Au printemps de 1524, Farel partit de Bâle
pour aller voir Zwingli et plusieurs autres
prédicateurs de la Suisse allemande. Son
absence fut de courte durée, cependant ses ennemis
trouvèrent le temps de soulever l'opinion
publique contre lui. A la tête de ses
adversaires se trouvait Erasme; il ne pouvait
oublier que Farel l'avait, disait-on, appelé
un Balaam; cette épithète troublait
sa mauvaise conscience. Farel ne l'ayant ni
recherché ni évité, Erasme se
sentait d'autant plus mortifié. « Je
regrette, disait-il, le temps que j'ai perdu
à disputer avec Farel; il m'aurait pris pour
un astre de première grandeur, si seulement
j'avais voulu dire . Le pape est un antichrist, les
ordonnances humaines sont des
hérésies, les rites et les
cérémonies, des abominations
païennes. Il s'appelle un ami de
l'Évangile, mais je n'ai jamais
rencontré un homme plus insolent, plus
arrogant, plus caustique. J'ai si bien appris
à connaître son caractère, que
je dédaignerais de l'avoir soit pour ami,
soit pour ennemi. » Et pourtant Erasme trouva
qu'il valait la peine d'être l'ennemi de
Farel II excita les magistrats de Bâle contre
lui, leur persuadant qu'il se produirait des
émeutes dangereuses, s'ils permettaient
à cet hérétique de revenir
dans la ville. Jusqu'alors le Conseil bâlois
avait autorisé Farel à prêcher
et l'en avait même prié. On lui avait
donné l'usage d'une des églises de la
ville; mais lorsqu'il revint de Zurich tout avait
changé. « Déjà approchait
le dimanche, écrit Farel, où je
devais prêcher mon quatrième sermon.
Voici que je suis appelé le samedi à
dix heures par un messager public. J'accours, fort
de ma conscience, je vole au prétoire, de
telle sorte que le messager pouvait à peine
me suivre. Là, j'attends assez longtemps
à la porte.
Enfin un magistrat m'appelle, je le suis
et comme il ne pouvait ni me comprendre ni
être compris de moi, il me conduisit dans un
angle de la chambre du Conseil Là
s'efforçant de me parler en latin, il me
disait: Nous voyons ce qu'est votre Evangile. Moi,
sentent qu'il voulait accuser l'Évangile de
sédition et de révolte, je lui
répondis: L'Évangile n'est pas tel
que tu le crois; il est ami de la
paix, donnant tout et ne réclamant pas ce qu
on lieu enlève, supportant toute injure pour
l'amour de Christ. Nous voyons autrement, dit-il...
mes maîtres veulent que vous sortiez
aujourd'hui de la ville... et vous jurerez que vous
ne vous vengerez pas contre la ville ou quelque
citoyen et que vous ne diffamerez pas la ville dans
vos lettres. Depuis longtemps déjà
j'avais fait le serment, comme tout chrétien
le fait; car nous haïssons les vices et non
les hommes. Nous en voulons aux vices, mais nous
souhaitons du bien aux hommes. Celui-là
m'arracha enfin ce serment que je lui prêtait
de peur de lui être une pierre
d'achoppement... i ai obéi avec le plus
grand empressement et le Seigneur sait que jamais
je n'ai quitté quelque ville avec une plus
grande note, ce qui m'étonnait, puisque
j'avais là tant d amis et de frères
illustres.
Mais pour avouer la
vérité, lorsque i eus fait un mille,
je commençai à
réfléchir sur a cause qui m avait
fait si subitement quitter la ville et une certaine
surprise pénétra mon esprit Comment,
me d'Asie, un sénat si éclairé
et si juste. a-t-il agi à ton égard
de telle sorte qu'il t'a condamné avant de
t'avoir entendu ? Quel crime as-tu commis ?
Pourquoi ne te I a-t-on dit, puisque les juges
agissent ainsi à l'égard des
coupables pour les corriger et pour
détourner les autres de pareils crimes ?
Pour toi, comment deviendras-tu meilleur par ce
départ ? Car tu ne sais pas pourquoi tu as
dû sortir de la ville et les autres ne
deviendront pas meilleurs par ton exemple, puisque
cela leur est également inconnu.
»
Le départ de Farel fut un grand
chagrin pour ceux auxquels il annonçait
l'Évangile. Oecolampade était
indigné, il regrettait son ami pour
lui-même et s'affligeait de ce quoiqu'on ne
l'entendait plus exposer les vérités
que le Seigneur lui avait fait comprendre. Farel
emmena le chevalier d'Esche qu'il avait
rencontré à Bâle, ils partirent
ensemble pour Strasbourg. Le Seigneur
opérait de grandes choses
dans cette ville où les deux amis
trouvèrent un excellent accueil. Farel se
sentit encouragé et rafraîchi. Et
maintenant Guillaume allait avoir d'autres travaux
à entreprendre. Bien qu'il eût
prêché à Meaux, en
Dauphiné et dans la Guyenne, il ne
s'était jamais cru appelé de Dieu au
ministère évangélique
jusqu'à son séjour à
Bâle. Il nous dit lui-même qu'il
s'était abstenu de prendre la place
d'évangéliste, espérant que
Dieu enverrait des hommes plus capables que lui.
Mais ses conversations avec Oecolampade lui firent
comprendre que Dieu l'avait appelé à
prêcher partout où il y aurait une
porte ouverte. (Oecolampade, dit-il, m'exhortait
fréquemment à prêcher,
invoquant le nom du Seigneur ou, comme dit la
Bible, le recommandant au Seigneur avec
prières
(Actes
XIV, 23).
Quelques personnes pensent que c'est une
chose terrible de prêcher sans avoir
été consacré et appellent ceci
la consécration de Farel. Il serait à
désirer que tous les chrétiens,
hommes et femmes, se consacrassent ainsi les uns
les autres et cela fréquemment, car tout
chrétien a reçu du Seigneur une
tâche quelconque, pour l'accomplissement de
laquelle il a besoin des prières de ses
frères et de Es soeurs. Nous devrions nous
présenter l'un l'autre au Seigneur et nous
exhorter les uns les autres aux bonnes oeuvres,
comme le faisait Oecolampade pour Farel. D'autres
historiens disent, sans en fournir aucune preuve,
que Farel fut consacré à Strasbourg.
Cependant lorsqu'il
célébra la Cène du Seigneur
à Montbéliard, quelque temps
après son séjour à Strasbourg,
nous voyons que plusieurs de ses amis firent des
objections parce qu'il n'était pas
consacré !Les gens qui avaient
été élevés dans les
erreurs du papisme au sujet du sacerdoce et de la
consécration, trouvaient étrange et
même mauvais qu'un laïque
distribuât les sacrements.
Combien de chrétiens, même
à présent, ont de
la peine à recevoir la Parole de Dieu dans
toute sa simplicité ! « C'est que, dit
Farel. au lieu de regarder à Dieu et
à sa Parole, on regarde à
soi-même, à sa propre raison et
à ce qu'on croit devoir être le plus
édifiant, car nous croyons savoir ce qui
convient à l'édification, mieux que
Dieu lui-même. Selon nous, les ordonnances de
Dieu gardées purement et simplement
ruineront tout, mais notre puissance venant en aide
à Dieu édifiera ce que lui n'a su
faire ! Ne soyons pas si fous, ni si
insensés, ni si arrogants, ni si
présomptueux que de croire que nous pouvons
rendre la Parole de Dieu et les sacrements plus
dignes de respect, plus remplis de grâce et
de puissance, par les inventions que nous y
ajoutons, tandis qu'au contraire nous ne pouvons
que gâter et pervertir tout ce que nous
touchons. »
Revenons à notre histoire. Farel
ayant senti que appel venait de Dieu, se
prépara à obéir. Les habitants
de Montbéliard, qui avaient entendu parler
de lui, lui adressèrent un appel; leur
prince, le jeune duc Ulrich de Wurtemberg les ayant
autorisés à le faire. En juillet
1524, Farel quitta Strasbourg pour se rendre dans
son nouveau champ de travail.
Monthéliard faisait alors partie de
l'empire d'Allemagne. C'est une jolie petite ville,
située dans la vallée de l'Allaine;
ses habitants s'occupent surtout d'horlogerie et de
filatures de coton. La ville est dominée par
un vieux château, flanqué de tours
rondes et bâti sur une
colline élevée au pied de laquelle on
traverse sur un pont la rivière de
l'Allaine. Le travail ne manqua pas à Farel
dans cette ville. Outre des prédications
fréquentes, il composait des traités
en français et revoyait ceux qu'on
traduisait de l'allemand.
Tous ces écrits s'imprimaient
à Bâle; Anémond de Coct aidait
avec zèle son ami Farel. A cette
époque Faber avait achevé la
traduction française du Nouveau Testament;
Anémond ayant réussi à s'en
procurer un exemplaire, en fit imprimer un grand
nombre. Ni lui ni Farel n'avaient l'argent
nécessaire pour les frais d'impression; les
chrétiens de Metz, Grenoble et Lyon se
chargèrent de la dépense. Il y avait
alors beaucoup de croyants à Lyon, la
semence répandue en Dauphiné avait
germé, et de cette pépinière
étaient sortis des
évangélistes qui se rendirent en
divers lieux. Le roi François Ier venait de
partir pour le théâtre de la guerre en
Italie; sa mère et sa soeur l'avaient
accompagné jusqu'à Lyon, où
ces princesses séjournèrent quelque
temps (août 1524).
La duchesse Marguerite avait choisi pour
l'accompagner parmi ses serviteurs ceux qui
aimaient la Parole de Dieu; elle désirait
beaucoup faire prêcher l'Évangile
à Lyon, elle y attira plusieurs des
prédicateurs persécutés et
beaucoup de Lyonnais reçurent la bonne
nouvelle. Farel et Anémond s'entr'aimaient;
le chevalier allait et venait entre Bâle et
Montbéliard pour apporter les livres que
Guillaume distribuait; il en confiait à de
pieux colporteurs qui allaient les vendre à
bas prix dans toutes les villes et tous les
villages de France. Ainsi, malgré les
persécutions, la Parole de Dieu était
répandue et portait ses fruits bénis.
En peu de temps il y eut dans toute la France des
âmes croyant au Seigneur Jésus et se
détournant des idoles pour servir le Dieu
vivant et vrai. Mais la
tâche du jeune chevalier touchait
déjà à sa fin; Anémond
de Coct tomba soudain malade à Schaffhouse,
après avoir bu de l'eau très
fraîche lorsqu'il avait chaud. Il comprit
qu'il allait mourir et il envoya son domestique
l'annoncer à Farel. Jusqu'à son
dernier moment il s'était occupé sans
relâche de l'impression et de
l'expédition des livres en France. Farel se
mit en route en toute hâte, mais hélas
!il arriva trop tard; Anémond était
déjà auprès du Seigneur.
Ce fut un amer chagrin pour Farel qui
perdait en lui un ami et un collaborateur
précieux dans l'oeuvre du Seigneur. Le jeune
Laurent de Chastelard, frère
d'Anémond, avait reçu
l'Évangile et il se montra très
reconnaissant de l'attachement que Farel avait pour
son frère bien-aimé.
Dieu continuait à bénir la
prédication de Farel, sauvant par son moyen
beaucoup de pécheurs, Oecolampade
était rempli de joie à l'ouïe de
ces bonnes nouvelles justifiant l'opinion qu'il
avait de son ami; mais en même temps il
craignait sans cesse sa vivacité Il le
suppliait d'être doux et
modéré, d'attirer les gens, de ne pas
les effaroucher, de ne point parler d'abord trop
sévèrement contre les prêtres
qui disent la messe. «Rappelez-vous, lui
écrivait-il, que souvent ces pauvres gens ne
connaissent rien de mieux; ils sont ignorants et
superstitieux et croient réellement bien
faire. Soyez bons pour eux et tâchez de les
gagner par la persuasion; ne leur parlez pas contre
la messe avant d'avoir détrôné
l'Antichrist de la place qu'il occupe dans leurs
coeurs. »
Farel s'efforça d'être doux
et modéré, mais il disait hautement
que la messe est une idolâtrie et il
prêchait Christ avec hardiesse et
fidélité. Bientôt surgirent des
troubles suscités par le clergé; un
moine et un prêtre se levèrent dans
l'église où prêchait le
réformateur, et interrompirent son sermon en
l'appelant hérétique et menteur. Le
duc fit taire les deux
interrupteurs et leur enjoignit de se tenir
tranquilles sous peine d'une forte amende. Mais le
moine recommença à interrompre le
sermon de l'après-midi et s'efforça
de soulever une émeute. Cette fois, le duc
fit arrêter Farel et le moine, puis il dit
à ce dernier qu'il lui donnait le choix ou
de prouver d'après la Bible la
fausseté des enseignements de Farel, ou de
les reconnaître pour véritables.
Après avoir réfléchi, le moine
déclara qu'il ne saurait réfuter
Farel d'après la Bible, qu'en
conséquence il était disposé
à confesser qu'il avait agi sous l'effet de
la colère et que ses paroles n'avaient
aucune valeur. Le duc lui ordonna de mettre sa
confession par écrit, afin qu'on pût
la lire en public; l'honnête religieux fit ce
qu'on lui demandait, puis il fut
relâché ainsi que Farel.
Cet incident augmenta encore
l'intérêt général pour
la prédication de Farel. Il avait autant de
travail que ses forces le permettaient, car ceux
qui s'étaient convertis avaient besoin
d'être instruits et ils désiraient que
leurs enfants le fussent aussi. Les choses
marchèrent de la sorte pendant environ neuf
mois; mais à peine l'année 1525
avait-elle commencé que François Ier
fut fait prisonnier par Charles-Quint à la
bataille de Pavie. La captivité du roi de
France dura une année, pendant laquelle la
régence fut remise à la
méchante reine-mère, Louise de Savoie
et au chancelier Duprat, deux ennemis
acharnés de l'Évangile. Ils allaient
pouvoir donner carrière à leur haine;
une terrible persécution fondit sur les
croyants dans toutes les parties de la
France.
Bédier et les docteurs de la
Sorbonne respirèrent` librement et se mirent
à réclamer le massacre de tous ceux
qui avaient reçu l'Évangile.
« Bannissons de la France cette
détestable doctrine, s'écriait
Bédier, l'abandon des bonnes oeuvres est une
funeste tromperie du diable ! » Pour donner
l'exemple des
bonnes
couvres, Bédier se mit à fouiller
tous les lieux où la Parole de Dieu avait
été prêchée, afin de
découvrir ceux qui l'avaient reçue.
La première attaque fut dirigée
contre Briçonnet; après avoir si
complètement renié son Maître,
le pauvre homme s'était de nouveau
hasardé à prêcher Christ; il
rassembla quelques prédicateurs de
l'Évangile autour de lui et fit même
une tournée dans son diocèse en
compagnie de Faber pour faire enlever les crucifix
et brûler les images. On arrêta donc le
pauvre évêque qui demanda à
être jugé par le Parlement, mais le
syndic de la Sorbonne craignit qu'il ne sût
trop bien se défendre et cette faveur lui
fut refusée. Briçonnet fut
examiné à huis-clos par deux
conseillers qui tâchèrent de lui faire
renier sa foi. Bédier pensait avec raison
que si l'évêque était
brûlé, ce serait une grande gloire
pour les évangéliques, tandis que s
il abjurait, ce Brait au contraire un affront pour
leur doctrine. Briçonnet fut donc
appelé une seconde fois à choisir
entre Christ et Satan, et pour la seconde fois il
préféra renier le Seigneur ! Il
consentit à faire pénitence pour
expier ses erreurs passées, puis il condamna
publiquement les livres de Luther, et donna l'ordre
de faire adorer les saints. Enfin, pour montrer sa
foi au papisme, il parut à la tête
d'une splendide procession. Cette fois
Briçonnet tomba pour ne plus se relever ! Il
vécut encore huit ans, après avoir
renié définitivement le Maître
qu'il avait confessé et prêché.
Dans son testament il recommande son âme
à la vierge Marie et au choeur
céleste du paradis, puis il demande qu'on
fasse dire douze cents messes pour son
âme.
Le tour de Faber vint ensuite;
Bédier avait une haine particulière
contre lui, car il le regardait comme l'auteur de
tout le mal. D'après le récit de
Bédier, Faber assurait que quiconque
cherchait à se sauver par ses propres forces
serait perdu, tandis que celui qui ne comptait pas
sur lui-même, mais sur Jésus, serait
sauvé.
Quelle erreur infernale ajoute
Bédier. Quel piège habile du diable !
II faut nous y opposer de tout notre
pouvoir.
Plus tard, le Parlement rédigea
un acte d'accusation contre Faber, mais quand on
voulut se saisir de lui, il avait disparu. Le vieux
docteur avait secrètement quitté
Meaux pour une destination inconnue. Nous le
retrouverons dans la suite de notre
récit.
Bédier se retourna avec toute la
rage du désappointement contre Louis de
Berquin, qui fut saisi une seconde fois et
jeté en prison. Celui-là ne nous
échappera pas, dit le Parlement.
Bédier chercha ensuite à atteindre
Erasme. Non qu'il prêchât
l'Évangile, car il venait au contraire
d'écrire contre Luther et les
luthériens; mais le syndic savait qu'Erasme
méprisait les moines en
général, et lui en particulier, pour
leur ignorance, leur stupidité et leur
hypocrisie. D'ailleurs Erasme n'avait-il pas
avancé la cause des
hérétiques, en encourageant
l'étude du grec et du Nouveau Testament
qu'il avait même traduit ?
« C'est pourquoi, disait
Bédier, il faut écraser Erasme au
plus vite. »
Mais Erasme réclama la protection
de l'empereur Charles-Quint; cela lui
réussit et il échappa aux griffes de
la Sorbonne.
Parmi les victimes de cette année
terrible, il y eut aussi un
évangéliste, originaire des environs
de Nancy. Ce duché appartenait alors
à Antoine le Bon, qui ne méritait
guère ce surnom, car tout ce qu'il savait
faire quand il ne répétait pas le
Pater ou l'Ave Maria c'était de se plonger
dans le vice ou de persécuter les enfants de
Dieu. Antoine le Bon et son confesseur le
père Bonaventure, s'emparèrent d'un
pauvre évangéliste nommé
Schuch. L'interrogatoire se faisant en latin, le
duc n'y comprenait rien, mais impatienté de
l'air calme et heureux de Schuch,
il se leva et le condamna à être
brûlé vif. Le pieux Schuch regarda
tranquillement le duc et dit: « Je me suis
réjoui à cause de ceux qui me
disaient: Nous irons à la maison de
l'Eternel.» En août 1525, le courageux
martyr fut brûlé et sa Bible avec
lui.
Il y avait encore d'autres victimes sur
lesquelles Bédier avait l'oeil; entre
autres, Jacques Pavannes duquel nous avons
déjà parlé. Lorsque
Briçonnet renia le Seigneur la
première fois, Pavannes fut saisi et
jeté en prison; c'était vers la fin
de 1524. Seul dans un cachot, il sentit son courage
l'abandonner, il consentit à retourner au
papisme et fut relâché. Mais à
partir de ce moment il fut profondément
malheureux. Bientôt reparut en
déclarant qu'il avait péché
conte le Seigneur, et qu'il voulait être
compté parmi ceux qui ne croient qu'en
Christ seul. Il ne voulait pas, disait-il, prier
les saints, ne croyait pas au purgatoire et ne
voulait d'autre Sauveur que Christ seul. Pavannes
fut condamné à être
brûlé sur la place de Grève
à Paris. Sa tristesse et ses craintes
s'étaient dissipées; il
s'avança vers le bûcher serein et
joyeux, prêchant hardiment pendant les
quelques minutes qui lui restaient. Ce petit sermon
était d une telle puissance qu'un des
prêtres présents dit qu'il aurait
mieux valu que l'Église payât un
million de pièces d'or, plutôt que
d'avoir laissé Pavannes parler comme il
l'avait fait.
Après le jeune étudiant,
ce fut le tour de l'ermite de Livry, dont on n a
pas oublié la touchante histoire; on le
traîna à Paris pour le brûler
à petit feu devant la cathédrale de
Notre-Dame. La ville entière assistait au
supplice de l'ermite qui resta calme et ferme; les
prêtres s'agitaient autour de lui en lui
présentant un crucifix et les docteurs de la
Sorbonne criaient de toutes leurs forces: .:Il est
damné, il s'en va en enfer
I » L'ermite se contenta de répondre
que sa confiance était en Christ et qu'il
était résolu à mourir en ne
croyant qu'en son Sauveur.
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