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(La Bible: 1Thessaloniciens 5:21)

 SEPTEMBRE

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1 SEPTEMBRE.

 

Toute la plénitude de la divinité habite corporellement en lui, et vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute principauté et de toute puissance. (Col. II, 9, 10.)

 

Malgré le progrès du temps, il y a encore beaucoup d'ariens cachés. L'adoration franche et fervente de Jésus-Christ et la profession solennelle de son nom sont loin d'être générales, même dans les villes chrétiennes. Cependant celui qui n'a pas le Fils n'a pas le Père, il n'a qu'un christianisme malade. La colonne et l'appui de la vérité est Dieu manifesté en chair; tout cloche, si ce fondement cloche. Jésus-Christ lui-même demande que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Toutes ces pauvres subtilités qui n'osent donner fermement et franchement gloire à Celui en qui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité, sont des teignes qui rongent tout le corps de la doctrine. Cette mauvaise assurance, quant à la vérité fondamentale, nous rend, dans les grandes crises de la de, peureux et pusillanimes. Ployons franchement nos genoux devant le Sauveur notre Dieu, et nous aurons tout pleinement en lui car la plénitude de la Divinité est aussi une plénitude de secours, de force, de consolation. Mettons fermement notre confiance dans la plénitude de la divinité de Christ, et nous serons dans une forteresse contre laquelle les puissances de l'enfer ne prévaudront point. La puissance créatrice repose dans le Fils de Dieu; c'est lui qui a créé toutes choses, les célestes et terrestres, les visibles et les invisibles; c'est en lui que nous avons été élus, réconciliés, justifiés, vivifiés, glorifiés; c'est en lui que nous avons tout pleinement, si nous le mettons dans notre coeur au-dessus de toute principauté et de toute puissance. Quand nous aurons une foi entière, nous aurons aussi une âme invulnérable, et nous pourrons avec notre Dieu nous jeter sur toute une bande et franchir la muraille.

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2 SEPTEMBRE.

 

Suivant la vérité avec la charité, croissons en toutes choses dans Celui qui est le chef, savoir Christ. (Eph. IV, 15.)

 

On s'occupe plus volontiers de choses accessoires que de s'affermir dans la vérité vitale et fondamentale, qui est Christ. Laissons les questions secondaires, et prions le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, afin que, selon les richesses de sa gloire, il nous accorde la grâce d'être puissamment fortifiés par son Esprit, dans l'homme intérieur, afin que Christ habite dans nos coeurs par la foi. Si Christ a commencé son oeuvre en nous, entretenons-la fidèlement afin de croître en toutes choses par le secours de Celui qui a commencé en nous cette bonne oeuvre. Suivons la vérité avec la charité pour contrôler notre foi et pour être préservés d'illusions. La vérité qui est en Christ n'est pas une abstraction ni un simple système; c'est la vie de Dieu. Recevons-nous cette vie avec amour ? opère-t-elle en nous la charité? La vérité sans charité n'est plus la vérité, comme la charité sans la vérité n'est plus la charité. Il y a des faiblesses charnelles qui ont un faux air de charité et une tolérance qui nuit à la vérité. Ainsi que deux larrons peuvent se donner la main pour dérober avec plus de succès, deux chrétiens peuvent parler de charité pour se soustraire à la vérité ils se disent : Si je laisse faire, on me laissera faire. Mais Christ n'est pas le Dieu des larrons. Ayons une saine doctrine et un esprit saintement châtié ce sont les conditions de la vérité et de la charité. N'allons ni à droite ni à gauche, ne nous jetons pas dans les accessoires pour mieux échapper aux vérités capitales. Christ donne beaucoup à apprendre, beaucoup à refondre; faisons à nos pieds un chemin droit et gardons-nous des zigzags; appelons les choses par leur nom, et ne soyons point parmi les épines. De bonnes racines dans un bon terrain nous feront croître en toutes choses dans celui qui est le chef. Pensons à ces choses, et soyons-en toujours occupés, afin que tout le monde voie les progrès que nous ferons.

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3 SEPTEMBRE.

 

Ne soyez plus des enfants, ni flottants ni emportés par le vent de toutes sortes de doctrines, par la tromperie des hommes, et par l'adresse qu'ils ont de séduire artificieusement. (Eph. IV, 14.)

 

Du vague des convictions vient le vague de la volonté, et ce quelque chose de flottant qui fait qu'un grand nombre de chrétiens tournent comme le vent. On ne peut jamais savoir ni ce qu'ils croient, ni ce qu'ils veulent, ni ce qu'ils feront demain. On les croit persuadés d'une chose ; pas du tout, quelqu'un d'autre est venu après vous, il leur a parlé, et, avec eux, le dernier venu a toujours raison. Ce sont des pâtes molles, ou, comme dit saint Paul, des enfants qui flottent et qui sont emportés par le beau premier vent. Sommes-nous de ce nombre ? Si cela était, avouons-nous le enfin, et sentons le triste état d'un homme qui ne peut s'appuyer sur rien de réel. Pourtant, Jésus-Christ subsiste, la Bible est là nous avons un degré de confiance quelconque en Jésus-Christ et dans la Bible. Pourquoi donc vivre sans paix, et chercher notre religion comme on cherche un ami dans une foire? Toutefois, ce flottement s'explique. Comme il nous faut absolument une pâture à notre amour-propre, de l'opium pour notre conscience et un voile qui nous cache notre tombe et le registre de nos péchés, nous croyons volontiers les hommes qui nous donnent tout cela, et nous trouvons leurs artifices moins gênants que la vérité de Dieu. Mais se tromper, c'est se tromper, et à la fin de la vie est un réveil. Accueillons le réveil de la foi, avant que celui du désespoir arrive. Soyons enfin quelque chose, ayons une volonté et chassons l'esprit de fraude. Approchons-nous de Dieu, et il s'approchera de nous, il nous dira le reste. Il réserve à ceux qui sont droits un état permanent; il est le bouclier de ceux qui marchent dans l'intégrité.

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4 SEPTEMBRE.

 

C'est parla grâce de Dieu que je suis ce que je suis. (1 Cor. XV, 10.)

 

Saint Paul avait conscience de lui-même, mais il avait aussi conscience de la grâce de Dieu; il faut l'une et l'autre chose pour être maintenu dans l'humilité et dans la foi. La vie intérieure du chrétien se compose de ces deux consciences : celle du vieil homme et celle du nouvel homme. Il y a deux personnes en nous, notre moi et Christ, et jusqu'au jour de notre délogement, il y aura lutte entre ces deux personnes. Mais la grâce est plus forte que la nature, et nous la reconnaîtrons aux quatre opérations suivantes. D'abord elle commence par faire séparation entre le péché et le pécheur. Tout ce qui nous est dévoilé sur nous-mêmes, c'est la grâce qui nous le dévoile et qui nous en détache. Elle nous donne, en second lieu, la miraculeuse évidence que notre nature pécheresse a été crucifiée avec Christ, et qu'il n'y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en lui. Cette évidence est la foi que la grâce seule a la puissance de produire. Ensuite, la même oeuvre continue, et l'âme qui a reçu Jésus-Christ par la foi, est aussi vivifiée et sanctifiée par lui. Les forces qui sont en Christ passent de lui à nous par un travail miséricordieux de la grâce. Or, on n'est pas sanctifié sans luttes ni sans combats jusqu'au sang. Il est douloureux de retomber sans cesse, de se voir toujours plus humilié devant soi-même. Mais au milieu même des inégalités et des incertitudes de la lutte, nous sommes gardés et maintenus jusqu'au bout : un bras invisible nous tient suspendus sur les abîmes. C'est encore la grâce qui nous donne ce triomphe. Gardons-nous de croire qu'il soit une suite naturelle de nos progrès. Tout chrétien dira : C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. Heureux ceux qui peuvent ajouter : Et la grâce que Dieu m'a faite n'a point été vaine! Croyons à la grâce, et laissons-la agir. Elle ne sort pas de nous, mais elle est à nous. Elle sera pour nous, comme pour l'apôtre Paul, une grâce suffisante.

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5 SEPTEMBRE.

 

S'ils sont liés de chaînes, et s'ils vont prisonniers dans les liens de l'affliction, il leur fait connaître ce qu'ils ont fait, et que leurs péchés ont prévalu. Alors il leur ouvre l'oreille pour les rendre sages, et leur dit de se détourner de leur iniquité. (Job XXXVI, 8-10.)

 

Notre sens spirituel est souvent bien émoussé. Cela peut venir de ce qu'on a laissé trop d'empire à la vie de la chair, ou aussi de la simple monotonie d'une situation trop tranquille. Pour rendre à la conscience sa délicatesse et pour exciter dans le coeur une nouvelle faim spirituelle, Dieu vient à notre secours par des chaînes et des liens d'affliction. Ces visitations de Dieu nous ouvrent; les yeux et les oreilles; nous voyons tout à coup ce qui nous a rendus si morts, et nous découvrons de nouvelles causes de langueur auxquelles nous n'aurions point pensé. Nos infidélités sortent comme de dessous terre, quand, prisonniers dans les liens de l'affliction, nous voyons sous son vrai jour notre vie et ce qui l'a rendue si pauvre. Mais la vue de nous-mêmes ranime aussi des besoins qui dormaient. Dieu est plus près de nous; sa voix est celle d'un père qui ne peut pas se démentir lui-même, et la grâce de Jésus-Christ opère le pardon, la paix et le détachement de nos iniquités. Qu'y a-t-il de plus beau qu'une âme qui est bien sous la croix et qui a compris sa croix? La connaissance de nous-mêmes, la valeur des choses divines et la fidélité silencieuse de Christ, grandissent bien vite, quand nous sommes liés de chaînes et que nos propres forces nous abandonnent. Mais c'est une chaîne déjà, et une grande affliction, qu'un état de langueur qui se prolonge. C'est une croix qu'un coeur qui se refroidit, un 'esprit qui n'est plus fervent, une vie qui décline et qui ne peut pas se retremper elle-même. Ce sont des liens qui nous humilient, et il vaut mieux nous tenir passifs que de faire des efforts pour nous vivifier nous-mêmes. Attendons le Seigneur comme les guets attendent le matin; ayons notre espérance en sa Parole. C'est pour nous rendre sages qu'il nous conduit ainsi, et pour nous détourner de nos iniquités.

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6 SEPTEMBRE.

 

Veux-tu être guéri? (Jean V, 6.)

 

C'est la demande que le Sauveur faisait souvent à ses malades. Il voulait réveiller par là le sentiment de leur misère, et éprouver en même temps leur foi en Celui à qui ils s'adressaient pour recouvrer la santé. S'il est vrai que toutes les souffrances viennent du péché, le Seigneur va jusqu'à l'origine de nos maux, en nous demandant : Veux-tu être guéri? Cette demande dit plus que si Jésus demandait : Veux-tu que je te pardonne ? Le pardon s'arrête à l'offense, mais la guérison est la destruction de la racine même du mal. Si nous nous connaissons bien, nous sentirons que c'est à cause de cela que nous aimons mieux le pardon que la guérison. Le péché ôte la paix, et c'est la paix que nous recherchons, quand nous recherchons le pardon. Mais consentir à être guéri, -,'est sacrifier tout à la fois nos convoitises et notre volonté propre : sacrifice douloureux qu'on ne résout pas facilement à faire. Cependant le Sauveur qui nous offre le pardon, nous offre aussi la guérison. Il ne lui est pas plus difficile de nous détacher de notre opiniâtre nature, que de remplir de paix notre coeur malade. Quand nous aurons assez souffert de nos péchés, nous verrons la guérison sous un jour nouveau, et nous nous écrierons : Je suis l'artisan de mes misères ! quelle folie de vivre ainsi 1 Notre volonté jusqu'alors incertaine deviendra victorieuse, et dès que nous voudrons sérieusement être guéris, nous le serons. Le paralytique de Béthesda avait été trente-huit ans dans le même état. Une seule, mais une véritable rencontre avec le Seigneur le guérit d'un mal qui devait lui paraître désespéré. Comme lui, montrons à Jésus nos chaînes, prions-le de bien manifester notre misère, et il nous donnera, outre l'assurance du pardon, la force de marcher dans une vie nouvelle. Croyons à notre médecin, à la toute-puissance de sa grâce, et nous en sentirons l'efficace. Mettons-nous bien dans l'esprit que nous sommes morts au péché, et que nous vivons à Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur.

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7 SEPTEMBRE.

 

Jacob étant demeuré seul, un homme lutta avec lui jusqu'à ce que l'aube du jour fut levée. (Genèse XXXII, 24.)

 

C'est la lutte des forces divines avec nos forces naturelles lorsque Dieu nous barre le chemin, et que nous nous faisons forts de surmonter les obstacles; lorsque Dieu attaque notre conscience , et que nous , nous travaillons pour l'apaiser; lorsque Dieu nous montre des directions vicieuses, et que nous redoublons d'effort pour triompher par nous-mêmes de notre vieille nature. Mais l'homme lutte vainement avec Dieu; il n'y a ni sagesse, ni intelligence, ni conseil pour résister à l'Éternel. Jacob lutta avec son adversaire jusqu'à ce que l'aube du jour fût levée. C'est une résistance qui peut durer longtemps; comment se terminera-t-elle ? Nous voyons que les forces naturelles de Jacob furent brisées; l'emboîture de l'os de la hanche du patriarche fut démise pendant que l'homme luttait avec lui. Il semblerait que Jacob quitta le terrain, non en vainqueur, mais en vaincu. C'est le contraire. Le brisement de nos propres forces donne entrée aux forces de Dieu. Quand je suis faible, disait saint Paul, c'est alors que je suis fort. Jacob, tout brisé qu'il était, ne lâcha pas son adversaire; il fallut que ce fût celui-ci qui le suppliât de le laisser aller. Mais Jacob lui dit : Je ne te laisserai point que tu ne m'aies béni. Voulons-nous être à notre tour plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés? Laissons briser nos propres forces qui, au fond, ne sont qu'orgueil et résistance. Devenons de pauvres pécheurs qui n'ont rien et qui ne peuvent rien, mais qui pour cela ne désespèrent pas. Attachons-nous par la foi à Celui qui a fait les promesses et qui est fidèle. Tout déhanchés que nous sommes, ne regardons pas à nous-mêmes; le Dieu qui est notre Dieu fait revivre les morts et appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient. Dieu ne résiste pas quand il voit notre âme qui se meurt et qui se sent écoulée. C'est nous qui serons les vainqueurs, c'est Dieu qui sera le vaincu. Que répond l'Écriture aux pauvres misérables, à ceux qui sont prêts à tomber et qui sont abattus? Que l'Éternel a fondé Sion, et que les affligés de son peuple se retireront vers elle.

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8 SEPTEMBRE.

 

Je suis l'Éternel, c'est là mon nom, et je ne donnerai point ma gloire à un autre, ni ma louange aux images taillées. (Ésaïe XLII, 8.)

 

C'est ici la vie éternelle : que nous connaissions Dieu et que nous connaissions Jésus-Christ. Rien ne remplace la source des eaux vives; entrez dans votre cabinet, fermez la porte, et débattez vos intérêts devant Dieu lui-même. Si un jour dans ses parvis vaut mieux que mille ailleurs, une demi-heure passée près de lui nous donne plus de force que beaucoup de sermons ou beaucoup de réunions. C'est le commerce personnel avec Dieu qui nous affermit et nous retrempe; il est lui-même notre force et notre édificateur, et il ne donne point sa gloire à un autre, ni sa louange aux images taillées. On soupire souvent après un bon entourage, après un prédicateur selon notre goût, après une ville comme Genève, comme Bâle, où il y a des chrétiens à foison. On croit que la maigreur intérieure tient au fâcheux état de la localité où l'on vit, aux circonstances dans lesquelles on est placé. On pense qu'on n'est misérable que parce qu'on séjourne en Mésec, et qu'on demeure dans les tentes de Kédar. C'est là une illusion, notre mal vient d'ailleurs. Nous sommes encore idolâtres, nous donnons la gloire de l'Éternel à un autre, et sa louange, aux images taillées. Adressons-nous à lui-même, n'allons point aux hommes. A-t-il été un désert à Israël? A-t-il été une terre ténébreuse? La force et la joie sont au lieu où il habite; cherchons-les donc où elles sont. Les bras de chair rendent mou et paresseux, mais ceux qui s'attendent à l'Éternel reprennent de nouvelles forces. Dans les lieux où les chrétiens se trouvent en abondance, tout ce qui brille n'est pas or, et les circonstances extérieures les plus favorables possibles n'élargissent pour personne la porte étroite. Surmontons notre paresse spirituelle, et notre lumière éclora comme l'aube du jour, et notre guérison germera incontinent. Au lieu de nous tailler des images et de fausses espérances, croissons dans la connaissance de notre Dieu. Il est l'Éternel, le Dieu unique, la vie et même l'abondance de la vie.

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9 SEPTEMBRE.

 

Au lieu que vous devriez être maîtres depuis longtemps, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les premiers éléments de la Parole de Dieu; et vous êtes dans un tel état que vous avez plutôt besoin de lait que d'une viande solide. (Héb. V, 12.)

 

On se fait en général un tableau beaucoup trop idéal des Églises apostoliques. Il y avait en elles le même pêle-mêle qui se voit dans nos troupeaux d'aujourd'hui. Après les choses affectueuses que saint Paul dit à ces Eglises, il ne craint pas de leur découvrir les plaies honteuses qui continuaient à suppurer dans ces créatures nouvelles. Qu'on se rappelle les reproches qu'il adresse aux Églises de Corinthe, de Thessalonique, et d'ailleurs. Et de même qu'on se fait une idée trop belle de la vie de ces troupeaux, on exagère aussi le degré de leur connaissance chrétienne. L'auteur de l'Epître aux Hébreux aurait voulu parler à des âmes avancées et ne pas traiter sans cesse les mêmes matières; mais il est obligé d'en revenir aux éléments, parce que ceux auxquels il s'adressait étaient dans un tel état, qu'ils avaient plutôt besoin de lait que d'une viande solide. C'est un avis à nos prédicateurs et à nos troupeaux d'aujourd'hui. Il y a des ministres de la Parole qui croient que les sujets ordinaires ne sont plus suffisants; rassasiés eux-mêmes, ils cherchent du neuf, du piquant, et ils appellent cela de la viande solide. D'un autre côté, il y a des troupeaux qui, grâce à leurs conducteurs spirituels, ne sont que des troupeaux d'enfants gâtés ; des âmes friandes qui, parce qu'elles se croient hors des langes, ne veulent plus être comptées parmi les faibles et les misérables. Elles sont devenues des aigles, et ne sont plus des aiglons. Un tel état de choses ne produit aucun progrès réel, parce que ce n'est ni le neuf ni le pittoresque qui sauve, c'est la vieille roche de l'Evangile. Entrez dans la vase humaine, creusez dans le coeur déchu pour faire place à la pierre angulaire et précieuse ; et vous serez toujours neuf, vous qui parlez ; et vous qui écoutez, vous serez toujours nourris. On oublie bien vite le fondement de la vie, mais les accessoires ne peuvent remplacer ce qui fait le coeur de la doctrine. Une seule chose est nécessaire; ne nous lassons pas de la montrer, et de la recevoir toujours ; Jésus-Christ crucifié n'a pas encore fait son temps ; c'est en lui qu'est le lait et la viande solide. On est toujours neuf, quand on est pénétré, et l'on est toujours heureux, quand on se sent sur le vrai fondement.

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10 SEPTEMBRE.

 

Je crains que, comme le serpent séduisit Ève par sa ruse, vos esprits ne se laissent corrompre, se détournant de la simplicité qui est en Christ. (2 Cor. XI, 3.)

 

La simplicité n'est point de l'uniformité. On peut être simple en toutes choses et varié en toutes choses ; cela est vrai surtout de la simplicité qui est en Christ. Regardez Jésus-Christ lui-même; l'impression générale que vous recevez de lui est partout et toujours la même; cependant quelle variété dans cette simplicité du Sauveur! Le caractère de la simplicité chrétienne est qu'elle repose l'âme, qu'elle met au clair ce qui est embrouillé, et qu'elle ramène l'ordre dans le désordre, la paix dans le trouble et dans la confusion. Satan n'aime pas la simplicité, parce qu il ne veut pas que l'homme voie trop clair ni sur lui-même, ai sut Dieu, ni sur son avenir. Toutes les méthodes de corruption employées par Satan, depuis la chute d'Eve, tendent à détourner de la simplicité qui est en Christ. Il fait des ,systèmes, des subtilités scolastiques, des difficultés de détail, une poudre qu'il jette aux yeux. Les sectes qui prennent naissance dans le sein de l'Eglise, contribuent surtout à détourner de la source vitale, en faisant chercher le salut dans des dogmes secondaires ou dans des vérités altérées. De là, le zèle amer, l'esprit de parti, le faux dogmatisme. Dieu avait créé l'homme droit, mais l'homme actuel cherche beaucoup de discours. Revenez à la simplicité qui est en Christ, vous qui dans les labyrinthes sectaires ne trouvez ni clarté, ni bonheur. Ne faites pas le second pas si vous avez fait le premier, et assurez-vous d'abord si le premier pas est bien fait. Avant de former un saint, Dieu crée un pauvre en esprit. Vérifiez si peut-être vous n'avez ,que l'idée de cette pauvreté, sans avoir la chose elle-même. Il n'est donné qu'aux humbles d'être simples, et aux simples d'être humbles. Quand vous aurez réuni toutes choses en Christ, qu'il sera votre trésor et votre assurance, vous aurez conscience de la vérité, votre coeur sera simple et ouvert, et personne ne vous détournera de cette simplicité, car ce serait vous détourner de l'amour que Dieu vous a montré en Jésus-Christ, votre Seigneur.

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11 SEPTEMBRE.

 

A Celui qui nous a aimés et qui nous a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits rois et sacrificateurs de Dieu son Père, à lui soient la gloire et la force aux siècles des siècles. Amen. (Apoc. I, 6.)

 

La force et la fraîcheur de la vie chrétienne viennent de l'assurance toujours renouvelée que nous sommes aimés, que nous avons été lavés de nos pêchés par le sang de notre garant, que nos péchés sont effacés, nos ennemis vaincus, notre âme libre de bien faire et capable de devenir une odeur de vie, un sacrifice éternel dans la maison du Père, à qui reviennent la gloire et la force aux siècles des siècles. Le fondement de la joie chrétienne ne repose pas sur l'impression plus, ou moins vive que l'âme ressent dans un moment donné, il consiste dans la foi en la seule oblation qui a amené pour toujours à la perfection ceux qui sont sanctifiés. L'homme du monde cherche sa joie dans ce qui est devant lui; il se nourrit de projets, d'espérances ; le chrétien cherche sa joie dans ce qui est derrière lui, dans un fait accompli qui est sa possession et son espérance. Si nous croyons en Jésus-Christ, si nous l'avons reçu, nous ne demanderons plus: Est-il celui qui devait venir ou devons-nous en attendre un autre? Nous savons avec la certitude de la foi qu'il nous a aimés et qu'il nous aimera ; qu'il nous a lavés de nos péchés par son sang et qu'il nous lavera. Nous sommes, grâce à lui, dans une sainte indépendance, car il nous a faits rois; nous avons, par son Esprit, une puissance d'adoration et de détachement de nous-mêmes, car nous sommes sacrificateurs de Dieu le Père. La foi qui reçoit tout petit aussi disposer de tout. Avec elle agissent la force et la gloire, car toute âme sauvée est une parcelle de la gloire de Christ et de la force de Christ. La gloire de Christ est d'aimer, de purifier, de faire régner ; sa force et son triomphe est de rendre possible en nous ce qui nous était impossible. Saint Jean, dans son île déserte, loin des hommes, et des charmes de la vie, avait cri lui cette source abondante de joie, cette fontaine d'eaux vives qui jaillissent jusqu'en vie éternelle.

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12 SEPTEMBRE.

 

En vérité, en vérité, je vous le dis: Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté dans la terre, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. (Jean XII, 24.)

 

Le Sauveur parle ici de lui-même. Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu'il entrât ainsi dans sa gloire? Ne fallait-il pas qu'il fût élevé de la terre pour attirer tous les hommes à lui? Mais ce qui ,est dit du maître est dit du serviteur et de tous ceux qui travaillent pour Christ. Voulons-nous une vie chrétienne bien remplie? Commençons par le sacrifice de nous-mêmes; ce premier sacrifice nous rendra les autres faciles. Quand nous nous serons mis nous-mêmes sous la croix, nous mettrons aussi sous la croix ce que nous avons et ce que nous faisons. Nos dons, nos qualités naturelles, ce qu'on loue, ce qu'on admire en nous, sont autant de grains de froment qui, s'ils ne meurent, restent seuls, et qui, s'ils consentent à mourir, portent beaucoup de fruit. Quand l'activité chrétienne ne se soutient pas, ou qu'une oeuvre chrétienne n'avance pas, cela vient de ce que les forces qui ont été mises en usage ne sont pas des forces sanctifiées. Mettons tout .sous la croix. Rien ne dure, rien n'est véritablement au Seigneur, si ce qui vient de la chute n'a été remplacé par ce qui vient de la grâce. Si nous voulons porter du fruit et être en bénédiction, il faut que nos forces naturelles meurent et que les mobiles que nous tirons de la chair et du sang soient jetés dans la terre. Le chrétien le plus avancé est celui qui sait le mieux. mourir et qui fait journellement mourir ce qui, en lui, n'a pas encore été jeté dans la terre. Essayons et nos moissons blanchiront. Le règne de Dieu est une vie, mais c'est une vie qui sort de la mort.

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13 SEPTEMBRE.

 

Mes bien-aimés, je vous exhorte, comme des étrangers et des, voyageurs, de vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme. (1 Pierre II, 11.)

 

Une passion est un esclavage, quel qu'il soit. Toute passion sort du fond de nos convoitises. Ce qui est né de la chair, est chair, c'est-à-dire corruption. Les convoitises charnelles ne sont pas toujours grossières et. dégoûtantes ; l'impatience, l'égoïsme, l'envie, l'orgueil, la colère, sont aussi des convoitises charnelles, issues de la chair. Si nous les laissons faire, elles attaqueront notre repos, et la convoitise d'aujourd'hui sera une passion demain. L'apôtre nous exhorte et nous conjure de nous abstenir des convoitises; c'est, en d'autres termes, nous dire: Résistez au diable et il s'enfuira de vous. Un bon moyen de résister, est de vivre comme un mourant que l'éternité appelle, ou, pour parler comme Pierre, comme des étrangers et des voyageurs que leur patrie appelle. Nous ne faisons, en effet, qu'effleurer la terre : si notre âme en était détachée, elle serait victorieuse. Les trappistes, quand ils se rencontrent, se disent l'un à l'autre : Souviens-toi que tu mourras. Que ce soit l'Esprit de Dieu qui nous fasse entendre cette parole; qu'il nous donne d'une manière permanente le sentiment de notre fragilité et la faim des choses éternelles. La présence de la mort parle bien autrement haut que la présence des convoitises. La mort, l'éternité peuvent leur faire la guerre en faveur de l'âme, car lorsque ces envoyés de Dieu nous saisissent, les convoitises n'ont plus d'empire. Cherchons, à avoir nettement conscience de notre heure dernière. Elle est plus près de nous que nous ne le pensons.

Vivons comme des bourgeois des cieux, et n'ayons qu'une seule passion: celle d'être à Christ. Il est le Fort qui abat tous les forts, et qui leur prend leur armure. Mettons-nous devant sa croix, et de là contemplons notre tombe. Nos chaînes tomberont, parce que Jésus a écrasé Satan sous nos pieds.

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14 SEPTEMBRE.

 

Je t'ai vu quand tu étais sous le figuier. (Jean 1, 48.)

 

C'est ce que dit Jésus-Christ à Nathanaël. Le témoignage que le Sauveur rendit à cet Israélite est celui qu'il rend à toute âme droite en qui il n'y a point de fraude. Une telle âme est sûre de trouver; mais le Seigneur nous trouve avant que nous le trouvions. Il avait vu Nathanaël sous un figuier; il l'avait vu pensif, priant peut-être, repassant dans son âme la promesse de quarante siècles, et tachant de découvrir, comme les prophètes, dans quel temps et dans quelles conjonctures le Désiré des nations devait paraître. Il y a des heures, en effet, où le monde à venir s'ouvre, où notre âme a conscience d'elle-même, et où toutes les autres choses paraissent une perte si elles nous empêchent de gagner Christ. Le travail de la grâce préparatoire est comme la lumière qui augmente en éclat jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection. Philippe fut l'instrument qui fit trouver à Nathanaël Celui de qui Moïse avait écrit dans la loi et dont les prophètes avaient parlé. Quand le Seigneur a fortement entrepris une âme, et que cette âme est droite, il suffit souvent pour opérer le réveil de la foi. Ce fut sous un figuier que le Seigneur vit son futur disciple. Ce figuier, c'est pour nous tous les lieux où la grâce nous cherche, toutes les circonstances qui peuvent avoir un éternel résultat, toutes les heures mystérieuses où notre coeur est attiré et où il n'a pas encore son trésor. Dieu plante ces figuiers dans toute vie ; cherchons dans notre passé, nous verrons que ce n'a point été le figuier qui nous a manqué, mais un coeur sincère; soyons de véritables Israélites, désireux du bien de nos âmes, vrais quand nous prions, et le salut entrera dans notre maison. Si Dieu prépare, il donne aussi pleinement.

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15 SEPTEMBRE.

 

Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui. (Col. II, 6.)

 

Il faut avoir reçu pour marcher ferme, car personne ne peut rien recevoir s'il ne lui a été donné du ciel. Dieu donne beaucoup, mais il nous donne tout en nous donnant son fils. Qui a le Fils a la vie et toutes les choses nécessaires à la vie et à la piété. Avons-nous reçu le Seigneur Jésus-Christ? S'il en est ainsi, nous marchons selon lui, et nous n'imaginons pas qu'on puisse marcher autrement. Mais on peut aussi mal recevoir, ou bien on peut se persuader qu'on a reçu quand il n'en est rien. Il y a des âmes qui n'arrivent jamais à une vraie conversion, parce qu'elles n'ont pas été, sérieusement atteintes. C'est au coeur de la vie que Jésus-Christ veut arriver, et s'il n'a pas touché le coeur, il n'a rien touché. Le coeur est la partie divine aussi bien que vitale de notre être. Si le Sauveur est dans cette citadelle, il est en possession de l'homme entier. Mais il y a bien des conversions qui avortent parce que le coeur n'a pas été touché. On est effleuré par la grâce, et l'on prend ces premiers mouvements pour une conversion accomplie, tandis que ce n'est souvent que la sensibilité naturelle, le tempérament, le domaine des idées qui ont été effleurés. Le vieil homme, mal blessé,, ne laissera pas vivre le nouvel homme. Aussi, de tous les états, le plus dangereux est celui d'une conversion manquée. Il en est comme d'une jambe cassée mal remise, qu'il faut casser une seconde fois pour la remettre bien. Les fausses conversions sont celles des ,chrétiens qui sont trop délicats envers eux-mêmes; nous aurions beaucoup moins de combats si nous laissions frapper notre vie entière. Le Seigneur vient à nous avec une épée et non pas avec une épingle. Une bonne et première repentance nous ouvre un magnifique avenir. Si nous hésitons, nous ressemblerons à ces gens malades qui ne sont ni au lit ni à leur besogne. Il vaut mieux marcher avec le monde que d'être suspendu entre le ciel et la terre. C'est un état sans paix et qui empire à mesure qu'on avance. Recevons le Seigneur Jésus-Christ, en rompant avec nous-mêmes, et nous marcherons selon lui, pleins de son amour et de sa paix. Nous triompherons de toutes choses. La porte du ciel est étroite, mais le Seigneur nous y fera passer. Il faut le vouloir afin de le pouvoir; ce que les athlètes faisaient pour avoir une couronne corruptible, ne le ferons-nous pas pour en avoir une incorruptible ?

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16 SEPTEMBRE.

 

Nous concluons donc que l'homme est justifié parla foi, sans les oeuvres de la loi. (Rom. III, 27.)

Vous voyez donc que l'homme est justifié par les oeuvres, et non par la foi seulement. (Jacq. II, 24.)

 

Il n'y a point de contradiction entre la doctrine de Paul et celle de Jacques. Le premier envisage le salut dans sa racine ; le second, dans ses fruits. La foi, pour saint Paul, est l'oeuvre de Dieu qui produit la vie nouvelle; et, pour saint Jacques, les oeuvres sont le signe que cette vie nouvelle existe et se développe. Paul rejette la foi qui n'est qu'une simple adhésion d'esprit ou une orthodoxie morte, et Jacques rejette les oeuvres qui ne viennent pas d'un principe de vie et qui ne sont que des actes morcelés et extérieurs, comme les oeuvres des Pharisiens. On peut abuser de la foi et des oeuvres en faisant de la foi un oreiller de sécurité ; et des oeuvres, de faux appuis. Jacques combat la première de ces tendances, Paul la seconde. Il faut toujours un Jacques à côté d'un Paul, et un Paul à côté d'un Jacques dans l'Église. Il faut même qu'en tout chrétien il y ait l'un et l'autre, selon la mauvaise route que nous sommes tentés de prendre. S'il nous arrive de regarder avec complaisance à ce que nous avons fait et de nous applaudir de nos progrès, il faut que Paul nous dise : L'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi. Et s'il nous arrive de nous réclamer des mérites de Christ d'une manière paresseuse, qui nous laisse oisifs et stériles; si nous avons, en un mot, un simulacre de foi qui n'est point opérant par l'amour, il faut que Jacques nous répète : L'homme est justifié par les oeuvres et non par la foi seulement Rendons grâces de ce que nous avons un Paul et un Jacques pour contrôler notre vie chrétienne. Les deux se donnent la main; écoutons-les tous deux et ne séparons point ce que Dieu a joint.

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17 SEPTEMBRE.

 

Voici, l'arche de l'alliance du Dominateur de toute la terre passe devant vous au travers du Jourdain. (Josué III, 11.)

 

Il y a une grande différence entre le passage d'Israël par la mer Rouge, et celui de ce même peuple par le Jourdain. L'un se fit sous la conduite de Moïse, l'autre sous celle de l'arche de l'alliance. Or, Moïse, c'est la loi; l'arche de l'alliance, c'est la grâce. La double traversée d'Israël se répète encore aujourd'hui dans la vie chrétienne. Nous devons nous laisser conduire par la loi avant de recevoir la grâce qui est en Christ. C'est en frappant en nous l'océan de nos iniquités que la loi réveille notre conscience et nous pousse à Jésus. Mais une fois sur le terrain de la grâce, l'arche de l'alliance prend la place de Moïse, et les fleuves que nous aurons désormais à traverser ne seront plus que les saintes dispensations d'un Père qui, par plusieurs afflictions, veut nous rendre participants de sa sainteté. L'Israël qui traversa la mer Rouge mourut au désert; l'Israël qui traversa le Jourdain, l'arche de l'alliance en tête, était une génération nouvelle, héritière des promesses et de la terre de Canaan. De la même manière, la loi frappe à mort et ne laisse point vivre le vieil homme; la grâce n'est que pour le nouvel homme et le conduit jusqu'au terme. La loi nous mène dans un désert, et quoiqu'elle sache bien que nous sommes morts dans nos fautes et dans nos transgressions, elle nous laisse le soin de nous en tirer par nous-mêmes. Mais de ce vieil homme, mort sort un homme nouveau qui, sous la conduite de la grâce, entre dans une contrée où coulent le lait et le miel. Aimons Jésus-Christ, croyons en lui, et le Dieu tout-puissant nous comblera de toutes sortes de grâces, afin qu'ayant toujours tout ce qui nous est nécessaire, nous ayons abondamment de quoi faire de bornes oeuvres. Il faut à chaque croyant une mer Rouge et un Jourdain, un Moïse et un Josué. Point de loi, point de grâce. Mais quand la loi a tué les vieux penchants, n'ayons plus peur des flots qui nous attendent; ils ne nous mèneront pas dans un désert; ils deviendront pour nous la sainte route par laquelle Dieu nous conduira pour nous rendre capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière.

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18 SEPTEMBRE.

 

Dieu ayant autrefois parlé à nos pères, en divers temps et en diverses manières, par les prophètes, nous a parlé en ces derniers temps par son Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses; par lequel il a aussi fait le monde. (Hébr. I, 1, 2.)

 

L'Épître aux Hébreux est le pont qui lie l'Ancien Testament au Nouveau. Elle nous montre la connexion intime qui existe entre les deux alliances , l'une, dans laquelle Dieu parle d'abord en figures et en promesses; l'autre, où il réalise tout en son Fils qui est le centre des Écritures. Les deux premiers versets de l'Epître sont le résumé de tout ce qu'elle contient. Ils nous présentent un Dieu qui parle et dont la sagesse est infiniment diverse; c'est un Père qui veut faire une éducation et qui conduit soi) élève des choses visibles aux invisibles, des ombres aux réalités. Quand on est plein du Nouveau Testament et nourri de sa grâce dans la communion de Jésus-Christ, qu'il fait beau se promener dans le domaine de l'Ancien Testament, et admirer cette magnificence extérieure, quand on possède la magnificence intime et éternelle! Sans le Nouveau Testament, l'Ancien ne serait qu'un livre d'hiéroglyphes. Mais quand Christ nous a donné la clef de ces énigmes, nous sentons que nous n'apprécierions point assez le Nouveau Testament si nous n'avions l'Ancien. Dieu a parlé aux pères et en diverses manières, avant de lever pour les enfants le voile qui leur cachait Christ. Mais n'y a-t-il pas dans toute vie chrétienne quelque chose qui a de l'analogie avec l'Ancien et le Nouveau Testament? Nous sommes entourés de circonstances, de complications qui, tant que nous sommes dans cette tente, sont de véritables hiéroglyphes. Tu ne sais pas maintenant ce que je fais, disait le Seigneur à Pierre. Nous aussi pareillement, nous ne voyons présentement les choses que confusément et comme dans un miroir; mais un jour nous verrons race à face, et nous connaîtrons comme nous avons été connus. Il y a dans notre vie un chandelier dont la lumière n'est pas la vraie lumière, un voile nous sépare encore du Lieu très-saint; mais ce sont les types de notre Dieu, la matière future de notre adoration et de notre reconnaissance. Ce Dieu qui a parlé à nos pères, sous l'économie de la préparation, continue cette préparation dans notre vie et sous la conduite de Christ. Le Dieu de la nouvelle alliance nous dit aussi : J'aurais encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont encore au-dessus de votre portée. Attendons avec patience le plein lever du soleil de justice. Qu'il nous suffise d'avoir un Dieu qui parle, qui se manifeste et dont toutes les pensées à notre égard sont des pensées de paix et non d'adversité. Croyons, et nous verrons. Le plan de Dieu ne se développera dans son ensemble que dans l'économie céleste, dans cette troisième dispensation où il n'y aura plus d'anathème, mais où Dieu et l'Agneau auront leur trône, et où ses serviteurs le serviront. Ils verront sa face, et son_ nom sera écrit sur leurs fronts.

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19 SEPTEMBRE.

 

Que servirait-il à un homme de gagner tout le monde s'il perdait son âme? ou que donnerait l'homme en échange de son âme? (Matth. XVI, 26.)

 

La racine la plus profonde du coeur déchu, c'est la mondanité. L'idolâtrie de la vanité a pris en nous la place du culte du Dieu vivant et vrai. Le coeur déchu est un temple d'idoles. En renverse-t-on une, deux autres s'élèvent à sa place. Nous n'allons plus au bal, au spectacle, mais nous. laissons entrer nos pensées dans tout un monde d'imaginations qui sont aussi vaines, aussi folles que la danse, le drame ou l'opéra. Nous traitons bien légèrement Dieu et notre âme ! La part que nous faisons aux choses invisibles est-elle proportionnée à celle que nous faisons aux visibles? D'où viennent les distractions qui troublent nos prières, les préoccupations qui nous suivent au culte, les relâchements de notre vie chrétienne, et la plupart de nos soucis, de nos craintes ? D'où ? De notre coeur mondain ; n'en cherchons point d'autre cause. Nous nous fixons des termes que nous reculons à chaque échéance, et nous ne voyons pas le terme final, nous vivons du moins comme si nous ne le voyions pas. Le coeur va de projets en projets, d'espérances en espérances, et il ne voit pas ces fleuves qui vont à la mer et cette mer qui n'en est pas remplie. Mais une seule chose est nécessaire; c'est pourquoi, mon enfant, donne-moi ton coeur, dit le Dieu de charité que tes reins soient ceints, que ta lampe soit allumée, car que te servirait-il de gagner tout le monde si tu perdais ton âme ? ou que donnerais-tu en échange de ton âme ? Ah! quand. ces voix graves se font entendre dans la conscience, le monde s'amoindrit et l'éternité devient tout. Nous perdons notre âme en la dissipant dans le monde; l'esprit de dissipation est la perte de l'intérêt suprême. Quand, au contraire, Dieu nous domine et que nous sommes devenus le temple de son Esprit, le monde alors a perdu sa puissance. Notre trésor est ailleurs et notre coeur aussi.

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20 SEPTEMBRE.

 

Ce qui fait notre gloire. c'est le témoignage que notre conscience nous rend, que nous nous sommes conduits dans le monde et surtout à votre égard, en simplicité et en sincérité devant Dieu. (2 Cor. I, 12.)

 

Les consciences cautérisées dont parle l'Écriture sont celles qui sont chargées de mauvais souvenirs et qui n'ont plus d'ascendant moral quand il faut rendre témoignage à la vérité. Il y a des occasions où il faut répondre à ceux qui nous demandent raison de l'espérance que nous avons. Ce qui fait notre gloire alors, ce n'est pas surtout une foi parfaitement correcte, c'est le témoignage que notre conscience nous rend, que nous nous sommes conduits en simplicité et en sincérité devant Dieu. Mais ce qui, dans les mêmes rencontres, peut faire notre supplice, c'est le sentiment que nous ne sommes pas ce que nous voulons paraître. Il peut y avoir dans notre vie des faits qui parlent contre nous et qui nous ôtent toute autorité. Nous nous sommes flétris nous-mêmes, et la recherche d'un juste milieu, quand notre conscience n'est pas nette, nous jette dans le plus cruel embarras et fait ouvertement de nous des hommes doubles et des hypocrites. Rappelons-nous Pilate. Il eût bien voulu absoudre Jésus-Christ, mais il avait les mains liées. Les Juifs connaissaient les antécédents de leur gouverneur, et ils n'auraient eu qu'à écrire deux mots à Rome pour lui faire un mauvais jeu. C'est en vain qu'il se lava les mains, il ne put laver sa conscience. La même chose nous arrive avec les gens du monde et avec les chrétiens, quand nous ne nous sommes pas conduits en simplicité et en sincérité devant Dieu. Le monde sait, à un atome près, ce qu'un chrétien doit être, et nous ne pouvons plus dire un mot à un frère, si notre propre conscience nous accuse. Quand Paul écrivait à ses frères : Soyez mes imitateurs, comme je suis celui de Christ, il s'exprimait avec le franc-parler d'un homme droit, et c'est une des grandes joies du chrétien de pouvoir rendre témoignage à la vérité en la représentant avant tout dans sa vie. Sans doute, un chrétien n'est pas un ange, et Paul disait aussi ailleurs qu'il n'avait pas atteint le but. Mais pourvu que l'on marche sans interdit dans la carrière chrétienne, on pourra parler et prêter assistance à l'Évangile lorsqu'il est attaqué. Veillons sur le témoignage de notre conscience; faisons tout devant Dieu et en la présence de Jésus-Christ. Si le Seigneur est notre lumière, il sera la force de notre vie. Quand toute une armée se camperait devant nous pour manger notre chair, eux-mêmes broncheront et tomberont.

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21 SEPTEMBRE.

 

Si ton oeil te fait tomber dans le péché, arrache-le, et le jette loin de toi, car il vaut mieux que tu entres dans la vie n'ayant qu'un oeil, que d'avoir deux yeux, et d'être jeté dans la géhenne du feu. (Matth. XVIII, 9.)

 

Le meilleur moyen de garder une conscience intacte, c'est de suivre ce conseil de Jésus-Christ. Il parle d'abord de la main et du pied, mais il remonte jusqu'à l'oeil l'oeil est la lumière du corps; si notre oeil est sain, tout notre corps sera éclairé. L'oeil surveille la main et le pied; les faits et les démarches n'arrivent qu'après les regards. Si le péché nous donne dans l'oeil, nous ne serons bientôt plus les maîtres de la main ni du pied. Résistons aux petits commencements, tout est là. C'est pour nous faciliter notre vie chrétienne que le Seigneur nous parle ainsi; il ne fait point du rigorisme. Il est vrai que nous ne pouvons pas empêcher nos yeux de rencontrer bien des choses qui les scandalisent, mais nous pouvons empêcher notre coeur d'entrer en contact avec le péché. « Si les corbeaux, disait Luther, viennent voler par-dessus ma tête, je ne puis pas les « en empêcher; mais s'ils venaient s'abattre sur moi « pour faire leurs nids dans mes cheveux, je les chasserais avec un bâton et ne les laisserais point faire. » Il faut aussi distinguer entre les tentations que nous rencontrons dans la voie du Seigneur, et celles qui se trouvent dans nos propres voies. Si nous sommes dans la volonté de Dieu, s'il fait route avec nous, nous marcherons sur le lion et sur l'aspic; mais son assistance ne nous est point promise dès que nous nous engageons dans des routes où nous ne sommes pas appelés par sa volonté. La voie de l'Éternel est la force de l'homme intègre, mais elle est la ruine des ouvriers d'iniquité. Considérons le Seigneur dans toutes nos voies, et il dirigera nos sentiers. Demandons-lui d'être remplis de la connaissance de sa volonté, avec toute sagesse et toute intelligence spirituelle, afin de nous conduire d'une manière digne du Seigneur, pour lui plaire en toutes choses, fructifiant par toutes sortes de bonnes oeuvres, et croissant dans la connaissance de Dieu, étant fortifiés en toutes manières par sa force glorieuse, pour soutenir tout avec patience, avec douceur et avec Joie. Cette étude est une affaire de combats, mais elle nous préservera de cet avenir de larmes où nous aurions, il est vrai, nos deux yeux, c'est-à-dire le foyer de nos convoitises, mais pour voir quoi ? Un feu qui ne s'éteindrait plus ou un ver qui ne mourrait plus.

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22 SEPTEMBRE.

 

Et Abraham dit. Je te prie, qu'il n'y ait point de dispute entre moi et toi, ni entre mes bergers et les tiens, car nous sommes frères. Tout le pays n'est-il pas à ta disposition? Sépare-toi, je te prie, d'avec moi: si tu choisis la gauche, je prendrai la droite; et si tu prends la droite, je m'en irai à gauche. Genèse XIII, 8, 9.)

 

Que sont nos relations domestiques, si nous n'avons pas l'esprit de support? Mais pour l'avoir, il faut avoir l'esprit de sacrifice. Ce qui trouble l'union des familles, c'est le moi et le toi. Voyez Abraham. Il était l'aîné, il avait plus de droit que Loth, son neveu, et cependant, pour entretenir la bonne harmonie entre eux deux et leurs bergers, il est prêt à faire tous les sacrifices qui sont en son pouvoir. Il y a peu d'Abraham de nos jours; la religion du grand nombre, c'est l'intérêt bien entendu. Il arrive souvent qu'après un décès, les membres d'une famille, avant de laisser refroidir les cendres du défunt, se disputent sa dépouille, quand cette dépouille même devrait leur dire: Tu n'as rien apporté dans ce monde, et tu vois que tu n'en emporteras rien. Il n'est rien de si rare que ce saint désintéressement qui est la condition de l'esprit de support. Souvent, ce n'est pas d'une succession qu'il s'agit, c'est tout simplement du sacrifice d'un goût, d'une fantaisie, d'une bagatelle. Une femme pourrait gagner son mari en lui faisant une petite concession, et le mari pourrait sauver la paix domestique en entrant dans la même voie, mais le moi et le toi l'emportent souvent sur la paix, sur le bon sens, sur Dieu et sur tous les cultes qu'on lui rend. 0 vous, qui ne voulez supporter aucun ,dommage et qui ne feriez aucun sacrifice quand il y va de votre intérêt et de votre homme charnel, regardez Celui qui s'est anéanti lui-même et qui, étant riche, s'est fiait pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions rendus riches. A son service, qui perd gagne. L'homme le plus riche en lui, c'est celui qui est le plus large dans ses concessions; car il montre, par cette facilité à sacrifier les choses présentes, qu'il a hors de la terre quelque chose qui vaut mieux que le monde entier et qui le rend indépendant de la possession des choses visibles.

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23 SEPTEMBRE.

 

Quand donc le mauvais esprit, envoyé de Dieu, était sur Saül, David prenait sa harpe et il en jouait, et Saül en était soulagé et s'en trouvait bien, parce que le mauvais esprit se retirait de lui. (1 Sam. XVI, 23.)

 

Il y a dans le caractère de Saül quelque chose de farouche et de violent. À la suite de plusieurs actes despotiques, et à force de laisser pousser de profondes racines à sa désobéissance et à sa jalousie, il ouvrit son coeur à l'influence d'un mauvais esprit et au jugement final de Dieu. Cependant l'Esprit de Dieu lui avait déjà fortement parlé. Il y a même dans sa vie plusieurs beaux traits: celui, par exemple, qui est raconté dans I Sam. X, 27. Si la violence naturelle de Saül ne l'avait point emporté sur la discipline de l'Esprit-Saint, il serait devenu un des premiers champions de l'Éternel. L'exemple de Saül nous montre les dangers de l'autorité quand elle n'est pas mise au service de Dieu. Et cela est vrai, non seulement pour un roi, mais pour un fonctionnaire quelconque, pour un père de famille, pour un rentier, pour tous ceux qui ont quelque pouvoir ou quelque aisance et qui laissent pousser dans leurs coeurs de mauvaises racines. Le mauvais esprit que Dieu envoie alors, est un profond mécontentement, une sombre tristesse qui finit quelquefois par conduire au suicide. David, la harpe en main, maîtrisait souvent le mauvais esprit de Saül, car la louange de Dieu nous fait sortir de nous-mêmes et peut comprimer les humeurs noires de l'égoïsme. Mais les bons retours de ce malheureux roi étaient trop passagers; il ne s'était jamais vraiment mis sous le glaive de la loi, et, pour avoir flotté trop habituellement entre le bien et le mal, il finit par user sa conscience. Saül, malgré le travail de l'Esprit de Dieu, n'avait jamais été converti; il est dit. il est vrai (I Sam. X, 9), que Dieu lui changea le coeur, mais la conversion est beaucoup moins clairement tracée dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. Saül est un de ces hommes qui, malgré l'influence sensible du Saint-Esprit, ne sont jamais gagnés à l'Évangile, parce qu'ils ne sont jamais sérieusement humiliés. Il y avait en Saül une oeuvre commencée, mais le Nouveau Testament parle aussi d'hommes qui, après avoir commence par l'esprit, finissent pourtant par la chair.

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24 SEPTEMBRE.

 

Et s'étant levé, il parla avec autorité aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme. (Matth. VIII, 26.)

 

Le calme que fait le Seigneur est le véritable calme, mais il ne vient qu'après la tempête. Nous avons dans notre vie des jours bien paisibles, l'Eglise a des époques, bien tranquilles; mais trop souvent cette tranquillité ,est celle de la torpeur. La paix ne vient qu'après la guerre, et la vraie foi qu'après la crainte d'un naufrage. La barque des disciples est une image de celle de l'Eglise. Elle est entourée de tempêtes et d'abîmes; elle a à lutter contre mille mouvements contraires, avant que le Seigneur se lève et parle avec autorité. Et ce qui est vrai de l'Eglise est aussi vrai de toute âme pécheresse. Qui n'a pas senti l'épée de Christ ne sentira pas ,sa paix. Les tempêtes les plus violentes sont les luttes contre nous-mêmes. Les combats ne commencent qu'avec le réveil de l'âme; mais dès que le péché est haï ,comme péché, nous voilà lances au milieu d'une tourmente. Mais saisissons le bras du Seigneur, et nous connaîtrons la puissance du Roide la nature, de l'Eglise et des coeurs. Jésus-Christ dormait tandis que la tempête grondait; mais quand la barque, couverte par les flots, menaça de s'enfoncer, les disciples s'adressèrent à 'lui et le réveillèrent. C'est qu'un Sauveur n'est réellement cherché que par des hommes perdus. C'est quand ,on est à toute extrémité qu'on apprend à connaître ,Christ. Il ne dort que pour être réveillé et pour qu'on ne donne plus sa gloire à un autre. Mais quand la prière devient un cri, on sent bientôt qu'il est vivant. Il ne dort que pour ceux qui dorment, quoique tout se fasse sous son regard. Les peuples s'émeuvent, telle Eglise menace de se dissoudre, telle âme passe sous les jugements de Dieu; soyez en paix, Jésus-Christ est le même, hier, aujourd'hui, éternellement. Qu'il se lève seulement, et ses ennemis seront bientôt dispersés; qu'il étende le bras, le calme se fera promptement. La barque ne sombrera pas, elle arrivera aux rives éternelles; car c'est ici la volonté du Père, qu'il ne perde ,aucun de ceux qui lui ont été donnés, mais qu'il les ressuscite au dernier jour. Cette promesse est le bras, qu'il faut saisir, au fort de la tempête, pour être dans une habitation paisible, dans des pavillons de sûreté et dans un repos fort tranquille.

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25 SEPTEMBRE.

 

Apprenez de moi, car je suis doux et humble de coeur. (Matth. XI, 29.)

 

La vraie douceur vient de l'humilité du coeur. Sous; la douceur ordinaire il peut y avoir un grand despotisme ; mais dans un coeur véritablement brisé il ne règne plus que l'humilité de Jésus. Cet anéantissement de nous-mêmes est l'oeuvre souveraine de la grâce. On voit des chrétiens réveillés qui ne sont ni doux ni humbles de coeur; faites-leur une remarque, et tout leur sang bouillonne. Cela indique qu'il y a encore en eux. du despotisme. Ils connaissent le Seigneur, ils le confessent ouvertement, mais ils suivent de près leur propre vie, et quand on a affaire avec eux, on se trouve en pleine Turquie. On croyait parler à un chrétien, on a, devant soi un pacha; au lieu d'une servante de Christ, c'est une sultane. Nous parlons ici des riches et des pauvres ; car il y a des tyrans domestiques dans toutes les classes. La Bible est souvent le prétexte qui sert à, justifier ces airs de grandeur ; car on peut tout trouver dans la Bible, quand on a intérêt à l'y trouver. Aussi le pire des despotismes est-il le despotisme clérical. Il est facile d'être orthodoxe, mais difficile d'être doux et humble de coeur. L'asservissement de l'Eglise vient trop souvent de ses conducteurs. Partout où le vrai Jésus-Christ n'est pas maître du logis, c'est un pape qui y domine. On ne sauve point l'Eglise par des règlements ni par des réformes liturgiques: Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, ô vous qui gouvernez l'Eglise; soyez les derniers, vous qui voulez être les premiers. Si vous rayonnez comme des âmes humbles, et que votre douceur soit connue de tous les hommes, il ne sera plus besoin que des formules de chancellerie ni de belles formes masquent le défaut de vie. Les Eglises confiées à vos soins ne seront plus des cadavres qu'on veut faire revivre par des moyens galvaniques ; le vent y soufflera, et aux ordonnances humaines le Seigneur fera succéder des démonstrations d'esprit et de puissance.

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26 SEPTEMBRE.

 

Et le centenier répondit et lui dit: Seigneur ! je ne suis pas digne que tu entres chez moi, mais dis seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. (Matth. VIII, 8.)

 

La foi peut se mêler à une vie de caserne et entrer dans le coeur d'un soldat. Quoique le service militaire ne soit pas à coup sûr la meilleure école pour apprendre à aimer le Sauveur, ce n'est pas non plus l'uniforme qui repousse le salut, c'est toujours la mauvaise volonté. Il se peut même qu'un bon soldat, bien attaché à son service et fidèle à son règlement, trouve en cela un pédagogue qui le conduise à Christ. Il y a des villes où les meilleurs chrétiens sont d'anciens soldats. Ce sont aujourd'hui les âmes les plus attachées à la Bible; elles n'écoutent pas autre chose que ce règlement éternel. Ils montent la garde au service de leur Dieu ; ils sont devenus ses sentinelles. L'obéissance militaire les a formés à l'obéissance chrétienne. Le centenier de Capernaüm avait été frappé dans sa conscience ; c'est ce qui le rend si humble et si compatissant envers son serviteur. Un soldat a souvent de rudes souvenirs, mais Dieu a aussi des balles pour atteindre le coeur du vieil homme. Jean-Baptiste, déjà avait eu dans son auditoire des gens de guerre qui lui demandaient: Et nous, que ferons-nous pour être sauvés ? Le coeur peut s'amollir dans une caserne comme il peut rester dur dans une église. Le vrai soldat de Jésus-Christ est celui que la grâce a vaincu ; mais les vaincus du Seigneur seront les vainqueurs du monde. Sentons notre indignité et courons au-devant du Sauveur, cette rencontre ne sera pas vaine. Il fera peut-être de nous un vrai centenier, c'est-à-dire un homme en bénédiction pour cent âmes, et qui leur commandera, non par la puissance des armes charnelles, mais par la puissance sentie de l'Evangile.

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27 SEPTEMBRE.

 

Soyez sobres et veillez, car le diable, votre ennemi, tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. (1 Pierre V, 8.)

 

Les deux armes les plus ordinaires de Satan sont les convoitises ou la terreur. Il les mit toutes deux en usage pour dévorer le Fils de Dieu. Au désert, il essaya de l'amorcer en lui promettant l'admiration de la multitude, un trône même et l'empire du monde ; à Gethsémané et sur la croix, il essaya sur lui les tentations de l'épouvante. Soyons sobres et veillons, sans cela nous serons pris dans l'un ou dans l'autre de ces pièges. Il y a des jours où la vie chrétienne nous paraît facile, où elle abonde en douceur, et où nous trouvons moyen de cumuler les agréments de la chair et les joies de la piété. Prenons garde alors, c'est le lion qui rugit. Mais il y a d'autres jours où tout un enfer se déchaîne et où nous ne voyons que des abîmes et du péché. C'est encore le lion; n'ayons pas peur, croyons inébranlablement que si nos péchés abondent, la grâce surabonde. Où il y a une oeuvre de Satan bien sentie, il y a aussi une oeuvre de l'Esprit. Pourquoi Satan rôderait-il autour de nous, s'il ne voyait en nous un saint, un élu, un bien-aimé de Dieu? L'hypocrisie, a dit un homme de lettres, est le plus bel hommage rendu à la vertu; ajoutons : Les éclaboussures de Satan sont le plus sûr témoignage qu'il y a en nous une oeuvre de grâce. Le diable s'acharne surtout sur ceux qui détruisent son empire. Les écrits de Luther sont pleins de Rome et de Satan. Si nous avons été en bénédiction à une âme, le diable voudra avoir aussi sa part. Veillons doublement alors et prions, pour ne pas recevoir à l'improviste un de ses soufflets. Sans doute le lion de Juda est plus fort que le lion de l'abîme, c'est pourquoi, si nous prenons le bouclier de la foi en lui, nous éteindrons tous les traits enflammés du malin. Le diable pèche et fait pécher dès le commencement, mais le Fils de Dieu a paru pour détruire ses oeuvres. Quand le lion rugit, les troupeaux courent vers leur berger; faisons de même, et Celui qui est en - nous sera plus fort que celui qui est dans le monde.

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28 SEPTEMBRE.

 

Et Jésus répondit: Je vous dis, en vérité, qu'il n'y a personne qui ait quitté maison, ou frères, ou soeurs, ou père, ou mère, ou femme, ou enfants, ou des terres, pour l'amour de moi et de l'Évangile, qui n'en reçoive dès à présent, en ce siècle, cent fois autant, des maisons, des frères, des soeurs, des mères, des enfants, et des terres, avec des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle. (Marc X, 29, 30.)

 

Jésus-Christ est assez riche pour rendre largement ce qu'il prend. Il y a même plus. Le Seigneur ne nous prend quelque chose que pour nous le rendre en épuisant sur nous sa bénédiction, en sorte que nous n'y pourrons suffire. C'est en ce siècle, dés à présent, qu'il fait cette restitution, de sorte qu'en quittant pour l'amour de lui les biens de ce monde, nous ne hasardons pas notre vie présente, car la piété a les promesses de la vie actuelle aussi bien que celles de la vie à venir. Mais il faut réellement quitter ce que le Seigneur demande et nous mettre absolument à sa discrétion. il aime ceux qui donnent gaiement, qui donnent et qui ne se font pas arracher ce qu'ils ont l'air de donner. Il faut pouvoir dire : J'ai donné, et non pas : Le Seigneur m'a pris. Abraham donna son fils. C'est le peuple plein de franche volonté qui reçoit de la fidélité de son Dieu, dès à présent et en ce siècle, le centuple de ce qu'il a donné. Nous ignorons comment le Seigneur nous le rendra, mais c'est là son affaire. Sa parole est engagée, et certainement il ne sera pas trouvé menteur. Demandons aux missionnaires, aux prisonniers de Florence s'ils ont osé se plaindre de la fidélité de Dieu; ils nous diront tous : Il m'a été rendu cent fois autant, dès à présent, en ce siècle. Nous ne sommes ni des missionnaires ni des persécutés pour l'Évangile, mais la promesse du Seigneur n'est pas pour eux exclusivement, elle a un côté applicable dans les circonstances d'une vie tout ordinaire. Avec le temps, l'Eternel nous redemande l'un après l'autre les objets que nous aimons; notre vie se dégarnit peu à peu; et peut-être serons-nous seuls quand nous serons vieux. Heureux alors ceux qui ont réellement donné et qui ne voudraient pas reprendre ce que le Seigneur leur a pris ! Heureux ceux qui comblent chaque vide par le Sauveur lui-même, et qui en lui ont non seulement la vie, mais la plénitude de la vie 1 Ceux qui sèment avec larmes moissonnent avec chants de triomphe. Ils portent la semence pour la mettre en terre et la portent en pleurant; mais ils reviendront avec un cri de joie quand ils porteront leurs gerbes.

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29 SEPTEMBRE.

 

S'il se peut faire, et autant qu'il dépend de vous, ayez la paix avec tous les hommes. (Rom. XII, 18.)

 

Peut-on avoir la paix avec tous les hommes L'Apôtre semble en douter, puisqu'il dit : S'il se peut faire, et autant qu'il dépend de vous. En ayant pour chaussure les dispositions que donne l'Évangile de paix, nous serons un enfant de paix pour bien des âmes à qui la paix manque. Il est même dit que lorsque l'Éternel prend plaisir aux voies d'un homme, il apaise envers lui ses ennemis; mais le Seigneur dit aussi : Malheur à vous, si tout le monde dit du bien de vous ! et saint Paul convenait que, s'il eût cherché à plaire aux hommes, il n'eut point été un serviteur de Christ. C'est qu'en effet il y a deux classes d'hommes avec qui l'on peut vivre en paix, et deux autres avec qui on ne le peut que difficilement. On peut avoir la paix avec ceux qu'on laisse tranquilles et auxquels on ne parle jamais de leur âme ni de leurs intérêts éternels. On peut aussi avoir la paix avec de vrais disciples du Seigneur, même en les reprenant, car si le juste les frappe, ils le regardent comme une faveur, quand ils sont repris, ce leur est un baume excellent. Mais la bonne harmonie est plus difficile avec ceux qui sont plongés dans leur propre justice et à qui nous sommes appelés à ouvrir les yeux. Entreprenez-les comme vous voudrez, toujours ils crieront, et sur dix amis pareils, à peine en conserverez-vous un. A côté de cette première classe, il en est une autre qui est celle des anciens réveillés, mais qui, faute d'une discipline soutenue, ne sont plus guère qu'un sel insipide. Ils ont, malgré cela, de hautes prétentions, précisément parce qu'ils ont moins de vie. Ils se regardent comme des vétérans dans la sainte armée de Dieu, et ils pensent qu'ils ont à donner et non à recevoir d'un frère mineur. Soufflez sur leur poussière, et la paix avec eux cessera. Voulons-nous garder la vraie paix ? Je parle de nous et de notre propre âme ; restons en guerre avec nous-mêmes jusqu'à ce que nous ayons résisté jusqu'au sang en combattant contre le péché. Un jour sans repentance est un premier pas vers la mort. Mettons-nous bien dans l'esprit que le temps actuel est la saison de la lutte; le repos du peuple de Dieu est réservé pour l'éternité.

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30 SEPTEMBRE.

 

Jésus leur dit: J'ai fait devant vous plusieurs bonnes oeuvres de la part de mon Père; pour laquelle me lapidez-vous ? (Jean X, 32.)

 

L'ironie se trouve dans nos saints Livres, mais elle y a un autre caractère que dans la littérature profane. C'est moins pour faire rire que pour faire pleurer que Jésus-Christ demande ici à ses ennemis : Pour quelle bonne oeuvre me lapidez-vous? Quand Paul disait aux Corinthiens : Vous êtes déjà rassasiés, vous êtes déjà enrichis, vous êtes devenus rois sans nous, il le disait le coeur serré et en déplorant un tel aveuglement. L'ironie sacrée vient d'une sainte douleur ou d'une sainte indignation. A sa place, nous nous servons souvent de l'ironie ordinaire, et quand il s'agit des consciences, cette arme est fort dangereuse. Une parole mordante a souvent des suites incalculables. L'esprit moqueur aigrit bien plus que les attaques directes mais .sérieuses. Ce qu'il y a de plus funeste, c'est que ceux qui ont le talent de l'ironie le font valoir où ils peuvent. Parmi les ambitions, il faut compter celle de faire rire ou du moins de faire sourire. L'ironie portée en chaire serait la mort de l'onction; le genre larmoyant, qui ne vaut rien, vaudrait encore mieux que celui qui exciterait l'hilarité. Il est dit deux fois que Jésus-Christ a pleuré il n'est dit nulle part qu'il ait ri. L'homme déchu flotte toujours entre Héraclite et Démocrite ; mais quand l'Évangile est arrivé aux jointures et aux moelles, il ne rend ni morose ni moqueur; il communique une majesté paisible, qui est celle du Seigneur; il donne au vrai disciple une douce aménité, soit dans les jours de deuil, soit dans ceux où Dieu le comble de joies.