Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE TESTAMENT DE L’IVROGNE

(Qui pourrait être aussi celui de nos drogués d'aujourd'hui!)


Me trouvant en présence de la mort, le corps affaibli et la santé minée par mes débauches, l'intelligence affaiblie et abrutie par mes excès, et l'âme inévitablement condamnée à la mort éternelle, puisque Dieu a dit «qu'AUCUN ivrogne n'héritera le royaume des cieux» (1 Corinth. VI, 9-10):

1°Je laisse comme legs à la société l’exemple d’un homme qui a tout fait pour satisfaire ses appétits déréglés, une influence aussi malfaisante qu’un homme puisse laisser après lui, un niveau moral rabaissé partout où j’ai passé;

2° Je laisse comme héritage à mes vieux parents des cheveux blanchis par la douleur et le déshonneur, le cœur déchiré à la pensée de tant de douces espérances déçues, et comme seul soulagement possible, la mort qu’ils doivent attendre avec impatience, afin de se dérober au reproche d'avoir infligé à la société un pareil être;

3° A mes frères et sœurs, je lègue tous mes souvenirs d’enfance, rendus poignants par la pensée que celui qu’ils avaient tant aimé s’est perdu corps et âme; et, en plus, tous les torts de la honte que j’ai pu leur infliger;

4° Je laisse à ma femme un cœur brisé, la mémoire de mon abrutissement, les marques de mes mauvais traitements, une vie de misère et de honte, et le sentiment le plus pénible pour une femme, celui de ne pas pouvoir sincèrement regretter la mort prématurée de son mari:

5° En dernier lieu, je laisse en héritage à chacun de mes enfants, un nom déshonoré, un avenir lésé, sinon brisé, ignorance, pauvreté et misère, la mémoire des débauches et de la honte de leur père, une santé affaiblie par le besoin, le sang vicié produisant une prédisposition à l’ivrognerie, à la folie, à la paresse et au vice, et le souvenir d’un exemple tout calculé à les entraîner dans le sentier du vice et même du crime.

Lecteurs, prenez garde! Ce chemin est une pente glissante, et il n’y a que le premier pas qui coûte.

A. Legros.

La pioche et la truelle N° 38 (1891?)


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