CHARLES BOIS (1826-l890)
Notice
Charles Bois est né à Die (Drôme), le 26 août 1826 et mort à Montauban le 5 mai 1890. Successivement pasteur de l'Église réformée à Montmeyran (Drôme), de 1850 à 1857, et à Alais de 1857 à 1860, il fut appelé en 1860 à la Faculté de théologie protestante de Montauban, comme professeur d'hébreu, de critique et d'exégèse de l'Ancien Testament. Il occupa cette chaire jusqu'en 4873 et passa alors dans celle de morale et d'éloquence sacrée. C'est surtout dans cet enseignement qu'il donna toute sa mesure. Il ramenait aisément tous les problèmes à leurs données philosophiques. Très au courant des systèmes métaphysiques et des recherches psychologiques, il apportait dans ses leçons des dons rares d'analyse sûre, de clarté élégante qui allaient jusqu'au charme. En 1875, il devint doyen de la Faculté.
Au synode de 1872, son rôle fut considérable et c'est lui qui déposa le 8 juin de cette année, sur le bureau du synode, la déclaration de foi qui a joué, depuis, dans les débats des Églises réformées, un rôle primordial. Il a collaboré aux principales revues protestantes de son temps et a publié plusieurs écrits qui se rapportent tous à des problèmes apologétiques on à des questions ecclésiastiques. Mentionnons : Essai sur le surnaturel (1860); - La valeur religieuse du surnaturel (1862) ; - De la question sociale (1872) ; - Du rôle de la morale dans la recherche de la vérité (1873) ; - Les Eglises réformées du XVIe siècle et leurs académies (1876) ; et surtout son petit volume Évangile et Liberté (1869).
FOI ET LIBRE EXAMEN (1)
Jamais les coups d'autorité ne constitueront une réfutation ; jamais le silence forcé ne sera une adhésion volontaire. Vraiment, ce serait le cas d'appliquer l'adage du fabuliste : rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami. Je ne sache pas de plus mauvais service à rendre à la vérité que de la défendre par la proscription et de la garantir en persécutant l'erreur, Rien n'est plus capable de faire douter d'elle qu'une telle apologie par le despotisme et par la force. Elle ne veut pas d'une protection qui est pour son honneur un outrage sanglant. Elle ne cotisent pas à être traitée comme un être délicat et souffreteux qu'il faut préserver contre les impressions du dehors, comme un enfant qui ne peut se soutenir et se conduire, comme une illusion qui ne vit que dans le silence et dans le demi-jour. Elle éloigne tous ces défenseurs maladroits et compromettants, et s'écrie comme le héros d'autrefois : « Laissez-moi, je veux paraître. »
Oui, la foi demande elle-même l'examen libre et indépendant. La foi éprouve le besoin de se sonder elle-même, et de s'assurer de sa propre solidité. La foi aspire à mieux comprendre, à serrer de plus près, à embrasser plus étroitement, à pénétrer plus à fond son divin objet. Elle créerait donc la recherche libre, l'examen indépendant, quand ils ne lui seraient pas imposés par les nécessités de la défense...
Allons au fond des choses. Pourquoi revendiquons-nous le droit d'examen avec tant d'insistance? Parce que nous croyons à la vérité. Cela veut dire que nous croyons que l'homme est fait pour la connaître et pour la posséder. A chacun donc le droit comme le devoir de rechercher cette vérité. Ce n'est pas, on le voit, le droit de la libre recherche pour elle-même que nous réclamons ; et nous ne sommes pas de ceux qui admirent Lessing d'avoir dit: « Il vaut mieux courir le lièvre que le prendre ». Nous le confessons, nous sommes plus bourgeois et plus vulgaires que cela, nous voulons chercher pour trouver. Le but comme le terme, comme le triomphe du libre examen, pris au sérieux, ce sont des convictions fortes et nettes.
Idéalement tous les hommes devraient aboutir aux mêmes conclusions, puisque la vérité est une et que la nature humaine, malgré les variations individuelles, est une aussi. La diversité devrait être à la surface, dans la forme, dans la nuance, et l'unité au fond. Or, en fait, la diversité éclate dans le fond même. Nous n'avons pas ici à expliquer d'où proviennent ces divergences souvent radicales. Ce que nous avons à dire, c'est qu'on ne saurait exiger que nous décernions les honneurs de la vérité à toutes ces doctrines contradictoires. Nous ne pouvons faire autrement qu'exercer à l'égard de chacune d'elles le libre examen dans sa rigueur, et nous n'hésitons pas, s'il y a lieu, à les déclarer fausses de tous points et hors de la vérité. Vous avez le droit de soutenir vos croyances, malgré les condamnations dont je les frappe ; vous pouvez me rendre la pareille et juger que ce sont mes croyances qui n'ont aucune solidité ; et c'est ce que vous ferez certainement, si votre conviction est profonde. Nous sommes, l'un et l'autre, dans notre droit. Nous pratiquons l'un et l'autre le libre examen, en jugeant à notre tribunal les convictions l'un de l'autre. Seulement, nous serons tenus, ne l'oublions ni moi, ni vous, à fournir, non pas seulement des sentences de condamnation, mais des raisons.
1. Évangile et Liberté, 1869, pp. 59 à 66. Le libre examen.