Louis MEYER (1809-1867)
Notice
Louis Meyer est né à Montbéliard, le 11, janvier 1809 et mort à Paris le 11 octobre 1867. Après des études de théologie à Strasbourg, se sentant peu attiré vers le ministère pastoral, il se tourna vers l'enseignement, fut d'abord professeur en Suisse (1829-1831), puis enseigna le français '-. Leipzig (1831-1833), enfin vint à Paris comme précepteur de deux jeunes gens. Ayant fondé avec ses élèves une « Société des Amis des pauvres », qui devait jouer dans la suite un rôle imprévu et considérable, il traversa une crise religieuse due à la pratique de la charité, se convertit, et agit dès lors puissamment par le rayonnement de sa foi. Nommé directeur de l'École normale primaire de Strasbourg, il fut écarté de ce poste par sa qualité de protestant. Guizot le fit alors nommer rédacteur en chef du Journal de l'Instruction publique. En 1837, il devint pasteur de l'Église luthérienne de Paris à laquelle il consacra toutes ses forces. En 1857, il devint président du Consistoire et inspecteur ecclésiastique. Il a pris une part très active à toutes les discussions et à toutes les oeuvres de son Église, exerçant l'essentiel de son action par une prédication d'un accent très personnel et par la cure d'âme.
On a publié après sa mort un recueil de Sermons (3e éd., 1878) et un recueil de Lettres et fragments de sermons (4e éd. s. d.). - Consulter l'ouvrage anonyme, qui est dû à un membre de sa famille: Louis Meyer, sa vie et son oeuvre (1886).
NOUVELLE NAISSANCE (1)
Ce n'est qu'en naissant de nouveau, en nous faisant humbles et simples comme des enfants, comme eux pleins de foi et d'obéissance à la voix paternelle, que nous pouvons entrer dans le royaume des cieux. - « Le Fils de l'homme est venu sauver ce « qui était perdu » : parole sublime qui résume toute la vie de Christ et celle de l'homme; parole pleine d'encouragement pour celui qui se sent égaré, perdu : c'est pour lui que le Christ est venu; il méritait d'être abandonné, que dis-je, lui qui avait employé à mai tous les biens qui lui avaient été confiés, il méritait de recevoir autant de maux qu'il avait reçu de biens; mais non : que seulement il veuille, qu'il accepte et il sera sauvé ; que lorsqu'au désert de la vie, il entend cette voix: « Viens à moi, toi qui es travaillé et chargé, et je te soulagerai, et tu trouveras le repos de ton âme », il suive cette voix; et s'il faut monter beaucoup, s'il faut gravir de pénibles sentiers, qu'il se rappelle combien il était descendu bas; dans combien d'abîmes il était tombé; qu'il persévère, et il sera sauvé.
EXPERIENCES INTIMES (2)
COMBAT INTERIEUR... Combat terrible : deux hommes dans un même coeur, luttant à mort, s'étreignant, s'écrasant tour à tour. Étrange vouloir et ne vouloir pas, pouvoir et ne pouvoir pas se mentir à soi-même, puis se dire la vérité. L'un des deux hommes pur, soupirant après Dieu, pouvant disposer des forces de Dieu, mais facile à tromper, s'endormant comme un enfant; l'autre immonde, infernal, faible, mais rusé et veillant toujours.
- Le chrétien seul sait ce que c'est que pardonner. Celui à qui l'Esprit de Dieu a ouvert les yeux sur lui-même, et qui chaque jour voit l'affreux abîme de mal qui est en lui, celui-là ne condamne plus que lui-même; et celui à qui Dieu chaque jour fait grâce, malgré tant d'abominables offenses, grâce entière, sans condition, immédiate, toujours nouvelle, et qui sent cette grâce, cette ineffable paix de Dieu, celui-là pardonne avec joie, sans restriction, sans effort; il l'a reçu gratuitement, A le dit gratuitement; Dieu lui pardonne pour l'amour de lui-même, sans mérite aucun: lui, pardonne pour l'amour de Dieu.
- L'ORGUEIL est la mort de l'âme; il flétrit toute vie; c'est le souffle de Satan. Le Seigneur me le fait voir dans les choses extérieures par plusieurs directions : quand je regarde à moi, je perds tout pouvoir de produire, la vue de mon esprit se trouble, Ici pensée s'arrête, je tourne sur moi-même comme frappé de la baguette de Moïse, et m'agite sans avancer. De là vient sans doute que je parle plus facilement et plus convenablement que je n'écris; parce qu'en parlant, la nécessité de pousser en avant m'ôte le retour sur moi-même. Quand je m'appuie sur moi et espère en mes entreprises, il est de règle qu'un échec m'attend : quand, au contraire, je crois tout perdu. le Seigneur envoie son secours « afin qu'on voie, qu'on sache, qu'on pense et qu'on comprenne que c'est la main de l'Éternel qui a fait cela» (Ésaïe, 41, 20). 0 Dieu, donne-moi de désespérer toujours de moi et d'espérer toujours en toi!
- GRACE. Tout change d'aspect selon que nous avons ou n'avons pas la grâce. Loin de Jésus, tout nous irrite, nous attriste, nous accable: nous n'avons pas même le don de voir que la cause de notre tourment n'est pas l'objet extérieur mais notre misérable coeur, et nous avons d'autant moins l'envie d'être guéris que nous souffrons plus profondément. Près de Jésus, au contraire, tout est lumière et paix. Quand mon coeur déchiré, brisé, haletant, a pu se traîner jusqu'à tes pieds, qu'il est doux, ô Jésus, le moment où je sens la vie nie revenir, où je reviens à moi; je me reconnais alors, et te vois près de moi, ô bon Berger, versant ton sang sur mes blessures et, me reposant dans tes bras ! Tout change alors d'aspect, tout perd son amertume : les plus tristes objets se revêtent de la clarté de Jésus; plus la croix était lourde, plus il semble qu'elle nous porte, nous élève au-dessus de nous-mêmes, et c'est par nos blessures mêmes que s'épanche en nous le baume de la vie!
L'HOMME RÉCONCILIÉ AVEC DIEU (3)
Pour lui, plus d'erreurs funestes, plus de mécomptes déchirants : la paix, toujours la paix. Chaque jour lui apporte un flot plus doux et plus pur de cette source délicieuse qui jaillit en vie éternelle. Ce qui faisait son désespoir fait maintenant sa consolation. Sa vie d'égarements et de péchés lui est un monument de l'amour de son Dieu. Il contemple avec étonnement les voies singulières par où Dieu l'a conduit: il suit avec admiration le merveilleux enchaînement de douleurs et de joies, de rencontres inattendues et de leçons frappantes qui devaient le ramener à Dieu. Il se rappelle ses dégoûts du monde et ces invitations pressantes, cette voix secrète qui tantôt le consolait, tantôt grondait effrayante au fond de sa conscience, tantôt le suppliait avec tendresse, avec des accents déchirants, de se sauver, d'aller à Dieu. Et il est bien assure que Christ, qui l'a si tendrement aimé, ne le laissera plus et saura jusqu'au bout le conduire et lui l'aire vaincre le péché et la mort.
Le monde n'a plus d'appâts pour lui. Il sait, hélas ce que le monde donne et ce qu'il demande à ses adorateurs ; et, s'il pense encore au monde, s'il écoute encore ses cris et ses combats, c'est pour chérir la part que Dieu lui a faite et pour baiser le joug si facile et si doux qu'il porte maintenant.
Ainsi les Israélites, échappés à la mer, voyant de loin l'armée de Pharaon à la merci des flots, trouvent agréable même la plage du désert et poursuivent leur pénible voyage en chantant un cantique à la louange du Très-Haut.
LA PRIÈRE (4)
Le chrétien est avant tout un homme de prière ; les promesses de Dieu et le cri de son âme, le péché qui l'accable, la foi qui le relève, tout lui dit de prier !
Comment faut-il prier? comme on aime: de tout notre coeur et de toute notre âme, de toute notre pensée et de toutes nos forces. Si nous prions ainsi, notre prière aura ses deux qualités principales : elle sera vraie, elle sera persévérante. Elle sera vraie, parce que nous prierons de tout notre coeur, de toute notre pensée. Elle sera persévérante, parce que nous prierons de toutes nos forces.
Une âme qui connaît Jésus eu sait bien vite sur la prière plus que les maîtres et les docteurs. « Comme un cerf brame après les eaux courantes, ainsi cette âme soupire après toi, ô mon Dieu ! Elle a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant » (Psaume XLII). Elle se donne à lui; elle le supplie de l'accepter et d'accomplir en elle son oeuvre de salut. Puis revenant sur elle-même et comptant ses péchés, voyant son indignité, elle s'attriste, elle se déplaît, elle secoue avec douleur les chaînes qui l'arrêtent ; elle se ranime pour s'en dégager, elle renouvelle mille fois ses promesses de fidélité, elle rougit et pleure de promettre toujours et d'être encore si infidèle, et elle ne sait plus que se jeter dans les bras de son Sauveur, que cacher dans ce sein adoré son péché, sa misère, que crier : grâce ! grâce ! et elle obtient sa grâce ! Voilà tout le secret et toute la science de la prière.
Et quand cette âme a trouvé son Sauveur, alors elle se sent victorieuse, délivrée ; alors elle se repose au pied de la croix d'où coule le sang qui l'a régénérée ; tout lui parle de Jésus, tout lui dit Il est à toi, tu es à lui » ; « ne crains pas; crois seulement » ; « demande et tu recevras ». Alors elle lui parle, elle lui dit ses désirs, elle s'entretient avec lui comme une épouse avec soit époux ; elle voit passer devant sa face toute la bonté de l'Éternel, elle entend cette voix : « L'Eternel, l'Eternel, pitoyable, miséricordieux, lent à la colère, abondant en gratuité et en vérité » ; elle s'étonne et se confond à la vue de tant de miséricorde, et ne sait plus que s'écrier avec les anges : « Saint, saint, saint est l'Éternel! » Encore une fois, voilà tout le secret et toute la science de la Prière. Voilà ce, qu'est la prière vraie, profonde, où nous mettons toute notre âme et toutes nos pensées et où Dieu met sa grâce, son esprit et sa vie.
Mais toute simple qu'elle est, toute naturelle qu'elle nous devrait être, cette prière nous est difficile, parce que notre âme est, de sa nature, ingrate et incrédule, parce que nos coeurs sont orgueilleux et lâches.
Si Dieu a promis la victoire à la prière, c'est qu'elle est un combat, le combat de la foi.
1. Écrit en juin 1835. Louis Meyer, sa vie et son oeuvre, préface de Félix Kuhn. 1886, pp. 87 à 88.
2. Notes écrites en 1813 et 1844. Op. cit., pp. 112 à 114.
3. Sermon prononcé en 1837 sur Matthieu, V, 4. Op. cit., pp. 115 à 116.
4. Sermon sur la prière prononcé en 1844. Op. cit., pp. 129 à 131.