MATTHIEU, V, 38-42.

Le support chrétien.

(Lire Éphés., IV, 17-fin.)

 

« Ne vous vengez point vous-mêmes, mes bien aimés, » dit saint Paul. Ces paroles ne sont pas réellement en opposition avec celles de Moïse : « Oeil pour oeil, dent pour dent, » parce que celles-ci ne s'appliquaient pas à la vengeance particulière, mais désignaient la manière dont les tribunaux devaient punir. Les Juifs les détournaient de leur véritable signification, et s'en autorisaient pour rendre le mal pour le mal.

La vengeance est naturelle au coeur humain; mais elle n'est jamais permise au disciple du Seigneur Jésus, qui s'est laissé « mener comme un agneau à la boucherie, et, semblable à la brebis muette devant celui qui la tond, n'a pas même ouvert la bouche.» Est-ce à dire qu'il faille prendre à la lettre ces diverses recommandations du Sauveur, qu'il faille se laisser dépouiller et maltraiter en toute occasion, et ne jamais refuser un don ou un prêt, même à ceux qui abusent des demandes ou que nous savons devoir faire un mauvais usage de ce qu'ils recevront de nous? Non, sans doute. Ici comme ailleurs les paroles de Jésus «sont esprit et vie; » mais l'esprit de ces recommandations est lui-même contraire aux penchants de nos coeurs.

Jésus veut que ce qui préside à nos rapports avec notre prochain soit un renoncement à nous-mêmes réel et complet, qui se manifeste en toute occasion, ou plutôt qui s'accomplisse sans se manifester, ce qui est un caractère indispensable au vrai renoncement. Il faut du renoncement, et beaucoup, pour se laisser maltraiter de bonne grâce, et pour être prêt, l'offense reçue, à en recevoir une autre avec la même patience; il en faut aussi pour faire taire l'égoïsme naturel en présence de sollicitations Incessantes et peut-être indiscrètes.

Dans certains cas, comme par exemple dans celui de saint Paul invoquant sa qualité de citoyen romain pour échapper à la peine du fouet, le chrétien peut se prévaloir de ses droits; mais est-il embarrassé de savoir s'il peut ou non le faire, qu'il examine sincèrement quels sont les motifs qui le dirigent. S'il s'agit de la gloire de Dieu, ou de l'intérêt d'autrui, il ne peut y avoir de doute; mais s'il s'agit de nous-mêmes, prenons bien garde de ne pas nous laisser guider par la colère, par quelque désir de vengeance, par quelque sentiment personnel, en un mot.

Le chrétien ne sera jamais ce que le monde appelle chatouilleux sur le point d'honneur; on ne l'entendra pas employer cette expression si commune chez les mondains : Je ne permettrai pas qu'on se conduise ainsi à mon égard. On le verra, au contraire, s'efforcer en toute occasion d'imiter ce Sauveur qui, «lorsqu'on lui disait des outrages, n'en rendait point, et lorsqu'on le maltraitait ne faisait point de menaces, mais s'en remettait à celui qui juge justement (1).» « La charité est patiente, elle est pleine de bonté... elle ne s'aigrit point, elle ne soupçonne point le mal... elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout (2). »

 

PRIÈRE.

Pour que nous devenions patients et doux comme tu nous appelles à l'être, Seigneur notre Dieu, il faut que tu accomplisses en nous par ton Saint-Esprit ton couvre de grâce; mais nous savons, et sois-en béni, que tu ne nous donnes jamais un commandement sans être prêt à nous donner la force de l'accomplir. Dans la foi à tes promesses, nous te demandons cette force, et nous comptons sur toi. Manifeste ta puissance dans notre misère; fais-nous remporter sur notre irritation, notre orgueil, notre égoïsme, une victoire si complète qu'il soit bien évident qu'elle vient de toi et non pas de nous. Qu'à toi seul soit la gloire, ô notre Dieu! et que nous te laissions agir en nous selon ta volonté, nous bornant à prêter à ton oeuvre le concours de notre docilité, de notre fidélité, de notre amour et de notre reconnaissance. Exauce-nous pour l'amour de Jésus, notre Sauveur. Amen.


Table des matières
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1. 1 Pierre, II, 23.

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2. 1 Cor., XIII, 4, 5, 7.