JEAN-FREDERIC OBERLIN (1740-1826)
Notice
Jean-Frédéric Oberlin est né à Strasbourg le 31 août 1740 et mort à Waldersbach le 1er juin 1826. Il se destina de bonne heure au ministère pastoral, mais brûlant d'un zèle enthousiaste, peu attiré par le formalisme sec des Églises d'alors, il hésita longtemps avant d'accepter un poste. A l'âge de vingt-sept ans, il alla comme pasteur à Waldersbach, dans le Ban-de-la-Roche, petit coin des Vosges inculte et perdu, où tout était à créer et dont il fut « l'apôtre, et le civilisateur ». Il fonda lui-même des écoles, forma des instituteurs, eut l'idée des premières salles d'asile pour empêcher le vagabondage des enfants, créa des chambres de tricotage et de couture pour les jeunes filles et les femmes. Il établit des chemins vicinaux, irrigua et féconda chaque coin de terre inculte, assainit les rues et les demeures, planta des arbres fruitiers. Il introduisit des cultures et fonda une petite industrie. Surtout, il se préoccupait du bien spirituel de ses paysans, évangélisant avec un zèle infatigable, organisant, l'instruction religieuse, multipliant les oeuvres pieuses, trouvant le moyen. d'intéresser ses fidèles aux missions en pays païens. Il réunit des secours pour les pauvres, créa des caisses d'épargne et de prêt, une pharmacie gratuite.
D'une activité prodigieuse, dur et sévère pour lui-même, il était généreux pour ses paroissiens, jusqu'à s'en ruiner. Il alliait un mysticisme ardent avec un rare sens pratique. Vivant sans cesse dans le monde invisible, il s'efforçait constamment de pénétrer de justice et de bonté le visible.
Sous la Révolution, à laquelle il avait immédiatement adhéré, il dirigea habilement le mouvement. Sous la Terreur, il fut cependant emprisonné un moment. Vers la fin de sa vie, malade, presque aveugle, il ne ralentit pas son zèle de missionnaire. Sa réputation était devenue immense; une foule de visiteurs arrivaient de tous les pays pour voir son oeuvre; on voulut même l'entraîner en Amérique où l'appelait une colonie de 20.000 âmes sans pasteur. Il mourut à quatre-vingt-cinq ans, disant : « Puissiez-vous oublier mon nom et ne retenir que celui de Jésus-Christ que je vous ai prêché. » Oberlin n'a rien publié lui-même. Mais un grand nombre des manuscrits qu'il a laissés ont été utilisés et même reproduits dans sa biographie par Stoeber (1831). Cet ouvrage a été refondu et complété par C. Leenhardt : La Vie de J.-F. Oberlin (1911).
POUR LESÉDUCATRICES DES PETITS (1)
La conductrice ouvre la classe par la prière, puis fait chanter aux enfants un cantique ; elle leur fait apprendre par coeur des passages ou une histoire de la sainte Écriture, et leur apprend à connaître les plantes les plus usitées du pays, ainsi que l'usage qu'on peut en faire. Les conductrices s'occupent d'enseigner les éléments les plus simples de l'histoire naturelle, de la géographie, du calcul mental, tout en dirigeant les travaux manuels des enfants. Les plus grandes filles et les garçons les plus âgés sont exercés au tricot ; tandis que les plus jeunes, dans le but de les occuper et d'exercer leurs doigts, font de la charpie, piquent des fleurs ou découpent des images ou du papier. Les filles qui sont parvenues à bien faire divers genres de tricot passent à l'école de couture, tenue également dans chaque village par la couturière la plus expérimentée du lieu.
Pendant que, sous la direction des conductrices, les enfants tricotent, cousent et épluchent du coton cru, elles leur présentent les herbes indigènes les plus utiles, soit pour la nourriture de l'homme, soit pour celle des animaux, et leur en font répéter les noms en patois et en français pur. Elles leur enseignent ensuite à reconnaître les plantes nuisibles et vénéneuses, pour les éviter on pour les extirper peu à peu ; se promenant avec eux au printemps et en été, elles leur font trouver le long des haies ou dans les bois voisins, les herbes qu'on leur a décrites. Cette connaissance généralement répandue par une instruction première a préservé de grandes maladies les habitants du Ban-de-la-Roche en 1817, année si désastreuse par le manque de récolte en céréales, et par le peu d'abondance de pommes de terre.
Pour faire trouver du plaisir aux enfants à s'exercer à de petits travaux rustiques, les conductrices leur inspirent le goût des fleurs. En leur enseignant à les dessiner, elles provoquent le désir d'en cultiver eux-mêmes, dans leurs jardins, où leurs parents leur accordent volontiers quelque petit parterre pour y exercer leur industrie enfantine.
LE MINISTÈRE DES INSTITUTEURS (2)
Ce que je viens de dire des hommes en charge en général, dois-je le dire aussi des maîtres d'école, des pères, mères, conductrices, servantes d'enfants? S'ils veulent plaire à Jésus-Christ, il faut qu'ils fassent tout en son nom, et dans l'obéissance de sa volonté et son souhait. Or, l'Ecriture sainte nous apprend le tendre amour que Jésus-Christ porte pour les enfants; par conséquent, il prendra intérêt à tout ce qui leur arrive. Il aura titi oeil attentif sur toutes les peines qu'on se donne pour eux.
Heureux donc et mille fois heureux, un homme et toute personne qui est appelée pour travailler sur les jeunes enfants, ce sont autant d'enfants de Jésus-Christ. Heureux est-il, dis-je, si, non content de faire tout son possible pour leur cultiver l'esprit, il s'efforce aussi à leur cultiver le coeur, ce coeur qui est encore si tendre, si susceptible d'exhortations et de sentiments vertueux.
Heureux le maître d'école, conductrice, père, mère, servante d'enfant, qui s'étudie à leur inspirer un amour ardent pour Dieu, leur Père céleste et Sauveur Jésus-Christ. Heureux qui tâche de leur toucher le coeur et d'y faire naître un désir du ciel, qui leur apprend à prier Dieu ; je ne dis pas à dire des prières apprises par coeur, mais à parler à Dieu tout simplement, à Lui adresser des soupirs, à Lui demander les grâces dont ils peuvent avoir besoin dans des circonstances particulières.
Et combien n'y a-t-il pas d'occasions, qui se présentent d'elles-mêmes, propres à toucher le coeur des enfants ? Un maître d'école, craignant et aimant Dieu de tout son coeur, et rempli de zèle pour l'avancement de son règne, apprendra peu à peu à profiter de toutes les occasions, comme de la mort d'un de leurs camarades, ou d'une personne qui les regarde de près, des malheurs, maladies, afflictions, des bonnes et des mauvaises saisons, d'un beau jour.
Heureux un maître d'école qui profite de telles et .autres circonstances, pour remplir la jeune paroisse de tendresse pour Dieu, de zèle pour le bien et du désir du ciel. Certes, toutes les fois qu'il sera ainsi assemblé avec la jeune troupe, le Seigneur Jésus,Christ sera au milieu d'eux. Tantôt Il donnera au maître d'école du nouveau courage, nouveau zèle, nouvelle mesure de sagesse, tantôt Il touchera les enfants, leur fera verser des larmes précieuses, les aidera à élever leurs pensées au ciel.
Les anges se presseront autour pour voir un spectacle si touchant, tantôt ils béniront le maître d'école, tantôt ils féliciteront les enfants, tantôt ils seront ,ravis par l'espérance de voir un jour la plupart de cette jolie troupe au ciel, et, étant de retour dans la demeure des élus, ils feront part aux autres du spectacle ravissant dont ils ont été témoins.
0 hommes heureux qui peuvent réjouir ainsi le ciel! votre profession est méprisée aux yeux de plusieurs mondains, mais elle est précieuse aux yeux de Jésus-Christ. Vous êtes les pasteurs pour paître les jeunes brebis de Jésus-Christ. 0 emploi important et glorieux! mais aussi emploi terrible! Oh ! appliquez-vous-y avec crainte et en tremblant ; car malheur aux maîtres d'école qui négligent des âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ, qui sont contents de leur donner seulement les instructions que les hommes prétendent, qui ne travaillent pas pour l'amour de Dieu, qui proportionnent leurs peines et leurs soins à la modicité du gage qu'ils tirent, et non pas aux récompenses infinies qu'ils pourraient gagner.
PRIÈRE ET ACTION (3)
Qui veut plaire à Dieu et réussir dans ses entreprises ne doit pas séparer la prière du travail. Notre symbole et motto doit être : Prie et travaille - Travaille et prie. - Moïse, âgé de près de quatre-vingts ans, ne pouvait plus aller à la guerre, mais il se met à une ardente et persévérante prière, tandis qu'il envoie le jeune, robuste et vaillant Josué au combat avec des hommes choisis.
Chacun dans sa vocation doit en agir de même. C'est se rendre criminel que de prier : « Ton règne vienne, Ton nom soit sanctifié », de demander à Dieu tous les jours s'on pain quotidien, et cependant ne pas travailler avec diligence et assiduité, ne pas mettre son bien dans le meilleur état possible, vouloir rester un gâte-métier et ne pas tâcher d'apprendre mieux à cultiver jardin et champs et arbres. Travaille et prie, prie et travaille, agis en toutes choses devant Dieu qui t'a donné ta profession, fais-Lui plaisir et honneur par ta fidélité et ton application assidue et sensée.. . Fuyez comme la peste cette misérable oisiveté et fainéantise criminelle qui est si contraire à l'esprit del'Évangile et de la charité et une transgression formelle du commandement de Dieu de racheter le temps, de sorte que le perdeur de temps est aussi bien coupable de violation du commandement de Dieu que le voleur, car l'un viole un commandement et l'autre en viole un autre. Et s'il y a du péché à être négligent dans les travaux pieux et charitables, et si l'ouvrier paresseux dans les travaux temporels devient pauvre pour la vie temporelle, celui qui est paresseux dans les travaux spirituels et les travaux de charité deviendra pauvre pour la vie éternelle.
1. Règlement de police et de discipline... C. LEENHARDT, la Vie d'Oberlin, p. 60.
2. Sermon sur Luc 11, 21. Waldersbach, 1er janvier 1769. - LEENHARDT, op. cit., p. 62 et suiv.
3. Sermon sur Exode, XVII Histoire d'Amalek. Fouday, avant 1767. Sermon sur Matthieu, XXI, 1 à 9. C. LEENHARDT, 01). Cil., pp. 76, 77.