SECTION V. - Objet et but de la loi. - Sommaire de ses Institutions religieuses.

 

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§ 25. Dessein et objet de la loi. - On peut se demander maintenant quelle a été 'l'intention de Dieu en donnant aux hommes la dispensation de la loi, et quelle utilité peut résulter de son étude. Il y avait cependant sur la terre de la foi et de la piété avant le régime de cette alliance. Il y a encore de la foi et de la piété, maintenant que cette économie a disparu. Comme institution , elle était évidemment un joug pesant et lourd; et si elle n'avait pas eu d'autre objet que de régulariser le culte, d'annoncer l'Evangile du Sauveur, ou de séparer les Juifs des autres peuples, ce but aurait pu être atteint, ce semble , par des moyens plus simples et moins compliques. En outre on peut s'étonner que plusieurs points de doctrine ne soient pas révélés d'une manière plus claire et plus positive ; ainsi la spiritualité de l'économie à venir, l'immortalité, et les gloires de la vie future.

En réponse à ces questions et à ces objections, rappelons-nous que l'homme a une grande tendance à oublier Dieu. Vertu, fidélité, foi, piété, soumission à la volonté divine , obéissance à la loi de Dieu, désir ferme et sincère de glorifier sa majesté souveraine, sont tout autant de choses qui , non-seulement ne sont pas naturelles à l'homme, mais encore sont directement contraires et opposées à sa volonté comme à sa nature. Sans des révélations successives et graduées, sans les parcelles de vérité, telles que l'Ecriture nous les représente au monde, se manifestant peu à peu et sous certaines formes, la vérité et les sentiments qu'elle produit ou qu'elle suppose eussent infailliblement disparu de dessus la surface de la terre en fort peu de temps. Cela ressort de nombreux exemples d'individus ou de peuples, et l'on peut conclure du particulier au général avec la même rigueur que sur un point quelconque de la science.

Supposons, en effet, que Dieu s'adresse à des hommes toujours enclins à l'idolâtrie et à la barbarie, enfants par l'intelligence, n'ayant aucun goût, aucun penchant pour des jouissances purement spirituelles, si matériels qu'ils ne puissent même pas s'en faire une idée ; il veut faire comprendre à cette race dégradée ses perfections infinies, et l'amener à lui rendre le culte qui lui est dû; il veut leur faire connaître l'état de leur coeur, et les humilier en constatant leur dépravation morale; il veut les habituer à le voir partout, à craindre son pouvoir, à se réjouir de son amour; il veut relever leur confiance dans le Dieu de leurs pères, le Dieu de l'alliance; incliner leurs coeurs vers sa maison sainte, et leur faire goûter les priviléges de sa communion; - supposons encore qu'il désire les distinguer comme son peuple particulier, c'est-à-dire élu, racheté et séparé des autres peuples; les préserver d'un contact inutile ou dangereux avec leurs voisins idolâtres; unir toutes les classes des Israélites comme un seul corps, sous le gouvernement d'un roi; leur apprendre à s'aimer les uns les autres comme frères; éviter le danger, si naturel dans ce inonde, de l'accumulation des richesses outre les mains d'un petit nombre, et l'oppression des uns par les autres, qui en est la conséquence ordinaire; encourager parmi tous les développements d'une honnête industrie; donner à chacun la conviction qu'il a un nom et une place sur le sol de la patrie; assurer le sort de la veuve et de l'orphelin ; assurer du repos et des jouissances morales aux serviteurs; concilier, du moins en partie, l'existence d'une classe lettrée et sacerdotale, avec le développement intellectuel et religieux de tous, en stimulant les uns à s'occuper avec zèle d'enseigner aux autres les préceptes de la loi ; - supposons qu'il ait voulu donner à sa révélation de nouvelles garanties, conserver le souvenir de ce qu'il a fait à ces hommes comme nation , les amener à une obéissance absolue, mettre leurs pensées et leurs sentiments en harmonie avec l'oeuvre, les fonctions, le règne de ce Messie que les diverses institutions de ce peuple annoncent et préparent; - admettons enfin, par suite de la dépravation naturelle du coeur humain, et parce qu'il est impossible que des observances rituelles le purifient de son péché et le sanctifient, que ces préceptes et ces rites extérieurs n'aient pu, par eux-mêmes, produire autre chose qu'une sainteté légale, un pardon légal , sans toucher en aucune manière à ce qui concerne les intérêts éternels; - que toutes ces suppositions aient été le but réel de la loi mosaïque, et nous reconnaîtrons aisément que cette loi était tout-à-fait appropriée à son bat.

Or c'est bien là ce qui est; tout ce qu'on vient de supposer était bien en effet le but, l'objet de la loi , quoiqu'on puisse, si l'on veut, le présenter aussi sous d'autres points de vue. La loi est-elle un code moral ? Elle nous enseigne nos devoirs envers Dieu et envers les hommes. L'envisagerons-nous comme un ensemble d'observances rituelles? Elle nous montre nos fautes, elle nous fait sentir la sainteté de Dieu, elle nous fait entrevoir la croix. Est-ce une institution civile ? Elle règle le culte d'un roi invisible, elle isole les Juifs au milieu des nations, elle fortifie l'amour fraternel. Comme révélation de la vérité , comme religion objective , elle abonde partout en riches enseignements. Comme ombre des vérités qui doivent être révélées plus tard, elle ranime la piété, elle sanctifie et rend plus profonds les sentiments religieux , elle développe la religion subjective. Si nous la considérons comme un document historique, elle renferme le trésor des traditions anciennes et des plus anciens souvenirs du monde, elle les conserve religieusement en écartant tout ce qui les pourrait altérer, mais rappelant toujours que c'est l'intelligence spirituelle de ces vérités qui, seule, est essentielle au salut. On peut envisager la loi sous ces différents rapports; mais à quelque point de vue qu'on se place, le fait principal demeure. Elle nous révèle le péché de l'homme, la sainteté et l'amour de Dieu, le pardon par son sacrifice, la sanctification qui résulte du salut gratuit, l'oeuvre et le règne de Christ; et en même temps elle pourvoit à ce que ces vérités se conservent intactes dans un monde toujours disposé à oublier ce qui est spirituel, à corrompre ce qui est saint. L'ensemble de l'institution est tout à la fois un évangile et une église. Elle a maintenu et conservé la piété, l'union, le bonheur, elle est de toutes manières digne de son auteur, et digne de la vénération que les Israélites pieux de tous les âges ont eue pour elle (voyez Ps. XIX, CXIX , etc.).

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§ 26. Théocratie. - En théorie la constitution juive est une théocratie, la représentation visible du gouvernement de Dieu, car c'est ce que le mot signifie. Jéhovah lui-même était regardé comme le roi; c'est en son nom que les lois étaient promulguées; le tabernacle (et plus tard le temple) était regardé comme son palais; c'est là, qu'il manifestait sa gloire et qu'il faisait connaître sa volonté; c'est là que « le pain de la face » lui était offert, là qu'il recevait ses ministres, et qu'il remplissait toutes les fonctions d'un souverain. Aussi l'Eternel est-il toujours considéré comme le propriétaire réel et direct du sol de la Palestine (Lév., XXV, 23. Esaïe, XIV, 2, 25. Osée, IX, 3. Zach., IX, 16) et de toute autre richesse (Aggée, II, 8). C'est de lui seul que dépendent les questions de paix ou de guerre, comme partout elles dépendent de l'autorité souveraine du pays (Deut., I, 41 , 42. Josué, X , 40. Juges, I, 1 , 2. 1 Rois, XII , 24). L'idolâtrie était une trahison. Pour les Juifs, l'Eternel était donc à la fois Dieu et le roi. - Ce double caractère se retrouve dans toutes les institutions ou prescriptions de la loi.

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§ 27. Le tabernacle, etc. - Le tabernacle, où le culte public se célébra depuis la sortie &Egypte jusqu'au règne de Salomon, était à la fois le temple de Dieu et le palais du roi invisible. C'était sa sainte habitation. C'est de là qu'il communiquait avec le peuple, ce qui explique le nom de « tabernacle de l'assemblée, » qui se rencontre assez souvent. C'était un bâtiment rectangulaire, d'environ 16 mètres de long, sur 6 mètres 50 de large, fermé de trois côtés par des ais d'acacia couverts de lames d'or, avec des bases &airain, et recouvert de quatre épaisses et précieuses tentures (Exode, XXVI, 7-13) (voyez Dict. de la Bible).

L'entrée orientale se fermait par un magnifique voile de fin lin, teint en pourpre, attaché par des anneaux d'or à cinq colonnes de bois plaquées d'or. [!intérieur était partagé en deux compartiments séparés par un voile de pourpre, orné de figures de chérubins (Exode, XXVI, 36, 37). Le premier était le Lieu saint (Héb. , IX, 2) ; le second, an fond, était le Lieu très-saint, ou le Saint des saints, qui contenait l'arche de l'alliance, couverte d'or, et surmontée de deux chérubins aux ailes déployées. Au-dessus était la gloire, la « shekinah, » symbole de la présence divine ; c'est de là que l'Eternel rendait ses oracles et qu'il manifestait visiblement sa gloire; c'était le siège de sa miséricorde. Dans l'arche , ou tout auprès, étaient les tables de pierre , le livre de la loi, l'urne d'or avec la manne, la verge d'Aaron (Exode, XXV, 31. Deut. , XXXI , 26. Héb., IX, 4). Dans le lieu saint étaient le chandelier d'or (Exode, XXV, 31-39), l'autel des parfums (XXX, 1-10) et la table des pains de proposition (XXV, 23-30).

Un parvis, long de 100 coudées, et large de 50, s'étendait tout autour du tabernacle, fermé par des courtines (le fin coton retors, qui se rattachaient par des anneaux d'argent à des colonnes d'acacia à bases d'airain , hautes de 5 coudées. Quatre piliers à soubassements d'airain servaient de porte à l'orient et supportaient une tapisserie plus fine que le reste (Exode, XXVII , 9-18 ; XXXIX, 9-20). Dans cette cour étaient la mer d'airain , les cuviers, l'autel des holocaustes et divers ustensiles destinés aux sacrifices. C'est là que se célébrait le culte public et que s'accomplissaient tous les sacrifices. Le feu brûlait perpétuellement sur l'autel ; allumé d'abord d'une manière miraculeuse, il était soigneusement entretenu par les prêtres.

Le temple de Salomon fut plus tard construit sur le même modèle, avec les mêmes dispositions intérieures, niais avec des matériaux plus précieux et plus durables. Au lieu d'un parvis il y en eut trois. Au lieu de voiles extérieurs, il y eut des murailles et des rangées de colonnes. Le cuvier d'airain fut remplacé par la mer de fonte ( 1 Rois, VII, 23 ) , et dix autres cuviers plus petits furent ajoutés pour les ablutions et les purifications ( VII , 27-39 ). La splendeur plus grande (lu culte extérieur fut mise en harmonie avec la grandeur croissante de la nation , comme aussi avec l'idée toujours plus claire que la révélation donnait aux Israélites de l'autorité royale d'un Dieu souverain.

Les synagogues appartiennent à une époque de beaucoup postérieure de l'histoire des Juifs. C'étaient des bâtiments simples et sans prétention, dans lesquels les Juifs se réunissaient pour la prière commune, pour la lecture de Moïse et des prophètes et pour la célébration de leur culte. Elles sont souvent mentionnées dans le Nouveau-Testament et semblent avoir pris naissance au retour de l'exil.

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§ 28. Le sacerdoce. - De même que le tabernacle était à la fois le palais de Dieu et le temple du roi, les lévites étaient aussi les ministres de la religion et des fonctionnaires de l'Etat.

La souveraine sacrificature était réservée par la loi à la famille d'Aaron , et notamment à l'aîné de la famille , aussi longtemps que des motifs particuliers ne provoqueraient pas sa déchéance et soir exclusion. Mais déjà Nadab, le fils aîné, périt à cause de son impiété, pendant la sacrificature d'Aaron ; ce fut donc Eléazar qui succéda au premier souverain sacrificateur, et la succession fut dès-lors régulière jusqu'aux jours d'Héli. Après lui la sacrificature passa dans la famille d'Ithamar, le quatrième fils d'Aaron, mais sous Salomon elle rentra dans la famille d'Eléazar jusqu'à l'époque de la captivité. Un simple lévite s'en empara sous la dynastie des Hasmonéens, et vers les derniers temps de la nationalité hébraïque , le droit de succession fut presque entièrement négligé et abandonné.

Aaron fut consacré par Moïse et consacra à son tour son successeur. - Le souverain sacrificateur pouvait seul entrer dans le Lieu très-saint, et cela une seule fois dans l'année, au grand jour des Expiations.

Sous David, les descendants d'Eléazar et d'Ithamar étaient si nombreux qu'ils ne purent plus tous être employés en même temps aux saints devoirs qui leur étaient échus. Ils furent en conséquence divisés en vingt-quatre séries, alternant de semaine en semaine, et servant chacune deux fois pendant le cours de l'année lunaire ( 1 Chron. , XXIV). Chacune avait son chef, et c'est de ces souverains sacrificateurs qu'il est si souvent parlé dans les Evangiles. Ils étaient chargés des sacrifices et de tout ce qui concernait le service du temple, le sort désignant et répartissant entre eux les principaux détails de leurs importantes fonctions.

Tous les prêtres étaient lévites , c'est-à-dire descendants de Lévi par Guersom et Aaron. Lévi avait eu cependant d'autres fils , dont les descendants étaient tous employés au service du culte public. Ils aidaient les sacrificateurs , formaient la garde du tabernacle , et dans les premiers temps , le transportaient de lieu en lieu ( Nomb. , IV, 1-20 ). Au temps de David, tout le corps des lévites fut partagé en trois classes principales, dont chacune était en outre subdivisée en vingt-quatre séries plus petites. La première classe dépendait des sacrificateurs et les servait ; la seconde formait les choeurs des chantres dans le temple ; la troisième faisait office de portiers et de gardiens du temple ( 1 Chron., XXIV-XXVI).

Il est probable aussi que les lévites , lorsqu'ils n'étaient pas employés au service du tabernacle, s'occupaient de l'instruction du peuple; en fait, ils formaient la partie lettrée de la nation.

Ils avaient en propriétés et revenus quarante-huit villes avec leur banlieue, réparties assez régulièrement dans tout le pays; plus la dîme de tous les produits du sol et du bétail (Lév. , XXVII, 30. Nomb., XXXV, 1-8). La dîme de cette dîme était prélevée pour les prêtres proprement dits. Ils avaient en outre leur part d'un autre dixième que le peuple avait l'habitude de dépenser en festins d'actions de grâces , festins auxquels les lévites étaient conviés de droit (Deut., XIV, 22-27 ).

En dehors de leurs fonctions sacerdotales les prêtres étaient vêtus comme tout le monde, mais, pendant le service, leurs tuniques, caleçons, coiffure, tout devait être de fin lin blanc (Exode, XXXIX, 27, 28 ). Les vêtements du souverain sacrificateur étaient splendides et riches en signification emblématique. Sur sa tunique blanche était une robe de laine bleu de ciel, garnie à ses franges de clochettes d'or ( Exode, XXVIII, 31-34 ). Par-dessus était encore l'éphod de fin lin, d'or et de pourpre, sans manches, qui se croisait par devant ; le pectoral, du même tissu, était un drap doublé, carré, sur lequel étaient quatre rangs de pierres précieuses, portant les noms des douze tribus d'Israël ( XXVIII , 5-12) ; il renfermait l'Urim et le Thummim. Au front, sur une bande hyacinthe, était une lame d'or, avec ces mots gravés . La sainteté à l'Eternel.

Tous les prêtres, quelles que fussent leurs fonctions , étaient consacrés par l'onction sainte.

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§ 29. Les sacrifices. - Comme chez tous les peuples de l'antiquité, les sacrifices formaient chez les Juifs la portion essentielle du culte public. A cause de l'importance du sujet et des difficultés qu'il présente (les diverses lois qui s'y rattachent étant éparses dans les divers livres du Pentateuque) , nous nous y arrêterons quelques instants pour grouper et résumer les principales dispositions relatives à ce point capital des institutions mosaïques.

Les choses offertes pouvaient appartenir soit au règne végétal, soit au règne animal; les premières, non sanglantes, portaient le non) d'offrandes; les autres, celui de sacrifices proprement dits. Le sel , substance minérale, emblème de la pureté, accompagnait nécessairement les unes et les autres.

Les offrandes végétales consistaient principalement en fleur de farine, farine fine, gâteaux, huile, et en vin ou cervoise, à l'état naturel ou fermenté. Ces offrandes, solides et liquides, étaient presque toujours réunies; souvent même elles étaient ajoutées, comme complément, aux sacrifices des victimes (Nomb., XV, 5-11 ; XXVIII, 7-15. Lév., XIV, 10-21 ; cf. Philip., Il, 17). - Les libations païennes n'étaient pas sans analogie avec les usages des Hébreux (Iliade, 1, 462. Enéide, VI, 251) ; il y avait cependant aussi de grandes différences, spécialement dans le rôle que le vin et le sang remplissaient dans les sacrifices (Sall., Catil., sec. 32. Ps. XIV, 4. Zach., IX, 7).

Les animaux offerts étaient des boeufs, des boucs et des brebis; tous devaient être sans défaut et sans tache, âgés de plus de huit jours et de moins de trois ans. On offrait aussi quelquefois des tourterelles (Exode, XXII, 20; XII , 5. Lév., IX, 3). Les poissons et les sacrifices humains étaient expressément défendus (Lév., XVIII, 21 ; XX, 25).

Les sacrifices devaient toujours être offerts dans la cour principale qui entourait le sanctuaire, et du côté de la porte d'entrée (Lév., XVII, 1-9. Deut., XII , 5-7). Quelquefois cependant., et par exception, des sacrifices ont été présentés en d'autres lieux (Juges, Il, 5. 1 Sam., VII, 17; IX, 12. 1 Rois, XVIII, 19-32).

Quant à leur signification morale, on peut distinguer les sacrifices en deux classes principales : les uns étaient offerts en témoignage de reconnaissance et d'actions de grâces, les autres en expiation pour le péché! Pour les premiers on présentait ordinairement des offrandes végétales, pour les seconds des victimes, symboles du grand sacrifice par lequel ont été réellement expiés les péchés du monde. Bien que le sang des taureaux et des boucs n'ait pas la puissance de laver les péchés, le sacrifice créait une expiation légale oui civile qui libérait le coupable des peines que la loi prononçait contre lui.

Celui qui offrait un sacrifice pouvait, après s'être préalablement purifié de toute souillure, amener lui-même la victime à l'autel; tourné vers l'autel, il lui posait solennellement la main sur la tête, comme pour s'identifier avec elle et lui transmettre ses péchés; puis il l'égorgeait, mais il ne touchait pas au sang. Quelquefois aussi c'était le prêtre qui immolait la victime; il en répandait le sang en aspersions, l'écorchait, lui ôtait la peau , et en brûlait la graisse sur l'autel. Le prêtre, dans certaines occasions, élevait la bête, comme pour la présenter à l'Eternel, et la faisait tournoyer 'Vers les quatre points cardinaux, en signe de consécration (1 Sam., XVI , 5. Exode, XIX, 14. Lév., I, 5; et ailleurs. 2 Chron., XXIX, 24. Esdras, VI, 21).

Il y avait différentes sortes de sacrifices.

a. Les holocaustes. La victime, mâle, était entièrement consumée par le feu; l'animal était égorgé du côté nord de l'autel. La peau appartenait au prêtre (Lév., VII, 8). L'holocauste était toujours un sacrifice expiatoire (Lév., I, 4). On l'offrait journellement au nom du peuple (Exode, XXIX, 36-42. Nomb., VII, 15-17; VIII , 12); il y avait aussi des holocaustes le jour des Expiations et aux trois grandes fêtes solennelles. Des holocaustes individuels étaient offerts par des personnes atteintes d'impuretés légales , des femmes, des lépreux, des nazaréens, etc. (Lév., XII, 6-8; XIV, 21-31 ; voyez aussi XV, 1-15). Quand deux pigeonneaux étaient présentés, l'un des deux servait d'holocauste (V, 10). On trouve de véritables hécatombes de ce genre (Esdras, VI, 17. 1 Chron., XXIX, 21) ; et les peuples païens eux-mêmes, à des époques plus modernes, en offrent des exemples; ainsi Auguste (Josèphe, Guerre des Juifs, II, 17).

b. Les offrandes pour le péché (Lév., IV, 6 , 25) et les offrandes pour le délit (VII, 1-10), analogues par leur nature et leur objet, constituaient cependant deux espèces de sacrifices bien distinctes l'une de l'autre dans l'esprit de la législation mosaïque, quoiqu'il ne soit pas facile d'en déterminer la nuance exacte. On peut dire à première vue que les délits paraissent avoir été d'une moins grande importance que les péchés; les offrandes sont en général moins considérables, le rituel moins sévère dans le premier cas que dans le second. On offrait le sacrifice pour le péché lorsque le souverain sacrificateur avait commis une faute, lorsque la nation s'était rendue coupable par inadvertance, et désirait s'humilier publiquement au grand jour des Expiations, etc. Le sacrificateur posait dans le premier et le troisième cas la main sur la tête de la victime, et confessait les péchés; dans le second cas c'étaient les anciens du peuple qui faisaient ainsi (voyez Lév., XV, XVI , XXIII, etc). Tous les détails relatifs au jour des Expiations sont de la plus haute importance - le bouc Hazazel , le second bouc mis à mort, la confession des péchés, etc. (voyez Lév., XVI et XXIII. Nomb., XXIX, 7-11 , etc). - Partout, dans ces sacrifices, on retrouve l'idée d'une substitution expiatoire, car « l'âme de la chair est dans le sang (Lév., XVII, 1, 11). »

c. Les sacrifices d'actions de grâces consistaient en pièces de gros ou de menu bétail; ils étaient offerts au côté sud de l'autel; le sang était répandu, la graisse était brûlée, les meilleures parties de l'animal étaient réservées au prêtre, et le reste servait au festin du sacrifice (voyez 1 Cor., X, 18). Ces offrandes, faites comme témoignage de reconnaissance pour des bienfaits reçus, étaient aussi quelquefois le simple accomplissement d'un voeu (Nomb., VI, 3). Bien que Faction de grâce fût le caractère principal de ce genre de, sacrifices, l'idée de propitiation n'en était pas complètement exclue. Tout, dans la loi , devait être purifié par le sang: le péché, la nature corrompue de l'homme, ses hommages même et l'expression de sa reconnaissance.

Les nombreuses purifications ordonnées par la loi tendaient au même but : rappeler à l'homme son péché, lui rappeler sa misère, et le soumettre à l'action sanctifiante de l'Esprit d'en haut (voyez, sur toute cette section, l'art. Sacrifices dans le Dictionnaire de la Bible ; Guers, Le camp et le tabernacle; Cellérier, Esprit de la législation mosaïque.

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§ 30. Fêtes et solennités. - Les Juifs avaient des fêtes hebdomadaires, mensuelles et annuelles, sans compter la septième et la cinquantième année qui étaient aussi considérées comme des années mises à part.

La fête hebdomadaire était le sabbat ou jour de repos (cf. Ps. LXVIII, 25-27). Des sacrifices plus nombreux étaient présentés ce jour-là (Lév., XXIV, 8. Nomb., XXVIII, 9). Les enfants recevaient l'instruction religieuse. Les Israélites qui n'étaient pas trop éloignés de Jérusalem se rendaient dans le temple; ou bien ils allaient entendre les prophètes (2 Rois, IV, 13). Après la captivité, lorsque les synagogues se furent multipliées sur toute l'étendue du territoire, on consacra le sabbat à la lecture et à la méditation de Moïse et des prophètes (Actes , XIII, 15).

La fête mensuelle était la fête de la nouvelle lune ; elle était annoncée au son de trompettes d'argent (Nomb., X, 40). Le travail n'était pas interdit, mais des sacrifices supplémentaires avaient lieu. La nouvelle lune du septième mois (tisri, octobre) commençait l'année civile.

Les grandes fêtes annuelles instituées par la loi étaient au nombre de trois; tous les hommes adultes d'Israël étaient tenus de se rendre à Jérusalem pour les célébrer (Exode, XXIII, 14-17). C'étaient des jours de joyeuses actions de grâces, en souvenir des bontés que Dieu avait eues pour son peuple.

La Pâque rappelait le passage de l'ange exterminateur qui, en frappant les Égyptiens, avait épargné les enfants des Hébreux; elle rappelait aussi la sortie des Israélites hors d'Egypte. Elle commençait le soir du 14 abib, et durait du 15 au 21. Entre les deux vêpres, l'agneau pascal, déjà mis à part dès la veille, était égorgé devant l'autel (Exode, XII, 1-16. Deut., XVI, 2-6). Le sang servait d'aspersion. L'agneau était rôti en son entier, et on la mangeait avec des herbes amères. Le chef de la famille rompait le pain sans levain, et le distribuait aux siens. Les convives ne pouvaient être moins de dix, ni plus de vingt. Après la troisième coupe, la coupe de bénédiction, on chantait des cantiques, ordinairement les psaumes CXV à CXVIII; plus tard on y ajouta encore les psaumes CXX à CXXXVII. Notre Seigneur, en instituant la cène, l'a mise en un rapport intime avec la fête de Pâque (Matth., XXVI. 1 Cor., X. Marc, XIV). Des sacrifices supplémentaires avaient lieu tous les jours; et le 16 abib les premiers épis mûrs étaient présentés en prémices au sanctuaire; la moisson commençait aussitôt après (Exode, XII, 1-27. Lév., XXIII , 9-14).

Cinquante jours après le second jour de la Pâque (le 46) venait la fête de Pentecôte, appelée aussi la fête des (sept) semaines. C'était proprement la fête de la moisson terminée. Des pains faits de la farine nouvelle et des grains étaient offerts comme prémices (Lév., XXIII, 17). On offrait aussi de nombreux sacrifices (Lév., XXIII, 18-20.). Les Juifs habitant en dehors de la Palestine choisissaient ordinairement cette époque pour visiter Jérusalem.

La fête des Tabernacles était célébrée en octobre, du 15 au 23 tisri; le dernier jour était aussi le jour principal (Lév., XXIII, 38-42. Jean, VII, 23). Elle rappelait le voyage du désert, lorsque Israël habitait sous des tentes, et coïncidait avec la récolte de tous les fruits de l'automne. Des pavillons de feuillage et de branches s'élevaient partout dans la ville, dans les rues, sur les places, et devenaient pour une semaine la demeure des habitants. Cette fête était la plus joyeuse de toutes; on l'appelait le Grand Hosanna. Il s'y faisait plus de sacrifices publics qu'à aucune autre (Nomb., XIX, 13-37; cf. Lév., XXIII, 38-40. Nomb., XXIX, 39. Deut., XVI, 14, 15). Les Juifs postérieurs ajoutèrent même d'autres actes de culte à ceux qui étaient prescrits par la loi. On puisait de l'eau au réservoir de Siloé, on la portait en grande pompe jusqu'au temple, et on la répandait devant l'autel (voyez Esaïe, XII, 3). Les prêtres montaient les degrés qui séparaient le parvis des femmes de la cour intérieure , en chantant, à ce que l'on croit, les psaumes CXX à CXXXIV, dits de Mahaloth ou des degrés. Mais ce sont des usages comparativement modernes.

Cinq jours avant la fête des Tabernacles , le 10 tisri (octobre) , on célébrait la fête du grand jour des Expiations, le seul jeûne commandé par la loi (Lév., XXIII, 27-29 ; XXV, 9. Actes, XXVII, 9). Le peuple confessait ses péchés de l'année et le souverain sacrificateur en proclamait l'expiation, en entrant dans le lieu très-saint où il faisait aspersion avec le sang du bouc offert en sacrifice. Ce bouc était celui des deux que le sort avait désigné; l'autre, sur la tête duquel les péchés du peuple avaient été confessés, était conduit au désert (Lév., XVI, 6-19).

D'autres jeûnes furent institués plus tard; en commémoration du siège de Jérusalem , le dixième jour du dixième mois ; - de la prise de Jérusalem , le dix-septième jour du quatrième mois; - du temple brûlé, le neuvième jour du cinquième mois; - de la mort de Guédalja , le troisième jour du septième mois (voyez Jér., LII, 6, etc. Zach., VII, 3, 5 ; VIII, 19 ).

On célébrait le premier jour de la lune de tisri (octobre ) comme le commencement, de la nouvelle année. Il était annoncé au son des trompettes, de là aussi le nom qui lui est donné. A l'inverse des nouvelles lunes ordinaires, celle-là était considérée comme une solennité et célébrée par des offrandes et des sacrifices extraordinaires ( Nomb., XXIX, 29).

Deux autres fêtes, non prescrites par la loi, mais fréquemment rappelées dans l'histoire juive, doivent encore être indiquées ; l'une, la fêle de Purim, ou des sorts , le 14 ou 15 adar (mars), en souvenir de la découverte du complot tramé par Aman contre les Juifs (Ester, III, 7 ; IX, 26) ; elle est appelée le jour de Mardochée (2 Maccab., XV, 36); l'autre, la fête de la Dédicace , en souvenir du rétablissement du culte public à Jérusalem après la défaite d'Antiochus Epiphanes, et la purification du temple, 164 avant Christ (Jean, X, 22) ; elle durait huit jours à partir du 25 kisleu (décembre) - on l'appelait quelquefois aussi la fête des illuminations.

Chaque septième année était une année sabbatique ; la terre n'était pas cultivée , et le pauvre, seul avait le droit de moissonner et de ramasser les produits du sol. On n'en était pas moins libre de vaquer à ses travaux ordinaires, la chasse, l'élève des bestiaux, les constructions ou réparations , le commerce , etc. L'année commençait au 1er tisri. Cette institution avait pour objet d'assurer le repos du sol, d'enseigner aux Israélites l'économie et la prévoyance, et probablement aussi de rappeler à tous leur dépendance vis-à-vis de Dieu. Des services spéciaux avaient lieu dans le temple à la fête des Tabernacles (Deut., XXXI, 10 , 13. Cf. Exode, XXIII, 10, 11. Lév., XXV, 1-7. Deut., XXVI, 3-5). Ainsi que Moïse l'avait annoncé, l'année sabbatique fut pendant longtemps négligée dans la pratique (Lév., XXVI , 34, 35. 2 Chron. , XXXVI, 21 ), mais après la captivité les Israélites en observèrent plus scrupuleusement les règles.

L'année qui suivait sept semaines d'années, c'est-à-dire la cinquantième année, était le jubilé ( Lév., XXV, 8-11). Elle commençait le 10 tisri , au grand jour des Expiations. Outre les règles de l'année sabbatique, elle avait ses règles particulières. Tous les serviteurs ou esclaves recouvraient leur liberté (Lév., XXV, 39-46. Jér., XXXIV, 8). Toutes les terres du pays et les maisons des villes lévitiques, qui avaient été aliénées par un motif quelconque, revenaient de droit à leurs anciens propriétaires, excepté celles qui avaient été consacrées à Dieu et qui n'avaient pas été rachetées (Lév. , XXV, 10 et suiv. ; XXVII, 16-21 ). Les terres hypothéquées ou données en gage étaient également libérées. L'année du jubilé, par la largeur de ses dispositions, était un type de l'Evangile et du salut gratuit (Esaïe, LXI, 2. Luc, IV, 19).

La tendance spirituelle et morale des fêtes juives est bien claire. Elles tendaient toutes à rappeler aux Israélites qu'ils étaient frères, et à les isoler des nations voisines ; elles conservaient le souvenir des miséricordes de Dieu ; elles faisaient ressortir la sainteté divine ; elles allégeaient le fardeau de la pauvreté et s'opposaient aux entreprises de l'égoïsme et de la cupidité. Elles étaient enfin des types des bénédictions de l'Evangile , et pouvaient suggérer et faire pressentir aux hommes intelligents et pieux les vérités qui ne devaient être révélées que plus tard.

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§ 31. Résumé. - Si l'on étudie la loi dans l'esprit dans lequel elle a été dictée, si on la regarde comme un cadre, comme un plan, comme une esquisse destinée à manifester la vérité divine, à la suggérer, à la faire accepter, à la conserver intacte, non-seulement les objections se dissiperont d'elles-mêmes, mais l'ensemble du système mosaïque apparaîtra plein de leçons riches et instructives , et parfaitement approprié aux besoins du peuple auquel il était destiné.


Table des matières

Page précédente: SECTION IV. - Analyse des livres du Pentateuque et tables chronologiques. - Tableau: Deutéronome. Récapitulation , et dernières paroles de Moïse.

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2M 15,36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour inaperçu, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé Adar en araméen, la veille du jour dit de Mardochée.