PROSPER JALAGUIER (1795-1864)
Notice
Prosper Jalaguier est né à Quissac (Gard) le 21 août 1795 et mort à Montauban le 22 mars 1864. Après avoir fait à Montauban ses études de théologie, il fut pasteur-suffrageant à Monoblet (1817), puis pasteur à Sancerre (1821-1833). Pendant son ministère, il continuait d'étudier la théologie; il fut nommé professeur intérimaire à la Faculté de Montauban, puis professeur titulaire (1836). Il resta à son poste pendant vingt-huit ans, jusqu'à sa mort. Pendant toute cette période, il exerça une influence considérable sur de nombreuses générations d'étudiants.
Très pieux et plein de bonté, il prit une part active aux discussions théologiques, toujours avec une grande fermeté, jamais avec la moindre aigreur. Esprit très modeste, il préférait étudier plutôt que de livrer ses pensées au public; il n'a publié lui-même que de courts écrits : Le témoignage de Dieu, base de la foi chrétienne (1851) -- Authenticité du Nouveau Testament (1851) ; - Simple exposé de la question chrétienne jugée par le boit sens (1852); - Du principe chrétien et du catholicisme, du rationalisme et du protestantisme (1855) Il avait fondé, avec le fils de Daniel Encontre, la revue théologique de Montauban, dans laquelle il publia de nombreux articles (1840-1842). Sesouvrages les plus considérables ont été publiés après sa mort, : La méthode expérimentale et son application théologique (1901) ; - Introduction à la dogmatique (1897) ; - Théologie générale (Paris, 1903); - Théologie chrétienne; Dogmes pars (4907).
CE QUE DONNE L'ÉVANGILE (1)
... Rien n'a dépassé ni égalé l'Évangile. Tout ce qui intéresse, non sans don te la curiosité et la science, mais la piété, la foi et la vie, s'y trouve avec une justesse et une mesure, en même temps qu'avec une plénitude et une largeur infiniment remarquables. Les questions oiseuses sont constamment écartées, tandis que les lumières et les directions utiles abondent (Luc, XI 11, 23-24; 1 Tim., IV, 7, etc.). L'enseignement sacré traverse, sans y toucher, les problèmes sur lesquels la raison spéculative revient incessamment, et que le monde apprécie si fort, pour aller droit à ceux que pose la conscience, et dont le monde s'inquiète si peu.
L'Évangile n'est pas une théologie ou une philosophie; il n'est ni un système ni un code; il est une religion, répétons-le; il ne songe pas à formuler scientifiquement cette vérité, cette sagesse céleste qu'il verse dans le monde; il ne s'occupe que d'en nourrir les esprits et les coeurs, et sous ce rapport il est aussi complet que puissant et saint. Plus vous le prendrez tel que le donnent les écrits apostoliques, et non tel que l'ont fait les Églises et les écoles; plus vous le comparerez dans sa simplicité native avec les diverses doctrines philosophiques et sacerdotales, plus vous verrez ressortir cet admirable caractère pratique, cette force, cette vertu, cet esprit de vie, qui forment un des traits les plus saillants de sa supériorité. Étudiez sa notion de Dieu.
Ce n'est pas Dieu tel qu'il est en soi que l'Évangile nous révèle, c'est Dieu tel qu'il est pour nous; ce n'est pas son essence, c'est sa volonté, c'est l'histoire de ses dispensations vis-à-vis de l'homme, c'est l'ordre de ses justices et de ses miséricordes; ce ne sont pas tant ses attributs métaphysiques que ses attributs moraux, quoique au premier égard Il jette çà et là des lumières devant lesquelles la raison s'arrête étonnée. Mais surtout ce qui concerne notre état moral et notre avenir éternel, dans la connaissance de la Divinité, comme l'Évangile satisfait merveilleusement nos pressentiments et nos voeux les plus intimes! Comme il répond à nos aspirations les plus liantes, les plus sérieuses et les plus vives! Comme le coeur se repose et s'émeut tout ensemble, quand il passe, je ne dirai pas du Dieu de la Mythologie, mais du Dieu de la philosophie, au Dieu du Nouveau Testament; de l'Infini, de l'Absolu, du Principe universel, cause et substance de ce qui est, au Maître des mondes à la fois Juge et père, Législateur et Rédempteur; de l'Ètre des Êtres, au Saint des Saints et au Seul-Bon, avec qui la foi et la prière, la piété et le repentir entretiennent une communion si étroite! Quelle autre impression on reçoit! C'est la différence de l'abstraction idéale à la réalité vivante.
Que la science est petite et vaine, au sein de ses grandeurs et de ses gloires, auprès de cette parole du Fils de Marie, qui semble laisser à dessein la science de côté! Ne demandez à l'Évangile que ce qu'il promet relativement à Dieu et au monde invisible; ne lui de,mandez que ce qui intéresse véritablement la conscience religieuse et morale, que ce qui nous importe comme êtres responsables et immortels, car il ne sait et ne veut savoir que cela, mais cela, qui est tout au fond, demandez-le-lui sans réserve, et ses réponses dépasseront à bien des égards votre attente; il vous donnera plus que vous n'osiez espérer, plus que vous ne pouviez prévoir. S'il n'est pas de théodicée plus populaire que la théodicée chrétienne, il n'en est pas de plus impressive et de plus efficace, de plus pure et de plus complète; c'est Dieu avec nous, Dieu pour nous, Dieu en nous.
1. Simple exposé de la question chrétienne jugée par le bon sens, 1852, pp. . 40 à 42.