Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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MOURIR PAUVRE ET MOURIR RICHE


«Ça été un bien triste enterrement que celui de D.; le plus triste auquel j’aie assisté depuis longtemps,» dit quelqu’un dans un salon où je me trouvais.

«Comment est-il mort?» demanda-t-on.

«Pauvre, aussi pauvre que possible. Son existence n'a été qu’une longue lutte dans laquelle il a toujours eu le dessous. La fortune s’est moquée de lui et l'a constamment trompé par de fausses promesses qui ne se sont jamais accomplies.»

«Cependant il a toujours été soumis et courageux», remarqua quelqu'un de la compagnie.

«Patient comme un chrétien, courageux comme un martyr, répondit-on. Pauvre homme, il était digne d'un meilleur sort. Il aurait dû réussir, car il le méritait.»

«N’a-t-il donc pas réussi?» demanda celui qui avait déjà parlé de son courage et de sa soumission.

«Non, Monsieur, il est mort pauvre comme je vous l'ai dit. Aucune des choses auxquelles il a mis la main n'a jamais réussi: une étrange fatalité semblait s'attacher à tout ce qu’il entreprenait.»

«Je l’ai vu dans ses derniers moments, reprit l’autre interlocuteur, et IL M’A SEMBLÉ QU’IL MOURAIT RICHE.»

«Non, il n’a rien laissé du tout.»

«Il a laissé un nom honorable, dit quelqu'un, et c’est beaucoup.»

«Et un héritage de nobles actions,» dit un autre.

«Et de précieux exemples,» ajouta un troisième.

«Des leçons de patience dans les peines, d’espérance dans l’adversité, de confiance céleste, alors qu’aucun rayon de lumière n’éclairait ses pas.»

«Eh bien! IL EST MORT RICHE, déclara énergiquement celui qui avait d’abord mis en question sa pauvreté, PLUS RICHE QUE CE MILLIONNAIRE DÉCÉDÉ LE MÊME JOUR QUE LUI, et qui ne possédait que son or.

De tristes funérailles avez-vous dit? Non, mon ami, ç’a plutôt été une procession triomphale. Ce n’a pas été l'enterrement d’un peu d’argile à forme humaine, mais la cérémonie qui accompagne la translation d'un ange.

Il n'a pas réussi! Mais sa vie entière n'a été qu'une suite de succès.

Il est sorti victorieux de chaque lutte, et MAINTENANT IL PORTE LA COURONNE DES VAINQUEURS. Non, non, il n’est pas mort pauvre, mais riche;

RICHE en foi,

RICHE en charité,

RICHE en affections célestes!»

«Vous avez une façon nouvelle d'apprécier la fortune d’un homme,» répliqua celui qui le premier avait exprimé sa compassion pour le défunt.

«N’est-cc pas la véritable? Il meurt riche celui qui ne peut emporter ses trésors dans le pays qu’il habitera pour l’éternité, tandis que l’homme forcé d'abandonner toutes les choses où il avait placé ses affections, meurt bien pauvre, en vérité. Notre ami est mort plus riche que G... ou A..., car il s’est élevé un monument de bonnes actions et de saints exemples qui ne périra jamais.»


La pioche et la truelle N° 35 (1891?)


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