MATTHIEU, VII, 1-6.

Les jugements défendus.

(Lire Gal., V, 13-fin.)

 

Que nous sommes peu charitables dans nos rapports avec le prochain ! Que nous sommes sévères ! Comme nous nous hâtons de critiquer, de blâmer, de condamner souvent à la légère ! Combien peu nous aimerions à nous voir traiter comme nous traitons les autres ! Dire du mal de nos frères ou parler d'eux avec mépris; conclure trop vite de ce qui peut nous surprendre dans leur conduite qu'ils ne méritent pas la bonne opinion que nous avions conçue d'eux; les juger d'après une seule action répréhensible, qui peut-être nous a blessés personnellement et ainsi nous a prévenus contre eux; expliquer dans un sens défavorable ce qui prête à diverses interprétations; surtout, ce qui semble monstrueux, mais n'est malheureusement pas aussi rare qu'on pourrait le croire, attribuer à de bonnes actions de mauvais motifs: tels sont, d'une manière générale, les péchés qui rentrent dans la catégorie des jugements défendus.

Jésus nous interdit-il absolument d'examiner la conduite du prochain, et même les motifs qui le font agir?

Non; quelquefois nous sommes obligés de le faire ; il nous est commandé « d'éprouver «toutes choses, » « d'éprouver les esprits,» et Jésus lui-même nous a dit: «Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. » Mais il y a loin de là à l'inconcevable facilité avec laquelle nous lançons à droite et à gauche des jugements inutiles, des critiques qui prouvent seulement que nous manquons d'amour, de support, d'humilité. En effet, si nous aimions nos frères, serions-nous si prompts à relever leurs défauts? et si nous avions « des sentiments modestes, » nous croirions-nous en droit de soumettre leur conduite à une censure si rigoureuse?

Les jugements permis sont ceux que rend nécessaires la prudence chrétienne, ceux auxquels Jésus fait allusion quand il ajoute: « Ne donnez point les choses saintes aux chiens, et « ne jetez point vos perles devant les pourceaux. » Il est naturel, quand nous connaissons le Seigneur et sa grâce, que nous cherchions à nous rendre compte de l'état spirituel de nos parents et de nos amis; seulement, il faut le faire dans la charité, dans l'humilité et dans le seul désir de leur faire du bien.

Cette précieuse qualité qu'on appelle tact, et qui est d'une si grande importance dans la vie ordinaire , n'est pas moins essentielle dans le cours de la vie chrétienne. Jésus, qui veut que nous donnions gratuitement ce que nous avons gratuitement reçu, ne veut pas que nous présentions sans discernement sa grâce aux pécheurs endurcis, aux impies moqueurs que le seul contact de la vérité divine met hors d'eux-mêmes, parce que Satan leur a inspiré la haine de cette vérité. Mais ici encore, la pensée du Sauveur est une pensée de charité; il ne veut pas que nous risquions d'augmenter la culpabilité de ces malheureux en leur multipliant les occasions de blasphémer le Sauveur et de persécuter les croyants.

 

PRIERE.

Seigneur notre Dieu, garde notre bouche, garde l'entrée de nos lèvres ; mets sur notre langue la loi de bonté. Tu sais combien souvent nos sentiments sont tout autres qu'ils ne devraient être et nous font broncher en paroles ; tu sais avec quelle légèreté nous nous laissons aller à nous juger et à nous critiquer les nus les autres; tu sais aussi que nous n'avons rien à attendre de nos meilleures résolutions à cet égard, si tu ne daignes toi-même nous aider de ton puissant secours. Ce qui nous est impossible t'est possible, Seigneur; tu peux même remplir de charité notre coeur si peu charitable, et faire que de l'abondance de ce coeur notre bouche parle de manière à communiquer la grâce à ceux qui nous écoutent. Accomplis cette oeuvre en nous, nous t'en supplions an nom de Celui qui nous a laissé un exemple afin que nous suivions ses traces. Amen.


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