JEAN-BON SAINT-ANDRE (1749-1813)

 

Notice

Union sacrée

Civisme


André Jeanbon, dit Jean-Bon Saint-André, est né à Montauban le 25 février 1749 et mort à Mayence le 10 décembre 1813. Après avoir fait ses études de théologie à Lausanne, il fut pasteur à Castres, puis à Montauban. Elu député du Lot à la Convention, il siégea avec les girondins, puis passa à la Montagne. Il fut ministre de la Marine au Comité de Salut public (1793), et resta dans ce poste après le 9 thermidor. Arrêté un moment en 1795, il fut envoyé par le Directoire comme consul à Alger, puis à Smyrne (1798).

Dans cette dernière ville, il fut pris comme otage par les Turcs qui rompaient avec la France. et resta trois ans, jusqu'en 1801 emprisonné à Trébizonde. Il en a rapporté un intéressant Récit de sa captivité sur les bords de la mer Noire.

Revenu en France, il fut nommé par Bonaparte, alors premier consul, commissaire des quatre départements de la rive gauche du Rhin. À partir de septembre 1802, il n'est plus que préfet du Mont-Tonnerre. En 1813, il mourut à Mayence du typhus qu'il avait contracté en soignant des soldats entassés dans les hôpitaux, après la retraite de Russie. Outre l'ouvrage mentionné plus haut, on a de lui quelques sermons, un livre intitulé: Considérations sur l'organisation civile des Protestants, plusieurs beaux discours à la Tribune, enfin son Discours prononcé à la première séance publique de la Société des sciences et a ris du département du Mont-Tonnerre à Mayence (16 germinal an XII). - Consulter: Jean-Bon Saint-André ; - sa vie et ses écrits mis en ordre et publiés par Michel Nicolas (1848), et surtout la biographie de Lévy-Schneider, 2 vol. 1904.


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UNION SACRÉE (1)

Sujets de l'État comme tous les Français, soumis aux mêmes lois et au même gouvernement, nous soutenons maintenant avec tous nos concitoyens des relations plus étroites; nous ne devons composer avec eux qu'un peuple de frères.

Loin de nous le souvenir amer qui nous rappellerait l'idée de nos souffrances passées ! Effaçons, s'il se peut, de l'histoire, ces scènes d'horreur si humiliantes pour tous. Opposons à ce tableau la douceur et l'humanité françaises. Non, nous ne sommes point faits pour nous haïr; nos moeurs ont été moins barbares que nos lois, et si la nation s'est livrée quelquefois à des cruautés indignes de son caractère, reconnaissons, à sa gloire que des impulsions étrangères l'avaient égarée. 0 Français ! nous sommes tous frères: que la tendre charité nous unisse ! Qu'il n'y ait plus parmi nous, ni division, ni secte, ni grec, ni barbare! Aimons-nous, supportons-nous mutuellement.

Eh quoi! quelques points de doctrine, quelques. différences dans le culte serviront-ils d'éternels prétextes au mépris et à la haine? Faut-il que l'amour de la religion rompe le lien d'union que la nature et les lois ont formé entre nous ? Est-il nécessaire d'être d'accord sur tout, pour s'aimer comme des frères ?

Et où sont-ils ces hommes qui ne diffèrent jamais sur rien? Ah 1 laissons un libre cours à la pensée ! La vérité seule a le droit de l'enchaîner. Celui qui s'égare, la cherche; et le devoir de tous, c'est de l'aimer et de la suivre.

Mais vous, souvenez-vous que les opinions religieuses sont toujours respectables aux yeux de ceux qui les adoptent. Toute nation qui professe un culte. quel qu'il soit, a droit d'exiger au moins le respect extérieur pour ses cérémonies. C'est en vain que vous l'exigeriez pour vous, si vous le refusiez aux autres. Et qui sont ceux en faveur desquels nous vous invitons à remplir ce devoir? Ce sont des chrétiens qui croient tout ce que vous croyez, des frères qui viennent à vous avec des sentiments d'humanité et de bienveillance, des concitoyens avec lesquels vous devez désormais concourir à la restauration de l'État. Vos intérêts et vos devoirs sont les mêmes; rien ne Nous est étranger dans ce royaume. Réunissez-vous donc à eux dans ces circonstances précieuses où tout tend au bien général. Que vos intérêts particuliers soient sans regret sacrifiés à l'amour de la patrie. Félicitez-vous de pouvoir donner un libre cours à vos sentiments généreux. Le gouvernement réclame vos secours; la nation est assemblée autour du trône ; la France est en danger : puissent ceux des nôtres qui sont appelés à cette auguste assemblée, y Porter toute l'ardeur de notre zèle et cet esprit de dévouement et de patriotisme qui nous anime !


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CIVISME (2)

Ceux-là ont raison, qui nous ont dit que les subsistances et les finances étaient deux mots qu'il est toujours dangereux de prononcer ; mais le bonheur public, la garantie des propriétés, la liberté et l'égalité, voici ce dont nous pouvons nous occuper sans crainte; que vos comités dans' le silence des délibérations, donnent leurs soins aux finances et aux subsistances. Vous leur demanderez ce qu'ils auront fait, quand vous le croirez utile à la chose publique ; mais en nommant dans les comités des hommes dignes de votre confiance, vous aurez le soin de ne les interroger que le moins qu'il vous sera possible : c'est à vous à faire les lois, c'est à vos comités que vous devez en laisser l'exécution.

On vous a dit souvent qu'il fallait bannir les haines de votre sein ; on vous a pour cela proposé plusieurs moyens. Je crois que le seul, l'unique moyen d'y parvenir, c'est de vous occuper sans cesse du bonheur du peuple. Le mal dont vous êtes atteints est une maladie contagieuse qui est répandue sur toute la France : c'est que tout le monde veut gouverner et que personne ne veut obéir. Ce n'est pas là l'ordre qu'indique la sagesse; ce n'est as là le moyen d'établir un gouvernement, d'assurer la République, de commander la paix et de ramener l'abondance.

Citoyens, prenez une autre attitude. Semblables à la voix du Créateur, quand il créa le monde, et qu'il dit à la mer: là tu briseras tes vagues, dites aux administrations: la borne est posée ; si vous ne l'atteignez pas ou que vous la dépassiez, vous serez punis.

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1. Sermon d'actions de grâces prononcé à l'occasion de lit naissance de la fille du roi. Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits, par MICHEL NICOLAS, 1818, pp. 13 à 15.

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2. Discours prononcé à la Convention le 12 germinal ait Il (1er avril 1795). Op. cit., pp. 101 à 102.