Le poste de High Barnet, où Miriam
reçut le baptême du feu et son
entraînement pour l'oeuvre future,
n'était pas un poste puissant, à la
vie facile, mais plutôt un petit poste
à l'existence difficile, ayant besoin du
concours de chaque soldat pour atteindre le
succès.
Chacun des enfants du Homestead,
lorsqu'il eut atteint l'âge de
s'enrôler dans l'Armée, prit place
dans ce poste; il était chargé de
responsabilités qui entraînaient un
travail régulier et soutenu. Miriam, tour
à tour fut garde de compagnie, chef de
choeur et trésorière. Sa compagnie de
garçons de la jeune Armée comprenait
autant d'esprits pétulants que n'importe
quel instructeur pourrait
aligner, mais pas une mère ne pourrait
soigner plus sagement et patiemment sa famille que
Miriam ses garçons, et aussi toute la
jeunesse qui se trouvait dans la sphère
d'influence du poste.
Le journal des dernières
années de sa vie de soldat, nous fournit des
traits révélateurs de l'amour
abondant de Miriam pour ceux parmi lesquels elle
passa sa bienfaisante vie. Sur la première
page, à la date du mois d'octobre 1907, elle
écrivit :
Je regrette réellement de
n'avoir pas conservé quelque récit
des événements de ma vie pendant ces
dernières années, et j'ai l'intention
maintenant d'écrire dans ce petit livre,
sinon quotidiennement, au moins le récit des
événements les plus importants
capables d'influencer ma vie, ou qui
m'intéressent.
Parmi les premiers
faits
mentionnés, nous trouvons les adieux de
l'officière qui avait commandé le
poste de High Barnet. Ce récit nous montre
l'affection et l'intérêt de Miriam
pour les officiers dévoués qui
combattaient dans les postes de l'Armée
:
Nous sommes tous
désolés à la pensée que
l'Adjudante est vraiment partie, écrit-elle.
Elle a si bien réussi ici à Barnet,
et elle était aimée des gens,
même les voyous
étaient absolument en colère à
l'annonce de ses adieux. Elle a été
pour nous une source continuelle de
bénédictions et d'inspirations. Son
esprit joyeux nous manquera, sa foi invincible, sa
conviction que le droit a toujours le dessus nous a
aidés considérablement. Quel
privilège, la connaissance et
l'amitié des officiers de l'Armée du
Salut!
Plusieurs des notes de ce journal nous
parlent d'une bande de jeunes ouvriers auxquels
elle s'intéresse. Elle écrit
:
Dimanche soir, nous avons eu une
bonne réunion, magnifique auditoire, le
nombre des salutistes en uniforme sur l'estrade
était assez important. J'ai eu une longue
conversation avec L..., il semble très
malheureux. J'en suis peinée pour lui, il
est absolument seul dans l'usine. La
dernière fois qu'il fit profession
d'être sauvé, les hommes
profitèrent de l'obscurité de la
pièce où ils se trouvaient pour lui
jeter toutes sortes de choses à la
tête, en criant :
- Amen!
Alléluia!
Le pauvre garçon se
fâcha et se découragea. Un grand
combat s'est livré en lui dimanche; mais
après tout il vint au banc des
pénitents. Après qu'il eut
triomphé, il s'exclama d'un ton de parfait
soulagement :
- Je me sens tellement
bien mieux
maintenant!
Le Saint-Esprit seul
peut l'aider
dans des circonstances aussi difficiles. E...
s'approcha du banc des pénitents après une
longue conversation; brave garçon, plein de
bons désirs, mais si faible par
lui-même. Il me dit qu'il livre ses plus durs
combats chez lui. S... était là,
absolument ivre.
R... n'a pas travaillé
aujourd'hui. Je suis inquiète pour lui.
C'est aujourd'hui le terme, et je crains qu'il
n'ait eu des ennuis avec son père. J'ai
attendu deux trains et R... n'est pas apparu. Aussi
après avoir feuilleté l'annuaire pour
y chercher l'adresse du jeune homme, je partis pour
Whetstone. Quelques difficultés pour trouver
la maison. Je vis sa mère, nullement
étonnée de ma démarche. R...
s'est foulé la cheville. Je suis
soulagée d'apprendre que ce n'est pas pire.
Il vient juste de sortir en boitillant pour
prévenir à l'atelier.
Je suis heureuse d'y
être
allée, car je puis me faire une idée
des luttes que ce jeune homme doit soutenir
à la maison, et de sa courageuse
résistance. Sa mère est vraiment
convertie. C'est une petite femme de quatre pieds
de haut. Je me demande comment elle peut avoir un
garçon comme R. qui mesure au moins six
pieds. Je prie avec elle, elle ponctue ma
prière d'amens respectueux. Lorsque nous
nous relevons, elle me dit que R... prie avec elle
tous les soirs. Il y a peu de temps, il lui demanda
:
- Mère, pourquoi ne
dites-vous pas « amen » quand je
prie?
Elle lui
répondit
- Vous savez, à
l'église, nous avons la coutume de rester
silencieux.
Mais il reprit :
- Mère, cela m'aiderait
tant, et nous serions plus en communion comme
cela.
- Et vous voyez,
mademoiselle, me
dit la petite femme, j'essaie.
Quel tendre tableau :
je me
représente ce grand garçon et sa
petite mère à genoux, et dans la
chambre voisine le père ivre écoutant
leurs prières (comme Mme R... me le confie).
Quel merveilleux changement la conversion
opère! R... était un de nos pires
garçons : joueur, batailleur et
commençant à boire. Maintenant il est
pour nous tous, et particulièrement pour
moi, un grand encouragement. Il porte l'uniforme
complet et il ne le déshonore
point.
Suis allée voir 0...
à l'hôpital de Moorfields; il a subi
une opération à l'oeil.
Attristée qu'il ne puisse assister au
Conseil pour la jeunesse (1)
; il est dans
les dispositions requises pour être
béni.
Montée à Barnet
où je vis le jeune bébé de Mme
S.... il est malade. Été voir 0...
rentré de l'hôpital. J'ai eu une bonne
conversation avec lui; je lui ai mis la lotion dans
l'oeil, affaire plutôt
désagréable; mais sa mère ne
sait pas s'y prendre. J'ai rencontré B....
Je me suis rendue avec elle chez sa mère que
l'on suppose opposée à
l'Armée, et hargneuse. Elle se montra
cependant aimable et promit à demi de venir
à la réunion dimanche.
En l'absence de l'Enseigne, la
jeune
Lieutenante était anxieuse et fébrile
au sujet de la visite d'une
brigade spéciale. Il fallait préparer
des billets de logement, des programmes, et voir
pour de multiples détails. Miriam
écrit :
Jour brumeux et humide;
je suis
allée à Barnet ce matin pour
distribuer quelques programmes pour dimanche.
Trouvé la Lieutenante dans une grande
anxiété au sujet du logement de ses
chanteurs; plusieurs arrangements avortent au
dernier moment. Je suis sortie et j'ai passé
le reste de la matinée à la chasse
aux billets de logements. Olive vint avec moi
à la réunion ce soir; pas très
encourageante, cette réunion, bien que
l'auditoire fût satisfaisant. Il y avait
là un vaurien ivre, L..., d'une humeur
abominable. Le démon semble le tenir dans
ses griffes; il était furieux contre
lui-même et contre les autres. Je suppose que
son état d'esprit montre combien il est
misérable. Il essaie de nous prouver qu'il
s'en moque, mais la débâcle viendra
pour lui. R... était là, il s'occupa
de l'ivrogne. W... et H... marchent bien. H...
désire porter l'insigne de la ligue
antitabagique. Je suis fière
d'eux.
Miriam s'intéressait
fortement aux Conseils que son père institua
pour le bien spirituel de la jeunesse de
l'Armée. Elle attendait les réunions
de cette année, espérant qu'elles
serviraient à amener à la victoire
plusieurs des cas difficiles de
Barnet. La journée terminée, elle
écrivit :
Je souhaiterais trouver
les mots
qui exprimassent ce que je ressens au sujet des
Conseils. Papa fut simplement merveilleux, et ses
paroles pénétrèrent comme des
flèches dans le coeur des jeunes gens. Je me
suis sentie moi-même bénie et
aidée puissamment. Ce fut une saison de
rafraîchissement spirituel pour mon âme
et ma foi en fut fortifiée. Le sujet de papa
était : « La foi et les oeuvres »;
il nous montra que l'une est nulle sans l'autre, et
que toutes deux sont nécessaires pour
recevoir les grâces de Dieu. « Seigneur,
augmente ma foi! » Barnet avait envoyé
une magnifique délégation : Plus de
vingt jeunes gens.
Dix de nos plus
incorrigibles
étaient là. Ce fut une
véritable victoire : avoir amené
D..., surtout que sa mère avait fait tout
son possible pour l'en empêcher. Papa
s'intéressa particulièrement à
notre jeunesse, et lorsque pendant la
réunion de prières, il vint à
eux en passant par-dessus les bancs (comme c'est sa
coutume dans les réunions de jeunesse), il
posa ses mains sur les épaules de D... et
lui dit de sa voix tendre et aimante
:
- Mon cher camarade, il
vous faut
laisser Dieu agir en vous.
D... éclata en sanglots
comme un enfant. Pauvre garçon, il
résista, mais il vint enfin au banc des
pénitents. Il y eut d'autres grandes
victoires ce soir-là. Quatorze de nos
membres s'approchèrent du banc des
pénitents. H... est certainement le plus
grand triomphe de la
journée. Il y a, je crois, trois ans que je
m'efforce de gagner ce garçon à Dieu,
et il semblait aussi dur que le granit; mais Je
crois qu'il est bien converti cette fois.
L....,lui, ne s'est pas décidé, mais
il a promis de prier ce soir avant de se
coucher.
Papa et maman m'ont
donné
une concertina (2).
une vraie
beauté, et je désire ardemment
apprendre à en jouer; mais je crains de
n'apprendre que lentement. Pourtant ça ne va
pas trop mal jusqu'ici. Quelle assistance pour
notre poste : je pourrai m'accompagner
moi-même lorsque je chante un solo,
particulièrement dans les réunions en
plein air. Ce me sera un continuel souvenir de mes
chers parents. Leur amour pour nous a
dépassé toutes les choses humaines,
et il ne serait pas ce qu'il est sans la flamme
divine qui illumine leurs vies saintes. Serai-je
jamais digne d'eux ?
En peu de temps, Miriam put
jouer de
la concertina avec succès. Elle
n'était pas un de ces soldats qui ne
marchent que par le beau temps ou dans les grandes
occasions. Quand sa santé le lui permettait,
elle était présente aux
réunions aussi bien en plein air que dans la
salle.
Son journal continue :
Mercredi soir, j'ai
tenu la
réunion de convertis et j'ai été utile, je
pense, bien que E... et F... n'aient pas
été en bonnes dispositions. Je suis
convaincue que F... a quelque chose sur la
conscience, qu'il doit confesser. Je n'ai pas mal
réussi mon sujet sur : « Une porte est
ouverte toute grande à mon activité
et les adversaires sont nombreux. » J'ai
employé ma concertina pour la
première fois.
Encore :
Hier soir, j'ai tenu la
réunion du groupe des tambourinaires. Nous
nous sommes exercés de 7 heures à 8
heures. Les jeunes filles montrèrent un
très boit esprit. Peu de personnes en dehors
des membres de la société dans la
salle; je suggère une réunion en
plein air. Acceptée d'enthousiasme. Nous
allons jusqu'au bout de la rue, minutes vraiment
excitantes. Après une courte réunion,
l'organise un défilé en zigzags avec
mes jeunes filles. Une foule se rassemble et
quarante personnes nous suivent dans la salle. Ma
concertina me fut d'un grand secours. Comme les
gens répondent rapidement à un appel
et à une direction !
Quand on sut que cette jeune
fille
aimante et zélée, qui, pendant des
années, s'était
dépensée sans compter parmi les
habitants de Barnet, partait en voyage en
Allemagne, l'affection sincère et le respect
des gens pour elle se manifesta de diverses
manières. À son insu, une collecte
avait été faite pour lui offrir un souvenir; mais,
ayant eu
vent de
la chose. elle déclara qu'un tel acte ne
s'accordait pas avec les règlements de
l'Armée du Salut. Cependant,
désireuse de plaire aux gens qu'elle aimait
profondément, elle demanda que l'argent soit
donné au poste, et qu'on lui permît de
décider de son emploi. On accepta avec
l'argent de cette collecte, elle fit fabriquer une
banderole, portant en lettres blanches sur fond
vert cette devise : « Quoi que ce soit Il vous
commande, faites-le. » Aujourd'hui ce texte
est suspendu au-dessus de l'estrade de High Barnet,
rappelant silencieusement celle qui vécut
parmi eux, pratiquant si bien ce qu'elle
prêchait.
Mme la Brigadière Richards,
de Corée, qui sous le nom d'Adjudante Kyle
commanda le poste de High Barnet pendant que Miriam
y était soldat, écrit :
J'ai plusieurs
souvenirs d'elle.
Le poste était si petit, qu'elle eut pour sa
part plusieurs devoirs à remplir, ce dont
elle se réjouissait. Bien qu'elle ne
fût pas très forte, il nous
était difficile de la retenir, tant elle
était désireuse
d'aider.
Parlant de son oeuvre parmi les
garçons, Mme Richards continue :
Comme elle cherchait le
bien en
eux ! D'un d'entre eux elle disait :
- Caractère difficile
parfois, mais il a si bon coeur pour sa mère
malade; il me demandait, les larmes aux yeux, de
bien vouloir la visiter.
Elle partit à
bicyclette,
et la visite amena des bénédictions
éternelles pour la femme
malade.
Miriam était aussi chef
de
chorale, elle arrangeait de telle façon la
répétition hebdomadaire, que les
chanteurs pouvaient assister à la
réunion en plein air. Une fois, me rendant
à la salle au lieu d'aller à la
réunion en plein air, j'écoutais
à la porte un moment. Le cantique en cours
d'étude était :
« Quelqu'un frappe à
la porte de ton coeur. »
Miriam arrêta
soudainement
le chant et, après quelques conseils sur
l'exécution des diverses parties, elle
rappela aux chanteurs le but principal de notre
chant : le salut des âmes. Elle les engagea
alors à mettre un peu plus de sentiments
dans les paroles. Je restai pour les écouter
chanter, et je vis que ses conseils avaient un
effet sensible sur l'esprit du
chant.
Un soldat rappelle avec plaisir
comment Miriam, lorsqu'elle était
trésorière, lui enseigna à
donner ses cartouches (3)
régulièrement. Il appartenait
à la chorale, et, tandis qu'il était
sorti pour chanter dans les rues les choeurs de Noël
pendant la
dernière semaine de l'Avent, elle lui dit
:
- Savez-vous combien vous devez
pour
vos cartouches, frère ?
- Non, mademoiselle
Miriam.
- Eh bien, vous devez sept
shillings; je les ai payés pour vous. Mais
je suis en ce moment un peu à court
d'argent, je désirerais fort que vous m'en
remboursiez au moins une partie.
Nous nous arrêtâmes sous
un réverbère, et je comptai mes sous.
Ah! elle avait une bonne manière de nous
enseigner notre devoir!
Le Lieutenant-Colonel Langdon,
qui
était Commandant divisionnaire du Nord de
Londres, pendant la plus grande partie du temps
où Miriam fut soldat, nous dit à son
sujet :
Je me la rappelle
surtout
intercédant auprès des âmes,
sous la galerie de la salle de High Barnet. Ah !
comme elle se cramponnait à elles. Autant
que je m'en souvienne, elle ne quitta jamais une
réunion, de prière avant la fin. Elle
restait pour combattre jusqu'au bout. Quand elle
venait à la réunion de recensement,
sa présence était réjouissante
et lumineuse; lorsque le programme comportait la
révision des noms proposés pour
l'exclusion de notre liste, comme elle plaidait
pour qu'une
nouvelle
occasion soit donnée aux trébuchants
et aux faibles!
- Nous devons les
revoir, nous
attacher à eux, leur faire sentir que nous
les aimons et les faire soupirer après Dieu,
disait-elle.
Elle ne voulait pas
abandonner
même les pires, les plus
désespérants.
Lorsque je vins
présider
son service commémoratif à son poste
d'origine, je priais pour que Dieu me donne un
message, et ces mots du Cantique des Cantiques
vinrent à ma pensée : « Mon
bien-aimé est descendu dans son jardin pour
cueillir ses lis. » Je rappelai que seules les
plus belles, les plus parfumées des fleurs
sont cueillies pour orner les palais des rois. La
famille du Général est vraiment un
jardin du Seigneur. Tous, dans ce jardin, furent
plantés par le Seigneur; tous servent son
peuple et les pauvres perdus. Seulement, le
Seigneur doit avoir une de ces fleurs pour son
palais là-haut. Il est venu, et il a cueilli
la plus pure, la plus douce fleur. Nous ne devons
pas la refuser à Dieu, ni au grand et
glorieux service qu'il a en réserve pour
elle dans l'au-delà.
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