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DEUX PEUPLES RETROUVES

Nous donnons ici, à propos de ce chapitre des Nations, une notice sur les Amorrites et les Hittites.

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A). - Les Amorrites

La Bible, et en particulier le livre des Juges, parle à plusieurs reprises des Amorrhéens ou Amorrites. De récentes découvertes et de récentes études ont permis de reconstruire en une mesure l'histoire de ce puissant empire, l'un des plus anciens, plus ancien encore que celui des Hittites. Il faut signaler, sur ce sujet, le livre remarquable de M. Albert T. Clay : « The Empire of the Amorites (5). »

Les Amorrites semblent avoir été le 'premier peuple vraiment constitué et dominateur en Canaan. Leur autorité s'exerça aussi longtemps sur la Babylonie. On considère généralement que la première dynastie des rois de Babylone fut Amorrite ; comme aussi la première dynastie des rois d'Assyrie. Ce fait est d'une grande importance, car il établit que les vrais fondateurs des royaumes d'Assyrie et de Chaldée sont des Sémites, c'est-à-dire des hommes de même race que les Hébreux. Toute la thèse que l'on a appelée « Pan-Babylonienne » et qui présentait la religion et l'histoire d'Israël comme entièrement dominées par les Babyloniens proprement dits, s'écroule devant cette révélation capitale.

Le berceau des Amorrites fut sans doute le nord de la Palestine, mais ils s'étendirent en diverses directions et constituèrent un vaste empire dont les limites étaient, au nord et à l'est, les montagnes du Taurus, le Tigre, le golfe Persique et l'océan Indien ; au sud et à l'ouest la mer Rouge, l'isthme de Suez et la mer Méditerranée. Il est facile de se représenter l'extraordinaire influence de ce peuple sémite sur toutes les nations qui étaient dispersées sur cet immense territoire qui fut, au cours des siècles, un lieu de passage et un champ de bataille pour des multitudes. Cette région était remarquable par sa prospérité, ses richesses naturelles ; remarquable aussi par la variété de ses cultures, par son climat, par ses montagnes et par ses plaines. L'état actuel de ce que l'on appelle maintenant le « Proche Orient » ne peut donner une idée de sa splendeur passée. Il est certain que la fertilité était telle, autrefois, que la population était très dense. De très nombreuses ruines, sur toute cette étendue, témoignent d'une civilisation très antique.

L'histoire des Amorrites est encore assez confuse. Il semble bien qu'ils aient longtemps régné en Mésopotamie, mais que leur puissance ait commencé à être ébranlée par l'invasion élamite qui permit au roi élamite, Kedorlaomer, de pénétrer jusqu'au sud de la Palestine (Genèse XIV, 1). Ils furent aussi longtemps les maîtres de la Syrie, avec Damas. Mais, en Syrie et en Palestine, leurs principaux ennemis furent les Hittites, qui finirent par usurper leur pouvoir. Quand les Israélites entrèrent en Canaan, ils ne trouvèrent que des Amorrites en pleine décadence, maîtres d'un territoire extrêmement réduit. La période de la gloire fut, pour les Amorrites, de 2500 à 2000 avant Jésus-Christ.

On a trouvé des traces de leur domination en Cappadoce, comme aussi en Egypte. Plusieurs mythes de la religion égyptienne sont d'origine amorrite, comme nous l'avons vu pour la religion mésopotamienne. Le culte d'Osiris et du serpent Apop sont sans doute d'origine sémite. Les rapports entre les rois amorrites et les rois égyptiens remontent à une très haute antiquité, jusqu'à la IIIe Dynastie. Nous apprenons par les inscriptions égyptiennes que le commerce était intense, dès l'an 3000 avant Jésus-Christ, entre la Palestine et l'Egypte. Le roi égyptien Snefru raconte qu'il a reçu 40 bateaux chargés de bois de cèdre du Liban (vers 2900). Le roi Sahure (2743-2731) nous apprend qu'il envoya une flotte contre la côte phénicienne. Un bas-relief montre quatre de ses bateaux chargés de prisonniers sémites, pris aux villes côtières de Phénicie. Pepi 1er (2590-2570) envahit le premier la Palestine et s'attaque à la puissance amorrite. Un autre Egyptien, Sinuhe, obligé de quitter la cour des Pharaons et réfugié dans le pays des Amorrites, raconte comment il a prospéré dans ce pays magnifique, en particulier dans la ville de Retenu, qui semble avoir été longtemps la capitale des Amorrites. Il dit de ce pays : « Le vin y est plus abondant que l'eau ; l'huile y coule à flot. Les arbres y sont chargés de fruits ; l'orge surabonde et les troupeaux sont innombrables. »

Il est intéressant de réunir ici les diverses données de la Bible relativement aux Amorrites. On verra qu'elles indiquent une puissance qui décroît à mesure que l'on avance et que les Amorrites, dont parlent le livre de Josué et celui des Juges, sont moins influents que ceux de la Genèse, des Nombres ou du Deutéronome. D'après la Genèse (ch. XLVII, 22), Sichem leur appartenait encore au temps des patriarches. Du temps de Moïse, ils dominent encore sur le côté est du Jourdain et sur la mer Morte (Nombres, XXI, 13, 21, 26, 32). D'après le Deutéronome (III, 8 ; IV, 47-49), ils possédaient encore Basan, Gilead, Moab, Edom, jusqu'au golfe de Akabah. Josué les rencontre et les bat (Josué, XXIV, 8-11, 15, 18). Il est encore question des Amorrites dans le chapitre I du livre des Juges. Là, nous apprenons que « le territoire des Amorrites s'étendait depuis la montée d'Akrabbim, depuis Séla et en dessus » (1, 36). Ces limites indiquent un territoire encore assez étendu puisqu'il a pour limite méridionale, au midi de la mer Morte, la montée d'Akrabbim (Nombres, XXXIV, 4) et, à l'ouest, la ville de Séla ou Pétra, capitale des Edomites (Abdias, v, 3).