CHAPITRE II.

DE L'AUTHENTICITÉ ET DE L'AUTORITÉ DES ÉCRITURES.

 

SECTION Ire. - La Bible se donne comme un livre Inspiré, et comme le seul livre Inspiré.

 

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§ 45. Autorité divine des Ecritures. - En établissant l'antiquité et l'intégrité des livres de la Bible, nous n'avons rien dit encore de leur autorité. Nous avons établi simplement que ces livres nous étaient parvenus tels qu'ils avaient été écrits. Quant à ce qu'ils sont, quant au respect auquel ils ont droit, quant à l'autorité qu'ils réclament, écoutons d'abord ce qu'ils en disent eux-mêmes.

Ils établissent que la mission de notre Sauveur Jésus a été une mission divine. Lui-même se donne pour un docteur envoyé de Dieu, et annonce qu'il est venu donner sa vie pour le salut du monde (Jean, VIII, 42; VII, 16; XVII, 8; III, 14-18).

A l'appui, et comme preuve de sa mission , il fit de nombreux miracles et montra une intelligence surnaturelle du coeur humain et des événements de l'avenir (Matth. , XI, 2-6 ; XX , 17-19. Luc, XIX , 42-44. Jean, V , 36 ; XV, 24 ; VI , 64; XVI, 30).

Ceux qui le connaissaient, même ceux qui étaient le moins favorablement disposés en sa faveur , reconnaissaient qu'il était impossible d'expliquer sa puissance et sa sagesse par des causes naturelles (Marc, VI, 1-3. Luc, IV, 22. Jean, VII, 15).

Sa vie publique était une vie de renoncement et de désintéressement; sa vie privée était sans reproche et pleine de miséricorde (Matth., XXVII, 3, 4. Jean, IV, 34; VI, 15; VII, 18. Actes, X, 38. 1 Pierre, Il, 22 , 23).

Il fut mis à mort, ainsi qu'il l'avait prédit , pour « s'être fait égal à Dieu, » accusation qu'il ne songea pas un instant à repousser; et après sa mort il ressuscita du tombeau (Luc, XXII, 70. Jean, XX, 17. Actes, 1, 3).

Ses paroles doivent en conséquence être reçues comme divines (Matth., XVII, 5. Jean, XIV, 10, 11 ; XII, 44-50).

Les Ecritures représentent comme divine la mission donnée aux apôtres. Or, des huit écrivains du Nouveau-Testament, cinq étaient au nombre de ces apôtres à qui Jésus-Christ donna le pouvoir de faire des miracles et d'annoncer au monde son Evangile, savoir : Matthieu , Jean, Pierre , Jacques et Jude (Matth., X, l -4 , 7, 8. Luc, IX, 6).

Jésus leur promit, comme apôtres, en quatre circonstances différentes, l'assistance d'un conseiller divin qui leur remettrait en mémoire ce qu'il leur avait lui-même enseigné, et qui leur communiquerait une intelligence plus complète et plus durable de ses vérités (Matth., X, 19, 20. Luc, XII, 11, 12. Marc, XIII, 11. Luc, XXI, 14. Jean , XIV, 16, 26. Voyez aussi Matth., XXVIII, 18-20. Marc , XVI, 20. Actes, I, 4; XXI, 4. 1 Pierre, I, 12).

Les apôtres montrèrent la divinité de leur mission par les miracles qu'ils firent au nom et par la puissance de Jésus-Christ, et en communiquant à d'autres les dons surnaturels qu'ils avaient reçus de lui (Actes, III, 46; V, 12, 15; VIII, 17-19. Héb., II, 4. Marc, XVI, 17, 18).

Le plus complet renoncement à eux-mêmes, la sincérité et la sainteté de leur oeuvre , les succès rapides et , humainement parlant, inexplicables de leur action apostolique, établissent ainsi la divinité de leur mission (Actes, IV, 16; V, 29; II, 41; XII, 24).

Nous pouvons donc conclure que les paroles de Matthieu, de Jean, de Pierre, de Jacques et de Jude , sont divines (Jean, XIV, 12-14. ; XX, 21. Matth., X, 20. 1 Jean, IV, 6).

Quant aux trois écrivains qui n'appartenaient pas au nombre des douze apôtres , Marc et Luc furent les compagnons intimes des douze; Marc passe pour avoir vécu dans l'intimité de Pierre , et quelques-uns croient que c'est lui que Pierre appelle son fils (1 Pierre, V, 13). Luc fut l'ami et le compagnon de saint Paul. Papias , Justin , Irénée, Origène, parlent de l'évangile de Marc comme étant, généralement reçu, et comme ayant été dicté ou sanctionné, par Pierre. Luc et Paul demeurèrent ensemble à Jérusalem deux ans, voyagèrent ensemble fort longtemps, firent ensemble plusieurs missions et se trouvaient encore ensemble quand Paul rut emprisonné à Rome (Actes, XXI, 17; XXVII , 2, 4 ; XXVIII, 16. Col., IV, 14. 2 Tim., IV, 11). - Le passage Luc, X, 7, est cité 1 Tim., V, 18, comme un texte de l'Ecriture. Irénée, Tertullien, Origène, parlent de cet Evangile comme ayant été sanctionné par Paul et comme étant généralement reçu dans l'Eglise.

Quant à saint Paul , sa mission est également représentée comme divine. Il fut appelé de Dieu au ministère apostolique; il réclame lui-même tous les droits apostoliques, il revendique l'autorité des apôtres et justifie ses prétentions par ses miracles ; il communiquait à d'autres les dons surnaturels, il montra le plus grand désintéressement, supporta les épreuves les plus douloureuses, fut reconnu par les autres apôtres et obtint les plus grands succès. Quand il parle, c'est toujours au nom de Christ (1 Cor., XV , 8. Actes, XXVI , 12-17 ; IX, 13-17; XIX , 6. 2 Cor. , XI, 5. Gal. , I, 1-12; Il , 6-9. 2 Tim., 1, 6, 14).

Les écrits des apôtres sont représentés comme ayant été composés par le commandement de Dieu et en accomplissement d'une mission spéciale (1 Thes. , IV, 15. 1 Tim. , IV, 1. Apoc. , 1, 19. Jean, XX , 31. 1 Jean, V, 13. 1 Cor., XIV, 37).

Les apôtres avaient, en écrivant, le même objet, le même but que lorsqu'ils prêchaient la Parole (Jude , 3. Héb., XIII , 22. I Jean, II, 1, 26).

Leurs écrits ne sont autre chose que leur enseignement oral résumé et permanent , et ils doivent être reçus comme ayant la même autorité (Ephés. , III, 3-5. 1 Jean, I, 1-5; II, 12-14. 2 Pierre, 1, 15; III, 1, 2. 2 Thes., Il, 15; III, 14. 1 Cor., XV, 1; II, 13).

Ces écrits furent en effet reçus dans l'Eglise primitive comme ayant la même autorité que la prédication des apôtres, et comme agissant avec la même puissance (Actes, XV, 19-31 ; XVI, 4. 2 Cor. , VII, 8-10. 2 Thes., Il , 1, 9).

On peut donc affirmer que, dès le commencement, les écrits des apôtres furent regardés comme étant , aussi bien que les livres de l'Ancien-Testament, la sainte et vraie Parole de Dieu (2 Pierre, III, 15, 16. Jacq., IV, 5. cf. Gal., V, 17-21. Jacq., II, 8. cf. Matth. , XXII , 39).

La religion juive et les saints écrits des Hébreux sont considérés dans le Nouveau-Testament comme étant d'origine divine; Jésus-Christ et les apôtres n'ont à cet égard qu'un seul et même langage (Jean, IV, 22. Actes, III, 13. Rom. , IX, 4). - Ils constatent la divinité de la révélation donnée à Abraham et à Moïse (Jean, VIII, 56. Marc, XII, 26. Actes, III, 25. Jean, 1, 17. Gal. , III, 18. 2 Cor. , III, 7). - lis reconnaissent la divine autorité de la loi morale , et la divine origine du rituel juif et des prescriptions civiles de la loi mosaïque (Matth., XV, 4. Luc, XXII, 15, 16. 1 Pierre, I, 15, 16. Jean, XIX, 36. 1Cor., IX, 8, 9. Rom. , VII, 22. cf. les versets 7 et 12). Ils voient dans le christianisme le complément et l'accomplissement du judaïsme tel qu'il avait été annoncé par les prophètes. Quant aux écrivains de l'Ancien -Testament, ils déclarent que tout ce qu'ils ont dit et écrit, ils l'ont fait sur l'ordre de Dieu qui parlait par eux (Matth., V, 17; XXVI, 54 et suiv. Actes, X, 43. Ephés., Il, 20. Rom., III, 21. 2 Cor., III, 6-14. Exode, IV, 12, 15, 16. Deut., XVIII , 18. Jér., I, 6, 7. Amos , III, 7).

Le Nouveau-Testament maintient ainsi la divine autorité des écrits de l'Ancien-Testament, les attribuant tous à l'Esprit de Dieu, loi, prophètes, psaumes, ou quelque division semblable que l'on puisse établir entre eux quant à leur contenu (Matth. , XXII, 31, 43. Héb. , XIII, 5. Actes, XXVIII, 25. Rom., III, 10. Jean , X, 35. Gal., III, 8).

D'après les témoignages du Chef de l'Eglise et de ses apôtres , la Bible est donc le livre de Dieu; elle nous donne la vérité sans mélange, et son objet, son but, c'est le salut. L'ébranler c'est douter du Christ, et par conséquent lui enlever son absolue divinité; c'est supprimer le christianisme.

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§ 46. La Bible est la seule autorité divine. - Si l'Ecriture sainte revendique une autorité divine, elle le fait d'une manière absolue et pour elle seule. Elle n'est pas une règle, elle est la règle de la foi et des oeuvres. Nous pouvons, pour la mieux comprendre , faire appel à la raison, à l'opinion des savants et des hommes pieux, à l'expérience des chrétiens, à la conscience d'un coeur dévoué ; mais ni l'une ni l'autre de toutes ces sources de lumières, ni toutes ensemble, ne peuvent prétendre à la moindre autorité. Elles ne font pas partie de la loi, elles ne peuvent en être tout au plus que le commentaire. Suivre en matière de foi une opinion humaine, quand elle est en contradiction avec la Bible, c'est nier la Bible; suivre des doctrines humaines quand elles ajoutent à la Bible, c'est admettre une autre révélation; s'appuyer enfin sur des doctrines humaines , même quand elles sont d'accord avec la Bible, si c'est à cause de la raison et non à cause de la Bible, c'est s'élever au-dessus de la Parole (le Dieu , quand notre devoir est de nous soumettre entièrement à elle, et à elle seule.

Les écrivains sacrés s'adressent à des hommes de toute classe et de toute nation (Prov., VIII, 1-4. Ps. XLIX, 1-3. Rom., X, 12, 13. - Voyez Deut., XXIX, 29. Ps. LXXVIII, 5-7).

Les portions les plus considérables des saints livres étaient lues , pour l'Ancien-Testament, aux Juifs dans leurs assemblées; pour le Nouveau-Testament, à tous en général, et d'une manière spéciale dans les Eglises (Deut., V , 22; XXXI , 24, 26. Ezéch. , XXXIII , 30 , 31. Josué , XXIII, 6. Jér., XXXVI , 2-6. Hab. , Il , 2. Matth. , VII, 28. Actes , V , 20. Rom., I, 7. 2 Cor., I, 1. Gal., I, 2. Col., I, 2. Philip., I, 1. Apoc., II, 29).

La lecture publique de ces livres, dans une langue comprise de tous, avait été ordonnée de Dieu, soit pour les Juifs, soit pour les chrétiens (Deut. , XXXI , 11-13. Josué , VIII, 33-35. Esdras, VII, 6-10. Néh., VIII, 1-8. 1 Thes., V, 27. Col., IV, 16).

La lecture particulière des Ecritures, fortement recommandée dans l'Ancien-Testament, est ordonnée dans le Nouveau (Deut., XI, 18-20. Ps. I, 2. Ps. XIX. Josué, 1, 8. Actes, VIII, 30-35 ; XVII, 11. Rom., XV, 4. 2 Tim., III, 15. 2 Pierre, I, 19).

Les hommes sont responsables envers Dieu de leurs opinions religieuses et de leurs oeuvres (Ecclés. , XI, 9. Rom. , XIV, 4-12. Jacq., IV, 12).

La Bible, partant du principe de la responsabilité de l'homme, fait expressément appel à sa raison et à son intelligence (1 Sam., XII, 7, Jér., II, 9-11. Marc, VII , 14 , 16. 1 Cor., X, 15).

Dans le Nouveau-Testament en particulier, l'exercice intellectuel, le travail de l'esprit , l'étude faite dans un esprit de foi et de recherche est représentée comme essentielle à l'existence et aux progrès de la vraie religion (Matth., VI, 22, 23. 1 Cor., XIV, 20. Col., I, 9. Philip. , I, 9, 10. Actes , XVII , 23. Voyez 1 Pierre, III, 15. Rom., XII, 12).

Les fidèles sont exhortés dans l'Ecriture à soumettre toutes les doctrines qui leur sont présentées, et leur caractère propre au témoignage de la vérité scripturaire apostolique (Esaïe, VIII , 20. 1 Jean. IV, 1. 1 Thes., V, 20, 21. Ephés., V, 6, 8 , 10, 17. Col., II, 18. Gal., VI, 4 , 5. 2 Cor., XIII , 5. 1 Cor., XI, 28-31).

Notre Seigneur et ses apôtres, en s'adressant à ceux qui possédaient l'Ancien-Testament , en appelait toujours à son autorité. repoussant toute usurpation spirituelle des traditions humaines, et ne reconnaissant d'autre étendard de la vérité que ce qui était écrit dans la loi et les prophètes (Matth., XXIII, 1 , 8-10. 2 Cor. , I, 24.

La complète insuffisance de la raison humaine , laissée à ses propres forces, pour découvrir ou pour apprécier sainement la vérité divine, suffit à montrer qu'elle est incompétente pour faire plus qu'interpréter la révélation (Ps. XIX. Gal, I, 11, 12. 1 Cor., Il, 9, 14 ; I, 18-25).

Dès les temps les plus anciens, Dieu ordonna que tout ce qui devait servir de règle pour la foi ou pour les pratiques religieuses fût conservé par écrit (Exode, XVII, 14. Deut. , XXXI, 19. Osée, VIII, 12. Esaïe, VIII, 19, 20).

Les auteurs sacrés étaient dirigés d'en haut pour employer le langage et la manière en laquelle Dieu voulait qu'ils parlassent (Dan. , XII, 7-9. Matth., X, 19 , 20. 1 Pierre , I, 10-12. 2 Pierre, I, 21. 2 Tim., III, 16. Héb., I, 1. 1 Cor., II, 12, 13).

Certains raisonnements reposent quelquefois sur de simples mots (1 Cor., XV , 45. Héb., III, 7- 10).

Défense absolue est faite de rien ajouter aux paroles de Dieu et d'en rien retrancher (Deut., IV, 2 ; XII, 32. Héb., XIII, 1. Prov., XXX, 5, 6. Apoc., XXII, 18, 19. Gal. , III, 15).

Les traditions orales des Juifs, après avoir été signalées et censurées par la loi et par les prophètes, sont positivement condamnées par Jésus-Christ (Esaïe, XXIX , 13, 14. Matth., XV, 2-9).

Si les révélations comparativement imparfaites de l'ancienne alliance étaient suffisantes pour instruire et sauver ceux qui croyaient , à plus forte raison les révélations accomplies du Nouveau-Testament (Ps. XIX, 7-11. Prov., XXII, 19-21. Jean, XX, 30, 31. 1 Jean, I, 3, 4. 1 Cor., XV, 1-4).

Ces considérations sommaires, et surtout l'étude des passages qui les appuient , prouvent surabondamment que les Ecritures sont la seule source à laquelle nous puissions puiser la vérité, que nous sommes obligés de les sonder, et que, suivant l'usage que nous ferons de ce glorieux privilège , elles deviendront pour nous « une odeur de vie qui vivifie, ou une odeur de mort qui tue. »

C'est aussi là un des premiers principes du protestantisme , un droit (lui crée un devoir, celui d'examiner par nous-mêmes la Parole. Souvenons-nous seulement qu'il ne suffit pas de connaître ; il faut encore mettre en pratique. Si vous savez ces choses , vous êtes bien heureux. pourvu que vous les fassiez, a dit Jésus-Christ (Jean, XIII, 17).

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§ 47. De l'inspiration. - Le fait de la divine origine et de l'autorité des saintes Ecritures est désigné sous une autre forme encore, sous un autre nom , par la science et par la Bible elle-même, quand on dit que les livres qui la composent sont inspirés, c'est-à-dire que les saints hommes de Dieu n'ont écrit et parlé que poussés par le Saint-Esprit. La théorie , à cet égard, est de peu «importance, et l'examen des moyens par lesquels cette inspiration a pu avoir lieu est une affaire plus curieuse qu'utile ; mais quant au fait lui-même, il nous est pleinement révélé.

Les païens et les Juifs, par exemple , estimaient que, pendant que les hommes inspirés étaient sous l'influence de l'impulsion divine, leur volonté et leur individualité propre étaient en quelque sorte suspendues. Les chrétiens de la primitive Eglise, au contraire, considéraient la question au point de vue pratique plutôt que d'une manière spéculative, mais en maintenant généralement l'idée que les écrivains sacrés avaient, même pendant l'inspiration , le libre exercice de leurs facultés intellectuelles. Sur le mode même de l'inspiration , ils ne disent que peu de chose. Mais quand, dans les temps modernes, l'autorité et les prétentions du pape eurent été mises en question, la doctrine de l'inspiration dut être examinée de plus près : le fait fut reconnu comme vrai de toutes parts; mais des opinions différentes furent mises en avant quant à la manière d'en rendre compte, et le champ fut ouvert à la discussion.

Quelques-uns estiment que les livres saints ont été dictés mot à mot par le Saint-Esprit , tels qu'ils se trouvent dans la langue originale; c'est l'opinion de Haldane, en Angleterre, celle que M. Gaussen a fait connaître en France par son livre la Théopneustie.

D'autres, considérant la diversité du style , la liberté des citations sacrées, les diverses professions des écrivains inspirés , leur position et leur caractère, trouvent dans ces faits une objection positive contre la théorie de l'inspiration verbale.

D'autres encore, en petit nombre (Priestley, Burnet , etc.), tout en reconnaissant que les vérités fondamentales ont été révélées par l'Esprit de Dieu, pensent que les arguments et les développements sont d'origine humaine. A quoi l'on répond que c'est compromettre l'ensemble des Ecritures aussi longtemps qu'une règle sûre n'aura pas établi quels sont les points fondamentaux, et que cette manière de voir est en désaccord avec les textes qui établissent que la Bible est une autorité absolue en matières religieuses.

D'autres encore tiennent pour divines toutes les portions des Ecritures dont les tendances morales sont notoirement bonnes, mais celles-là seulement; ce système enlève à la Bible toute autorité et suppose que l'homme peut avoir, en dehors de l'usage de la Bible, des notions exactes sur ce qui est moralement bon (Kant).

Une théorie plus moderne et plus rationnelle aussi, celle de Doddridge, de Wilson et de quelques autres théologiens, consiste à reconnaître divers degrés d'inspiration : le premier et le plus élevé révélant aux auteurs sacrés des choses que, sans elle, ils n'auraient jamais pu connaître ; le second se bornant à préserver d'erreur les écrivains sacrés dans l'exposé des doctrines et des faits qu'ils connaissaient déjà pour les avoir vus de leurs yeux ou entendus de la bouche de Jésus; le troisième conférant l'autorité divine, en les approuvant, à des écrits ou portions d'écrits composés d'abord en dehors de l'inspiration.

Ce système ne diffère pas matériellement et dans ses conséquences d'un autre système que quelques-uns ont préféré. Selon eux , les saints hommes ont écrit d'après le commandement de Dieu, et, en écrivant, ils ont été préservés de toute erreur, nous ignorons comment, soit qu'ils enseignassent des choses entièrement nouvelles, soit qu'ils annonçassent des vérités et des faits déjà connus. Dans cette théorie, qui est, du reste, plus une affirmation qu'une explication, l'inspiration porte sur l'Ecriture toute entière, tandis que l'idée de révélation ne s'applique, qu'à l'acte par lequel l'Esprit de Dieu communiquait aux hommes des vérités nouvelles et jusqu'alors inconnues. En d'autres termes, et selon l'expression de Thomas Scott, l'inspiration découvre d'abord des vérités nouvelles, et , dans ce cas, on l'appelle révélation; en second lieu, elle surveille et contrôle la communication des vérités anciennes. Cette distinction peut être bonne à retenir.

Mais, quoi qu'il en soit des systèmes, le fait qu'ils proclament sans l'expliquer, c'est que la Bible est partout - la Parole - de la sagesse divine, et qu'elle exprime partout les pensées qu'a voulu exprimer le Saint-Esprit. C'est ce don que les auteurs sacrés professent avoir reçu. Leurs écrits sont inspirés de Dieu, et, pour nous servir des expressions d'un théologien peu suspect de partialité en cette matière , ils sont « animés et traversés de part en part par l'Esprit. » (De Wette).

Les auteurs de l'Ancien-Testament réclament pour eux-mêmes cette inspiration (Exode, IV, 15, 16; XIX, 9. Lév., passim. Nomb., XXIII, 12. Deut., IV, 2. 2 Sam., XXIII, 2. Jér., 1, 7-9. Ezéch., III, 4-10. Michée, III, 8).

Le Nouveau-Testament la réclame pour lui-même et pour l'Ancien (2 Pierre, I, 20 , 21. Luc, I, 20. 1 Pierre, I, 11. Actes, I, 16; XXVIII, 25. Héb., III, 7. Jean, XIV, 26; XVI, 13, 14. 1Cor., II, 13; XIV, 37. 1 Thes., II, 13; IV, 8. 2 Pierre, III, 1 , 2, etc.).

L'inspiration n'excluait pas certains faits qui peuvent paraître en contradiction avec elle; ainsi les recherches historiques des écrivains sacrés et leurs travaux pour arriver à la connaissance de la vérité (Luc, I, 1 -4) ; - ainsi encore :

L'expression d'une même vérité en des termes différents ; comparez Matth., XXVI, 26, 27. Luc, XXII, 19, 20 , et 1 Cor., XI, 24 , 25. - Matth., III, 17. Marc, I , 11 , et Luc , III, 22. Il faut noter aussi les citations de l'Ancien-Testament; elles sont faites quelquefois textuellement d'après les Septante, quelquefois d'après l'hébreu , quelquefois encore d'une manière indépendante de l'un et de l'autre. En général, ces citations sont plutôt conformes au sens général qu'à la lettre ;

Quelques diversités dans les récits (nous ne disons pas des contradictions) résultant naturellement des points de vue différents des auteurs ( voyez l'introduction aux Evangiles) ;

Des citations d'autres écrivains inspirés ; des emprunts quelquefois même assez considérables (Ps. CVIII et Ps. LVII, 8-12; LX, 9-14. - Gen., X et XI, et 1 Chron. I, 17. - 2 Rois, XVII, 37, et Esaïe, XXXVI , 1-22. Michée, IV. Esaïe, II, etc. Voyez encore les nombreux rapports des Chroniques avec les Rois et Samuel). Eichhorn a donné une liste de citations de ce genre;

L'emploi de documents non inspirés (Josué, X, 13. Nomb., XXI, 14. Jude, 9, 14-15) ;

Enfin, certaines particularités de style, certaines manières de raisonner, résultant de la diversité des directions intellectuelles et de l'influence de l'éducation ou de la position sociale des auteurs; nous ne citerons comme exemple que la comparaison à faire entre Ezéchiel et Esaïe pour le style, et celle de Paul et de Jean pour le raisonnement.

Notons encore que les écrivains inspirés ne comprenaient pas toujours eux-mêmes le sens exact et l'application immédiate de leurs paroles; les messages prophétiques dont ils étaient chargés leur étaient adressés dans un langage qu'approuvait l'Esprit de Dieu, mais dont la signification ne devait se développer que successivement à J'esprit de l'homme ( 1 Pierre, I, 10, 11. Dan., XII, 8. 2 Tim., III, 16. Héb., I, 1. 1 Cor., II, 12, 13). Ajoutons enfin que différents faits mentionnés dans le Nouveau-Testament ne sont pas indiqués dans l'Ancien; ainsi, la sépulture des patriarches à Sichem (Actes, VII, 15), les paroles de Moïse (Héb., XII, 21), différents faits (Héb., XI, 37), l'urne d'or (Héb., IX, 4), etc. : cf. encore Actes, VII, 22. 2 Tim., III, 8.

Le lecteur a sous les yeux tout ce que l'Ecriture nous fait connaître de cette doctrine; c'est à la théorie de les réunir et d'en expliquer les difficultés.


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