GENÈSE, XXV, 29-fin; XXVII, 30-41.

Les bénédictions méprisées.

 

« Que nul de vous ne soit profane comme Esaü, qui, pour un mets, vendit son droit d'aînesse (1). » Avons-nous jamais fait attention à ce passage ? Il traite d'un péché bien commun, bien plus commun que nous ne le pensons peut-être: le péché de ne pas considérer assez les bénédictions de Dieu. C'est parce qu'Ésaü faisait trop peu de cas de son droit d'aînesse qu'il se laissa si facilement aller à le céder à son frère en échange d'un plat de lentilles; et s'il n'appréciait pas à leur valeur les privilèges que lui conférait ce droit, c'est sans doute parce que, l'ayant toujours tenu pour une chose toute simple, il ne s'était pas une fois demandé d'où lui venait ce droit et pourquoi il l'avait reçu.

Ésaü était léger, indifférent, profane, » dit saint Paul; aussi suffit-il de la circonstance la plus frivole, d'un moment de fatigue et de contrariété,« pour lui faire regarder une chose qu'il n'avait pas sur l'heure, - et quelle chose! - comme plus précieuse que les riches bénédictions qu'il avait en perspective. « Voici, je m'en vais mourir... à quoi me sert mon droit d'aînesse? » Il n'était pas en danger de mourir, mais il cherchait un prétexte pour couvrir l'acte de légèreté coupable qu'il allait commettre. Éprouva-t-il toujours cette tranquille indifférence? Tournons une page de son histoire, et voyons-le, les yeux subitement ouverts sur la valeur de ses droits perdus, et ouverts par le fait même qu'il ne les possédait plus, supplier son père de les lui rendre en lui donnant la même bénédiction qu'à Jacob; écoutons-le s'écrier avec désespoir : « N'as-tu qu'une bénédiction? Bénis-moi aussi, mon père ! » Mais Dieu empêcha Isaac de faiblir, et Ésaü se vit «privé de la grâce de Dieu. »

Son exemple nous enseigne que quand on n'apprécie pas assez les grâces de Dieu, et qu'on ne les serre pas dans son coeur avec cette reconnaissance de l'amour qui en double la jouissance et en sanctifie l'usage, on est bien près non-seulement de les perdre, mais de les voir se changer en sujets de larmes., d'angoisses, de regrets amers. Quelles sont les bénédictions dont nous risquons de perdre ainsi le fruit? Elles sont de plus d'un genre et nombreuses; « les veux-je réciter et les dire? elles sont en si grand nombre que je ne les saurais raconter. » Elles forment deux grandes catégories : nos bénédictions temporelles et nos bénédictions spirituelles; les secondes de beaucoup plus précieuses encore que les premières, auxquelles cependant nous sommes souvent tentés d'accorder plus d'attention.

Nous risquons de nous montrer profanes à leur égard en ne les estimant pas au-dessus de toutes celles que. notre adversaire nous offre en échange. Notre plat de lentilles à nous est souvent bien peu de chose: souvent c'est la paresse, c'est la crainte du ridicule, c'est l'attachement au monde, c'est l'habitude de remettre au lendemain; et si nous vendons notre droit d'aînesse, que de regrets et de larmes après une satisfaction d'un moment ! « Prenez donc garde qu'il n'y ait en vous un coeur léger et incrédule qui vous fasse abandonner le Dieu vivant (2).»

 

PRIÈRE.

Seigneur, ce coeur léger et incrédule, c'est notre coeur naturel; nous le reconnaissons, nous nous en humilions; fais-nous la grâce de ne pas nous en tenir là et de devenir, sous l'influence de ton Saint-Esprit, vraiment sérieux, fidèles, reconnaissants. Ouvre nos yeux, Seigneur, sur le prix de tes grâces de toutes sortes; que nous sentions profondément combien elles sont Imméritées, et que jamais l'habitude d'en jouir ne nous conduise à l'ingratitude; que nous les recevions toutes comme venant directement de toi et de ton amour. Oui, Seigneur, rends-nous reconnaissants dans le détail de la vie ; que nous n'oubliions pas un de tes bienfaits, et surtout que nous donnions la première place dans notre coeur et dans nos pensées aux biens spirituels que Jésus nous a acquis. Amen.


Table des matières
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1. Hébr., XII, 16.

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2. Hébr., IlI, 12.