Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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L’ÉPREUVE NÉCESSAIRE.


Il y a quelques années, un navire américain était à l'ancre dans la baie de Naples. Il était sous les ordres de l'amiral de la flotte qui sillonnait les eaux de la Méditerranée. L’amiral avait auprès de lui, à bord, son fils unique, petit gaillard de huit à neuf ans, éveillé, intelligent et le favori de l’équipage.

L’enfant avait la passion de grimper le long des mâts, et il s’aventurait parfois à une hauteur où sa vie n'était plus en sûreté.

Un jour, pendant que son père était occupé dans sa cabine, lui, jouait seul sur le pont; nul ne semblait faire attention à lui. Il conçut le projet de monter jusqu'aux agrès du grand mât, et de voir quelle hauteur il pourrait bien atteindre.

Aussitôt fait que pensé: le voilà, jouant des pieds et des mains et essayant de se hisser le plus rapidement possible.

Il fut bientôt arrivé à cette partie du mât que l'on appelle le perroquet. De là, il grimpa jusqu'à la grande vergue, connue sous le nom de vergue royale, la plus haute pièce transversale du grand mât.

Il s’y assit et s’y reposa un moment, puis, il reprit son ascension et arriva à cette pièce circulaire qui termine le sommet du mât lui-même. Comment s'y prit-il pour arriver là? on ne peut le comprendre.

Quoi qu'il en soit, une fois qu’il y fût, il se tint quelques secondes debout, et parut enchanté du magnifique spectacle qui se déroulait devant lui. Mais dès qu'il songea à descendre, il se troubla.


Au même instant des matelots l’aperçurent et furent saisis d’une grande frayeur à la vue du danger qui menaçait leur petit ami. Ils couraient çà et là, en désordre sur le pont, ne sachant trop à quel parti s'arrêter. Si l'enfant se laissait glisser, il ne pouvait manquer de tomber. S'ils tentaient d'aller vers lui, leur poids secouerait incontestablement le mât, et amènerait non moins sûrement la chute et la mort de l'enfant...

Ils en étaient là, quand l'amiral parut sur le pont. Au premier coup d'œil il vit le péril, et comprit qu'il n'y avait qu’une chose à faire pour sauver le petit imprudent.

D’un trait, il se précipite dans sa cabine, d'une main il saisit un fusil chargé, de l'autre un porte-voix, et il remonte en toute hâte.

L’enfant était tout tremblant et commençait à perdre sa présence d’esprit, chacun retenait sa respiration dans l'attente de ce qui allait arriver.

Aussitôt l'amiral, se plaçant sur la passerelle du pont et levant son porte-voix, s'écrie aussi fort et aussi distinctement que possible: «Saute dans l’eau, ou je te tue!»

Le jeune garçon s'abaisse aussitôt pour prendre son élan, il fait un bond, franchit l'espace avec la rapidité de la flèche et va plonger dans les flots transparents de la baie... Aussi prompts que l’éclair, plusieurs matelots se précipitent dans la mer, et au bout de cinq minutes, l’heureux père avait la joie de presser sur sa poitrine son enfant sauvé d’une mort qui paraissait certaine, et sur ses joues si souvent mouillées par la brume et par la pluie, coulaient les larmes de l’émotion et du bonheur.


C'était sans doute une menace bien cruelle que celle qui fut proférée en cette occasion par ce père contre son fils. Mais en réalité c'était le plus grand service qu’il pût lui rendre, sans cela l’enfant eût infailliblement péri.


C’EST AINSI QUE DIEU ENVOIE FRÉQUEMMENT DES ÉPREUVES À SES ENFANTS,

pour les éloigner de ce qui leur serait manifestement nuisible

et les préserver d’un danger imminent.


La pioche et la truelle N° 38 (1891?)


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