débuts a maintenant acquise.

Il y a en Allemagne 270 Églises baptistes tirant leur origine de ce petit commencement; de plus, nos principes ont pénétré dans le Danemark, la Hollande, l'Autriche, la Bohème, la Hongrie; nous avons des avant-postes en Bulgarie, en Serbie, en Roumanie, et une œuvre immense se poursuit en Pologne et en Russie. Dans ces deux dernières contrées, les serviteurs de Dieu endurent de grandes souffrances; l’un des missionnaires qui y travaillent a déjà été trente fois en prison pour Jésus.

Comme conclusion, mes chers frères, je vous dirai que vous devez louer Dieu et prendre courage.

Notre Dieu donne à chacun son travail.

L’œuvre que j’ai à faire aucun autre que moi ne peut la faire, mais je ne pourrais pas non plus faire celle qu'un autre a à faire.

L’œuvre qui doit être accomplie par une humble sœur, personne d'autre qu’elle ne saurait la faire, pas même le prédicateur le plus éloquent. 


Dieu se plaît à réservera chacun de ses enfants

une part de gloire dans l’accomplissement de la grande œuvre du salut du monde.


Je vous remercie de tout mon cœur de m’avoir écouté si gracieusement. Si je ne vois plus vos visages ici-bas, soyons au moins unis de cœur dans cette volonté de tout faire pour amener le règne de Jésus, et dans la glorieuse espérance de nous rencontrer un jour auprès de notre Seigneur et Maître.»

Toute l'assemblée fut bien émue de cette allocution, et répondit aux vœux exprimés comme conclusion par les mots répétés: AMEN, AMEN.

La pioche et la truelle N° 34 (1891?)


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