Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICE

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PAUL APOTRE 

Etudes sur la seconde épître aux Corinthiens


APPENDICE

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I

Page 10. - Le texte des versets 6 et 7 se présente sous deux formes différentes. J'ai adopté, pour la traduction celle qui me paraît la plus probable, et qu'appuie en particulier la savante édition Westcott-Hort. Une autre disposition des mots, donnée dans le manuscrit du Vatican, amènerait la traduction :

« Mais, soit que nous soyons mis dans l'angoisse, c'est en vue de votre consolation qui agit puissamment en patience des mêmes souffrances que nous souffrons aussi nous-mêmes; et notre espérance est solide à votre sujet. Soit que nous soyons consolés, c'est en vue de votre consolation et de votre salut. »

On voit que le sens n'est pas modifié dans son essence par l'une ou par l'autre de ces versions.

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II

Page 20. - je traduis ici, d'après le texte des manuscrits du Sinaï, du Vatican, d'Alexandrie.... Le texte reçu lit : « En Lui est le oui, et en Lui le Amen. » Cela ne donne pas un sens fondamentalement différent; mais cela tend plutôt à affaiblir la pensée de l'apôtre. Suivant lui, le salut qui vient de Dieu et qui conduit à Dieu n'est pleinement assuré au croyant qu'en Jésus-Christ et par lui. En Christ donc se trouve le oui, parfait, inébranlable; et par Christ se produit l'amen, c'est-à-dire la confirmation authentique, indéniable, du fait accompli. Ces pensées se retrouvent V, 11-21.

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III

Page 33. - A quoi se rapporte ce : « je vous ai écrit? » on répond : à la première des deux Epîtres aux Corinthiens. C'est assurément ce qui paraît le plus naturel. Mais, disent plusieurs exégètes, cela ne se peut pas, à cause du verset où l'apôtre déclare avoir écrit au milieu d'une extrême affliction. Or, la première aux Corinthiens ne fut pas écrite en pareille condition. Vraiment? Les divisions religieuses, les procès, les désordres moraux qui s'étaient glissés dans l'Eglise de Corinthe ne suffisaient pas pour faire couler ses larmes? Ce n'est pas du sein d'une grande angoisse qu'il écrivait : « Paul a-t-il été crucifié pour VOUS » ? (1re Epître 1, 13.) Il nous semble au contraire que les premiers chapitres de la première Epître correspondent exactement à la situation décrite aux versets 3 et 4 de notre chapitre. Quant à découvrir ici la trace d'une épître intermédiaire, portée par Tite, perdue pour nous, encore une fois c'est une hypothèse, dont je crois aussi impossible d'établir la certitude que la fausseté.

« Paul avait certes sa fierté, écrit J. Denney. Il pouvait aussi bien qu'un autre s'enflammer, et permettre à ses sentiments de faire explosion, avec des effets plus grands encore que ce n'est le cas chez une foule de gens. Mais ce n'est point là qu'il cherche sa meilleure force. Il la trouve dans la tendresse passionnée qui a dompté ce caractère véhément, et qui amène cet esprit, jadis hautain, à écrire : « C'est du sein d'une grande angoisse, et du fond d'un coeur accablé, et à travers beaucoup de larmes, que je vous ai adressé ma lettre. » (Exposifor's Bible, 2 Cor. P. 70).

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IV

Page 54. - La Vulgate traduit ici « triumphat nos, » et l'expression latine triumphare aliquem signifie triompher de quelqu'un. Peut-être l'apôtre pensait-il déjà à cette gloire du triomphe remporté par Dieu sur lui, quand il écrivait 1 ère Cor. IV, 9 : « Nous sommes devenus théâtre au monde, aux anges et aux hommes. » C'est-à-dire : « Le monde, les anges et les hommes nous contemplent, comme des individus exposés sur un théâtre. » La présence du mot toujours: « Dieu toujours triomphe de nous », empêche d'appliquer cette parole à un fait isolé de la vie de Paul, comme par exemple sa conversion.

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V

Page 66. - Il est intéressant de noter que Paul écrit de cette lettre qu'elle est « connue et lue. » Nous aurions dit l'inverse: « lue et connue; » une lettre ne pouvant être connue que si elle a été lue. C'est que la lettre en question, d'une nature tout exceptionnelle, commence par être sentie, comprise au moins en partie, bien avant de pouvoir être déchiffrée. Les effets en sont observés, le sens profond en est saisi, bien avant que les termes en aient été lus. Lettre extraordinaire, elle exerce sur ceux qui la voient une attraction puissante ; ils y appliquent leur attention, et peu à peu ils la lisent.

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VI

Page 76. En ce point particulier » littéralement: Dans cette partie-là, c'est-à-dire: dans cette portion de ma démonstration, dans cette comparaison que je suis en train d'établir entre le ministère de Moïse et celui du Christ, et en ce qui regarde la gloire prépondérante du second. La gloire ne peut en aucune façon être refusée à la « diaconie de la lettre » (traduct. littér.); mais cette gloire disparaît, s'efface, comme celle du visage de Moïse, dès qu'elle est mise en présence de la « diaconie de la justice. » On sait que le terme grec « diaconie » signifie : service, ministère. Il faut rappeler que Paul ne s'occupe pas ici, comme dans les épîtres aux Galates et aux Romains d'établir le rôle de la loi dans l'oeuvre du salut. Il veut seulement, tout en reconnaissant la gloire de cette première économie, prouver la valeur plus glorieuse encore du ministère apostolique, économie nouvelle que les judaïsants s'efforcent partout de rabaisser. Sans l'endurcissement de ses pensées, Israël aurait arrêté ses regards sur ce contraste, et il aurait compris déjà le rapport entre les deux alliances.

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VII

Page 90. - On a parfois cherché dans ce verset dix-huitième une allusion à la Transfiguration, ou encore une prophétie relative à la transformation de notre corps charnel en un corps glorieux et spirituel. Ces pensées, toutefois, ne me paraissent pas contenues dans le texte. Les circonstances, les points de vues tout diffère. L'apôtre ne me semble pas aborder ici des considérations eschatologiques, Il ne va pas, pour le moment, au delà de la mort. Il reste dans le présent, mais dans un présent qui ne cesse pas de se développer, de grandir et de s'ennoblir. Plus la communion du fidèle avec le Sauveur devient intime, plus le croyant en vient à porter jusque sur son visage l'image et comme l'empreinte de ce Sauveur. Les anciens déjà nous parlaient d'hommes pieux qu'ils nommaient endieu (enthei), parce que, rien qu'à les voir, on devinait en eux une vie en quelque sorte associée à celle de la divinité.

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VIII

Page 92. - La même affirmation se rencontrait déjà II, 17, mais avec un langage un peu différent. Paul niait d'abord qu'il falsifiât la Parole de Dieu, en se servant d'une expression qui pouvait désigner un commerce douteux* fait avec une marchandise restée au titre. Le verbe qu'il emploie maintenant - doloô - marque l'intention et le fait de corrompre, de gâter une marchandise, au moyen de quelque manoeuvre coupable.

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IX

Page 92. - « Passage capital, remarque Calvin. Nous apprenons par là que Dieu ne peut pas être compris dans son insondable hauteur, car il habite une lumière inaccessible; mais il peut être connu pour autant qu'il se révèle en Christ. »

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X

Page 112. - Le participe que nous traduisons par abandonnés » peut aussi se rendre par « dépassés. »

L'image serait alors empruntée, comme peut-être la suivante, aux jeux et combats du cirque. Dans la lice un coureur est rejoint puis dépassé par un autre qui le laisse bientôt derrière lui. Le premier coureur perd, en ce cas, toute espérance de gagner le prix. Paul affirmerait qu'il ne se trouvera jamais en pareille position: on peut le poursuivre, courir après lui; l'atteindre même; mais le dépasser de manière à lui enlever le prix, jamais! - La traduction que j'ai adoptée me parait mieux dans l'ordre d'idées du contexte, l'apôtre tenant à nous présenter le contraste entre les circonstances de sa vie les mieux faites pour l'accabler, et les délivrances qui lui ont permis, chaque fois, de reprendre son oeuvre. Persécuté par les hommes; jamais abandonné de Dieu.

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XI

Page 132. - Tout ce fragment présente à l'exégèse et à la dogmatique, avec des questions d'un haut intérêt, de réelles difficultés.

Les expressions employées par Paul ont ici une couleur poétique bien marquée, ressortant en particulier de l'accumulation des contrastes; à l'instant même.... éternel; léger.... poids; angoisse.... gloire. L'apôtre, en outre, oppose soigneusement regard à regard. Celui du corps est bien obligé de s'en tenir aux choses visibles. Mais il y a le regard de la foi, et celui-là triomphe des obstacles, franchit toutes les distances et va se poser sur ce que l'oeil ne peut pas voir. Le croyant arrête son regard sur ce qui ne se voit pas, car, ou précisément parce que la destruction de sa demeure terrestre n'est point le dernier mot de son histoire.

Les pensées abordées maintenant rappellent en partie celles de Rom. VIII, 18-23; le point de vue est pourtant différent. Préoccupé maintenant des épreuves de son apostolat, Paul s'en fait des titres de gloire, de même que la fragilité irrémédiable de notre habitation terrestre a pour dernier résultat de nous en préparer une céleste, infiniment glorieuse. Mais nos sens et même notre imagination ne peuvent pas se représenter d'une façon exacte une pareille transformation ; de là certaines obscurités que nous rencontrons dans les expressions si élevées de notre texte. Remarquons bien seulement que Paul ne se tient pas dans la région timide des hypothèses. Il affirme. Il y aura certainement échange de notre tente actuelle contre un édifice éternel. Quand? Comment? Déjà lors de notre mort? A l'époque de la Parousie? Questions réservées pour le moment; Paul ne les traite pas ici. Ce qui nous importe, c'est de retenir ce verbe au présent, de IV, I, non pas: nous aurons, mais « nous avons, » dès l'époque actuelle.

Or, nous désirons y entrer dans cet édifice qui nous appartient; nous soupirons tandis que nous en sommes éloignés. D'autant plus que la mort, nous dépouillant de tout organe de communication avec l'extérieur, nous laisserait absolument nus, si cette « couverture » ne nous était promise. Alors, nous arrivons au contraire à la pleine possession de notre personnalité, désormais immortelle ; nous ne serons pas réduits à l'état misérable d'un moi dépourvu de tout vêtement. Impossible que Paul ait pris ailleurs que dans sa communion avec Jésus-Christ ces pensées dont l'Ancien Testament donnait à peine quelque ombre, et que la philosophie grecque entourait de doutes nombreux.

Au verset 4e Paul semblait aspirer au dépouillement immédiat de l'homme terrestre, afin d'être plus vite revêtu de l'homme qui ne peut plus être détruit. Mais dans les versets 7e et 8e, il reconnaît qu'avant la réalisation complète de cette transformation, il faut marcher encore, marcher longtemps peut-être. Et ce qui rend possible cette marche, ce qui permet de la poursuivre avec courage, ce n'est pas l'apparence, certes, toujours plus ou moins trompeuse, c'est la foi seulement, car elle est déjà presque une prise de possession.

Que si, enfin, la pensée finale relative au jugement « selon ce que chacun aura fait, » paraissait favoriser en quoi que ce fût la doctrine du salut par les oeuvres, répondons avec Calvin . « Dieu en rémunérant les oeuvres, n'a pas égard au mérite ni à la dignité. Après nous avoir reçus en grâce, il enveloppe nos oeuvres d'un jugement absolument gratuit. »

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XII

Page 136. - Suivant l'apôtre, un état extatique, c'est-à-dire un état que, le plus souvent, celui-là seul peut percevoir qui le traverse personnellement, ne saurait être un sujet de gloire devant les hommes; il ne peut l'être que devant Dieu. Les hommes y verraient plutôt les caractères de la folie ou, tout au moins, de la faiblesse d'esprit. Cet état donc n'a de valeur que « à Dieu, » comme dit notre texte, donc : pour Dieu et devant Lui. Quel sera donc le sujet de gloire de Paul, celui. que les hommes, et, particulièrement les Corinthiens, pourront considérer, et comprendre en partie ? C'est celui qui résulte de la fidélité de son ministère, de sa prédication de l'Evangile, travaux accomplis par lui dans la pleine possession de ses facultés, donc en parfait bon sens, dans cet état que les Grecs désignent par le terme de sôphrosunê. De là ces mots: « Si nous sommes de sens rassis, c'est pour vous; » c'est directement à votre intention; vous avez pu voir, et vous avez vu. La dignité apostolique ne repose pas sur des extases que nul témoin ne peut contrôler; mais sur des preuves accessibles à toutes les intelligences, et capables de retenir toute attention non prévenue. L'Eglise même de Corinthe constitue une de ces preuves.

Que si, plus loin, parlant de la mort du Christ, Paul en expose les effets avec moins de développement que dans l'épître aux Romains, c'est que les Corinthiens les avaient maintes fois entendus pendant le long séjour de l'apôtre chez eux, tandis qu'il n'avait jamais encore visité les Romains quand il leur écrit sa lettre.

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XIII

Page 137. - En fait, il parait peu probable que Paul ait vu jésus dans Jérusalem, l'année de la crucifixion; il aurait narré cette rencontre autrement que par cette phrase unique, très brève et un peu obscure. - Veut-il dire que, pendant un certain temps, il n'a connu le Christ que d'une façon tout humaine, dans le domaine des sens et non dans celui de l'Esprit ? je ne le pense pas; il eût exprimé autrement cette particularité dont, au reste, nous ne trouvons la trace nulle part (comp. par ex. Gal. I, 16). A donner aux mots employés leur sens strictement grammatical, nous concluons que Paul énonce ici, quant à sa connaissance du Christ selon la chair, non pas ce qui à été, mais ce qui aurait pu être ; non une affirmation, mais une hypothèse, en sorte que nous traduirons : « A supposer même que nous ayons connu le Christ selon la chair. » Même si cette supposition était vraie, je déclare que je ne le connais plus de la sorte. Ce sont mes adversaires qui en restent encore actuellement à cette connaissance rudimentaire.

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XIV

Page 146. - Cette citation, introduite par un simple « il dit », sans sujet exprimé, est reproduite d'Esaïe XLIX, 8 d'après le texte des Septante. D'après le contexte, l'Eternel promet à son serviteur qu'il viendra au secours d'Israël abattu et captif. Paul applique cette promesse à celle des dons et des secours de Dieu en faveur de l'Eglise chrétienne. Et nous pouvons encore interpréter comme Calvin: « Paul transfère l'oracle au temps où Christ est révélé par la continuelle prédication de l'Evangile. » Le temps de la faveur est bien venu; Dieu exauce son peuple en faisant retentir partout la parole de la réconciliation.

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XV

Page 162. - Heinrici, par exemple, est de ceux qui proposent de passer directement de VI, 13 à VII, 2, faisant de VI, 14 à VII, I un fragment mal placé ou peut-être tout-à-fait inauthentique. Une des raisons mises en avant pour supprimer ce passage, c'est qu'on y trouve une contradiction avec la première Epître V, 9 et suivants, où Paul tolérait encore pour les Corinthiens certains rapports avec les compatriotes idolâtres. Mais les deux cas sont très différents. Dans la première Epître, il autorise des relations personnelles avec des païens ; dans notre passage, il interdit toute participation à des actes païens.; ce n'est point la même chose, Il permettait aux « forts » l'usage de viandes sacrifiées aux idoles; maintenant il n'est plus question ni de ces viandes ni des « forts », mais de l'ensemble de l'Eglise, à qui toute pratique idolâtre est rigoureusement interdite. Y a-t-il vraiment contradiction ? Meyer n'a-t-il pas raison d'affirmer que la négligence de la règle ici tracée conduit presque infailliblement à recevoir la grâce de Dieu en vain. En réponse aux critiques qui voient ici une interpolation, ou bien un fragment d'une épître perdue, je crois pouvoir répondre avec F. Godet (Introd. au Nouv. Test. 1, 382): « Ces suppositions proviennent simplement de l'inintelligence du contexte dont nous croyons avoir montré la parfaite continuité. »

Fait important : tous les anciens manuscrits ont gardé ce morceau à cette même place, bien qu'avec un grand nombre de variantes. Les citations accumulées qui se suivent ne marquent rien qui soit en dehors des habitudes de Paul. Comp. p. ex.: Rom. III, 9-18 ; XV, 9-12.

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XVI

Page 172. - Le texte des versets 8 et 9 n'est pas absolument sûr. Suivant un autre arrangement des mots on traduira: « Par ce que, si je vous ai affligés dans la lettre, je ne m'en repens pas. Et même si je m'en suis repenti, voyant que cette lettre, quoique en passant, vous avait attristés, maintenant je me réjouis, non pas de ce que vous avez été attristés.... etc. »

« Il y a, dit J. Denney, une tristesse qui conduit l'esprit de l'homme tantôt à la défiance, tantôt au désespoir, mais jamais à Dieu. Cette tristesse-là est à la mort, »

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XVII

Page 173. - On voit généralement dans « celui qui a commis le tort » l'incestueux lui-même et dans « celui qui a souffert le tort » le père de l'incestueux, donc le plus directement offensé! F. Godet (ouvrage cité, P. 383) n'est pas de cet avis. Il pense que « celui qui a souffert le tort », c'est Paul lui-même contre qui, du sein de l'Eglise, serait partie quelque grave offense, dont l'auteur ne serait d'ailleurs pas désigné. Le fait assurément est possible; mais il faut pourtant convenir qu'il n'est affirmé nulle part et que la façon dont Paul se désignerait ici reste bien peu naturelle.

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XVIII

Page 201. - Le verbe employé par Paul pour exprimer l'indigence voulue de jésus sur la terre ne signifie pas littéralement « se faire pauvre », mais bien « être pauvre, dénué ». Le sens littéral est donc: « il a vécu en tant que pauvre », et Paul semble viser un état prolongé, plutôt qu'un acte isolé. jésus a vécu comme pauvre, sans cesser pourtant d'être riche en tant que Fils de Dieu; il renonçait constamment à faire usage de sa richesse pour lui-même. Mais il n'est pas moins certain que ce sens n'épuise pas toute la portée du texte : Paul vise plus haut et plus loin. je crois qu'il avait dans l'esprit la pensée de l'incarnation ; il l'enseigne non par le côté strictement dogmatique ou métaphysique, mais par le côté éthique. Ou bien ce passage n'est qu'une pieuse exhortation à imiter jésus en faisant du bien aux pauvres, sans s'excuser par sa propre indigence, ou bien nous y rencontrons le fait même de l'incarnation. jésus a vécu pauvre en renonçant à la richesse qu'il possédait auprès du Père, et cette richesse, pour parler avec Philip. II, 6, n'était pas moindre que l'égalité avec Dieu. Et c'est seulement en dépouillant cette richesse qu'il a enrichi les croyants.

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XIX

Page 218. - Littéralement: « le service de cette liturgie » (v. 12). Le mot « liturgie » signifie originairement un service public, un travail qui a pour objet le public, le peuple. Dans le langage du Nouveau Testament, où le peuple désigne surtout le peuple chrétien, la « liturgie » désignera le service de la maison de Dieu, donc le service du culte, comme Luc. I, 23. Ce service peut être rendu par un individu agissant au nom de tous, ou par un corps plus ou moins officiel. Le « service de la liturgie » sera donc un ministère, un travail aboutissant à un office qui vise l'ensemble de la communauté chrétienne. Dans la pensée de l'apôtre, les dons offerts par les Corinthiens vont:

a) révéler leurs vraies dispositions ;

b) satisfaire aux besoins de leurs frères pauvres à Jérusalem ;

c) susciter chez ces derniers une explosion d'actions de grâces, à la gloire de Dieu.

Belle notion sur l'exercice de la charité: chaque donateur doit être une âme qui prie; et sa prière éveille, sous forme d'action de grâce, la prière de ceux qui reçoivent. Le silence du livre des Actes ne nous permet pourtant pas de savoir si ces vues se sont réalisées, quand Paul apporta dans Jérusalem la collecte réunie de la Macédoine et de l'Achaïe.

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XX

Page 248. - Ces mots: « Vous regardez à l'apparence » ne sont pas nécessairement un reproche et peuvent s'entendre à l'impératif: « Regardez donc à ce qui paraît à plein visage », c'est-à-dire à ce qui saute aux yeux. En d'autres termes: Veuillez donc regarder et réfléchir à ce que vous savez du caractère de votre pasteur. L'apôtre vient de constater, avec joie, le retour des Corinthiens à la vérité et au dévouement à leur pasteur; en ce moment, il n'a pas, peut-être, de reproches directs à leur adresser.. L'expression « en face de », « quant au visage, à l'apparence, » ne renferme point nécessairement un blâme. Si les Corinthiens consentent purement et simplement à regarder en face ce qu'ils peuvent voir, voici de quoi ils seront forcés de convenir: « Si quelqu'un peut avoir en lui-même la confiance d'appartenir à Christ, qu'il réfléchisse bien, d'autre part, que l'apôtre aussi est du Christ. » Et ceci, non pas dans le sens d'un parti religieux comme le Cor. I, 12, mais au sens tout naturel: quiconque, en s'examinant loyalement, peut se rendre le témoignage qu'il est un disciple du Christ, doit appliquer le même examen à Paul, et il aboutira, s'il est sincère, au même résultat: Paul est un disciple du Christ.

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XXI

Page 258. - Paul redoute toujours de passer pour se glorifier en dehors et au delà de ses droits. Il revient donc au verset 15 sur ce qu'il avait énoncé dès le 13e « Le fait que je vous ai rassemblés, vous païens, et formés en troupeau, prouve que je me suis renfermé dans les limites que Dieu m'avait tracées, sans prétendre aller au delà. J'ai le droit de repousser le reproche qu'on m'adresse de vouloir moissonner où je n'ai pas semé. J'attends de vous, en retour, des témoignages de fidélité qui me permettent d'étendre plus loin ma mission. Si, au contraire, un troupeau comme celui de Corinthe se jette dans les bras des ennemis de mon Evangile, c'est presque la négation de tout mon apostolat. Mais je vous connais et je puis espérer de vous de meilleures choses. je m'attends plutôt à être agrandi au milieu de vous, grâce au témoignage que vous me rendrez, et aux forces nouvelles que je puiserai chez vous. » C'est donc dans ce troupeau même de Corinthe que l'apôtre attend les forces qui lui permettront d'étendre plus loin encore son activité, tout en restant dans les limites mêmes que Dieu lui a tracées et que la conférence de Jérusalem avait unanimement reconnues. Encore, une des conditions de ce développement de ministère est-elle aux mains des Corinthiens; il faut que leur foi s'accroisse pour que leur pasteur puisse prêcher plus loin. Est-ce vraiment là ce qui peut s'appeler: « marcher selon la chair. »

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XXII

Page 272. - Même en dehors de la parole de Jean-Baptiste, l'image était fournie à Paul par plus d'un texte de l'Ancien Testament, où l'Eternel lui-même se présente comme l'Epoux de son peuple. De plus, ce mot parthenos, vierge, est devenu chez plusieurs écrivains ecclésiastiques une désignation pour ainsi dire courante de l'Eglise chrétienne, et les verbes choisis ici par Paul sont bien des verba nuptialia, dont les classiques font fréquemment usage. Observons à ce propos que ni l'Ancien Testament ni le Nouveau ne nous présentent l'image de fiançailles divines avec l'individu, mais seulement avec le peuple de Dieu ou le troupeau chrétien. Christ n'est pas montré comme l'époux d'une âme individuelle; et la cérémonie souvent singulièrement mondaine de la prise de voile dans certaines grandes familles est contraire à l'esprit de la Révélation chrétienne.

Quant au verset 4, peut-être convient-il de lui donner, avec Heinrici, une forme interrogative: « Lorsqu'un nouveau-venu quelconque vous apporterait quelque don, quelque privilège spirituel, y aurait-il là vraiment un avantage que vous n'eussiez pas déjà reçu de moi ? Supporteriez-vous cela aisément? » La crainte de Paul ne peut venir que de quelque doute quant à l'absolue fermeté des Corinthiens. De là sa question, laquelle renferme certainement une nuance de blâme.

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XXIII

Page 282. - je parle, dit l'apôtre au verset 21, « en manque d'honneur ». Cela veut-il dire: En me conformant au déshonneur que les Corinthiens se sont attiré; ou bien: Par rapport au déshonneur qu'on veut jeter sur moi ? - Assurément, les Corinthiens se sont laissés détourner de leur pasteur; ils ont eu la honte de le juger très mal. Ils n'ont pas su discerner les faiblesses de ceux qui venaient à eux en se disant forts ; ils se sont laissés exploiter par eux. Et s'ils ont voulu jeter quelque honte sur l'apôtre, en fait ils s'en sont couverts eux-mêmes. En face de ces intrus, venus de Jérusalem parés de titres qu'ils ne méritent peut-être pas, l'apôtre relève hautement la légitimité des siens, entre autres de celui de « Serviteur du Christ ».

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XXIV

Page 291. - Le texte de XII, 1 présente plusieurs variantes, et Holsten propose de le supprimer. Mais ce n'est pas une solution, et il me semble qu'on peut et doit lire avec Tischendorff, Westcott et Hort: « Il faut se vanter [puisque vous m'y poussez ainsi]; en fait cela n'est pas avantageux. Mais j'en viendrai aux visions.... » L'événement qu'il va relater lui a été exclusivement personnel; nul n'a pu le contrôler; il ne s'y arrêtera un instant que pour montrer de quoi il pourrait se glorifier, s'il le voulait. Réfléchissant à l'importance que cette vision eut pour sa carrière, et à l'épreuve prolongée qui l'a suivie, il concluera énergiquement qu'il ne doit se glorifier que de ses faiblesses. C'est, en effet, dans 'une épreuve et non dans une extase qu'il a trouvé l'unique source de sa force, savoir la grâce du Seigneur. Car de la vision à laquelle il se réfère pour un instant, beaucoup de traits ne peuvent pas même être racontés, et il en est sur lesquels il n'est pas parfaitement au clair. Dans les épîtres écrites pendant quatorze ans, depuis la date de cette révélation extatique, Paul n'y a pas fait une seule allusion. [L'enlèvement qui fut alors opéré sur sa personne rappelle sans doute par quelques traits ceux d'Enoch et d'Elie. Les conceptions du paganisme gréco-romain nous en présentent aussi quelques analogies. Philon va jusqu'à prétendre que Moïse pendant quarante jours et quarante nuits entendit « dans son corps » les harmonies célestes.]

Quant à la notion du troisième ciel, peut-être n'est-elle pas sans rapports avec les expressions hébraïques où il est parlé des « cieux des cieux » ; comp. I Rois VIII, 27 ; Ps. CXLVIII, 4. Le terme paradis désigne proprement un parc royal comme Apoc. II, 7, où le sens diffère de Luc. XXIII, 43. Mais l'apôtre ne rapporte absolument rien de ce qu'il a vu.

Paul sait bien qu'il n'y aurait pas grand avantage pour son ministère à insister sur cette magnifique révélation. Tout en la trouvant extraordinaire, les judaïsants ne manqueraient pas de l'attribuer à des influences démoniaques, et les païens essaieraient d'y découvrir des communications de leurs divinités à Paul. Il n'en fera donc point usage pour se justifier.

 


 

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