De sa conversion jusqu'à sa
quinzième année, Miriam ne connut ni
choc, ni arrêt dans son expérience
spirituelle; constamment, comme un fleuve augmente
de volume et de force en coulant, ainsi sa vie
spirituelle progressait, sa foi ne connut aucun
nuage. Cependant, le moment vint où Miriam
fut assaillie par des doutes sérieux au
sujet des vérités fondamentales de la
religion. « Comment puis-je être
certaine de l'existence de Dieu ? Qui est-il ? Que
signifie être sauvé du
péché ? Puis-je être sûre
de mon salut ? » Ces questions et d'autres
semblables se posèrent à son esprit,
jusqu'à ce qu'elle se
sente ensevelie dans l'ombre et l'incertitude.
Terrifiée et
désespérée, elle confia ses
sentiments à sa soeur Catherine qui lui dit
avoir passé par les mêmes
expériences, mais elle avait triomphé
: la religion est une question de foi, et la foi
est en dehors du domaine de la raison pure. Il y a
des aides à la foi, mais l'âme ne se
trouve en parfaite sécurité que
lorsqu'elle croit en Dieu, et accomplit la
volonté divine comme elle est
révélée dans la Bible, sans
s'occuper des sentiments du moment.
Ainsi Miriam se débarrassa, une
fois pour toutes, de ses doutes et de ses
incertitudes; elle ne leur permit plus de la
troubler, de gâter sa joie ou d'amoindrir la
force de son âme. Dans la terrible fournaise
de la souffrance où elle fut plongée
les dernières années de sa vie, pas
une seule fois, la certitude du pardon de Dieu, la
confiance absolue en son amour et en sa puissance,
ne furent ébranlées. La victoire de
Miriam fut en proportion de sa foi.
Ce triomphe de la confiance sur le doute
marque une deuxième importante étape
de la vie de Miriam. Elle franchit la
troisième peu de temps après son
entrée à l'École d'Officiers. Suivant ses
lumières, elle avait toujours dit « oui
» à la volonté divine qui lui
était révélée.
Lorsqu'elle arriva à
l'École Militaire, elle avait conscience
qu'il n'y avait aucun désaccord entre son
esprit et l'Esprit de Dieu. Mais elle n'y
était pas depuis longtemps, qu'elle fut
rendue attentive à un certain état de
faiblesse sur quelques points où elle
n'avait pas, jusqu'alors, été
éprouvée.
Au foyer paternel, Miriam ne souffrit
jamais de frictions ou d'oppositions, mais à
l'École Militaire, entourée de deux
cents jeunes filles de tempéraments et
d'éducation les plus divers, elle sentit
vite la nécessité d'une
expérience spirituelle plus
profonde.
Bien qu'elle ne nourrît que de
bons et généreux sentiments envers
toutes ses compagnes, elle découvrit
bientôt que les autres pouvaient être
jalouses d'elle. Ce défaut lui semblait la
marque d'un petit esprit, qu'il faut supporter;
cependant, elle fut contrariée de rencontrer
de tels esprits. Elle aurait donné
joyeusement sa vie pour les plus pauvres et les
plus déchus, hommes, femmes ou enfants. Le
travail? Elle l'aimait par-dessus tout. Mais maintenant
elle comprenait
que
cette consécration ne suffisait pas, son
impatience envers lès gens ignorants,
étroits, sans
générosité, et sa forte
volonté personnelle de servir, pouvaient
gâter sa consécration et obscurcir son
âme.
Elle se confia de nouveau à sa
soeur Catherine. Alors seulement lui apparut le
sens de l'entière sanctification. Elle
comprit que Dieu lui demandait une offrande plus
difficile à consentir que ce service
où elle se complaisait. Il lui demandait de
s'abandonner complètement, d'être
prête à rester ou à s'en aller,
à être silencieuse ou à parler;
à patienter ou à agir, à
souffrir ou à servir. Personne dans son
entourage ne soupçonna l'étendue de
sa consécration. Néanmoins, sa soeur
constata qu'à ce moment elle
expérimenta définitivement la
sanctification. Elle connut le sentiment de George
Fox, écrivant : « Il ôta de mon
coeur tout ce qui n'était point doux et
aimable, puis Il ferma la Porte. »
À partir de ce moment, Miriam
marchait avec Dieu. Elle avait été
touchée du rayon qui illumina la vie des
saints de toutes les générations. Si
les autres lui montraient quelque froideur ou de
l'inimitié à cause de sa popularité,
popularité qui n'était que la
conséquence de son heureux esprit, elle ne
se départait point de sa douceur, tellement
que les spectateurs se demandaient parfois si elle
remarquait ou ressentait les dédains. Une
camarade dit d'elle : « Elle était
toujours prête à abandonner tout
honneur ou toute marque de préférence
pour elle-même, mais elle défendait
les autres contre toute injustice. »
Le souvenir du passage de Miriam
à l'École Militaire est toujours
vivace parmi les officiers. La Colonelle Lawrance,
la Principale de la branche féminine a
l'École déclare :
Elle possédait à un
degré remarquable l'esprit de notre ancien
Général. Parmi toutes les brigades
rentrant à l'École, je reconnaissais
toujours, sans la voir, celle de la sergente
Miriam. Le pas des cadettes de cette brigade
sonnait la victoire. Partout où elles
passaient, elles faisaient croire aux gens que la
grâce de Dieu est salutaire pour tous les
hommes.
Oh! son amour pour le
peuple!
À l'entendre parler, vous auriez cru que
Shoreditch (1)
était le lieu le plus beau de la
terre.
Elle avait toujours en
main
quelques cas particuliers : la recherche d'une
fille égarée; le soin d'une mère malade ou d'un
vieillard solitaire; le placement d'un mari ou d'un
chef de famille momentanément sans travail.
Elle ne se lassa jamais d'aider, d'aimer et
d'introduire dans le Royaume de Dieu. Si j'avais
été une pauvre pécheresse
perdue, qu'elle se soit mise à mes trousses,
elle m'aurait sûrement capturée. Dans
sa vie spirituelle, aussitôt qu'elle recevait
une révélation de la volonté
divine, elle s'inclinait et se mettait en devoir de
l'accomplir.
Elle suivait toujours
le chemin
tracé par Dieu, et elle échappa ainsi
aux difficultés et aux misères dont
souffrent les rebelles. Mon seul regret au sujet de
Miriam, c'est de n'avoir pas insisté
davantage pour qu'elle ménageât sa
santé et ses forces pendant son
séjour à l'École Militaire.
Mais l'entreprise eût été aussi
vaine que d'essayer d'arrêter le
Niagara.
La Brigadière (2)
Marie Jordan,
qui fut le chef direct de Miriam pendant son
séjour à l'École Militaire, se
la rappelle avec la plus affectueuse estime. Elle
déclare :
Parfois, après la
rentrée de Miriam et de sa brigade, le soir,
elle frappait à ma porte et me demandait si
elle pouvait entrer. Assise sur une chaise basse en
face du feu, elle repassait avec enthousiasme les
faits de l'après-midi et de la
soirée; elle me demandait conseil sur les
situations embarrassantes. Et regardant sa jolie
figure
empreinte de pureté, d'intelligence et de
zèle, je l'aimais.
Nous eûmes plus d'une
conversation intime pendant cette demi-heure du
souper. Je savais qu'elle deviendrait très
populaire lorsqu'elle serait livrée à
ses propres responsabilités, et je sentais
le besoin de la sauvegarder des pièges de la
popularité.
- Il faudra vous tenir
en garde
contre la tentation du succès, Booth, lui
répétais-je souvent. S'il vient
à vous, ne vous en laissez pas enivrer au
point d'en perdre la tête. Mettez toujours
Dieu à la première place. Si vous
amusez les gens, ils vous flatteront et c'est tout
ce que vous obtiendrez ici-bas, et rien de plus
dans le ciel; mais si vous cherchez les âmes,
vous les gagnerez à Dieu, et les gens vous
aimeront.
Ses grands yeux levés
vers
moi, elle me répondait d'un hochement de
tête approbatif. C'était l'âme
la plus humble et la plus docile. Son tact
était merveilleux. En une minute, elle
envisageait une situation, même la plus
embarrassée, et gouvernait de manière
à éviter toute collision. Je me
souviens que, lorsqu'une des cadettes était
sa rivale dans une branche d'étude, elle
s'arrangeait pour travailler en commun avec elle et
maintenait ainsi les bonnes relations.
Rien de la froide
austérité dans la religion de Miriam;
elle pouvait participer à quelques
plaisanteries avec les plus joyeuses, et elle en
goûtait toute la saveur. La Brigadière
Jordan était
célèbre parmi les cadettes, pour sa
riche collection d'anecdotes et d'incidents
empruntés à sa longue
carrière; ces histoires prêtaient
à sa classe un charme particulier. Miriam
n'était pas une de ses élèves;
elle demanda la permission d'assister à son
cours. Laisser choisir à deux cents jeunes
filles leur professeur préféré
était chose absolument impossible. On ne
pouvait faire exception même pour Miriam; sa
requête fut rejetée.
- Je viendrai à votre cours
malgré tout, répliqua-t-elle
malicieusement.
Mais la Brigadière tint ferme.
Dispensée des travaux de la journée
pour une légère indisposition, Miriam
s'arrangea pour se glisser avant l'heure de la
classe de la Brigadière dans la salle
où elle avait lieu, et elle se cacha entre
les chaises. La leçon commença, mais
cette figure espiègle qui apparaissait au
niveau des sièges était plus que n'en
pouvaient supporter les cadettes. Des signes
indubitables de distraction se manifestaient. Deux
fois elles furent rappelées à
l'ordre, la troisième fois la
Brigadière demanda fermement:
- Mais qu'y a-t-il, enfin ?
Et Miriam, se dressant sur ses deux
s'écria :
- Je suis venue à la
leçon, Brigadière.
Un moment, le professeur contempla en
silence, stupéfaite, la coupable; puis,
saisissant un plumeau, elle fit un pas vers elle en
commandant:
- Sortez !
Et, parmi les éclats de rire,
Miriam s'enfuit.
Elle était si joyeuse que
très peu de personnes
soupçonnèrent qu'elle puisse avoir
aussi ses moments d'écrasante solitude,
d'ennui et de nostalgie. Dans une lettre à
une amie, elle déclare :
Je suis tombée
récemment sur ces mots qui me touchent
vraiment :
« Le Christ ne nous
conduit
jamais dans des lieux sombres où il ne nous
ait précédée. Celui qui veut
entrer dans le Royaume de Dieu doit entrer par la
porte. »
Sûrement, la solitude
et
l'isolement sont un de ces lieux sombres. Il l'a
connu. Il est réconfortant de me le dire,
car il est des moments où je me sens
terriblement seule.
Dans son journal, nous pouvons lire
entre les lignes les preuves de
son affection pour le foyer familial et pour ses
bien-aimés.
Elle écrit :
À la maison aujourd'hui. J'ai
rencontré maman à la gare de Finsbury
Park. Il est si bon de se trouver avec elle, ne
serait-ce que pour un moment. Je sentais que je ne
désirais plus bouger.
Réellement à la
maison. Voyagé avec Catherine. Que c'est
doux! Acheté des fleurs pour l'anniversaire
de papa. Il s'est arrangé pour revenir
à temps, afin que nous puissions prendre le
thé ensemble. Que c'est délicieux
d'être à la maison! Chacun pense que
j'ai vraiment une mine merveilleuse.
Ses yeux étaient toujours aux
aguets pour découvrir une occasion d'aider
quelqu'un dans le besoin. En revenant d'une course
à Hadley Wood, elle remarqua, à la
gare de Finsbury Park, un homme qui chancelait
comme s'il était sous l'influence de la
boisson. S'approchant, elle découvrit qu'il
souffrait terriblement, un insecte s'étant
introduit dans son oeil. Elle le débarrassa
de ses paquets, le fit asseoir, et avec son
mouchoir mouillé à une fontaine, elle
enleva la cause de souffrance. Puis, après
quelques paroles de réconfort, elle reprit
sa route.
La Semaine de Renoncement à
l'École Militaire fut une cause de grande
joie pour Miriam. Peu de temps avant que l'appel ne
commençât, elle eut une attaque de
rougeole.
Me sentis très mal cette nuit,
écrit-elle dans son journal; et ce matin une
éruption couvre ma figure.
L'infirmière a diagnostiqué une
attaque de rougeole. Elle ne pouvait
réellement venir à un plus mauvais
moment. Toute ma Semaine de Renoncement perdue.
Mais je ne puis rien y faire, je dois rassembler
toutes mes affaires et me rendre au pavillon
d'isolement. Je suppose que me voici ici pour trois
semaines!
Un peu plus tard, elle écrit
:
Bénie abondamment et
aidée par ma lecture de ce matin (Psaume
24:4). Sentie réellement
délivrée de mes terreurs de la nuit
dernière. Journée calme :
écrit des lettres et lu.
Préparé des notes pour mon usage
personnel.
Un peu plus loin :
Retraite spirituelle aujourd'hui,
et
je ne puis y être. À peine si je puis
retenir mes larmes; je n'y arrive pas
complètement. J'attendais ce jour avec tant
de joyeuses espérances. Je disais à
papa : « C'est une oasis dans le désert
de mes expériences. » Les heures
semblent longues, mais je lis et je dors. Me suis
glissée sur le palier pour écouter
les chants dans la salle de conférences.
Convalescente, elle écrit
:
Commencé la
désinfection aujourd'hui. Je me suis tenue
dans le jardin et j'ai entendu une grande partie de
la conférence du commissaire.
Miriam fut jugée assez bien pour
prendre part à la collecte en ville pendant
la Semaine de Renoncement. Jour après jour
elle se tenait, la tirelire à la main,
à la Bourse, à la gare de Liverpool
street ou ailleurs. Elle n'était pas si
pressée par le désir d'obtenir des
dons qu'elle en oubliât le but principal de
sa vie : elle cherchait le but principal de sa vie:
elle cherchait les occasions de bénir les
âmes et de dire une parole
réconfortante. Un vieux marchand de fruits
et de fleurs renversa sa charrette près de
l'endroit où elle se tenait, elle
s'élança à son
secours.
Plus tard, parlant de ses
expériences à une amie, Miriam
déclarait:
Il y avait un monsieur qui ne
croyant
pas que je fusse réellement la petite-fille
de Général fondateur; il semblait
terriblement excité contre l'Armée.
IL disait que c'était une de nos ruses pour
soutirer l'argent des poches, car certainement la
petite-fille du Général ne se
tiendrait pas debout aux carrefours de la ville
pour quêter. Cependant, lorsque je me fus
éloignée un peu, un autre monsieur
lui dit:
- Vous savez que c'est
vraiment
la petite-fille du Général
Booth.
Et convaincu enfin, il
me suivit,
s'excusa de son impolitesse, et mit deux souverains
dans ma tirelire. À la Bourse, un juif, qui
m'avait connue à Hadley Wood, me
dit:
- Venez ici; vous
pouvez vous
tenir à mes
côtés.
Il commença à crier ses
actions en vente, tout un cercle de banquiers et de
boursiers nous entoura. Chaque fois que l'un d'eux
s'approchait pour acheter, cet agent de change
montrait la tirelire et disait:
- La petite-fille du
Général Booth!
Et il lui fallait
verser quelque
argent dans ma tirelire, car il avait tout l'air de
s'y attendre. Lorsque je quittai cette place, ma
tirelire s'était alourdie du poids de vingt
livres sterling (500 francs or).
Je me tins une fois à
la
porte d'un restaurant. De nombreux étrangers
entraient et sortaient. J'écoutais
attentivement, chaque fois que j'entendais parler
français ou allemand, je secouais ma
tirelire et je demandais un don dans la langue
entendue. Règle générale, la
joyeuse surprise du passant le poussait à
porter la main à sa poche et à me
donner quelque chose. Un agent de change vint
à moi et glissa quelques sous dans ma
tirelire. Il me parla de ses ennuis. Il semblait
très abattu; il avait mal à la gorge;
pour se guérir il avait
dépensé une centaine de livres (2.500
francs or), il avait entrepris un long voyage, tout
cela sans résultat.
- Avez-vous essayé la
prière? lui demandai-je.
- La prière ? Vous ne
prieriez pas pour un mal de gorge, sûrement?
Voyons, pourquoi priez-vous?
Je m'efforçai de lui
faire
comprendre que nous prions pour ce qui nous
semblait le plus important.
- Par exemple,
monsieur, nous
avons prié toute cette semaine pour avoir de
l'or dans nos tirelires, lui dis-je.
Il sourit d'un air
incrédule comme pour dire :
« J'espère que vous
en aurez; priez toujours. » Et il s'en
alla.
Presque aussitôt, un
vieux
monsieur de l'autre côté de la rue me
fit signe de la main, et il envoya un messager
porteur d'un souverain en or.
L'agent de change
repassa un peu
plus tard, il me cria d'un ton de moquerie
:
- Les prières ont-elles
été exaucées?
- Oui, lui répondis-je
immédiatement.
Il traversa la rue pour
venir se
rendre compte. Je crois qu'il était
réellement ému. Des larmes brillaient
dans ses yeux :
- Moi aussi, je vais
prier,
dit-il. Je crois que vous avez
raison.
Cette place était des
plus
intéressantes. J'y étais le vendredi,
et un pauvre homme vint à passer, poussant
une voiture de marchand ambulant. Il me fit signe
et j'allai à lui.
- Quand cela se
termine-t-il ? me
dit-il.
Je compris tout de
suite qu'il me
parlait de la Semaine de
Renoncement.
- Demain, lui
répondis-je.
- Bien, me confia-t-il,
j'ai
épargné pour vous, toute la semaine.
Je vous donnerai demain ma petite
part.
Et il partit poussant
toujours sa
charrette.
Oh ! mais il faut que
je vous
conte ceci. J'étais à la gare de
Liverpool street, un gros homme passa. Il avait une
figure rubiconde, l'air en colère et,
lorsque je secouai ma tirelire, il
accéléra le pas en criant
:
- Non, j'ai déjà
été sollicité mille fois
aujourd'hui.
J'étais effrayée
lorsque je le vis revenir un peu plus tard. Mais je
pensai qu'il valait mieux saisir le taureau par les
cornes; aussi j'agitai de nouveau ma tirelire et je
lui dis d'un ton
désespéré
- Une mille et unième
fois.
Il sourit et glissa
deux
shillings dans ma tirelire, en me disant d'un ton
rogue :
- J'espère que vous ne
dépenserez pas tout au cabaret
!
J'eus avec lui une
longue
conversation sur la façon dont nous
dépensions notre argent, et il partit
l'esprit plus tranquille.
Une cadette de sa promotion nous
raconte:
Je me rappelle les
dernières soirées de la Semaine de
Renoncement. La figure de Miriam était
couverte d'éclaboussures quand elle rentra
à l'École Militaire, mais elle
rayonnait d'enthousiasme, et sa tirelire rompait
presque sous le poids. Dans son excitation pour
voir le
contenu
de nos tirelires, elle sauta sur la table
derrière laquelle la Colonelle se tenait
pour ouvrir les tirelires. Elle insistait pour
partager l'argent qu'elle avait collecté
avec celles d'entre nous qui avaient de la peine
à atteindre leur but.
Quelques semaines plus tard,
Miriam
accompagnait Mme Booth à Berlin pour la
campagne de Pâques. Elle écrivit
à une amie :
En réalité, je ne
désirais nullement quitter ma brigade, mais
le Commissaire Howard me suggéra de me
rendre à Berlin; il me parla d'un horizon
plus vaste et du besoin de nous garder de toute
étroitesse, aussi je n'osai rien dire de
Shoreditch. Et puis. il serait si doux de me
trouver plusieurs jours avec maman et de rencontrer
à nouveau les camarades allemands. Je crains
d'avoir à parler en allemand dans les
réunions.
Pendant le voyage de retour,
elle
écrivit dans le train :
Nous avons eu une
merveilleuse
campagne. Temps magnifique comme en
été; nous craignions de ne
réunir que de faibles auditoires. Mais les
foules se pressèrent aux réunions;
nous vîmes environ cent cinquante personnes
cherchant le Seigneur. Magnifique. Naturellement,
j'ai dû me lancer en plein allemand et je me
suis surprise moi-même. Chacun a
été si aimable et les compliments au
sujet de mon accent, si nombreux
que je me sens réellement encouragée.
Ma chère mère a travaillé
d'une manière merveilleuse et elle ne semble
pas trop fatiguée. Et maintenant nous sommes
en route pour le retour. Dans quatre semaines nous
dirons adieu à l'École taire. Mon
espérance est en Dieu. Sûrement, il
doit nous donner sa grâce et sa force pour
nous rendre, en dépit de nos faiblesses,
capables d'accomplir la grande mission de ses
ambassadeurs parmi les hommes. L'épouvante
me saisit rien que d'y penser : « Laisse
emporter par le Vent tes craintes »,
voilà ce que je me répète
continuellement.
Comme la session approchait de
sa
fin, le souvenir de ses deux heureuses
années à l'École Militaire
pousse Miriam à qu'examiner avec plus de
soin. Nous trouvons dans son journal :
Journée de retraite. Et
la
dernière. Chaque minute semble
précieuse. Heures vraiment merveilleuses. Ce
soir, engagements solennels. J'ai dit au Seigneur
que j'étais prête à tout
abandonner, si cela valait mieux pour son
royaume.
Personne ne songeait que cette
consécration allait être exigée
d'elle dans toute sa plénitude.
Pendant quelques semaines, la
santé de Miriam n'avait pas
été satisfaisante. Une douleur dans
son côté, et parfois de la température
élevée incompréhensible au
docteur, causaient une certaine inquiétude
à son entourage. Dans son journal, en mai
1911, il y a trois brefs paragraphes :
Le docteur est venu; il
semble
prendre mon mal au sérieux.
Commencement du Congrès
Social International. Thé pour l'Etat-Major
à la Salle du Congrès. Les cadettes
servent à table. Je fus autorisée
à me rendre à la salle à
l'heure du thé. Réjouissant de voir
les délégués des Territoires
d'au delà des mers.
Je pensais me rendre à
la
maison aujourd'hui, mais le docteur est venu, et il
n'a point voulu en entendre parler.
Attristée qu'il soit venu, car maintenant je
ne verrai plus papa et maman avant de recevoir ma
commission d'officière.
Malgré ces conditions peu
satisfaisantes, on ne redoutait rien de très
sérieux, jusqu'au jour où les
cadettes devaient recevoir leur commission, jour
que Miriam avait désiré plus que tout
autre jour. Dans quelques heures, son brevet de
capitaine de l'Armée du Salut et sa
nomination à l'oeuvre de jeunesse en
Allemagne lui seraient donnés par le
Commissaire Howard. Mais des symptômes
alarmants apparurent soudainement, et au lieu de se
rendre avec les autres cadettes au « Congress Hall
», elle fut
transportée dans une clinique. C'est dans
cette occasion que se manifesta sa sanctification.
Toutes ses espérances déçues,
obligée de lutter pour ne point pleurer,
elle sourit et agita sa main en signe d'adieu
à la Colonelle Lawrance, lorsque,
accompagnée de sa soeur Catherine, elle
quitta l'École.
- Tout est bien, Colonelle, tout
est
bien, cria-t-elle.
Comme l'ambulance passait devant
le
Congress Hall, elle dit à sa soeur, en
considérant les gens qui attendaient
l'ouverture des portes:
- Quelle grande foule,
Cath.
Ce jour-là, la plus grande
habileté humaine ne servit de rien, et la
Capitaine Miriam entra dans la fournaise de
l'affliction. Pendant dix-huit mois, elle fit tout
pour retrouver la santé et reprendre son
service. Elle sembla un moment avoir
triomphé de la maladie, et les
espérances et les prières de ceux qui
l'aimaient semblaient devoir être
exaucées.
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