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(La Bible: 1Thessaloniciens 5:21)

 OCTOBRE

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1 OCTOBRE.

 

Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu. (Col. III, 3.)

 

Un homme qui a beaucoup de paroles est rarement un homme profond. Il y a aussi une loquacité religieuse qui est comme de l'eau tiède et qui vient d'un pauvre fonds. C'est la disposition ordinaire de ceux qui ont beaucoup de facilité d'élocution, mais qui ont peu combattu et peu souffert en eux-mêmes. La véritable vie religieuse vient d'une puissance intérieure qui ne se montre point, qui ne se répand point en paroles, mais qui abonde en force et qui vient de la plénitude de Christ. Pour arriver à cette vie intime, il faut que le principe de la vie mondaine soit tué. Démêlons soigneusement si l'esprit qui nous domine est l'esprit du monde ou celui des choses célestes. La vie du vieil homme est dans l'attachement à la vanité et dans la domination de la convoitise. On peut, il est vrai, dissimuler tout cela et avoir des dehors très religieux, mais toujours reste-t-il vrai que la vie réelle ne commence que lorsque les jugements de Dieu ont fait leur oeuvre en nous. Si nous sommes morts et que notre vie soit cachée avec Christ en Dieu, si le mauvais trésor de notre coeur a été surmonté par un levain divin qui est la vie du Sauveur lui-même, nous tirons notre force du sein de Dieu, vers lequel Christ s'est retiré depuis son ascension. Plus une vie chrétienne est nourrie et profonde, plus elle est cachée; elle serait profanée par ce flux de paroles qui ne sont d'aucun profit pour le règne de Dieu. Mais toute cachée qu'elle est, elle ne se renferme pourtant pas tellement en elle-même qu'elle risque de devenir de l'égoïsme spirituel. L'onction qui en est le cachet est déjà un langage et un puissant moyen d'agir sur les autres. Du reste, les occasions abondent où cette vie cachée se manifeste et témoigne de son origine. Christ continue à parler, à vaincre le péché et à triompher du monde dans de faibles créatures qu'il a remplies de sa vie et qu'il a investies de sa puissance.

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2 OCTOBRE.

 

Mais quand Christ, qui est votre vie, apparaîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire. (Col. III, 4.)

 

La vie éternelle qui habite dès à présent dans les enfants du Seigneur, est encore voilée et mélangée de mille misères. De là, ces soupirs qui partent de toutes les parties de la création et qui sortent aussi des âmes qui ont reçu les prémices de l'Esprit de Dieu. Toute vie chrétienne est une vie d'attente ; nous sommes actuellement dans un intérim, notre gloire à venir n'a pas encore été manifestée. Cette vie que nous cachons est un travail d'adoration et de larmes, jusqu'au moment où ce qui est corruptible sera englouti par l'incorruptible, et ce qui est mortel par l'immortalité. Les arrhes de notre héritage céleste nous ont été données, s'il est vrai que l'Esprit de Christ habite en nous. Mais précisément parce que nous avons les arrhes, nous voudrions avoir le tout. Quand le levain travaille, il fait monter toute la pâte, et quand la vie divine a commencé, elle se presse vers le but, laissant derrière elle les choses visibles qui ont perdu leur empire. On a faim et soif des choses d'en haut, et un ardent désir d'être manifesté dans ce vêtement que Christ a mis en évidence le jour de sa résurrection. Ces soupirs cachés des élus vers leur état final les accompagnent dans leurs traites ici-bas et dominent leurs bons et leurs mauvais jours. C'est ainsi que l'épouse appelle son époux et lui dit : Viens, viens bientôt; donne de l'eau vive à ceux qui ont soif. Les guets du matin tournent les yeux du côté où doit paraître l'aurore, et les âmes en qui la vie éternelle agit, hâtent par leurs prières l'apparition de la gloire du grand Dieu et Sauveur, qui transformera notre corps vil pour le rendre conforme à son corps glorieux, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses.

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3 OCTOBRE.

 

Vos richesses sont pourries, et les vers ont mangé vos habits. (Jacq. V, 2.)

 

L'homme a égard à ce qui parait à ses yeux, mais l'Éternel regarde au coeur. Là où nos yeux voient des richesses, l'Éternel ne voit souvent que de la pourriture et des vers. Quoique les biens abondent à quelqu'un, il n'a pourtant pas la vie par ses biens. Tel homme vit avec la conscience d'un péché secret, et ce péché fait pourrir ses richesses et mange ses habits. Heureux au dehors, il est misérable au dedans. Les hommes, ses semblables, le croient comblé de bénédictions, parce qu'ils ne voient pas sous cette apparence opulente les tourments d'une mauvaise, conscience que la prospérité extérieure accroît au lieu de les diminuer. Un accroissement de bonheur, quand le coeur est sans paix, est un trésor de larmes et un accroissement d'amertume. Notre corps ne tient qu'à un fil; un rien suffit pour nous jeter dans un lit de souffrance; notre âme aussi, s'il y a le moindre trouble entre elle et Dieu, est une âme rongée et inaccessible à toute richesse. Rendons grâces, si nous avons de quoi vivre et si nous ne sommes à charge à personne; mais rendons grâces surtout, si nous pouvons prier et si nous avons accès à ce que Dieu nous donne. Le péché nous sépare de Dieu et de ses bienfaits. Veillons sur notre paix et gardons notre coeur plus que toute autre chose qu'on garde. Ayons le courage de rompre avec le péché avant qu'il soit un interdit sur nos biens. Peu, avec la crainte de l'Éternel, vaut mieux qu'un grand trésor où il y a du trouble. La paix donne du prix à tout; le péché pourrit tout. Le vrai riche, c'est le juste qui se dépouille pour Dieu; le vrai pauvre, c'est le riche dont les affaires prospèrent et dont la paix est pourrie, dont la justice est rongée.

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4 OCTOBRE.

 

Et se tenant derrière, aux pieds de Jésus, elle se mit à pleurer; elle lui arrosait les pieds de ses larmes, et les essuyait avec ses cheveux; elle lui baisait les pieds, et elle les oignait avec cette huile. (Luc VII, 38.)

 

Un coeur brisé et qui se répand en larmes aux pieds du Seigneur est heureux, car il devient la plus chère habitation de Christ. C'était une grande pécheresse que celle qui vient se jeter aux pieds de Jésus, baignée des larmes de la repentance et de l'amour. Dieu avait eu beaucoup à pardonner en elle, elle avait aussi beaucoup à pleurer et beaucoup à aimer. Nous ne sommes pas aux yeux du monde des gens de mauvaise vie, mais si le Seigneur nous montre ce que nous sommes à ses yeux, nous nous anéantirons devant lui autant que le ferait le dernier des pécheurs. Restons à cette place si nous y sommes descendus, et donnons cours à nos larmes: quand notre coeur orgueilleux sera brisé, il en sortira un parfum de vie. Passons condamnation sur toutes nos oeuvres, et laissons le glaive de Dieu pénétrer dans nos entrailles. Une repentance passagère n'est pas de la repentance. Demeurez en moi, dit le Seigneur; demeurez-y tels que vous êtes: brisés, anéantis, couverts de souillure. Il faut du temps pour fondre l'or, et un petit feu ne suffit pas; mais il faut beaucoup plus de temps encore pour que nos larmes aient un résultat 1 Ah 1 si nous pouvions rester devant Jésus dans l'humiliation et dans la cendre; si nous pouvions descendre plus bas encore et ne pas nous relever si tôt, nous serions des vases d'amour comme nous avons été des vases de péché. Nous sentirions sur nous la main du médecin, et dans notre âme une vie nouvelle. Nous serions à notre bien-aimé et pourrions dire au monde : Il m'a consolé de toutes mes ruines, et il a rendu mon désert semblable à Éden, et ma solitude au jardin de l'Éternel; la joie et l'allégresse se trouvent au milieu de moi, la louange et la voix de cantique. Le Pharisien qui avait invité Jésus-Christ à dîner ne savait pas qu'il y eût des âmes travaillées et chargées pour qui le Fils de l'homme était venu. Il y a des maisons où l'on prie à table, où l'on observe religieusement le dimanche, où l'on fait soigneusement le culte en famille, mais où, à côté de ces bonnes choses, on n'a connu ni la douleur que cause le péché, ni les larmes versées aux pieds de Jésus, et où, par conséquent aussi, on n'a pas connu le bonheur que donne cette parole de délivrance et de relèvement: Tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a sauvé, va-t'en en paix.

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5 OCTOBRE.

 

Éternel ! jusques à quand? (Ps. VI, 4.)

 

Dieu peut labourer un corps ou une âme pendant toute une vie. Il y a des existences qui ne sont qu'un tissu d'épreuves. Ceux qui souffrent, ainsi que ceux qui les voient souffrir, ne peuvent s'empêcher de s'écrier : Éternel, jusques à quand? Il est difficile alors de croire, et de croire jusqu'au bout que Dieu est amour. Mais nous ne voyons que les voies de Dieu, nous ne voyons pas son coeur. Quand le soleil est enveloppé des plus noirs nuages, il n'en est pas moins l'astre qui ,donne au monde la lumière et la vie. N'en est-il pas de même de ce Dieu dont toutes les pensées à notre égard ne sont que des pensées de paix et non d'adversité ? Et si nos propres forces ne suffisent plus pour endurer l'épreuve, n'avons-nous pas la promesse que Dieu est fidèle, et qu'il ne permettra point que nous soyons tentés au delà de nos forces, mais qu'avec la tentation il nous en donnera aussi l'issue, de sorte que nous la puissions supporter? Le résultat d'une vie d'épreuve n'est pas le même dans chaque homme, quoique l'intention de Dieu soit peut-être la même. De longues souffrances portent facilement, à croire qu'on a largement expié, dans ce monde déjà, les péchés de sa vie. Cette croyance donne-t-elle la paix ? Et si elle ne la donne pas, y a-t-il eu en effet une véritable expiation ? Chez d'autres hommes, les souffrances usent les forces de la vie et le sentiment de la conscience. La douleur ne les a point tournés vers le médecin. Ils se sont plongés dans la souffrance ; leur vie s'y est émoussée sans autre résultat que la torpeur. Mais on est heureux de trouver aussi des âmes qui sortent victorieuses de leurs creusets. Lazare, devant la porte du riche, dans un corps tout couvert d'ulcères, s'endormit enfin en paix. Le paralytique de Béthesda, après trente-huit ans de souffrances, trouva aussi le Sauveur, sans parler de tant d'autres qui, par la toi et par la patience, sont devenus les héritiers des promesses. La grâce ne se manifeste pas toujours chez ces pauvres affligés par une conversion éclatante, mais pouvons-nous savoir jusqu'à quelle profondeur elle a pénétré dans leur âme? Ce soupir : Éternel, jusques à quand ? signifie beaucoup de choses. Il renferme une foi que nous ne pouvons analyser, une repentance qui ne s'exprime pas par des confessions telles que nous les voudrions peut-être, mais qui plaisent à celui qui sonde les coeurs et les reins. C'est bien le cas de se rappeler que quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

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6 OCTOBRE.

 

Ils ont changé la vérité de Dieu en des choses fausses, et ont adoré et servi la créature, au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. (Rom. I, 25.)

 

La plupart des fausses idées de nos jours, telles que le radicalisme, le communisme, le panthéisme, etc., etc., viennent d'un besoin véritable et normal qui s'est égaré en cherchant à se satisfaire hors de Dieu, seul objet de tout bonheur, et par le moyen de choses fausses transformées en idoles. Le radicalisme vient d'un besoin de liberté et d'indépendance que l'Ecriture reconnaît et approuve, quand elle dit: Mes frères, vous avez été appelés à la liberté Paul ajoute, il est vrai : Ne prenez pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair. C'est ce que font les radicaux. Ils se méprennent; ils secouent les jougs humains, au lieu de secouer le joug des passions et des convoitises ; ils ne savent pas qu'il n'y a que celui que le Fils affranchit qui soit véritablement libre. Le communisme vient également d'un besoin qui est une vérité de Dieu: c'est celui de posséder et de jouir. Une possession pourrait nous échoir à tous dans des lieux agréables, si nous recevions le Seigneur lui-même comme le bien commun auquel ,chacun de nous a le même droit. Mais ce besoin s'est aussi égaré ; et le coeur, né pour la possession d'un trésor, au lieu de choisir celui que les vers ne rongent point et que les larrons ne dérobent point, convoite le bien d'autrui et rêve un nivellement qui n'est plus dans l'ordre de Dieu. Le panthéisme enfin, qui a pour but de faire arriver l'homme à la conscience de sa divinité, repose sur une vérité qui, si elle était restée vérité de Dieu, ferait tout notre bonheur. Dieu avait dit au premier couple : Dominez sur la terre; le Psalmiste dit aussi: Tu l'as établi dominateur sur les ouvrages de tes mains; et Paul donne raison à un poète grec qui avait dit: Nous sommes aussi la race de Dieu. Mais s'il est vrai que Dieu a mis toutes choses sous nos pieds, il est évident que celui qui nous a assujetti toutes choses est excepté, et le panthéiste, voulant être égal à Dieu et une partie même de Dieu, a tourné vers la créature l'adoration due au Créateur, béni éternellement. C'est ainsi que tout ce qui est bon, sortant des mains de Dieu, se gâte entre les mains des hommes.

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7 OCTOBRE.

 

Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. (Matth. XVIII, 15.)

 

S'il s'est passé entre deux chrétiens quelque chose qui peut devenir une mauvaise racine d'amertume, il faut sur-le-champ s'expliquer. Ne laissons pas vieillir ce qui peut devenir une cause de désunion. La raideur, dans les rapports fraternels, vient ordinairement, ainsi que les discussions de famille, de ce qu'on n'a pas été droit les uns envers les autres. Il arrive souvent, je le sais, que l'un cherche une explication que l'autre fuit. Il arrive souvent aussi que, tout en s'expliquant, on s'échauffe et l'on se dit des choses de plus en plus piquantes, qui éloignent la réconciliation et augmentent la répulsion que l'on se sentait l'un pour l'autre. La difficulté d'une explication vient toujours de l'excessive susceptibilité du coeur déchu. L'homme spirituel se repaîtrait volontiers de vérité, mais l'homme déchu fuit la vérité, parce qu'elle attaque son orgueil. Quand vous aurez à reprendre un frère, ne le faites pas sans vous y être préparé par la prière. Demandez à être, revêtu de l'Esprit du Seigneur, afin de suivre la vérité avec la charité et de faire sentir à celui que vous, avez à reprendre, que vous venez à lui dans son intérêt et non dans le vôtre. Si ce frère à reprendre était vous-même, n'attendez pas jusqu'au moment d'une explication pour demander la sagesse d'en haut, dont un des, caractères essentiels est d'être traitable. Considère bien celui qui a souffert une si grande contradiction de la part des pécheurs, et qui a reçu nos crachats sans sortir du calme de l'humilité et de l'amour. Un chrétien qu'on ne peut pas reprendre sans qu'il se cabre n'est pas encore un chrétien, et celui qui assure qu'il a tout écouté, mais qui n'en garde pas moins une rancune cachée, se met sous un interdit, car il ne peut plus dire : Pardonnez-moi comme je pardonne. Veillons sur nos bons rapports, et que la gloire qui vient de Dieu nous soit plus chère que notre point d'honneur et notre justice propre; car comment pouvons-nous croire, si nous aimons à recevoir de la gloire les uns des autres, et que nous ne recherchions pas la gloire qui vient de Dieu seul?

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8 OCTOBRE.

 

Qu'il vous soit fait selon votre foi. (Matth. IX, 29.)

 

Gardons en tout temps une joyeuse assurance, et espérons continuellement en notre Dieu. Les difficultés s'aplaniront, non en proportion de nos calculs et de nos prévisions, mais en proportion de notre foi. Il nous sera fait, dit Jésus-Christ, selon notre foi. Nous ne pouvons jamais assez attendre de Dieu, car celui qui nous a donné son Fils et qui nous le laissera pour toute l'éternité, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui? Mais il y a deux situations où il est difficile de croire. L'une est celle où Dieu nous ôte un bonheur visible dont la privation fait tout à coup pour nous une solution de la vie. Croyons alors que tous nos bonheurs réunis ne valent pas celui que nous trouverons en Dieu lui-même, si nous tournons vers lui nos pensées et nos désirs. L'autre situation est celle où, souffrant de notre nature intraitable, nous désespérons d'être jamais changés. Sans doute, en regardant à nous, à la longueur, à l'inutilité de nos efforts, nous avons sujet de perdre courage; mais l'impossibilité dans laquelle nous gémissons n'est-elle pas la meilleure garantie que Dieu viendra à notre secours? Il suffit que nous voulions être changés, nous le serons. Veux-tu être guéri? disait Jésus-Christ à ceux qu'il guérissait quelques moments après. Je sais bien que notre plus grand mal est souvent de ne pas vouloir être guéris. Nos longues luttes, ces luttes si infructueuses, viennent de ce que nous ne voulons pas nous détacher du péché. Mais aussi longtemps que la lutte existe, il reste une espérance. Les luttes ne viennent que de l'Esprit de Dieu, et partout où il fait son oeuvre, il crée aussi un soupir après une volonté nouvelle. Écoutons bien ce que nous dit l'Esprit, et Celui qui nous a donné la volonté nous donnera aussi l'exécution selon son bon plaisir. N'abandonnons donc pas notre confiance, qui doit avoir une grande récompense. Croyons le Seigneur sur parole; et il nous sera fait selon notre foi.

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9 OCTOBRE.

J'avais oui parler de toi de mes oreilles; mais maintenant mon oeil t'a vu. (Job XLII, 5.)

 

Il y a loin d'une vérité entendue à une vérité expérimentée et qui est devenue sue et sang, comme on dit. Job avait déjà une fort belle religion avant ses infortunes; mais ses convictions les plus profondes ne lui vinrent qu'après les soufflets de Satan. Dans une atmosphère chrétienne, on ne peut souvent pas distinguer ce qu'on a appris des autres de ce que Dieu lui-même nous a enseigné. On pense comme les autres, on parle comme les autres, et ce n'est que dans les moments d'épreuve et de lutte qu'on sent qu'on n'a rien. On avait ouï parler, mais notre oeil n'avait point vu. Dieu fait lui-même notre orthodoxie, comme il la fit aux Sichariotes, qui n'eurent plus besoin du témoignage de la Samaritaine dès qu'ils furent en rapport direct avec Jésus. L'âme vit de sa foi, et tout ce qui n'est point vie en elle n'est point force et n'est point à nous. Une intelligence docile ne peut remplacer un coeur ouvert, et la foi traditionnelle est le plus grand obstacle à la recherche d'une foi personnelle. On se laisse porter sur les épaules d'autrui, on adopte une foi toute faite, et comme on sait par coeur qu'il y a une porte étroite, on croit que depuis longtemps on l'a laissée derrière soi. Le caractère auquel on peut reconnaître que ce Credo sur parole d'autrui n'est pas la vraie foi, c'est qu'il ne donne aucune joie ni aucun rafraîchissement spirituel. Un voyageur que la soif dévore, à la suite d'une longue marche, boit avec bonheur l'eau qu'il rencontre sur son chemin. Il ne la boirait point avec le même plaisir si on la lui apportait dans sa chambre. Voyez la foi profonde de Job, après ses épreuves. Pour croire, il faut souffrir et se fondre sous la main de Dieu . La foi est une puissance ; c'est quand notre coeur nous condamne, quand les hommes nous abandonnent, quand nos échafaudages s'écroulent, que nous sentons que la foi est une puissance. Alors on tombe, comme Job, dans les bras du Dieu fort et vivant; et, au lieu de trouver en lui un feu consumant, on le sent près de soi comme un père qui nous a prédestiné à être son enfant par Jésus-Christ, par un effet de sa bonne volonté.

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10 OCTOBRE.

 

Israël, si tu te retournes, dit l'Éternel, retourne-toi vers moi; si tu ôtes tes abominations de devant moi, tu ne seras plus errant ça et là. (Jér. IV, 1.)

 

On peut se convertir, et ne pas se convertir à l'Éternel; cela arrive quand on échange une idole contre une autre idole, et que l'objet de nos recherches n'est point le Seigneur lui-même. Un homme fatigué d'une vie de dissipation adopte des goûts plus retirés ; il se convertit, il se retourne vers une vie tranquille, mais non pas vers l'Éternel. Regardez-y de près : l'esprit terrestre de cet homme est encore le même. Un autre est malade ou dans une de ces détresses où l'assistance des hommes n'est plus que vanité en cet état, il s'adonne à la prière, il reprend la lecture de la Bible, mais ce n'est point l'Éternel, c'est sa délivrance , que cet homme cherche dans toutes ces choses. Un troisième encore se convertit d'un système d'idées à un autre; il adhère à l'Évangile et quitte le pape et la messe pour une doctrine qu'il croit être la vérité mais la persuasion de l'esprit n'est pas un passage de la mort à la vie; Dieu veut un coeur touché, c'est-à-dire beaucoup plus qu'une autre manière de voir. D'autres enfin ont trouvé un Sauveur, mais non pas le vrai. Ils se sont convertis à leur propre conversion, prenant pour le Seigneur lui-même un commencement de vie nouvelle; aussi, dès que leurs propres impressions les abandonnent, ils perdent la tête et ne savent plus où ils en sont. Y a-t-il dans notre vie un retour, une conversion? Si nous ne sommes plus ce que nous étions, allons jusqu'au bout. L'Éternel est-il notre terme et notre trésor? N'avons-nous point échangé une idole contre une autre? Tout ce qu'on préfère à Dieu, tout ce qu'on met à côté de Dieu, tout ce que l'on compare au Seigneur lui-même, est au nombre (les abominations. C'est une abominable ingratitude de choisir autre chose que lui, qui est notre tout et en dehors de qui tout est néant. Les fausses conversions, les trompeurs retours, rendent errants çà et là ils ne donnent rien de ferme; on conçoit le travail et l'on enfante le tourment; c'est pour nous prémunir contre ce malheur que l'Éternel. s'écrie : Israël, si tu te retournes, retourne-toi jusque vers moi. Ce qui signifie : Sois chrétien à fond, et tu seras un enfant de paix.

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11 OCTOBRE.

 

Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. (Rom. VIII, 36.)

 

Avez-vous une devise pour votre vie chrétienne? Si vous n'en avez pas, prenez celle-ci. Il y a dans la vie bien des choses faites pour effrayer ; par exemple : l'affliction ou l'angoisse, la persécution ou la faim, la nudité, le péril ou l'épée; mais ne regardez point à tout cela. Je connais un homme capable de vaincre toutes ces difficultés, et cet homme c'est vous, si vous êtes en Christ. L'Église romaine parle d'oeuvres plus que suffisantes pour procurer le salut ; l'Évangile parle d'une force plus que suffisante pour nous rendre victorieux de tout par Celui qui nous a aimés. Est-il vrai que Christ ait vaincu le monde et qu'il ait détruit nos obstacles ? Est-il vrai qu'il. ait compté nos cheveux, inscrit nos larmes, calculé nos combats et pesé d'avance toutes nos misères ? Un médiateur a tout cela à faire. S'il veut répondre pour nous, il faut qu'il prenne sur lui notre propre existence, avec toutes les charges qu'elle renferme. Il l'a fait et il a vaincu, lui, qui est aujourd'hui à la droite du Père. Tout est accompli pour une âme qui croit, qui reste attachée à son Sauveur et ne se laisse point abattre. La force abonde en elle; le triomphe de Christ devient le sien. Regardons donc à Jésus, à l'accomplissement de notre délivrance; nous n'y regardons pas assez. Nous fouillons en nous-mêmes, au lieu de faire valoir ce que nous avons reçu;nous ne voyons que le vent et la tempête, au lieu de nous réjouir d'être soutenus par une main qui ne nous lâchera jamais et qui nous rendra plus que vainqueurs. C'est la main de celui qui nous a aimés; sa force nous porte, elle soulève les montagnes, elle éteint les traits enflammés de Satan; elle fait taire les jugements du péché et remplit de lumière la vallée sombre qui nous attend demain. C'est la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ. Nous ne la méritons pas, nous ne la produisons pas, mais c'est pour cela même qu'elle se donne à nous gratuitement et fidèlement, et qu'elle nous garde par la puissance de Dieu et au moyen de la foi, pour être sauvé au jour de Christ.

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12 OCTOBRE.

 

Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit. (Jean III, 8.)

 

Qui est-ce qui tire le vent de ses trésors? Qui est-ce qui lui prescrit sa route et qui le fait tomber? C'est Celui qui fait souffler sa grâce où il veut, qui attire à lui qui il veut, qui se retire de qui il veut. Dieu est libre dans la nature comme dans le monde invisible ; c'est son indépendance qui fait sa divinité. Telle âme à qui nous ne pensions nullement reçoit grâce, et telle autre que nous entourons de tous nos soins reste fermée à l'Évangile. Dieu ne donne point sa gloire à un autre ; il fait miséricorde à qui il fait miséricorde; il a pitié de qui il a pitié. Cela ne vient point de celui qui veut, ni de celui qui court; c'est un don de Dieu, afin que personne ne se glorifie. L'oeuvre de la grâce n'est pourtant pas du fatalisme. Personne ne pourra dire qu'il n'a pu la posséder, parce que Dieu la donnant à qui il veut, il n'a pas été du nombre de ceux à qui il l'a donnée. Il y a une connexion intime entre la grâce de Dieu et notre volonté. La volonté est cette faculté qui peut saisir et rejeter; si nous voulons la grâce, nous t'aurons; si nous ne la voulons pas, nous l'éloignons nous-mêmes. Saint Paul, en disant que cela ne vient point de celui qui veut, ne dit pas : Nous avons beau vouloir, notre volonté ne signifie rien ; car il contredirait ces paroles, qui sont certaines aussi : Qui demande, reçoit; qui cherche, trouve, et l'on ouvre à celui qui heurte. Saint Paul veut dire que quiconque a reçu la grâce, l'a reçue et ne l'a point prise. Nous avons reçu la volonté pour demander et non pour nous emparer des dons de Dieu. Si la grâce ne nous est pas donnée, ce n'est pas que Dieu la retienne, c'est que notre coeur lui reste fermé. Nous sommes pleins de mondanité, d'indifférence et d'illusions sur nous-mêmes; tandis qu'il nous faudrait un coeur pauvre et vide, pour que le vent de Dieu put y souffler. Faisons place à la grâce, et elle ne nous manquera pas. Dieu la donne; on ne la lui prend point. Celui qui ne l'a pas reçue n'a qu'à interroger sa conscience ; elle lui dira : Ce n'est point Dieu qui t'a exclu, c'est ta mauvaise volonté qui t'a fermé la porte.

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13 OCTOBRE.

 

J'ai aussi regardé tout le travail et l'adresse de chaque métier, et j'ai vu que l'un porte envie à l'autre; cela aussi est une vanité et un tourment d'esprit. (Ecclés. IV, 4.)

 

La concurrence que se font les marchands, leurs rabais, l'adresse qu'ils mettent à se surpasser n'est, an fond, que le fruit de l'envie. Ils sont jaloux les uns (les autres, et ils cherchent à se renverser. L'envie est bien un tourment d'esprit, et un des plus cruels peut-être. Il y a des existences que l'envie dévore, comme la vermoulure ronge les os. Notre coeur égoïste nourrit-il cette vanité? Sommes-nous envieux? De quel oeil voyons-nous la prospérité des autres? Si quelqu'un nous efface, si l'on nous met de côté, comment supportons-nous cette humiliation? Mais il y aune envie plus subtile et qui regarde la vie religieuse. Si l'un de nos frères a moins de combats que nous, si Dieu lui rend son christianisme plus facile, s'il a plus de joies que nous, plus de résultats de sanctification que nous, nous réjouissons-nous de la vérité, ou cela nous déplaît-il extrêmement, et en sommes-nous fort affligés, comme le fut Jonas de la conversion des gens de Ninive ? Si, réveillé jeune, nous avons une vie spirituelle pénible, et que notre travail dans le salut se passe avec crainte et tremblement, tandis qu'un autre, touché une heure avant sa mort, reçoit le même ciel que nous, sans avoir passé parles mêmes tribulations, notre oeil n'est-il. pas malin de ce que le Seigneur s'est montré bon? Ne disons-nous pas comme les ouvriers de la parabole : Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, et Dieu les a égalés à nous, qui avons supporté la fatigue de tout le jour et la chaleur? Désirez-vous savoir quel est le remède qui peut guérir l'envie; le voici : Aimez avant toutes choses la gloire de Dieu; et la recherche de cette gloire sera aussi le repos de votre âme. Vous sortirez de vos vanités et de vos tourments d'esprit; vous aurez un fondement solide; le règne de Dieu sera aussi votre règne, et les bénédictions que vous verrez monter au ciel redescendront sur vous et multiplieront les vôtres.

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14 OCTOBRE.

 

Est-il possible que vous n'ayez pu veiller une heure avec moi ! (Matth. XXVI, 40.)

 

Un chrétien éminent s'étonnait qu'on pût passer toute une nuit sans se lever au moins une fois pour se mettre à genoux devant le Seigneur. Mais on peut s'étonner à plus juste titre que, dans une nuit où quelqu'un ne peut dormir, il profite si mal de ces heures de silence. Avez-vous déjà eu des insomnies? Il y a des personnes qui en ont habituellement. Ces heures ont aussi leur destination. Quand tout dort autour de nous, le Seigneur entre chez nous et nous demande : Ne pouvez-vous point veiller une heure avec moi? Que de nuits n'a-t-il pas veillé lui-même sur la montagne et ailleurs! De quoi a-t-il rempli ces heures de recueillement et de prière ? Étaient-ce ses propres intérêts qu'il portait devant le Père, ou étaient-ce les nôtres? Et cette fidélité, comment la lui rendons-nous? Après une nuit d'insomnie sans prières, le Seigneur n'est-il pas fondé à nous dire : Est-il possible que vous n'ayez pu veiller une heure avec moi? Qu'est-ce qui est le plus fatigant de nous tourner et retourner dans notre lit, de laisser errer nos pensées de vanité en vanité, de nous plonger dans des soucis et de nous créer des chimères, ou de veiller une heure avec le Seigneur, et de répandre notre coeur devant lui? La nuit porte conseil, dit-on ; oui, si nous demandons conseil au Seigneur, et que nous le mettions au fait de nos intérêts et de nos craintes. L'esprit, l'âme et le corps habitent dans la retraite secrète du Souverain et logent parmi les biens, s'il nous est possible de veiller une heure avec le Seigneur. Que s'il nous semble trop pénible de lui parler, en repassant devant lui ce qui fait le sujet de nos prières, soyons au moins avec lui; l'âme éprouve alors un bien-être qui n'a rien de fatigant et que donnent le contact avec le Seigneur et l'influence de sa présence. C'est pendant nos insomnies surtout qu'il se tient à la porte et qu'il frappe; si quelqu'un entend alors sa voix et lui ouvre la porte, il entre chez lui et soupe avec lui.

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15 OCTOBRE.

 

Simon Pierre lui répondit. Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. (Jean VI, 68.)

 

Les paroles du Seigneur sont esprit et vie, elles jugent des pensées et des intentions du coeur. Mais l'homme naturel n'aime pas à être mis à nu; il retient la vérité captive et repousse les jugements de la Parole. Du vivant de Jésus-Christ, bien des gens déjà et plusieurs disciples même se retiraient et n'allaient plus avec lui. La lumière avait lui dans leurs ténèbres, mais leurs ténèbres ne l'avaient point reçue. Chacun est libre de suivre qui il veut ; les douze apôtres mêmes pouvaient se choisir un autre maître, mais quand Jésus leur demande : Et vous, ne voulez-vous point aussi vous en aller? Pierre répond, au nom de tous : Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Le monde est grand, et les séductions du péché sont à l'infini, mais comme les vagues viennent toutes finalement battre le rivage, toutes choses ramènent finalement au Seigneur et jettent le racheté dans ses bras. Pierre, après avoir prononcé cette belle parole, renia son maître; les autres disciples s'enfuirent quand Jésus fut pris, mais le Seigneur les fit souvenir de lui, et ils lui rendirent tous ce témoignage-ci : D'autres seigneurs que toi nous ont maîtrisés; mais c'est par toi seul que nous nous souvenons de ton nom. Sommes-nous l'un des douze? sommes-nous l'un des autres? Quelle est notre route et notre intérêt suprême? Si c'est par beaucoup d'afflictions qu'on entre au royaume des cieux, c'est par beaucoup de déceptions qu'on apprend à rester fidèle à Christ. Après avoir poursuivi ceux que nous aimons sans pouvoir les atteindre, après les avoir cherchés sans les trouver, on se lasse, on en vient à dire : Je m'en irai et je retournerai à mon premier mari, car alors j'étais mieux que je ne suis maintenant. Et quand on est retourné à lui, une seule chose reste à faire : c'est de demeurer en lui, et il demeurera en nous.

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16 OCTOBRE.

 

Où la rémission des péchés est accordée, il n'est plus besoin d'oblation pour le péché. (Hébr. X, 18.)

 

L'assurance de la vie chrétienne vient de l'assurance du pardon des péchés. C'est le sujet sur lequel l'Écriture revient le plus souvent et qui nous est de tous le plus nécessaire. Sans pardon, il ne peut point y avoir de paix, et sans l'assurance du pardon, il n'y a point de fermeté. Quand la vie religieuse est vacillante et indécise, la cause secrète en est toujours le vague des réponses que l'on fait aux accusations de la conscience. Mais d'abord, sentons-nous ces accusations? Le sentiment du péché existe-t-il dans notre âme? En sentons-nous journellement les morsures? Il faut avoir la conviction du péché avant d'en recevoir le pardon. Si cette conviction était plus vivante et plus sentie en nous, l'assurance du pardon ne se ferait pas si longtemps attendre. Gardons-nous de l'esprit de fraude et de l'impénitence, et demandons à Dieu de nous juger, mais sitôt que le péché sera devenu péché à nos propres yeux et que nous nous sentirons sans repos et sans paix, alors mettons-nous bien dans l'esprit que la rémission des péchés est un don de Dieu, qu'elle est accordée gratuitement, et que nous n'avons plus d'oblation à ajouter à celle qu'offrit sur la croix Jésus, notre paix. Il a tout accompli. Si tout en la croyant nous sommes cependant sans assurance de pardon, c'est qu'il y a en nous une impénitence quelconque ou un reste d'incrédulité qui nous rend flottants. Est-il raisonnable d'appeler Jésus le Sauveur et de se travailler soi-même pour se réconcilier avec Dieu? A quoi sert de croire en Jésus-Christ et en sa rédemption éternelle, si l'on ne vit pas de la gratuité de ce sacrifice ? En pareil cas, il y a contradiction entre l'esprit et le coeur ; l'esprit croit, mais le coeur ne saisit pas. Avant de prendre des deux mains cette rémission accordée pour toujours, on veut s'y préparer par toutes sortes d'oblations, par une contrition plus grande, par une reconnaissance plus vive, par des résolutions plus chaleureuses. Mais plus on se prépare ainsi, plus la vraie paix échappe. Commençons par prendre ce qui nous est offert, nous nous préparerons après. Laissons tous ces détours, qui ne viennent que de notre justice propre, et laissons couler jusqu'à nos moelles le baume de cette parole : Où la rémission des péchés est accordée, il n'est plus besoin d'oblation pour le péché.

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17 OCTOBRE.

 

Retournez à vos places fortes, vous captifs qui avez de l'espérance, je t'annonce aujourd'hui que je t'en rendrai deux fois autant. (Zach. IX, 12.)

 

C'est un spectacle douloureux que celui d'une âme enchaînée par l'amour du péché, par la crainte du monde ou par des soucis qui la tiennent captive et qui lui ôtent toute liberté et toute joie. On peut avoir passé par la porte étroite et redevenir un captif; on est alors un captif qui a de l'espérance. Mais si le Seigneur a mis en nous un commencement de foi, ne craignons pas ces chaînes de notre vieille nature, ces retours à la légalité ou à l'abattement. Les jours les plus sombres sont souvent ceux que nous rencontrons dans la grâce même. lis sont destinés à nous faire retourner à nos places fortes, comme des captifs qui ont de l'espérance. Que dit Jésus-Christ à Thomas? Mets ici ton doigt et regarde mes mains; avance aussi ta main et la mets dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais crois. Nos places fortes sont les plaies du Seigneur. Retournons constamment à cette oeuvre accomplie une fois pour toujours, et notre coeur sera mis au large, et nos chaînes tomberont. Dieu retire ses captifs de la fosse où il n'y a point d'eau, à cause du sang de l'alliance qu'il a traitée avec nous. Une liberté habituelle risquerait d'user notre reconnaissance; mais en nous laissant descendre dans la fosse et en nous en retirant, Dieu donne un double prix à notre délivrance. Quand nous repassons nos misères et que nous comptons nos péchés, nous nous sentons captifs et abattus sous un esprit sombre et craintif; mais tout change quand Dieu nous annonce qu'il nous en rend deux fois autant; ,c'est-à-dire qu'au lieu d'un moment de colère, il nous donne toute une vie de faveur, et après l'affliction lé,gère du temps présent, le poids éternel d'une gloire infiniment excellente.

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18 OCTOBRE.

 

Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles, et qui ayant trouvé une perle de grand prix, s'en va et vend tout ce qu'il a, et l'achète. (Matth. XIII, 45, 46.)

 

Remarquons ici la marche de la grâce quand elle entre et qu'elle avance dans la vie chrétienne. L'oeuvre de Dieu commence à l'époque où une âme se met à chercher. Ce ne sont point les pratiques et les oeuvres, ce sont les ébranlements spirituels qui frayent le chemin à Jésus-Christ. C'est le réveil de la conscience, la recherche de la paix, la faim et la soif de la grâce et de la justice. Mais une âme qui cherche, ne sait pas toujours ce qu'il faut chercher. Elle rencontre de belles perles, elle les achète avant de connaître la perle précieuse. Ces belles perles sont toutes les choses qu'on poursuit, tous les efforts qu'on entreprend, pour poser soi-même le rondement que Dieu seul peut poser. On se travaille, on s'échauffe, mais le salut ne vient pas de nous; il est un don de Dieu, afin que personne ne se glorifie. Mais la recherche des belles Perles conduit à la trouvaille de la perle précieuse. Ces efforts, quelque infructueux qu'ils soient, sont des moyens salutaires pour nous préparer pour Jésus-Christ. Plus nous travaillons, moins nous produisons; mais ce labeur inutile a pour résultat précieux de nous faire sentir notre néant et l'esclavage d'une nature perdue; et une fois qu'on crie : Misérable que je suis, qui me délivrera! le salut est prêt, et Jésus-Christ peut agir. La possession de la perle de grand prix fait bientôt oublier toute autre perle. En effet, quand on se sent justifié et en paix par la connaissance du Seigneur, le coeur habite où est son trésor, il se détache volontiers des choses visibles et n'a plus aucune estime pour cette force humaine et cette justice propre qu'il a poursuivies au travers de tant de larmes. Il marche de toi en foi, regardant toutes les autres choses comme une perte, pourvu que Christ croisse et qu'il soit trouvé ,en lui, quand il paraîtra pour manifester les siens.

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19 OCTOBRE.

 

Appliquez vos coeurs et vos âmes à rechercher l'Éternel votre Dieu. (1 Chron. XXII, 19.)

 

Tourner son coeur vers Dieu et le maintenir dans ,cette direction, est un travail, et un travail de tous les jours. Ce qui est né de la chair est chair, et la chair est plus pesante que l'esprit. Elle s'élance, puis retombe; elle se recueille, mais de nouvelles distractions la détournent bientôt, parce que le fond du coeur déchu est un monde de vanité. Cependant l'Écriture nous dit : Appliquez vos coeurs et vos dîmes; apportez tous vos soins; courez vers le but; combattez le bon ,combat; résistez jusqu'au sang; saisissez la vie éternelle. Dieu est-il injuste? Nous demande-t-il l'impossible? Qui oserait le dire? Non ; mais ce que Dieu nous demande. il nous le donne; il fait lui-même en nous, mais non pas sans nous, ce qui lui est agréable, par Jésus-Christ. N'avons-nous jamais entendu dans le secret de notre conscience des voix qui nous parlent, des voix qui nous viennent d'en haut et qui correspondent à nos besoins? Tantôt c'est le besoin de sortir ,d'un état de souffrance, tantôt celui de faire notre paix avec Dieu, de nous affranchir de l'esclavage des choses corruptibles et de nous affectionner aux choses qui ,sont en haut, où Christ, notre médiateur et notre trésor, est assis. Nier ces besoins, c'est nier notre nature humaine, c'est refuser de croire qu'il y a un soleil qui lait au ciel. Si celui qui entend en lui ces voix intimes applique son coeur et son âme à rechercher l'Éternel son Dieu, il trouvera de l'huile pour sa lampe, des ailes pour sa nature déchue, le possible dans l'impossible, un plus fort dépouillant le fort. Car, de deux choses l'une : ou bien nous disons : J'ai de& oreilles, mais je les ferme; une volonté, mais elle se refuse; une vie, mais que je garde pour moi ; - on, bien, tournant notre coeur vers l'Orient d'En-haut nous venons à Dieu remplis de ténèbres, le priant de les changer en lumière. Nous irons en pleurant, mai& Dieu nous fera revenir par sa miséricorde,. et il nous conduira aux torrents des eaux, et par un droit chemin, auquel nous ne broncherons point. Appliquons nos coeurs à cela, et nous recevrons l'effet de la promesse faite à ceux qui cherchent.

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20 OCTOBRE.

 

Quelle union y a-t-il entre la lumière et les ténèbres? Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial? (2 Cor. VI, 14, 15.)

 

L'indifférence est plus ruineuse que l'incrédulité, et la fausse tolérance est de l'indifférence. C'est malheureusement le caractère de l'Église d'aujourd'hui. Le rationalisme vulgaire a fait son temps; on l'abandonner depuis qu'il expose à la déconsidération. Jésus-Christ crucifié a aujourd'hui moins d'ennemis, mais est-ce le vrai Jésus-Christ qu'on honore? Si c'est le vrai, il ne transige pas entre la lumière et les ténèbres; il ne donne pas une main à son Eglise et une autre à Bélial. Il y a une fraternité que Jésus-Christ repousse et qui est plus dangereuse que les attaques directes. Je parle de la confusion du vrai et du faux, de la foi et de l'incrédulité. On ne dira plus : Jésus-Christ n'est pas Dieu; mais on dira : Peu importe qu'il le soit ou qu'il ne le soit pas. La différence des dogmes est de faible importance, pourvu qu'on ait la vie et qu'on la maintienne en commun comme le principe protestant. Mais quand un dogme est fondamental, il s'agit, de reconnaître non seulement quel il est, mais aussi ce qu'il vaut. C'est encore une négation que de dire : Je crois ce dogme, mais je n'y tiens pas; je tends volontiers la main à ceux qui le méconnaissent, pourvu qu'ils ne soient pas romanistes et que leur Eglise soit liée à l'Etat. Professer ainsi le dogme de la divinité de Christ, c'est couver un oeuf dont il sortira un jour un aspic. Le Fils de Dieu, uni à notre nature pécheresse, et expirant à notre place comme un maudit, a droit à d'autres hommages. Disons au monde ce que Jésus est, mais disons surtout ce qu'il est pour nous. Le vrai Jésus-Christ est celui qui règne sur nos affections, et par la croix duquel nous avons été crucifiés au monde, et le monde à nous. Est-ce ainsi que nous le croyons? Alors confessons-le, et nous ferons tomber les murailles.

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21 OCTOBRE.

 

La bénédiction de l'Éternel soit sur vous; nous vous bénissons au nom de l'Éternel. (Ps. CXXIX, 8.)

 

Nous demandons souvent la bénédiction de l'Eternel, mais nous ne sentons pas tout ce qu'elle renferme. Nous ne l'apprécierons que quand nous aurons vu de près le contraste entre une maison où elle règne et une où elle n'est pas. Pourquoi y a-t-il des intérieurs de famille où l'on est si mai à l'aise quand on s'y trouve quelque temps ou qu'on y revient habituellement ? Pourquoi y a-t-il des hommes qui entreprennent une foule de choses et qui ne réussissent en rien ? Pourquoi d'autres, qui sont dans le sein de la prospérité, ont-ils l'esprit si agité, si distrait quand nous leur parlons, et si peu en harmonie avec l'aisance dans laquelle ils vivent? Que leur manque-t-il donc ? La bénédiction de l'Eternel. Cette bénédiction n'est pas une certaine façon de parler, c'est la plus sainte et la plus nécessaire des réalités. C'est la faveur du Seigneur, sans laquelle nous ne pouvons rien faire; c'est la communication de son Esprit et de sa vie, qui seuls font prospérer; c'est un souffle de paix qui peut se faire sentir à toute une maison aussi bien qu'à une âme isolée ; c'est le goût et la saveur des bienfaits qui nous entourent et qui, sans cela, ne seraient pas des bienfaits; en un mot, c'est la bonté de Dieu qui descend dans le coeur de l'homme et qui y entretient la reconnaissance, la joie et l'amour. Les bénis de l'Éternel sont aussi une bénédiction pour les autres, même pour toute une ville, pour tout un pays. Quand la bénédiction de l'Éternel est sur nous, nous pouvons fléchir les genoux en silence et dire, en allant de maison en maison et de ville en ville : Nous vous bénissons au nom de l'Éternel. Il nous vient souvent des bénédictions sans que nous sachions d'où c'est que, près ou loin de nous, il y a eu quelqu'un qui s'est souvenu de nous, en disant : Nous vous bénissons au nom de l'Éternel. Si tout homme savait prier, il y aurait bientôt une moisson de bénédictions, et nous saurions que quiconque est béni de l'Éternel est gardé comme la prunelle de son oeil et se trouve dans une haute retraite.

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22 OCTOBRE.

 

Ton coeur s'est élevé à cause de ta beauté, et tu as corrompu ta sagesse par ton éclat; je te jetterai par terre, je te mettrai en spectacle aux rois, afin qu'ils te regardent. (Ezéch. XXVIII, 17.)

 

Lisez tout ce chapitre, surtout depuis le verset 12. Au premier coup d'oeil, il n'y est question, semble-t-il, que de la chute de Tyr; mais sous ce premier sens, il y en a un autre qui fait de ce morceau un des passages les plus remarquables de la Bible sur la chute de Satan. Un chérubin oint pour protéger, établi dans la sainte montagne de Dieu, parfait dans ses voies, depuis le jour qu'il fut créé, - n'est-ce point là l'ange de la lumière avant qu'il fût devenu le prince des ténèbres? Et comment est-elle tombée des cieux, cette étoile du matin, cette fille de l'aube du jour (Esaïe XIV, 12) ? En laissant son coeur s'élever, en admirant sa beauté, en corrompant sa sagesse, en se mirant dans son éclat. Dieu jeta alors par terre cette orgueilleuse créature, la mit en spectacle afin qu'on la regardât. Ce fut donc l'orgueil spirituel qui perdit Satan; il regarda comme une usurpation d'être égal à Dieu, et il essaya cette usurpation. Nous retrouvons cet orgueil dans les abîmes de notre propre coeur. Avons-nous eu un bon jour? avons-nous remporté une victoire sur nous-mêmes ? avons-nous fait un progrès quelconque? notre coeur s'élève aussitôt à cause de sa beauté, et corrompt sa sagesse en admirant son éclat. Mais l'orgueil marche devant l'écrasement. Sitôt que nous présumons de nous-mêmes, nous sommes en péril de faire une chute qui nous mettra en spectacle et nous couvrira de confusion. Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu; et si nous l'avons reçu, pourquoi nous en glorifions-nous comme si nous ne l'avions point reçu ? C'est déjà un jugement de Dieu que cet esprit sec qui suit aussitôt l'orgueil. N'attendons pas que ce jugement s'aggrave, rentrons dans l'humilité Dieu ne fait grâce qu'aux humbles, et l'on n'est jamais si bien gardé que quand on se sent le, dernier des pécheurs.

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23 OCTOBRE.

 

Et Josaphat suivit entièrement la voie d'Asa son père, et il ne s'en détourna point, faisant tout ce qui est droit devant l'Éternel. Toutefois les hauts lieux ne furent point ôtés; le peuple y sacrifiait encore et y faisait des encensements. (1 Rois XXII, 43, 44.)

 

Josaphat était droit, mais au fond de cette droiture il y avait encore des infidélités. C'était un bon roi en comparaison de cette suite de rois idolâtres dont la vie se passait à faire ce qui est mauvais devant l'Éternel. Josaphat revint au vrai culte, et fit ce qui est droit devant l'Éternel. Pourquoi faut-il que ce beau témoignage soit immédiatement suivi de ces tristes paroles : Toutefois les hauts lieux ne furent point ôtés? Allons au fond de notre droiture, elle n'est pas si parfaite que nous le croyons. On croit voir clair sur soi-même, et l'on découvre bientôt de nouvelles infidélités qui ne sont point jugées. Il y a bien des degrés dans la sincérité ; c'est la vertu dans laquelle nous avons le plus à. croître. Le voile épais qui est ôté au moment du réveil de notre conscience, n'est point le seuil ni le dernier. Demain, et à mesure que la lumière continuera à nous manifester ce que nous sommes, nous nous verrons sous un jour nouveau. Sous cette adoration en esprit et en vérité, il y a des hauts lieux qui n'ont point été ôtés. La connaissance de nous-mêmes croît à mesure que nous haïssons plus sérieusement nos idoles. Nos langueurs cachent plus d'un interdit, et notre sincérité plus d'une duplicité. Mettons un collyre sur nos yeux, et nous discernerons nos chaînes et nos attaches. Souvent aussi Dieu vient à notre secours et nous met dans des positions où les choses cachées ne deviennent que trop évidentes. Voulons-nous savoir si nous sommes droits? Demandons-nous ce que nous avons ôté. Un dépouillement qui a peur ou qui s'arrête quand il a commencé n'a pas la droiture qui subsiste devant l'Éternel. Il faut ôter tous les hauts lieux, et la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ nous fera trouver les vrais sacrifices et les vrais encensements.

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24 OCTOBRE.

 

La Parole de Dieu est vivante et efficace, et plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants; elle atteint jusqu'au fond de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles, et elle juge des pensées et des intentions du coeur. (Hébr. IV, 12.)

 

Laissons à l'épée de la Parole son tranchant, et nous aurons moins à souffrir de notre coeur émoussé. Une grande activité use les forces et dégénère en mécanisme. Le coeur se blase et s'épuise, quand il ne retourne pas assez souvent se vivifier dans la Parole. Modérons notre activité dès que nous sentons que nous donnons du nôtre au lieu de puiser à pleines mains dans la plénitude de Dieu. Il faut que l'âme soit tranquillement assise aux pieds de Jésus, pour recevoir son enseignement ; il faut que le serviteur écoute, pour que la parole de son maître puisse le vivifier. Une âme saintement ouverte vaut mieux qu'une âme chaudement occupée. L'homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Recevons la Parole comme venant de Dieu même, et elle sera vivante et efficace, sans (jus nous ayons à produire nous-mêmes cette vie et cette efficacité. Laissons-nous atteindre, juger et fouiller; faisons place en nous pour de nouvelles forces. Entre l'âme et l'esprit il y a souvent bien des choses; la Parole nous signalera ce qui est imagination et ce qui est vie de Dieu. Si l'épée arrive jusqu'aux jointures, elle entrera aussi jusqu'aux moelles. La délicatesse de la conscience vient de la délicatesse de la fidélité aussi l'homme qui marche droitement en présence de lui-même, jugeant selon la Parole les pensées et les intentions de son coeur, peut être passif et actif dans les mêmes moments et sans détriment pour son âme : passif pour Dieu, comme un vase qui se laisse remplir; actif pour les autres en transmettant ce qu'il a reçu. Jésus-Christ a vécu ainsi; c'est le sens de cette parole : Le ri ils ne peut rien l'aire de lui-même, à moins qu'il ne le voie faire au Père; car tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi pareillement. Et le Père et le Fils agissent jusqu'à présent; ils agissent dans cette Parole qui est vivante et efficace. Mettons-nous sous sa direction, et le Père et le Fils viendront à nous et feront leur demeure chez nous.

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25 OCTOBRE.

 

Que personne ne vous condamne au sujet du manger et du boire, on pour la distinction d'un jour de fête, ou de nouvelle lune, ou du sabbat; car ces choses n'étaient que l'ombre de celles qui devaient venir, mais le corps en est en Christ. (Col. II, 16, 17.)

 

Parlons du sabbat seulement. Ce passage veut-il dire que saint Paul rejette le jour du repos et qu'il prêche ici une liberté qui ne serait que du radicalisme? C'est une triste science que celle qui épluche la Parole pour y trouver des raisons de se soustraire à une ordonnance de Dieu, qui est un vrai privilège pour le chrétien comme pour le juif. Que deviendraient notre corps et notre âme, si sur sept jours nous n'en mettions au moins un à part pour le consacrer au repos? Il y eut un temps où un peuple, pensant être plus sage que l'Eternel, fit des semaines de dix jours au lieu de sept. Il n'eut pas à se féliciter de cette innovation. La proportion établie par Dieu entre le travail et le repos se trouva, être la seule utile. Si on laissait à chacun le choix du jour où il lui convient de se reposer, que deviendrait la communion chrétienne? Saint Paul ne serait plus saint Paul s'il voulait qu'on vécût ainsi. Mais ces paroles ne s'adressent qu'à l'esprit légal des docteurs judaïsants. On peut observer le sabbat d'une fâcheuse manière ; on peut, en pressant la lettre, se remettre sous la verge de Moïse, sous cette loi qui réglait avec sévérité les actes extérieurs, parce qu'elle n'était pas encore la loi de l'esprit de vie qui est en Christ; car le repos ne consiste pas uniquement dans la cessation de notre travail hebdomadaire; le chrétien sait tirer un meilleur parti du saint repos de son Dieu. L'Apôtre ne met ici de côté que le repos compris dans un sens pharisaïque, mais il ne touche pas à ce jour du Seigneur qui est devenu le sabbat de la nouvelle alliance depuis que Christ a mis en évidence la vie et l'immortalité, par sa résurrection. Les premiers disciples se réunissaient ce jour-là en mémoire de cet événement mémorable; les apôtres eux-mêmes célébraient le dimanche, et Dieu a veillé sur le maintien de ce jour, comme il a veillé sur la formation du canon des Ecritures. Mais deux jours de repos seraient trop. Que personne ne vous condamne, dit saint Paul à l'Église de Colosses, si vous ne gardez pas le sabbat juif et le dimanche chrétien. Paul n'intervient que pour revendiquer les droits de la liberté chrétienne. Si des chrétiens se croyaient obligés d'observer le septième jour, personne n'aurait le droit de les forcer à ne le pas faire; personne non plus ne pourrait les condamner ou même les désapprouver s'ils ne le faisaient pas. C'est une question de liberté et non de compulsion. « Que personne ne vous condamne. » Sortons de l'esprit légal, et nous serons ravi en esprit et réjoui de coeur, le jour du Seigneur; au lieu de l'ombre d'un jour de repos, nous aurons le corps, la réalité du repos qui est en Christ.

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26 OCTOBRE.

 

Celui qui a planté l'oreille, n'entendra-t-il point? Celui qui a formé l'oeil, ne verra-t-il point? (Ps. XCIV, 9.)

 

Ce raisonnement si simple devrait suffire pour nous donner une confiance parfaite dans la prière. Le Dieu qui a formé nos organes nous permet, nous demande de venir à lui en toutes occasions, avec des prières, des supplications et des actions de grâces. Quelque haut, quelque élevé qu'il soit, Dieu est aisé à trouver; il est près de tous ceux qui l'invoquent, de tous ceux qui l'invoquent en vérité. Celui qui a planté l'oreille, n'en aurait-il pas une pour nous entendre? Celui qui a formé l'oeil ne regardera-t-il pas lui-même des cieux, et ne verra-t-il pas tous les enfants des hommes? Quand croirons-nous que le Dieu invisible est plus près de nous que tout ce monde visible, et que tout ce qui nous touche est nu et découvert à ses yeux? Mais nulle part Dieu n'est plus près de nous que sous la croix de son Fils. C'est ici la vraie, place pour trouver la confiance et l'exaucement de la prière. Celui qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il point aussi toutes choses avec lui ? Ouvrons les yeux, et nous verrons la plénitude de la divinité qui se donne corporellement à nous; laissons-nous toucher l'oreille, et nous entendrons le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation nous dire : Je t'ai aimé d'un amour éternel, c'est pourquoi je t'ai attiré par ma miséricorde. Vivons à Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur, et nos organes seront autant de canaux de la grâce pour recevoir tout ce qui regarde la vie et la piété, par la connaissance de Celui qui nous a appelés et qui est fidèle.

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27 OCTOBRE.

 

La grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père, et par le Seigneur Jésus-Christ. (2 Cor. I, 2.)

 

Notre vie spirituelle se nourrit de grâce et de paix, et l'une et l'autre nous sont données comme un bon dépôt et comme les arrhes de notre héritage céleste. Dieu agit sur nous par sa grâce en Jésus-Christ, notre Seigneur, et c'est pour nous confirmer cette grâce que l'Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit par le moyen de la paix. La grâce est la vie de Dieu, et Dieu nous la donne pour surmonter notre vie naturelle. Ce qui nous serait impossible, Dieu le fait par son Fils et par la puissance de son Esprit. Là où il y a grâce, il y a action de Dieu, force victorieuse de Dieu, croissance et développement en tous sens. La grâce vient avant la paix. Il faut que Dieu agisse sur nous, qu'il nous rassure sur notre pardon, qu'il glorifie en nous son Fils, pour que l'âme entière entre dans cet état suave que nous appelons la paix. La paix est la conscience de l'harmonie avec Dieu, de l'union profonde avec lui par Jésus-Christ, quand sa grâce nous a donné le témoignage de notre adoption. Si saint Paul met en tête de toutes ses Épîtres la grâce et la paix, ces deux dons de Dieu sont pour lui plus qu'une formule; c'est comme si, avant d'écrire, l'Apôtre ouvrait par ses prières les écluses du ciel, pour que les fleuves de la vie divine et toute l'assurance, toute la sanctification que cette vie communique, viennent perfectionner, affermir, fortifier et rendre inébranlables les âmes destinées à être un levain pour le monde.

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28 OCTOBRE.

 

Ayez les coeurs purifiés des souillures d'une mauvaise conscience, et le corps lavé d'une eau pure. (Hébr. X, 22.)

 

Les plus grands miracles sont ceux qu'opère le sang de Jésus-Christ. La conscience a une terrible force de condamnation, mais le sang de Jésus-Christ est plus fort qu'elle et que toutes les souillures qu'elle nous signale. Son pouvoir mystérieux plaide victorieusement notre cause, purifie tous les souvenirs de notre vie, et purifierait de tous les péchés du monde la conscience où ils seraient accumulés. Quand on n'en a pas fait l'expérience, on ne conçoit pas comment ces remords inexprimables, ces montagnes de souillures, le témoignage que nous rend la conscience que tout est péché en nous, puissent subitement faire place au soulagement céleste qui vient du pardon, et à la paix que donne ce témoignage : tout est grâce en toi. Mais quand l'expérience est là, on ne peut plus en douter. Tel est le pouvoir de ce sang qui purifie de tout péché et de Celui qui nous environne de bonté et de gratuité. Quand nous aurons senti la force rédemptrice du sang de Christ, nous ferons aussi l'expérience de la valeur de notre baptême. Notre corps a été lavé d'une eau pure. Que ce soit par aspersion ou par immersion, la quantité d'eau n'y fait rien, mais tenez ferme ce fait-ci : J'ai été lavé. Notre baptême visible sera le sceau de notre purification spirituelle. Si jamais cette grâce intérieure nous était voilée, nos deux yeux pourraient la voir hors de nous dans notre baptême. Est-il vrai, que nous ayons été baptisés? Il est donc aussi vrai que nous avons été purifiés de toutes les souillures de notre conscience. Nos péchés, fussent-ils rouges comme le cramoisi, ont été blanchis comme la neige; il n'y a plus maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ et qui ont été baptisés en son nom. ,Ce corps, lavé d'une eau pure, renferme une âme revêtue de sainteté et de justice, par la puissance de ce sang qui est notre éternelle rançon.

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29 OCTOBRE.

 

Je te connais par ton nom, et même tu as trouvé grâce devant mes yeux. (Exode XXXIII, 12.)

 

Moïse, en rappelant à l'Éternel 1 cette assurance de pardon et de grâce, croyait que Dieu est fidèle et qu'il ne peut se démentir lui-même. Si nous regardons à la croix de Christ, nous pouvons saisir la même promesse, et plus fermement même que ne le pouvaient faire les croyants sous l'ancienne Alliance. C'est à la croix qu'est attaché le témoignage de Dieu, non en parole, mais dans la personne de son Fils. Dans le nom de son Fils, Dieu lit aussi le nom de tout pécheur qui croit. Dieu n'oublie point sa grâce, mais c'est nous qui l'oublions, et qui avons besoin de faire de ce souvenir notre force et notre haute retraite. Il ne suffit pas de croire que Jésus-Christ est mort pour l'humanité déchue, il faut que nous possédions une part personnelle de ce salut. On n'est fort que quand les yeux de Jésus ont rencontré les nôtres, quand il nous a assuré par son Saint-Esprit qu'il sait où nous habitons, qu'il nous connaît par notre nom, et que c'est notre propre âme qui a trouvé grâce à ses yeux. Quand Jésus-Christ ressuscité appelle Marie-Madeleine par son nom, il vivifie sa pauvre servante, car en la nommant, c'est comme s'il lui eût dit : Je te connais par ton nom; tu as trouvé grâce à mes yeux; tu es une héritière du ciel. Prenons largement notre part; nous ne prendrons jamais assez. La grâce dépasse toutes les mesures de la pensée humaine. Jésus-Christ est le Sauveur des masses et le Sauveur des individus, mais il est avant tout votre Sauveur, et c'est dans vos tête-à-tête avec lui qu'il vous le dira. Fortifiez vos rapports directs avec le grand Ami des pécheurs, et tous les autres dussent-ils douter, croyez, vous, que vous êtes son racheté, et que personne ne vous ravira de sa main. En religion surtout, il faut sortir des généralités; c'est de votre propre salut qu'il s'agit, et c'est celui-là qui vous est offert.

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30 OCTOBRE.

 

O Dieu! tu as fait dégoutter abondamment la pluie sur ton héritage, et quand il était épuisé, tu l'as rétabli PS. LXVIII, 10.)

 

L'héritage du Seigneur est le petit troupeau qui n'a rien à craindre, puisqu'il a plu au Père de lui donner .le royaume; mais ce petit troupeau est souvent bien ,amaigri, et la rosée d'en haut se fait souvent attendre pour lui. Ne pensons qu'à notre propre âme et à l'épuisement qui vient de nos chutes et de nos péchés. Quand même on ne voit pas ces extinctions de vie, on n'en souffre pas moins. Le terrain de notre foi n'est souvent qu'une terre aride. Mais ces épuisements, saintement ,compris, sont les plus grandes bénédictions. Pour que la pluie d'en haut puisse dégoutter abondamment sur nous, il faut que nous nous soyons dépouillés de nous-mêmes. Le peu de grâce que nous avons reçu pourrait trop facilement nous suffire, si ce fonds ne tarissait pas quelquefois, et ne nous obligeait à retourner à la source. Les vierges folles se confiaient en leur peu d'huile, et c'est pour cela que leurs lampes s'éteignirent. L'homme déchu est un rien vivant; il ne subsiste point par ses progrès. Il faut à chaque moment que la grâce revienne et fasse table rase de ce qui vient de nos propres forces. Cet avancement est bien pénible, mais c'est le seul qui soit sûr. Le Dieu qui a voulu suspendre la terre sur le néant est aussi le Dieu qui la tient ainsi suspendue. Il en fait de même pour notre âme. Il abandonnerait plutôt tous les soleils qu'il a créés que de manquer à cette promesse : Je ne te laisserai point; je ne t'abandonnerai point. Sache donc, héritage du Seigneur, que quand tu seras épuisé, tu seras aussi rétabli. Les nuées fertilisent la terre; mais qui peut compter les trésors qui sont renfermés en Christ?

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31 OCTOBRE.

 

Le mercenaire s'enfuit, parce qu'il est mercenaire. (Jean X, 13.) N'éteignez point l'Esprit. (1 Thess. V, 19.)

 

Ne faisons rien machinalement; quoi que nous fassions, allons-y de bon coeur. Nous nous épargnerons le supplice du mercenaire. S'enfuir loin du devoir, c'est se donner à soi-même un esprit souffrant. Le simple mécanisme ne nourrit point la vie; il faut une fidélité qui soit de l'amour. L'amour rend tout facile, et l'amour paye largement l'amour. Que gagnent ceux qui travaillent par nécessité, par esprit de crainte ou par dégoût? Ce sont des mercenaires qui s'enfuient; ils sortent de la vie en la fuyant. Il y a des tâches qui ne sont pas faciles, je le sais bien, il y en a même qui sont plus longues qu'on ne les voudrait. Mais celui qui donne la tâche est aussi celui qui donne la joie; tout se réduit à devenir une brebis du Seigneur. Un coeur bien tourné vers Christ a reçu un esprit nouveau, et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Si l'esprit qui nous dirige a été changé par une conversion véritable, nous nous emploierons de bon coeur à ce qui nous répugnait autrefois. Le dégoût du mercenaire fera place à une fidélité de détails, qui trouve son salaire en soi-même, et ce salaire c'est la vie. Nous verrons qu'il n'en coûte pas plus de suivre le bon Berger que de s'enfuir ou de murmurer. Ses brebis entendent sa voix, et sa voix est aussi une puissance. C'est le levier qui soulève les montagnes, qui délivre de l'esprit de contrainte, en nous faisant passer dans le royaume du Fils de Dieu. Le bon Berger a donné sa vie pour ses brebis; il a frayé le chemin à nos sacrifices, et au plus grand de tous, celui de nous-mêmes. On gagne plus à se donner qu'à se garder. Ne mesurons donc point ce que nous perdons, nous ne perdons qu'un esprit mercenaire. Suivons le bon Berger, et nous serons conduits par l'Esprit de Dieu, comme des enfants de Dieu. Portés et préparés par l'esprit d'adoption et par la charité, nous rencontrerons dans tous les détails de nos journées ce Jésus-Christ qui est mort sur la croix. Quoi que nous fassions, nous le ferons alors de bon coeur, parce que nous le ferons non pour les hommes, mais pour le Seigneur.