JONAS, IV.

Le kikajon.

 

Ne nous arrive-t-il pas souvent ce qui arriva à Jonas? Ne cherchons-nous pas souvent un abri sous un kikajon que le Seigneur est obligé de nous retirer subitement parce que nous y mettons trop fortement notre coeur, et dont la perte nous est alors trop sensible et nous fait éprouver une tentation au murmure? Il y a beaucoup de ces kikajons, et de bien des formes, sur la terre; il y a de tendres et profondes affections, il y a de chaudes amitiés, il y a des joies de bien des genres, des jouissances bien diverses, santé, fortune, considération, plaisirs permis; il y a même des kikajons spirituels, des moyens de grâce, des sociétés, des relations chrétiennes, de précieux soutiens sur lesquels on s'appuie avec reconnaissance et dont, comme Jonas, « on se réjouit extrêmement... »

Ces jouissances-là, c'est Dieu qui les donne, comme c'était lui qui avait préparé le kikajon de Jonas, et sans doute cette pensée augmentait la sécurité avec laquelle le prophète se reposait sous ce bienfaisant ombrage. Mais l'exemple de Jonas nous apprend qu'on peut abuser de ces bienfaits, même en les recevant comme de Dieu, et qu'à ceux qui en abusent ils risquent de tourner en piège en les excitant à la révolte. Jonas « eut un violent dépit» lorsqu'il vit son kikajon flétri. Hélas ! les biens terrestres ne sont que des biens terrestres; quelque excellents, quelque précieux que Dieu les appelle à être pour nous, les meilleurs d'antre eux « sont du monde,» et rien de ce qui est du monde n'est stable.

Notre vie elle-même, le kikajon auquel certainement nous sommes le plus en danger de nous trop attacher, qu'est-elle? « une vapeur; » et, on l'a dit avec raison, dès que nous commençons à vivre, nous commençons à mourir. C'est pour nous obliger à rechercher Jésus, le seul soutien permanent et ferme, le seul ami qui ne puisse faire défaut, la seule sourceà laquelle nous puissions toujours puiser la vie de notre âme et la joie de notre coeur, que Dieu a voulu que nos joies terrestres, même les plus légitimes, ne fussent que d'un jour. Voilà pourquoi aussi, quand nous les laissons envahir notre coeur, il nous les retire subitement; voilà pourquoi, si notre premier mouvement dans la souffrance, le deuil, la pauvreté, est un mouvement d'étonnement douloureux,, hélas 1 même de murmure, il nous dit : « Fais-tu bien de t'affliger ainsi à cause de ce kikajon? »,

Non, nous ne faisons pas bien de nous affliger outre mesure. La tristesse est permise dans l'épreuve, comme la joie dans la prospérité; mais il faut que l'une et l'autre, tristesse et joie, nous laissent libres de voir Jésus, soit à travers nos larmes, soit en levant sur lui un regard serein. « Il y aura de jour une cabane pour l'ombrage contre la chaleur, et pour refuge et pour retraite contre la tempête et la pluie (1). »

 

PRIÈRE.

Tu veux être notre seul refuge, notre seul soutien, notre seul bien véritable, ô notre Dieu; que nous ne nous opposions pas aux vues de ton amour, par nos défaillances, nos doutes, notre attachement à la terre et à nos biens terrestres! Nous te demandons sincèrement de nous empêcher de diriger notre regard ailleurs que sur toi. Tu peux seul faire pour nous ce que nous demandons si souvent à la terre; nous le savons, Seigneur : donne-nous de faire passer cette foi dans la pratique de notre vie. Prends pitié de nous, assiste-nous dans notre incrédulité, et bénis pour nous la portion de ta Parole que nous venons de lire, en nous rapprochant de toi et en nous faisant chercher avec plus d'ardeur ta communion en Jésus, Amen.


Table des matières
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1. Ésaïe, IV, 6.