FLORENCE-MIRIAM Booth est née à Stamford Hill, Londres, le 18
juin 1887. Elle fut la troisième des sept bénédictions que Dieu
accorda au Général et à Mme Bramwell Booth : Catherine, Marie, Miriam,
Bernard, Olive, Dora et Wycliffe.
À l'heure où la rosée perle les brins d'herbe, où les
oiseaux lancent timidement les premières notes de leurs chants
matinaux, ce trésor trouva place dans les bras de sa mère. Tout près
de là, juste au coin de Darenth road, où vivaient ses parents, se
trouvait « Rookwood », la maison du Général fondateur et de « la mère
de l'Armée ». Aussitôt après déjeuner, Mme Booth et
sa fille Emma vinrent offrir aux jeunes parents leurs félicitations
pour l'heureux événement.
On avait, au sein de la famille, caressé l'espoir que le
nouvel hôte annoncé serait un fils; mais, lorsque « la mère de l'Armée
» prit dans ses bras le doux petit paquet, si bien emmitouflé, et
regarda le joli bébé au visage potelé, à l'épaisse chevelure noire,
elle dit tendrement :
- Ah! elle aura un bel avenir. Beaucoup de travail, de
nombreuses joies et aussi des peines.
Et naïvement elle ajouta :
- Et elle peut faire beaucoup mieux qu'un garçon!
Plus tard, lorsqu'on discuta pour choisir le nom du bébé,
son grand-père, nôtre Fondateur, trancha la question :
- Appelez-la Miriam, dit-il.
Son père y, ajouta le nom de la jeune mère, et ainsi
entourée de beaucoup de prières pour qu'elle devienne un conducteur du
peuple de Dieu, la petite Florence-Miriam, commença le voyage de la
vie.
La fillette était née dans une maison de salutistes.
Pour ceux qui connaissent l'Armée, cela voulait dire que ses parents
avaient renoncé à toute ambition personnelle; qu'ils avaient consacré
leur vie au combat contre le péché pour apporter le salut à ceux qui
en avaient le plus besoin, et suivant les méthodes de l'Armée. Aussi
la vie de la petite Miriam serait organisée, jusque dans ses moindres
détails, en vue de ce grand but.
Vingt ans avant sa naissance, ses grands-parents
paternels, William et Catherine Booth, entendirent Dieu les appelant à
se consacrer au salut des habitants les plus pauvres et les plus
déchus de l'East-End, à Londres. Pour obéir à cet appel, ils durent
quitter l'Église de leur enfance, se séparer de leurs amis et, sans
savoir d'où leur viendrait la subsistance, ils allèrent de l'avant,
forts de leur foi.
Ainsi fut fondée « la Mission Chrétienne », qui devint
plus tard « l'Armée du Salut ». Dans les premiers temps, ses
fondateurs furent douloureusement éprouvés par la pauvreté, mais par
eux, Dieu accomplit des miracles : des hommes et des femmes des plus
dégradés, des plus désespérément pécheurs, furent sauvés et devinrent
de nouvelles créatures. Ils s'enrôlèrent comme
soldats et combattirent pour le salut de leurs anciens compagnons.
Quand William-Bramwell Booth, le fils aîné, eut atteint
sa treizième année, son père l'emmena un jour dans une taverne. La
fumée de tabac emplissait la salle d'un brouillard épais, et l'odeur
de la bière était écoeurante; tout autour, sur des bancs ou le long
des murs noirs, flânaient hommes et femmes grossiers, rudes, buvant,
blasphémant et lançant des coups d'oeil moqueurs. Le jeune garçon
regardait, horrifié. Pour la première fois, il se trouvait en contact
avec le péché dans toute sa laideur.
- Willie, dit son père, ces gens-là sont à nous et je
veux que tu les gagnes un jour à Dieu.
Peu de temps après cet incident, Bramwell souffrit d'une
attaque de fièvre rhumatismale qui lui occasionna une maladie de
coeur, elle fit craindre qu'il soit invalide toute sa vie. Cependant,
plus tard, il se fortifia, à vers dix-huit ans il dut envisager le
choix d'une carrière.
Entre temps, l'oeuvre de « la Mission Chrétienne »
s'était développée, elle s'étendait à plusieurs
parties de l'Angleterre. Bramwell pensa qu'il pourrait être utile à
son père. Mais une tentation subtile l'assaillit. La mission de ses
parents l'intéressait, mais elle n'offrait aucun avantage au point de
vue humain. C'était le chemin de la croix. On ne pouvait y décrocher
ni rang, ni plaisir, ni honneurs; donc, il fallait s'adonner toujours
à la recherche « de ce qui est perdu ». sans être bien sûr de réussir
dans cette tâche ingrate. Il ne se sentait pas attiré vers ce chemin.
Il préférait devenir avocat ou docteur en médecine, des amis de sa
famille ayant offert de se charger de son éducation. Mais dans le
silence de son âme, Bramwell entendait toujours la voix de Jésus
disant : « Charge-toi de ta croix et suis-moi. » Son coeur était
troublé; il se sentait en désaccord avec Dieu, en dehors des plans
divins.
Le conflit spirituel continuait. Un jour, il se promenait
seul à travers champs; élevant ses regards vers Dieu, il dit du plus
profond de son âme : « Ta volonté soit faite, mon Dieu, en moi et dans
ma vie, maintenant et à jamais. » Il quitta ce lieu inondé d'une
merveilleuse paix, et plein d'une force qu'il ne connaissait
pas. Depuis ce moment, il se dévoua sans réserve à l'oeuvre de la «
Mission Chrétienne ».
À l'âge du mariage, Bramwell pria :
« 0 Seigneur, donne-moi une compagne capable de m'aider à
faire ta volonté et ton oeuvre. »
Et Dieu l'exauça.
Mlle Florence Soper, fille d'un médecin de l'ouest de
l'Angleterre, venait de terminer ses études et faisait son entrée dans
le monde en visitant quelques amis à Londres. Elle goûtait à tous les
plaisirs de la société. Un jour, il lui tomba sous les yeux l'annonce
d'une réunion de Mme Booth dans le West End. Poussée par la curiosité.
elle y alla; mais elle oublia bientôt le charme, nouveau pour elle.
d'entendre une femme parler en Public.
Florence Soper avait fait sa première communion et avait
été confirmée dans l'Église Anglicane. Au cours de cette cérémonie,
elle avait solennellement promis de renoncer au monde et à ses pompes.
Mais elle l'avait fait comme tant d'autres qui ne prennent pas ces
mots à la lettre. Elle se lança dans tous les plaisirs mondains, avec
l'entrain de sa jeunesse pleine de santé et d'un
esprit inconscient des réalités éternelles.
Le message convainquant de Mme Booth, ce soir-là,
démontra le sens de l'appel de Jésus. Hommes et femmes doivent
renoncer à eux-mêmes, se charger de leur croix et le suivre jour après
jour. Il pénétra jusqu'au plus profond d'une âme au moins. À la
lumière de cette révélation céleste, la vie de Mlle Soper apparut
aussi volage que celle d'un papillon, inutile et même pleine de
péchés. Elle chercha sérieusement le salut en Jésus; elle retourna
dans ses montagnes galloises, décidée à suivre son Sauveur. Mais ces
nouvelles résolutions la mettaient en désaccord avec la société où
jusqu'alors elle avait évolué si joyeusement. Pendant une période de
grande épreuve intérieure, elle trouva son principal bonheur à se
glisser dehors, le dimanche à la pointe du jour, pour se rendre à la
réunion de prières du petit poste salutiste si méprisé. Mlle Soper
reconnut, chez ces salutistes rudes et illettrés des collines
galloises, le même esprit de dévouement et de sacrifice qui l'avait
attirée aux réunions de Mme, Booth, sa mère spirituelle. Après de
mûres réflexions, et non sans répugnance, le docteur
Soper permit enfin à sa fille de retourner à Londres pour y étudier de
plus près l'Armée du Salut.
Mlle Soper, reçue chez Mme Booth, put observer l'effort
continuel et le renoncement des chefs de l'Armée. Ce spectacle ne la
découragea point, au contraire, elle se réjouit de pouvoir offrir
toute une vie à un tel service. Elle posa sa candidature comme
officière de l'Armée du Salut. Elle connaissait le français et fut
choisie pour aider à l'installation de l'Armée à Paris. Cette douce et
timide jeune fille avait vécu jusqu'ici sous l'affectueuse protection
des siens; elle ignorait tout du péché et des misères humaines. Mais «
Christ était sa vie ». Il la rendit capable de vendre l'En Avant! dans
les cafés de Paris, de prêcher dans les salles obscures à une foule
d'anarchistes athées qui, dans leur colère d'ivrognes, vociféraient
qu'ils ne voulaient ni Jésus, ni Dieu, ni le Ciel. Cependant, sur ce
rude Champ de Bataille, quelques âmes furent conquises. Puis la
Capitaine Soper retourna en Angleterre pour y épouser M. Bramwell
Booth, alors Chef d'État-Major de l'Armée du Salut. Notre Fondateur
bénit ce mariage, le premier dans sa famille et
aussi le premier célébré dans la « Salle du Congrès » de Clapton. À
cette occasion fut employée, pour la première fois, la belle liturgie
du Mariage de l'Armée. Combien émouvants, plus que les serments
ordinaires, ces voeux de simplicité de vie, de désintéressement dans
l'amour, d'entier dévouement à la sainte Guerre. Maintenant, les
Salutistes du monde entier les prononcent.
Après son mariage, le Chef d'Etat-Major continua d'être
le bras droit de son père dans le travail d'organisation et
d'administration de l'Armée, menant aussi des campagnes spirituelles à
Londres et dans beaucoup d'endroits en Angleterre. Les réunions de
sanctification auxquelles son nom fut associé, et où quelques-uns des
officiers supérieurs d'aujourd'hui firent l'expérience d'une entière
sanctification, datent de cette époque.
Des femmes de mauvaise vie, venues au banc des pénitents
pour y trouver le salut, et demandant un moyen d'échapper à leurs
anciens compagnons pour fuir le péché, amenèrent la création de la
première maison de relèvement de l'Armée du Salut. Le Général en
confia la direction à Mme Bramwell Booth.
Quand Miriam naquit, sa mère était très occupée à
résoudre les problèmes ardus soulevés par la nouvelle entreprise.
Miriam fut, dans toute l'acception du mot, une enfant de
l'Armée, et une grande partie de sa première année se passa sur le
champ de bataille où sa mère livrait de grands combats. Elle fut
consacrée à Dieu et à la guerre sainte, par sa mère, dans la « Salle
du Congrès ». Le service solennel, pourtant empreint de douceur, avait
fait une impression profonde sur Catherine (1),
alors
âgée
de quatre ans. Rentrée à la maison, elle dit à son père:
- Papa! maman a « redonné » notre bébé à Dieu. Oui, elle
l'a « redonné ».
- Oh! c'est grave, dit son père.
Puis, aussitôt, pressée de calmer les craintes qu'elle
avait pu faire naître, la fillette ajouta :
- Mais ne vous inquiétez pas; elle revient tout de même
avec nous à la maison, dans sa voiture.
Miriam fut « mise en uniforme » dès ses premières
semaines. La pelisse blanche, confectionnée par Mme Booth et qui
servit à chacun des sept enfants, portait, brodés
au col, les S. S. rouges. Son manteau de voyage portait aussi
l'insigne.
Son bébé sur un bras, sa valise à la main, Mme. Booth
parcourait seule bien des parties de l'Angleterre pour présider des
réunions. Il lui arriva plus d'une fois, en chemin de fer, de coucher
son bébé sur la banquette du compartiment, et de s'agenouiller avec
une autre voyageuse, lui montrant le ciel d'une main et de l'autre
protégeant et soutenant son enfant.
Mme Booth tint des réunions à Régent Hall et dans l'ouest
de Londres, son centre d'activité, alors que Miriam n'avait qu'un
mois. Le bébé y assistait dans les bras d'une bonne, et sa mère
rappelle toujours l'effort qu'elle devait faire pour continuer son
discours quand le bébé, réveillé par le son de sa voix, commençait à
pleurer.
Mais, le plus souvent, elle couchait l'enfant avant la
réunion, dans la maison où elle logeait, la laissant à la garde d'une
bonne et maternelle salutiste.
Ces campagnes salutistes comportèrent, pour le bébé, de
multiples incidents. Une fois, dans une grande maison où, depuis une
centaine d'années, il n'y avait pas eu d'enfants,
on n'avait rien préparé pour la recevoir. Mme Booth ne fut pas
embarrassée pour si peu : avisant un tiroir vide, elle le posa sur
deux chaises près de son lit, le garnit d'un traversin et Miriam
dormit là très douillettement.
Les logis les plus humbles et les plus simples
convenaient également à maman et à bébé. Un jour, Mme Booth était
venue présider dans un village les réunions d'anniversaire du poste.
Elle marchait en tête du cortège, portant Miriam dans ses bras. Un
grand valet de ferme pensa que celle qui les conduisait assumait plus
que sa juste part de travail. Il se planta devant elle et, souriant,
les bras grands ouverts, demanda :
- Donnez-la-moi.
Le bébé confié à ses soins fut porté en triomphe jusqu'à
la salle.
S'il lui arrivait de passer un dimanche à la maison, Mme
Booth mettait Miriam dans sa petite voiture; Catherine et Marie,
coiffées de leurs petits chapeaux salutistes, trottant à ses côtés,
elle se rendait à notre réunion de Stoke Newington
Hall. La mère et les enfants se joignaient au culte.
Miriam avait environ un an, lorsque la rougeole envahit
la maison. La petite fut gravement malade. Puis elle eut la
coqueluche, et l'on désespéra de la sauver.
- Si un mieux ne se produit pas avant le matin, nous la
perdrons, dit ce soir-là le Dr Metcalf de Richmond, en quittant la
malade.
Dans son journal Mme Booth écrivit ce jour-là :
Bien qu'elle ne fût qu'un petit bébé, elle me semblait
plus précieuse que tous mes autres enfants, mais, comme du plus
profond de mon coeur je demandais à Dieu de me venir en aide, je
sentis distinctement qu'Il m'avait amenée à ce point où je pouvais
lui dire : « Prends-le si c'est pour le mieux. » Je sentis alors que
si je regardais à lui et que si mon désir suprême était
véritablement qu'il soit glorifié, qu'il me serait plus facile
d'ensevelir ma bien-aimée que de la voir grandir pour l'affliger.
Lorsque le fil de sa vie semblait si ténu, si facile à rompre, je
priai Celui qui voyait plus loin que moi; je lui demandai de prendre
ma chérie à l'instant même plutôt que de la laisser devenir un
obstacle à l'avancement de son règne. À deux heures
du matin, elle s'endormit. Lorsque M. Metcalf vint au matin, il dit
:
- Elle va mieux, elle vivra maintenant.
Dieu avait arraché Miriam à la tombe. Elle guérit
complètement et devint une enfant joyeuse, pleine de santé, d'un bon
caractère et de grande intelligence. Plus tard Mme Booth parlera ainsi
de sa fille dans son journal :
Bébé est très douce tant que tout va bien, mais elle
fait preuve d'une volonté de fer, lorsqu'on la contrarie.
Mme Booth avait faite sienne une maxime de sa belle-mère
à propos de l'éducation des enfants : « Peu de règles, mais
strictement observées. » Elle eut maintes fois l'occasion de
l'appliquer durant les premiers temps. C'était la meilleure méthode
pour contrôler et diriger la volonté de l'enfant. Si Miriam avait
rencontré chez sa mère une opposition inconsidérée, sa volonté ferme
fût devenue de l'obstination a vaincre, et cette lutte aurait brisé un
esprit aussi fougueux. Plus d'une fois on recourut aux conseils de «
la mère de l'Armée du Salut » pour l'éducation de sa petite-fille.
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