GENÈSE, XXII, 1, 2.

Le sacrifice d'Abraham. 1.

(Lire Ésaïe, L, 5-fin.)

 

« Dieu éprouva Abraham. » Abraham avait déjà été éprouvé plus d'une fois, il avait donné des preuves incontestables de sa foi et de sa soumission au Seigneur, il était sorti victorieux de plus d'une tentation : ce fut précisément à cause de cela, et parce qu'il risquait peut-être de s'endormir en se disant que le temps des combats était passé, ou de tomber dans l'orgueil en contemplant les grâces qu'il avait reçues, que Dieu jugea bon de lui dispenser une épreuve immense, terrible, à laquelle il ne se fût jamais attendu.

« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes. Isaac, et t'en va au pays de Morija, et offre-le-moi en holocauste. »

Dieu se plaît-il donc à aggraver l'épreuve dont son enfant doit tant souffrir, qu'il appuie ainsi sur chaque parole? Quand c'est Dieu qui parle, et que c'est un Abraham qui écoute, nous pouvons être sûrs que pas un mot ne tombe à terre : n'est-il donc pas mystérieux que le Seigneur insiste sur tout ce qui peut faire saigner le coeur du patriarche? « Prends ton fils, » que tu rachèterais volontiers au prix des plus immenses sacrifices; «ton unique, » Ismaël avait déjà été chassé; « celui que tu aimes, » le Seigneur sait combien tendrement! «Isaac,» en un mot, l'enfant du rire, l'enfant de la promesse, celui dont Dieu a dit « C'est en Isaac que ta postérité sera appelée de ton nom. « Va-t'en au pays de Morija; » trois journées de chemin! trois longues journées d'angoisse, de déchirement, de lutte contre son propre coeur, contre Satan, contre son affreuse souffrance ! «Et offre-le-moi en holocauste. , Il ne suffit pas de mettre Isaac à mort, il faut l'immoler avec le calme que demande brie cérémonie religieuse, il faut l'offrir à Dieu, en obéissance au commandement de Dieu. Pourquoi, pourquoi cette accumulation de traits douloureux?

Précisément parce que Dieu « ne contriste pas volontiers les fils des hommes, qu'il n'envoie l'épreuve que lorsqu'elle est indispensable, et que par conséquent lorsqu'il l'envoie, c'est pour qu'on en souffre, lorsqu'il appesantit sa main, c'est pour qu'on la sente. Mais cette pensée-là n'est-elle pas de toutes la plus propre à consoler? Comme il faut, en effet, que l'affliction soit nécessaire ou doive abonder en «fruits paisibles de justice, » pour que Dieu la dispense, lui qui est amour et qui sait d'avance combien elle fera souffrir! Au moment où il s'apprêtait à enlever ce frère, cet enfant, cet ami, dont la mort a jeté un voile de deuil sur toute une vie, au moment où il allait renverser cette espérance, imposer cette infirmité douloureuse, détruire peut-être le bonheur terrestre de son enfant, il voyait et comptait les larmes qu'il allait faire couler: comment celui qui possède cette assurance ne se répéterait-il pas, avec une pleine paix, tout en souffrant et en pleurât: « Tu ne sais pas maintenant ce que je fais : tu le sauras dans la suite (1) »?

 

PRIÈRE.

Qu'il nous suffise de cette ferme et douce assurance, ô notre Dieu! Qu'il nous suffise de savoir que tu sais ce que nous ne savons pas, que tu vois ce qui pour nous est invisible, que tu prévois l'imprévu, et que rien de ce qui nous semble impossible n'est impossible polir toi. Il ne t'est donc pas impossible de remplir de soumission, de paix, même de joie en toi, nos pauvres coeurs que l'épreuve bouleverse et déchire; tu peux nous faire comprendre ton but quand tu nous affliges, et nous faire adorer celles de tes dispensations qui nous coûtent le plus. Voici, Seigneur, nous te disons avec David : Mets nos larmes dans tes vases; ne sont-elles pas toutes écrites devant toi? Elles le sont, Seigneur, et c'est là ce qui fait la paix et la confiance de tes enfants. Elles le sont, polir que tu les essuies quand il en sera temps, et que tu changes notre légère affliction du temps présent en une gloire souverainement excellente. Sois béni de nous avoir révélé ces choses, et daigne augmenter notre soumission, notre filial désir de nous abandonner à toi en Jésus. Amen.


Table des matières
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1. Jean, XIII, 7.