MATTHIEU, V, 5.

Les débonnaires.

(Lire Ps. CXLIX.)

 

Les débonnaires ! Voilà un mot qui appelle un sourire ironique sur les lèvres des gens du monde; n'est-il pas pour beaucoup d'entre eux, en effet, le synonyme de personnes à vues étroites et à intelligence bornée ? C'est que le monde juge rarement comme la Parole de Dieu. La douceur humble des pauvres en esprit lui paraît être un manque d'énergie; et quand il voit un homme rester calme et patient devant l'injustice, pardonner de bon coeur et comme tout naturellement des offenses répétées, n'opposer à de mauvais traitements que la charité qui supporte tout, il est tenté de railler au lieu d'admirer et d'imiter. Eh bien ! ces débonnaires, ces gens humbles et paisibles qui semblent destinés à passer inaperçus dans le monde, sont au nombre de ceux que notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ » nomme bienheureux, lui qui a aussi ôté appelé débonnaire (1). Ils ont une promesse glorieuse : celle d'hériter la terre.

Est-ce à dire qu'ils doivent recevoir comme récompense les richesses terrestres en abondance? Non, car jamais ces richesses-là n'ont été jugées dignes de faire partie des promesses de Dieu à ses enfants. Il s'agit avant tout de «la nouvelle terre où la « justice habite; » cependant, il est certain que la douceur facilite la vie présente, et que les débonnaires en jouissent plus réellement et plus complètement que les autres. Quoi qu'on en dise, on apprécie ces gens faciles a vivre, peu occupés d'eux-mêmes, indulgents et sans rancune; on aime à se trouver en rapport avec eux, plutôt qu'avec des gens difficultueux, susceptibles et tenaces.

Ne nous y trompons pas, cependant; la débonnaireté que Jésus veut et récompense est un fruit de l'Esprit, un des plus beaux triomphes de la grâce dans un coeur naturellement égoïste, orgueilleux, prompt à s'enflammer de colère; ce n'est pas cette mollesse qui revêt les dehors de la douceur, et qui ne sait pas plus résister au mal que s'attacher fortement au bien. L'Esprit de Dieu, qui change les coeurs, adoucit les natures violentes, et donne, au contraire, de l'énergie aux caractères faibles et indolents. Qu'y a-t-il de plus admirable, de plus éloquent, que la vue d'un homme jadis emporté et hautain, maintenant rendu capable de posséder son âme par la patience, qui laisse passer comme inaperçus les traits les plus blessants pour son amour-propre? « Celui qui est maître de son coeur vaut mi eux que celui qui prend des villes (2). » «Les débonnaires auront joie sur joie en l'Éternel, et les pauvres d'entre les hommes s'égaieront au Saint d'Israël (3).»

 

PRIERE.

Fais de nous de fidèles disciples, de zélés imitateurs de ce Jésus qui était doux et humble de coeur, Ô notre Dieu! Que ton Saint-Esprit accomplisse en nous son oeuvre de grâce, afin que nous devenions aussi petits à nos propres yeux, aussi remplis de charité pour nos frères, aussi débonnaires, que nous sommes naturellement peu disposés à l'être. Tu vois nos coeurs, et tu vois tout ce qu'il faut que tu y accomplisses pour que nos sentiments et notre conduite soient conformes à ta volonté, et dignes de la vocation de chrétiens auxquels tu réserves l'héritage incorruptible de gloire. Travaille donc en nous, ô notre Dieu fidèle, et enlève de notre coeur ce levain d'orgueil, d'égoïsme, d'irritation, qui nous empêche de devenir doux et humbles de coeur comme l'a été Jésus notre Sauveur, au nom duquel nous te prions. Amen.


Table des matières
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1. Matth., XXI, 5.

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2. Prov., XVI, 32.

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3. Ésaïe, XXIX, 19.