L'animosité et la haine des docteurs de
l'Université contre Faber et Farel se
manifestèrent de plus en plus ouvertement.
Aussi, quoique les deux amis eussent l'appui de la
princesse Marguerite et de l'évoque de
Meaux, il leur aurait été impossible
de prêcher et d'enseigner comme ils le
faisaient, si le Seigneur n'avait tenu la porte
ouverte devant eux et ne les avait
protégés par la force de son bras.
Dans sa grâce et son amour, Dieu avait
décidé que l'Évangile de son
Fils serait prêché aux «
aveugles, conducteurs d'autres aveugles », et
nul ne pouvait réduire au silence ses
hérauts. Les docteurs de Paris ne voyaient
en Farel qu'un jeune homme vaniteux et
irrévérencieux. Qu'il osât
arriver du fond d'un village des Alpes, la Bible
à la main, pour édifier les papes,
les prêtres et tous les Pères de
l'Église, leur semblait une insolence
inouïe. Ils ne pouvaient souffrir ce que Guillaume
appelait
parler
franchement. Ils savaient que pas un d'entre eux ne
saurait répondre à la sommation qui
leur était faite de justifier leurs
doctrines et leur conduite par la Bible seule.
C'est ainsi que le jour de grâce passa, le
seul dans toute l'histoire de France où le
Seigneur ait envoyé la bonne nouvelle aux
chefs et aux conducteurs de la nation. Si Paris
avait reçu les messagers de Dieu, ni les
affreux massacres de la Saint-Barthélemy et
des siècles suivants, ni les jugements
terribles que le sang de tant de martyrs fit tomber
sur le roi et le peuple, il y a cent soixante ans,
n'auraient été inscrits dans
l'histoire de France.
Sous Louis XII l'Université avait
pris parti contre le moine qui avait voulu
établir l'autorité suprême du
pape dans l'Église. Mais les choses avaient
changé depuis la mort du roi. Louise de
Savoie, mère de François Ier, et son
favori Antoine Duprat, avaient accaparé une
partie du gouvernement de l'État. La
reine-mère et son favori avaient l'un et
l'autre leurs raisons pour haïr
l'Évangile d'une haine profonde. Louise de
Savoie était une femme
dépravée, d'un caractère
tyrannique; Duprat, qu un historien catholique
appelle « le plus vicieux de tous les
bipèdes », n'était entré
dans le clergé qu'afin d amasser des
richesses par tous les moyens que les prêtres
avaient à leur disposition. Duprat
était cardinal, archevêque de Sens et
chancelier de France; comme sa protectrice,
c'était un homme de moeurs dissolues. Ces
deux serviteurs de Satan, en s'opposant à
l'Évangile, satisfaisaient leurs instincts
pervers et espéraient cacher leur mauvaise
vie sous de fausses apparences de zèle pour
Dieu et l'Église. Louise de Savoie persuada
à son fils d'accorder au pape plus de
pouvoir dans les affaires de I'Église
française qu'il n'en avait jamais
eu.
En échange de son amitié,
le pape céda au roi le droit de nommer les
évêques et les curés dans son
royaume. Le roi en fit un commerce avantageux, nous dit-on,
tout comme les
marchands
de Venise trafiquaient de poivre et de cannelle.
Encouragée par la haine que Louise et Duprat
manifestaient contre l'Évangile,
l'Université (la Sorbonne surtout) chercha
les moyens de réduire les
prédicateurs au silence.
Le principal meneur était
Noël Bédier, le syndic de la Sorbonne.
Avec Louise et Duprat, il fut l'un des grands
ennemis de l'Évangile à cette
époque. C'était un homme de
capacités fort ordinaires, mais doué
d'une voix forte et sachant la faire entendre. Les
querelles étaient son élément
et il était plus content de rencontrer un
ennemi qu'on ne l'est généralement de
trouver un ami. Bédier avait une haine
particulière pour Faber, parce qu'il venait
de la même province que lui, et qu'il
s'était acquis une réputation de
talent et d'érudition qui remplissait
Bédier de jalousie. Érasme disait de
ce pauvre homme qu'il avait l'ignorance, la
stupidité, les préjugés et
l'hypocrisie de trois mille moines réunis.
Il répondait longuement et
fréquemment à Faber et à
Farel, aux applaudissements d'un essaim de
prêtres et de moines aussi ignorants que lui.
Les uns l'approuvaient par stupidité,
croyant qu'un homme qui avait tant à dire
devait avoir raison; d'autres, parce qu'ils
étaient enchantés d'entendre
contredire Faber et Farel; quelques-uns enfin parce
qu'ils pensaient qu'en défendant
l'Église de Rome on devait avoir le droit de
son côté. Bédier était
trop ignorant pour fournir des arguments
plausibles. Mais il avait lu, dans je ne sais quel
auteur ancien, que la femme pécheresse du
chap. VII de Luc, Marie-Madeleine, et Marie la
soeur de Lazare, étaient une seule et
même personne.
Faber ayant dit que n'étaient
trois femmes différentes, Bédier
l'accusa à grands cris
d'hérésie devant l'Université.
Non seulement Paris, mais toute la
chrétienté se souleva d'indignation
contre Faber. Un évêque anglais
écrivit un livre pour soutenir l'opinion de
Bédier. L'Université entière déclara que Faber
devait
subir la peine des hérétiques. Mais
le roi, qui était en mauvais termes avec
l'Université, fut enchanté d'avoir
une occasion d'humilier les docteurs et les
prêtres. Il donna l'ordre de laisser Faber en
paix, et c'est ainsi que le Seigneur lui accorda,
encore pour un peu de temps, une porte ouverte
à Paris. Bédier, rempli de rage de
n'avoir pu brûler Faber, essaya de s'en
consoler en lui suscitant tous les ennuis
possibles. Mais le vieux savant continua à
enseigner au milieu des insultes et des
persécutions, jusqu'au mois de novembre de
cette année 1519.
Ensuite il quitta Paris et nous ignorons
où il se rendit; il fut absent jusqu'au
printemps de 1521. À cette époque,
son ami l'évêque de Meaux le pria de
venir lui aider à répandre
l'Évangile dans son diocèse, lui
promettant un refuge assuré et toute
liberté d'enseigner et de prêcher.
Faber, fatigué des tracasseries qu'il
endurait à Paris, fut bien aise de se
retirer à Meaux, laissant Farel seul pour
faire face à 1 orage que soulevait
Bédier.
Meaux était le siège de
l'évêque Briçonnet, qui
travaillait depuis deux ans, dans tout son
diocèse, à répandre les
vérités évangéliques.
Il aurait voulu qu'elles fussent
prêchées dans chaque ville et dans
chaque village En conséquence,
l'évêque s'était rendu
lui-même dans toutes les paroisses pour
s'enquérir de la conduite et des
enseignements du clergé. Hélas l
partout on lui fit les mêmes récits:
le clergé ne songeait qu'à se plaire
à lui-même; la plupart de ses membres
passaient leur temps à s amuser à
Paris, abandonnant leurs paroissiens à des
vicaires ou à des moines franciscains venant
de Meaux. Les simples curés ne valaient pas
mieux que le haut cierge; les moines mendiants
n'étaient que des imposteurs qui s
enrichissaient des dépouilles d'un peuple
crédule. « Le seul souci de ces
pasteurs, disait l'évêque, c'est de
tondre leurs brebis.» Pour mettre un frein
à ces désordres, Briçonnet
défendit aux moines de prêcher et destitua bon
nombre de
prêtres, se proposant d'en préparer
d'autres pour enseigner l'Évangile. En
attendant, il fut heureux d'avoir le secours de
Faber.
Guillaume Farel dut se trouver dans un
grand isolement. Ses deux amis, Roussel et d'autres
encore, espéraient, au moyen de
l'Évangile, réformer l'Église
romaine en y restant attachés. Farel, lui,
était de jour en jour plus convaincu que
leurs espérances étaient vaines et
que les chrétiens devaient retourner
purement et simplement à la Parole de Dieu,
en laissant de côté toute autre
considération. Au lieu de réformer
Rome, il n'en voulait plus rien du tout; il
désirait retourner aux temps de Paul et de
la Chambre haute, au temps où il n'y avait
ni prêtres ni autels, ni édifices
consacrés, ni vêtements sacerdotaux,
ni rites particuliers, mais où il y avait
Christ, Christ seul et sa Parole bénie.
« Si Christ ne suffit pas, écrivait
Farel, si sa Parole ne peut maintenir l'ordre,
comment pouvez-vous espérer que rien de ce
que vous y ajouterez fera ce que Christ n'a pu
faire ?
Il n'est pas étonnant que les
docteurs de la Sorbonne aient refusé
d'entendre cet intrus qui prétendait ne les
juger que d'après la Bible seule.
Les docteurs de Paris avaient entendu
les appels divins pendant deux ans; maintenant Dieu
allait les mettre à l'épreuve:
recevraient-ils son message de grâce et de
salut, ou non ? Le moment décisif arriva de
la manière suivante: Luther, dont les
doctrines avaient été
condamnées par l'Église de Rome, en
avait appelé à l'Université de
Paris, pour qu'elle jugeât entre lui et Jean
Eck, le champion de Rome. Eck et Luther
s'étaient rencontrés à Leipzig
pour discuter publiquement les droits de Christ et
ceux du pape. Paris devait examiner ce qui avait
été dit des deux côtés
et ensuite déclarer lequel avait raison.
Vingt copies des arguments de chacun des adversaires
furent
envoyées à Paris au commencement de
1520.
Pendant plus d'une année,
l'Université étudia ces brochures;
toute l'Europe, nous dit-on, attendait la
décision de Paris. Bédier avait
beaucoup à dire, naturellement; avec sa voix
criarde et soutenu par une nuée de partisans
ignares et de prêtres en colère, il
gagna la bataille. En avril 1521,
l'Université décréta que les
livres de Luther seraient brûlés
publiquement dans les rues de Paris. Dès
lors Farel comprit que la capitale avait
rejeté l'Évangile. Faber le suppliait
de venir à Meaux, où il pourrait
prêcher en liberté et où les
âmes soupiraient après le pain de vie.
C'est ainsi que Guillaume secoua la poussera de ses
pieds contre la ville qui refusait Christ et sa
Parole. Accompagné des Roussel et de
quelques autres de ses amis, Farel arriva à
Meaux sans que nul peut-être se soit
douté qu'avec le départ de ce jeune
montagnard finissait le jour de grâce pour
Paris. Christ a dit autrefois de ses serviteurs:
« Celui qui vous écoute
m'écoute, celui qui vous méprise me
méprise, et celui qui me méprise
méprise Celui qui m'a envoyé. »
Paris avait méprisé Dieu
lui-même en la personne du jeune
évangéliste.
Mais Celui qui peut tirer le bien du mal
avait changé en bénédiction,
pour une âme d'élite, les discours
absurdes de Bélier. Il y avait un jeune
noble de Picardie Louis de Berquin, qui se faisait
remarquer par la ferveur de son attachement
à l'Église romaine et sa
moralité irréprochable. Berquin
s'élevait souvent avec force contre les
doctrines de Luther, tout en blâmant
sévèrement les prêtres et les
moines qui vivaient dans le péché et
faisaient de la religion une occasion de lucre Il
haïssait la bassesse, l'hypocrisie, et semble
avoir été parfaitement
sincère, quoique dans l'erreur. Il assista
aux Écussons qui eurent lieu entre
Bédier et les prédicateurs de
l'Évangile, et, bien qu'il crût Faber
et Farel dans leur tort, les mauvais arguments de
Bédier et de ses moines, leurs efforts
déloyaux pour harceler et calomnier ceux
qu'ils ne réussissaient pas à
réfuter, excitèrent son indignation.
D'un autre côté, il trouva que les
prédicateurs étaient francs, droits,
qu'ils en appelaient à la Bible pour
confirmer tout ce qu'ils disaient. C'est alors que
Berquin, dégoûté des
prêtres et embarrassé par les
déclarations de Farel, se mit à lire
la Bible, et la lumière se fit dans son
coeur. Nous entendrons encore parler de cet
intéressant jeune homme; pour le moment,
retournons à Farel.
Guillaume Farel prêchait à Meaux,
faisant retentir « sa voix de tonnerre »
partout, dans les rues, sur les marchés,
dans les salles qu'on lui prêtait. Le peuple
se rassemblait en foule pour entendre ses paroles,
si nouvelles et si bénies. Il apprenait avec
étonnement qu'au lieu de donner son argent
aux prêtres et aux moines, il n'avait
qu'à recevoir les richesses insondables de
Dieu. « Si nous considérons la mort de
Jésus-Christ, disait-il, nous verrons qu'en
elle tous les trésors de la bonté et
de la miséricorde du Père sont
manifestés.
Tous les pauvres pécheurs doivent
être incités et invités
à venir à ce bon Père tant
charitable qui a tant aimé le monde qu'Il
n'a point épargné son Fils, mais l'a
donné pour sauver le monde. N'y voyons-nous
pas aussi la preuve que tous
doivent être incités très
ardemment à venir au lis duquel la
charité est si grande qu'Il donne sa vie,
son corps, son sang en sacrifice parfait pour la
rançon de tous ceux qui croiront en Lui !
Car c'est lui qui appelle tous ceux qui sont
travaillés et chargés, promettant
qu'Il les soulagera. C'est Lui qui exauça si
charitablement le misérable brigand, lui
répondant: « Je te dis » en
vérité, qu'aujourd'hui tu seras avec
moi en paradis » C'est Lui enfin qui, ayant
pitié et compassion de ses ennemis mortels,
prie pour eux Dieu son Père, disant . «
Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce
qu'ils font...» Pendant qu'Il endurait cette
passion si douloureuse, Il travailla dans le coeur
de ce malheureux brigand pour l'inciter a se
retourner vers Jésus-Christ; c'est alors
aussi qu'Il a contraint ces méchants
soudards italiens et leur capitaine à se
frapper la poitrine, confessant que Jesus-Christ
était le Fils de Dieu.
Finalement, si nous consacrons
attentivement cette mort et passion de
Jesus-Christ, nous verrons bien clairement que par
elle le voile du temple s'est déchiré
du haut en bas, afin que tout ce qui était
caché en des lieux où personne n
osait entrer, soit révélé par
la mort de Christ et que les fidèles y
eussent accès et entrée en pleine
harmonie de foi, venant au trône de la
grâce pour obtenir pleine miséricorde.
Car Jésus-Christ, Lui le vrai Fils de Dieu,
s'est tellement humilié et abaissé,
qu'II est mort pour nous, Lui le Juste pour les
injustes et les iniques, offrant son corps et son
sang pour la purification de nos âmes. Et le
Père veut que, par le précieux don de
son sang, nous soyons certains de notre salut et de
notre entière justification. Or le
Père, pour l'amour de Lui-même et non
pas pour l'amour de nous ni de nos oeuvres,
mérites et justices (qui ne sont que des
abominations, nous sauve, nous vivifie, faisant de
nous ses fils, entiers avec Christ. Notre bon
Père donc, pour l'amour de Lui-même et
afin que son conseil subsiste, a
voulu sauver et vivifier ceux qu'II a
appelés à la vie, sans avoir
égard à celui auquel il a fait
grâce, à ses oeuvres ni à son
point de départ, mais Il lui pardonne toutes
ses fautes et tous ses péchés, le
délivrant par son très cher Fils
qu'II a donné pour de misérables
prisonniers du Diable.
Le péché, la
rébellion contre la loi de Dieu habite en
eux et a domination sur eux. Mais le bon Dieu et
Père de miséricorde prend le
pécheur pour son enfant adoptif, pour son
héritier, cohéritier avec
Jésus-Christ, le renouvelle par la foi et
lui donne les arrhes de l'Esprit qui le fait membre
du corps de Christ, un avec Lui. Quiconque
connaît et comprend ceci par une foi vivante
et vraie, possède la vie éternelle.
Le Saint-Esprit unit les croyants à Christ
et les fait membres de son corps,
selon qu'ils ont été élus pour
la vie dès la fondation du monde.
Par la puissance divine, nous sommes
remis en plus noble état que jamais ne
fûmes avant le péché d'Adam au
paradis, car nous avons le paradis céleste
et la vie, non pas une vie corporelle et
corruptible qu'on peut perdre, mais spirituelle et
sans corruption qu'on ne perdra jamais. Celui qui
croit en Dieu a la vie éternelle, et il ne
regarde plus aux choses visibles; mais connaissant
le Père par le Fils, il comprend la grande
bonté de Dieu et sa miséricorde
infinie. Ne craignons donc point d'exposer nos
corps pour la gloire de notre Père, de
mettre cette vie corruptible au service de son
Évangile. Car II nous donnera en
échange une vie tellement plus excellente
qu'on ne saurait en faire l'estimation... O jour
d'allégresse, de triomphe, de tout bien et
de toute consolation, bonheur et joie, quand ce
grand Sauveur reviendra !... Lui qui en son corps a
tant souffert, les coups, les crachats, les
flagellations, tellement cruellement
maltraité que son visage en était
tout défait !... Il appellera les siens qui
sont participants de son Saint-Esprit, et dans
lesquels Il habite par l'Esprit; Il les introduira
dans la gloire, leur apparaissant dans son corps
glorieux et faisant que leurs corps qu'ils ont
laissés en partant de ce monde soient
ressuscités en vraie vie immortelle et
gloire éternelle, faits semblables a
Jésus pour régner
éternellement avec Lui en tout bien et toute
joie inexprimable... La pleine
révélation de la gloire des
élus... après laquelle toute
créature soupire, sera en l'avènement
triomphant de notre Sauveur, quand tous ses ennemis
seront mis sous ses pieds et toutes choses lui
seront assujetties: alors les élus iront au
devant de notre Seigneur en l'air, et là
sera manifestée la très grande
puissance de notre Seigneur, qui sera admiré
dans tous les saints... et comme dans le corps de
sa gloire il n'y a ni mort, ni faiblesse, de
même ses membres dans leurs corps
glorifiés se présenteront sans ombre
devant le Père, étant parfaits en
Christ. »
J'ai cru utile de rapporter autant que
possible les propres paroles de Farel, afin de
faire connaître quel Évangile il
prêchait. Quatre siècles se sont
écoulés depuis lors et la Bible a
été répandue partout. Mais
pouvons-nous dire qu il y ait beaucoup de personnes
à présent qui soient aussi bien
enseignées du Saint-Esprit que Guillaume
Farel l'était, qui sachent comment le
pécheur est sauvé et pourquoi il
l'est ? Ne trouvons-nous pas souvent des âmes
qui sont passées de la mort à la vie,
mais qui n osent pas se croire assurées de
leur salut ? Permettez-moi de vous demander si vous
connaissez la portée de ces paroles de
Farel: « Le Père pour l'amour de
Lui-même et non pour l'amour de nous nous
sauve et nous donne la vie éternelle. »
Si vous ne comprenez pas encore ces paroles
bénies, laissez-moi vous supplier de relire
le chapitre XV de Luc, en demandant à Dieu
qu'II vous révèle les trésors
d'amour cachés, ou plutôt
manifestés dans les enseignements du Christ,
révélés par le grand amour de
Dieu, mais cachés à la multitude par
le voile d'incrédulité qui l'aveugle.
Paul nous parle (2 Cor. IV) d'un évangile caché,
mais il n'est
voilé qu'aux yeux de ceux qui
périssent, parce que Satan les a
aveuglés, comme il s'efforce sans cesse de
le faire, et quand il n'y réussit pas tout
à fait, il cherche tout au moins à
obscurcir et affaiblir la lumière de la
connaissance de la gloire de Dieu. Il nous voile
cette merveilleuse vérité que c'est
pour l'amour de Lui-même que Dieu nous a
sauvés et nous a donné une place dans
la gloire. C'était avec un étonnement
mêlé de joie que les habitants de
Meaux entendaient parler de « l'amour qui
surpasse toute connaissance ».
Les ouvriers cardeurs de laine dans les
manufactures, les commerçants, les paysans,
remplissaient les salles et les églises
où l'on enseignait la vérité.
L'évêque lui-même prêchait
assidûment, il disait au peuple que ces
doctrines, soi-disant nouvelles, étaient
celles qu'avaient prêchées Christ et
les apôtres. Il suppliait ses auditeurs de
croire ces vérités et de les retenir.
« Oui, disait-il, si quelqu'un s'oppose
à vous, même si moi votre
évêque, j'allais renier Christ et
abandonner la doctrine que je prêche
maintenant, ne me suivez pas ! La Parole de Dieu ne
peut changer, soyez fidèles jusqu'à
la mort, s'il le faut. »
Sans négliger la
prédication, Faber avait trouvé le
temps d'achever la traduction française des
quatre Évangiles; ce fut alors qu'il les
publia L'évêque de Meaux
n'épargna ni l'or ni l'argent pour
répandre partout cette portion de la Bible,
toute la ville se mit à la lire; le dimanche
et les jours de fête, les gens se
réunissaient pour en faire la lecture et en
parler ensemble. Les paysans l'emportaient dans
leurs champs, les artisans interrompaient le
mouvement de leurs machines pour la lire.
Briçonnet la fit distribuer parmi les
faneurs et les moissonneurs qui venaient des autres
provinces au moment des travaux agricoles. Ainsi
l'Évangile se répandit au loin dans
les villes et les villages. où la bonne
semence leva et porta du fruit. À Meaux,
d'heureux résultats ne
tardèrent pas à se manifester; les
jurements, dit-on, les querelles, l'ivrognerie
devinrent presque inconnus dans la ville, en
revanche on y entendait les louanges de Dieu et de
pieuses conversations. L'évêque ne se
contenta pas de répandre la Parole de Dieu
dans son propre diocèse, il envoya les
épîtres de Paul en français a
la princesse Marguerite, qui se trouvait bien
isolée après le départ de ses
amis pieux. Briçonnet la supplia de montrer
les épîtres à son frère
et à sa mère; il est probable que la
princesse le fit, mais hélas I sans autre
résultat que d'aggraver leur condamnation
!
Pendant ce temps, ceux qui avaient
reçu le salut à Meaux,
commencèrent à exhorter leur
entourage; quatre de ces nouveaux croyants se
distinguèrent surtout comme témoins
de Christ. C'était d'abord Jacques Pavannes,
un jeune étudiant que l'évêque
avait invité à venir en séjour
à Meaux. On nous le décrit comme
doué de la plus grande
témérité et de la plus grande
droiture. Puis il y avait Pierre et Jean Leclerc,
deux jeunes cardeurs de laine, dont le père
était un papiste bigot; mais leur
mère avait cru à l'Évangile.
Enfin, il y avait un pauvre homme dont le nom n'est
point parvenu jusqu'à nous, il est
désigné comme «l'ermite de
Livry». Il avait cherché à
sauver son âme par de bonnes oeuvres, en
allant s'établir en ermite dans la
forêt de Livry, non loin de Paris. Cet homme
pourvoyait à sa subsistance en mendiant de
porte en porte. Mais un jour, il rencontra des
habitants de Meaux qui lui offrirent quelque chose
de meilleur que « la viande qui périt
». Ce jour-là l'ermite s'en retourna
riche dans sa retraite; il continua à y
demeurer, mais s'il parcourut encore les campagnes,
ce fut pour donner et non pour recevoir. Il allait
de maison en maison, faisant part gratuitement de
ce qu'il avait reçu « sans argent et
sans aucun prix », c'est-à-dire parlant
à tous du Seigneur Jésus-Christ et du
pardon complet que Dieu accorde à tous ceux
qui croient en Lui, pardon que
Christ a acheté au prix de Son sang. Avec le
temps, la cabane de l'ermite devint le rendez-vous
de tous ceux qui étaient oppressés
par le poids de leurs péchés et qui
allaient demander à l'ambassadeur de Christ
ce qu'il fallait faire pour être
sauvé.
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