Booth, nom évocateur de toute une lignée de vaillants pionniers
qui ne marchandèrent point leurs fatigues et leurs souffrances pour
obéir à la vision céleste; Booth, nom qui sonne comme les notes d'un
carillon matinal pour éveiller l'Église du Christ trop souvent
appesantie dans une béate torpeur; Booth, celle syllabe fait surgir
du passé le visage du patriarche à la barbe fluviale. au visage
combinant étrangement douceur et austérité, l'homme à la souriante
sévérité qui m'apparut, il y a vingt ans. dans une salle de l'Armée
du Salut, dans le quartier de Blackfriars, à Londres.
N'appartenant pas à l'Armée du Salut, je me sens
plus libre de dire mon admiration pour la famille Booth; le
grand-père, le fondateur de l'Armée, qui se lança dans cette grande
aventure de la foi : l'évangélisation de l'East-End, à Londres, et
des quartiers les plus disgraciés des cités industrielles
d'Angleterre, dont le cerveau puissant conçut cette formidable
organisation de l'Armée du bien et de l'amour chrétien, celui qui,
après être descendu dans les cercles infernaux de la « sombre
Angleterre », résolut avec l'aide de Dieu, d'arracher, au vice et à
la misère, leurs proies; Catherine Booth, la mère de l'Armée, la
compagne courageuse qui, aux heures difficiles, étaya la foi de son
mari et sut écrire, l'âme sereine, au milieu des pires difficultés :
« Nous marchons au travers des flots, des orages, et des flammes.
Dieu est avec nous. Les Actes des Apôtres vont de nouveau se
réaliser. Nous voyons la colonne de nuée et nous devons la suivre.
Il est possible que des gens riches et bien élevés nous abandonnent;
ils en firent autant quand le Maître s'approcha de la Croix infâme
et des foules grossières; mais nous n'y pouvons rien. Nous sommes
résolus à nous cramponner à la Croix, oui, à la Croix entre deux
brigands, si cela peut sauver les âmes. Nous entendons le Maître
nous dire : « je te ferai voir des choses plus grandes que
celles-ci. » Avec on sans argent, nous devons aller de l'avant. »
Puis les enfants et petits-enfants de ce couple
chrétien le Général actuel, Bramwell Booth, qui continue l'oeuvre de
ses parents avec le même esprit de consécration au service de Dieu
et du prochain, ses frères et ses soeurs dispersés par le monde
entier et luttant vaillamment contre les forces mauvaises, les
puissances ténébreuses qui retardent l'avènement du Royaume de Dieu.
Mais tous ceux-là, enfants et petits-enfants de
William et Catherine Booth, s'ils connaissent l'âpreté du combat,
goûtent aussi les. joies de la lutte : les buveurs relevés, les
pécheresses purifiées, la jeunesse conquise et offerte à Dieu avec
toutes ses fraîches énergies et tous ses nobles enthousiasmes. Comme
le bon ouvrier, le soir, s'endort satisfait, son travail achevé,
ainsi les aînés approchent du crépuscule de leur vie avec
l'assurance réjouissante d'avoir, eux aussi, achevé la tâche que le
Maître leur assigna, prêts à affronter sans crainte le Seigneur et à
lui dire : « Me voici et les enfants que tu m'as donnés. »
À la glorieuse descendance, il manquait un
représentant des vertus effacées, de la soumission complète à la
volonté divine, de la foi patiente, prêle au sacrifice aussi bien
qu'au service. capable de redire. dans la solitude de la chambre de
malade, Ici paroles du Christ en Gethsémané et sur le Mont du Crâne.
« Que ta volonté soit faite et non la mienne... Père, je remets mon
esprit entre tes mains. »
Miriam Booth, la fille du Général Bramwell
Booth, dont les pages suivantes essayent de raconter l'histoire, est
cette représentante. Elle passa par la fournaise de l'épreuve,
supportant sans murmure de longues années de souffrances. Sa foi ne
défaillit point; dans la fournaise ardente, elle prit conscience de
la présence de Dieu son âme ainsi s'enrichit des bénédictions
secrètes que l'Éternel réserve à ceux qui souffrent sans se
révolter, Toute sa vie enseigne cette vérité qu'elle écrivit pendant
les heures douloureuses des derniers mois de sa carrière terrestre :
« Travailler pour Dieu est une grande chose. mais accomplir la
volonté de Dieu est bien plus grand encore, »
Cette biographie apportera. j'en suis certain,
consolations et réconfort à plus d'un malade.
On pourra appliquer à la Capitaine Miriam Booth
la parole biblique : « Quoique morte, elle parle encore, » Comme le
rocher que Moïse, au désert, frappa de sa verge, laissant couler des
eaux abondantes pour le rafraîchissement du peuple de Dieu, ainsi,
sous le coup de la douleur, des fleuves d'eaux vives, aux ondes
puissantes, jaillirent de l'âme de Miriam Booth pour désaltérer les
âmes assoiffées de véritables consolations.
À ceux qui seraient portés à regretter pour
Miriam Booth le brusque retrait du champ de bataille et l'apparente
stérilité de sa vie terrestre, rappelons la vieille légende anglaise
: « Un jour, un riche seigneur fit publier à son de trompe. au
moment de la moisson, qu'il ouvrirait son parc ci son palais aux
enfants qui lui apporteraient les plus belles glanes. Tous les
enfants, désireux de pénétrer dans le beau parc et de connaître le
luxe des fameux salons du palais seigneurial, se répandirent par les
champs, dès l'aube blanche; toute la journée, ils s'activèrent à
recueillir les épis échappés à la faucille des moissonneurs. Le soir
venu, fiers de leurs nombreuses glanes, ils se pressaient à la porte
du palais, attendant le jugement du seigneur.
Seul un bambin, la tête auréolée d'une blonde chevelure, les joues
creusées de fossettes rieuses, se présenta les mains vides. Pendant
le jour, il avait chanté des chants joyeux pour soutenir le courage
des glaneurs; il avait réconforté de ses douces paroles un camarade
malhabile à qui il offrit même les quelques glanes qu'il avait
ramassées; il était allé puiser de l'eau à la fontaine pour
rafraîchir les glaneurs brûlés par le soleil. Maintenant, il ne
pouvait rien présenter à l'examen du seigneur.
- Où sont les gerbes ? interrogea la voix sévère
du seigneur.
Pour la première fois de la journée, l'enfant se
sentit triste et courba la tête. Déjà un des serviteurs se préparait
à chasser ce paresseux, mais le seigneur l'arrêta d'un signe et,
ouvrant la porte du palais, il montra, dans le vestibule, un monceau
d'épis d'or.
- Console-toi, dit-il à l'enfant; les glanes,
les voici. J'ai pris soin de les recueillir.
- Mais, sire...
- Elles sont tiennes, reprit le seigneur; ce
sont les épis que les chants permirent à tes camarades de
recueillir, ceux qu'ils glanèrent, grâce au
réconfort de l'eau que tu leur versas, et ceux que ta générosité
abandonna à ton ami déshérité. Grâce à toi, aucun épi ne se perdra
dans les champs; entre dans mon palais pour y demeurer à toujours. »
Miriam Booth n'a pu amasser elle-même beaucoup
d'âmes pour les greniers célestes, mais sa douceur, sa patience, les
lettres encourageantes qu'elle écrivit, les Paroles réconfortantes
qu'elle prononça, l'exemple qu'elle donna à tous, petits et grands,
tout cela aida puissamment ses camarades de l'Armée, leur permit de
mieux accomplir leur tâche. Dans le ciel, un jour où les résultats
de nos travaux seront manifestés, pour la Capitaine Miriam Booth,
comme pour l'enfant de la légende, d'agréables surprises sont
réservées. Son âme se réjouira en voyant les fruits de sa vie
d'obéissance.
Nous pouvons nous joindre à sa mère pour dire :
« Nous remercions Dieu de nous avoir prêté ce magnifique caractère.
Le mystère de ses souffrances, que nous pensions être une
préparation à une oeuvre particulièrement glorieuse, ici-bas, reste
pour nous tout aussi insoluble. Mais, si nous ne comprenons pas aujourd'hui
l'action de Dieu, un jour nous "irons comme nous avons été connus. »
En attendant ce jour, puissent ces pages, simple
récit d'une vie de patience et d'endurance, aider quelques éprouvés
à retrouver le sentiment de la présence divine pendant leurs heures
sombres.
Puisse aussi la devise de la Capitaine Miriam :
« Faites tout ce qu'Il vous dira... », inspirer notre jeunesse. Ce
qu'il le dira, mon jeune frère, ma jeune soeur ? Sans doute ce qu'il
disait à ses disciples en leur montrant la foule affamée - «
Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ce qu'Il le dira, jeune homme
plein de vigueur? Certainement les paroles du père à son fils : «
Mon fils, va aujourd'hui travailler à ma vigne. » Il vous dira comme
aux apôtres Jans le Cénacle : « Je voue, ai donné un exemple, afin
que vous fassiez comme je vous ai fait. » Il vous répétera : « La
moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Allez par foui le
monde et prêchez l'Évangile à toutes les nations. »
Jeune homme, jeune fille, l'exemple de
consécration complète de la Capitaine Miriam Booth ne
t'inspirera-t-il pas aujourd'hui le désir de
relever l'étendard échappé à sa main mourante et d'accomplir
l'oeuvre qu'elle eût aimé faire? À genoux devant Dieu, ne veux-tu
pas dire à ton Seigneur et Roi, Jésus-Christ
- J'ai les bras, j'ai le coeur d'un vaillant ouvrier;
- Je ne veux m'endormir que sur ma gerbe pleine,
- Rêvant d'un Maître juste et qui saura payer.
- À la vie! à la vie! et tous dans la lumière,
- Sur la glèbe et les flots, mains calleuses ou grands [fronts,
- Moissonneurs de pensées, ramasseurs d'épis blonds,
- Tous les hommes à l'oeuvre et les lâches derrière,
- Toi, chrétien, en avant! pour sonner les clairons.
LE TRADUCTEUR.
Mars 1928.
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