Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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CONVERSION D'UN PRÊTRE


Un de nos collaborateurs parlait, il y a quelque temps, d’un mouvement qui se dessinerait, dans certaines régions de la France, parmi les prêtres de l’Église romaine, et qui les pousserait à sortir de cette Église dont ils ont cessé de partager toutes les vues et d’accepter tous les dogmes.

Le Messager Charentais nous apporte aujourd’hui des nouvelles qui viennent à l’appui des renseignements de notre collaborateur.

«C’est la série qui commence», nous écrit-on. Après M. Nézereau, curé de Saint-Loup, près de Tonnay-Boutonne, c'est M. Bonhomme, curé de Saint-Palais-de-Phiolin, près de Bons (Charente-Inférieure). Deux prêtres se convertissant au protestantisme en l’espace d’un mois, ce n’est pas chose commune dans notre région, et on nous annonce que ce n'est pourtant là qu’un commencement.


Donc, dimanche dernier, M. le curé Bonhomme a envoyé sa démission à l'évêque de La Rochelle et c’est ce même jour «qu’il a annoncé à ses fidèles — nous transcrivons sa lettre — le pur évangile de Jésus-Christ.»

«J’ai passé la mer Rouge, nous écrit-il. Une foule immense s’est rendue dimanche dernier à l’église et je n’ai découvert partout que de nombreuses sympathies. Toutes les mains se sont tendues vers moi.

«J’ai été obligé de donner trois prédications; la dernière, celle du soir, a marqué mon pas décisif. Une heure durant, j’ai tenu la foule sous l’audition du pur évangile de Christ, expliquant le plus clairement possible toutes les phases de mon évolution religieuse.

«Je sors de la cure demain, j’ai quitté la soutane librement, lundi dernier, 22 juillet, et ce même jour j'ai adressé à l’évêque la lettre que vous trouverez ci-incluse.

«J’ai loué une petite maison à Saint-Palais, et j’attends celte après-midi M. le pasteur Robert de Pens, avec lequel je dois faire des visites de malades.

Nous devons avoir, en outre, sous peu, des conférences ici, à Champagnolles, à Saint-Dizant, à Saint-Germain, etc., etc.

«Hier mercredi, les ultramontains sont venus à Saint-Palais faire une manifestation ridicule et qui prouve jusqu’à quel point ils ont horreur de la vérité. Sous prétexte que j’ai prêché depuis quelque temps, le pur évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, ils ont cru devoir purifier???... l’église.

Les malheureux... Il y avait là dix curés envoyés par l’évêque, quelques dévotes et quelques petits messieurs cléricaux-royalistes. La population de Saint-Palais s’est montrée digne du nouveau privilège qui vient de lui être accordé: elle est restée calme et impassible devant toutes ces simagrées cléricales.»


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Voici maintenant, d’après la reproduction que le Messager Charentais en fait, le texte de la lettre que M. Bonhomme a adressée à l’évêque de La Rochelle en prenant congé de lui, pour se rattacher — comme dit la Croix de Saintonge, qui crie au scandale! – à la religion de Luther et de Calvin:


22 juillet 1885.

Monsieur l’Évêque,

«Ç’a été chez moi un travail lent et raisonné, une marche progressive et sûre vers le pur évangile de Christ.

«La grâce de Dieu qui incline les volontés sans les violenter jamais, m'a donné, avec une sublime attirance, l'amour de l'éternelle vérité.

«— Cette vérité, on ne la trouve pas ailleurs que dans l'Évangile... J’ai cherché partout, j’ai parcouru la tradition et les encycliques des papes, et toujours ma conscience et ma raison m’ont répondu:

C’est un langage humain contaminé d'erreur. Décidément la Vérité n'est qu'en Dieu et avec l'Évangile que nous transmet son Verbe.

«C’est vous dire, M. l'Évêque, que les erreurs, les vaines pratiques, les superstitions des papes italiens du moyen-âge et des rois sont pour moi des signes certains de duplicité.

«Tout homme dont la conscience est nette, dont le cœur est droit et attaché à l’évangile, possède autant de vérités que les docteurs du papisme.

«Le moyen-âge est mort, les rois sont ensevelis à jamais sous l’herbe haute, mais les aberrations du passé demeurent, hélas! ces coutumes insensées, contradictoires avec la simplicité primitive du culte de la foi.

«Mes convictions évangéliques m'ont attiré la haine des prêtres ultramontains, tristes égarés dans la nuit profonde de la routine romaine, malheureux perdus dans la stagnation de l'obscurantisme. Votre Conseil s’est permis de me juger, alors que je n’avais fait que du bien en prêchant le pur évangile... Un m'a fixé une date pour mon départ de Saint-Palais.

«Vous avez résisté, M. l’Évêque, au désir des autorités qui demandaient mon maintien à Saint-Palais... Vous n'avez tenu aucun compte de la voix du peuple, laquelle sollicitait par une pétition couverte de signatures la continuation de mes pouvoirs dans ma paroisse.

«Eh bien, moi, pour obéir à Dieu, à ma conscience, et à l’Évangile, je renonce volontairement à mes pouvoirs et je me sépare de vous... Dimanche prochain, 28, je suivrai un autre culte.

À partir d'aujourd’hui, 22 juillet, je brise donc mes chaînes et m’affranchis du pape italien comme de vos conventicules quelconques.

«Seulement, et c'est là où se briseront vos plus grands espoirs — je reste à Saint-Palais au milieu de mon cher troupeau. — J’ai à faire des conférences dans toute cette contrée.

«Hier, j’ai annoncé dans un discours mon évolution motivée.

«J'ai l'honneur, M. l’Évêque, etc.

«Frédéric Bonhomme.»

(Le Signal.)

La pioche et la truelle N° 38 (1891?)


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