MATTHIEU, XVIII, 21-fin.

Le pardon des offenses.

 

Chacun de nous ne s'avoue-t-il pas que la question de Pierre au Sauveur : « Combien de fois pardonnerai-je à mon frère lorsqu'il m'aura offensé?» s'est souvent présentée, peut-être avec une force terrible, à son esprit agité, à son coeur troublé par le douloureux sentiment d'une offense reçue? « Combien de fois pardonnerai-je? Ah ! qu'il est évident que cette question revient souvent à celle-ci : Ne puis-je me dispenser de pardonner cette fois? Mais non; ce que veut Jésus, ce n'est pas une patience qui, après avoir été exercée, exercée, exercée encore, finisse pourtant par se lasser : c'est une patience, c'est un long support, c'est une puissance de pardon égale à celle que Dieu déploie envers nous, pauvres pécheurs. Il nous le montre par la parabole que renferme notre texte.

Quelle clémence que celle de ce roi a qui son serviteur devait la somme énorme, et certainement impossible à réaliser, de dix mille talents (1) et, qui, sur la seule prière de ce serviteur, non-seulement consent à attendre un paiement qu'il sait bien ne devoir jamais venir, mais encore libère ce serviteur de la manière la plus absolue! Ce qu'était cette dette pour ce débiteur insolvable, c'est ce qu'est pour nous, à l'égard du Seigneur, notre dette de péché, notre effrayante et terrible dette, si grande, si immense, que nous ne pouvons pas même en mesurer l'étendue. Eh bien! que fait le Seigneur à notre égard? Il nous effraye salutairement par le trouble de nôtre conscience et le sentiment de notre indignité devant lui, et quand il nous a ainsi contraints à crier grâce, il nous laisse aller, il nous quitte notre dette, au paiement de laquelle il a pourvu lui-même, nous savons comment et avec quel amour! Si nous le savons, pourrions nous n'en pas être touchés jusqu'au fond du coeur?

Et si nous en sommes vraiment touchés, pourrions-nous nous endurcir assez pour n'avoir pas pitié d'un compagnon de service qui ne peut pas nous devoir autant que nous devions à notre maître, et qui a besoin, lui aussi, que nous usions de miséricorde à son égard? Il en a besoin soit qu'il le sente, soit même qu'il ne le sente pas, de même que nous avions besoin du pardon de Dieu avant de le désirer : pour que notre affection pour lui et nos rapports avec lui soient ce qu'ils doivent être, car nous ne pouvons aimer réellement, ni traiter avec charité, une personne à laquelle nous gardons un sentiment de rancune. Mais notre pardon ne fût-il pas nécessaire pour cette personne, il le serait encore quant à ce qui nous concerne nous-mêmes, dans le secret de notre vie intérieure devant Dieu. Si. nous ne pardonnons pas, franchement joyeusement, en toute occasion, nous montrons par là que la miséricorde de Dieu à notre égard n'a pas produit une assez profonde impression sur notre coeur. Voilà ce qui fait l'importance du pardon des offenses. « Pardonnez, comme Dieu vous a aussi pardonné par Christ. »

 

PRIÈRE.

Seigneur, daigne nous faire triompher par ta grâce des mauvais sentiments qui s'éveillent en nous lorsque nous croyons avoir quelque sujet de plainte contre notre frère. Donne-nous de pardonner complètement et de ])ou coeur; donne-nous la charité qui supporte tout et qui excuse tout. Nous ne la trouvons pas dans notre coeur naturel; mais tu la donnes à qui te la demande, et puisque nous ne pouvons te glorifier qu'en étant tes imitateurs, Ô notre Dieu ! mets en nous les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus. Que ton Saint-Esprit habite puissamment en nous, avec tous ses fruits de grâce et de paix ; qu'il nous rende bons les uns envers les autres, pleins de compassion, miséricordieux et doux. Nous te le demandons au nom de Jésus notre Sauveur. Amen.


Table des matières
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1. Au moins douze millions de francs. ( note de "regard": à l'époque de la rédaction de ce message 1875 )