Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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UN COUP DE DÉS.


Depuis deux siècles, on conserve à Berlin deux dés, qu'on appelle «Les dés de mort».

Au temps du Grand Électeur, toute la ville fut, un jour, mise en émoi par un meurtre commis sur une jeune fille, l’unique enfant de l’armurier Walther, homme distingué et respecté de tout le monde. Deux soldats, Alfred et Raoul, connus pour avoir aspiré à la main de la jeune fille, furent aussitôt soupçonnés et arrêtés.

L’un d’eux, en effet, dans un accès de jalousie, avait commis le meurtre.

Mis à la torture, on ne put leur arracher aucun aveu. Des témoins déclarèrent les avoir vus, le jour même du crime, avec la victime. Mais aucune charge sérieuse ne pouvait être relevée contre eux.


Le Grand Électeur en appela au Jugement de Dieu, et décida d’interroger le sort.

Les deux accusés devaient jouer leur vie sur un coup de dés: celui qui amènerait le moins de points serait considéré comme le coupable.

Au jour fixé, l’Électeur lui-même parut dans la salle d'audience, environnée de toute sa cour et des hauts magistrats.

Raoul (c'était lui le meurtrier) prit, en souriant, les dés; il les jeta et amena deux fois six points. Impossible d'en amener davantage. Il était donc hors de cause, quoique coupable.

Tous les assistants se regardèrent stupéfaits et émus, parce que l’opinion générale se prononçait justement contre Raoul, connu pour son caractère emporté, tandis que la douceur de son rival lui avait concilié l'affection de tout le monde.


Malheureusement, après un pareil coup de dés, tout espoir était perdu.

Alfred s'agenouilla, regarda le ciel avec confiance et pria. Il se fit, pendant ce temps, un silence solennel.

Tout à coup, le jeune homme se leva, comme par une résolution pleine de confiance:

«Viens-moi en aide, ô Dieu tout-puissant, cria-t-il. Toi qui sais que je suis innocent!»


D’une main ferme il jeta les dés. Ils tombaient avec une telle force que l’un d'eux éclata en deux fragments, une face du dé brisé présentait le nombre six, et l’autre, le chiffre un; le dé resté intact marquait six points. Le total était treize.

Raoul, foudroyé, était tombé à la renverse. On le ranima à grand-peine, et il confessa alors qu'effectivement c’était lui le coupable. Dieu lui-même était intervenu en faveur de l'innocent.

Pour perpétuer le souvenir de ce fait, et pour rendre témoignage que la grâce de Dieu et son puissant secours sont.toujours près, quand on s'abandonne à Lui avec confiance, on a conservé jusqu'aujourd’hui ce jeu de dés, dans le salon des beaux-arts, au château royal de Berlin.

La pioche et la truelle N° 37 (1891?)


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