De la mère de l'Armée, Mme
la Générale Catherine Booth, Miriam
ne gardait qu'un unique souvenir. Elle se
rappelait, à l'âge de trois ans, avoir
été conduite dans la chambre de la
malade. Elle portait sa poupée dans ses
bras, et sa grand'mère lui recommanda de
bien soigner la poupée, et de veiller
à ce qu'elle n'eût pas froid.
Par contre, sa mémoire
constituait un véritable magasin où
s'entassaient les souvenirs du
Général William Booth, son
grand-père. Parlant avec des amis, quelque
temps avant sa mort, Miriam
s'exclamait en réponse à une question
:
- S'il me manque? Mais il me manque
toujours plus chaque jour!
Elle regarda par la fenêtre, et
ses yeux étincelaient quand elle continua
:
- Vous savez, je le connaissais si bien.
Chacune de ses photographies me rappelle un trait
de caractère que j'ai compris.
Elle écrivit une fois :
Je pense que, dès ma plus
tendre enfance, le trait de caractère de mon
père qui fit la plus profonde et la
première impression sur moi, ce fut son
infatigable dévouement au cher vieux
Général, son père à
lui. Chacun de nous, à la maison, savait que
la parole du grand-père faisait loi. Ses
désirs devaient nous plaire, et dès
notre enfance, nous apprîmes que si nous
voulions réellement plaire à papa, il
nous fallait plaire à
grand-papa.
Grand-papa fut le héros de Miriam
dès ses premières années. Elle
n'était pas effrayée par ses
manières austères. Elle recherchait
sa société aussi souvent que
possible, elle lui racontait ses joies et lui
confiait ses ennuis. Lorsqu'il était absent,
elle s'intéressait au récit de ses efforts avec un
amour et
une admiration qui confinaient à
l'adoration. La première lettre,
écrite à l'âge de huit ans et
conservée par le Général, est
une description effrayante d'un poney qui
s'était emballé avec sa voiture,
à Hadley Wood, et s'était
cassé une jambe Le grand-père
trouvait dans cette enfant, enthousiaste et
sensible, assez de traits de son caractère
à lui pour les considérer siens, et
assez de qualités de la grand'mère
pour le charmer entièrement.
D'autres que lui notèrent cette
combinaison des deux caractères, et la
Commissaire Booth-Hellberg écrivait à
ce sujet :
Quelques traits de son
caractère me rappelaient beaucoup mon
père, et d'autres ma mère. Son
goût de l'humour, ses promptes
réparties spirituelles, sa façon
énergique de faire face aux
difficultés et d'en triompher, sa foi
illimitée dans le pouvoir immuable de Dieu
pour accomplir des miracles, me faisaient penser
à son grand-père. Tandis que sa
tendre compassion pour les faibles, sa
compréhension de leurs combats et de leurs
tentations, et même de leurs
péchés, - qu'elle s'efforçait
de cacher ou, lorsqu'ils étaient
découverts par un autre, qu'elle jugeait
avec tant de charité, - toutes ces
qualités me rappelaient ma mère d'une
manière frappante. Parfois, pendant les soirées
pathétiques à « Rookstone » (1),
assise
près de mon père aveugle et lui
donnant la main, nous parlions de Miriam; il me
disait :
- Elle ressemble tant à
sa
grand'mère, elle lui ressemble
tant!
Dans un article, « Premiers
souvenirs de mon grand-père », qui
parut dans le Cri de Guerre, il y a quelques
années, Miriam donne un aperçu des
relations simples et heureuses qui existaient entre
le vieux Général et les enfants du
Homestead :
Noël, dans la plupart des
foyers, est un temps de joie et de bonheur,
écrit-elle; mais je pense que chez nous il
l'était plus que partout ailleurs. Un des
principaux événements de ce jour
consistait à aller chanter nos cantiques de
Noël à la porte du cher
Général, quand il était en
Angleterre à ce moment-là. Quels que
soient les plans que nous ayons faits pour ce jour,
notre fête de Noël commençait
toujours par cette visite-là.
Je me rappelle très
bien
ces matins de Noël; nos courses à
travers le jardin avec nos instruments de musique :
violons, guitares et cornets à pistons,
jusqu'à la maison du Général;
nos joyeuses sensations; le visage fouetté
par le froid, excités par
l'obscurité, nous essayions de nous glisser
sans bruit jusqu'à la
porte de la chambre à coucher du
Général. afin de le surprendre. Nous
avions généralement
préparé quelques nouveaux choeurs de
Noël, mais nous prenions grand soin de ne pas
oublier son cantique favori : « Quand
Jésus naquit dans une crèche »,
avec le choeur : « Pour sauver un
pécheur comme moi ». Nous terminions
toujours par : « Quand l'appel sonnera
là-haut, je serai là.
»
Hélas! un matin de
Noël nos bas se trouvèrent remplis de
choses si intéressantes, que nous
oubliâmes l'heure. Imaginez notre surprise et
notre consternation, quand nous entendîmes le
bruit de la canne du Général frappant
à coups redoublés le carrelage du
vestibule et la voix de stentor de notre
grand-père entonnant : «
Chrétiens, éveillez-vous. »
Immédiatement, nous nous cachâmes sous
les couvertures, mais le Général
monta dans nos chambres; il nous amusa fort en
piquant du bout de sa canne les occupants de chaque
lit, soulevant ainsi les éclats de rire de
toute la société.
Le Général a
toujours été anxieux de nous voir
remplis de l'esprit du véritable salutiste.
Nul détail de nos efforts enfantins pour
vivre en soldats de l'Armée du Salut ne le
laissait indifférent ou ne lui paraissait
indigne de ses préoccupations. C'est en
prenant le thé avec lui, les
après-midi où le
Général était chez lui, que
nous eûmes les meilleures conversations sur
toutes sortes de sujets relatifs à la guerre
du Salut. Les faits et gestes de notre petit poste
étaient souvent discutés et le
Général nous fournissait son aide dans
la
préparation de nos réunions; il nous
entretenait de thèmes comme : « Les
textes qui conviennent à la réunion
du dimanche soir », ou bien : « Comment
annoncer une collecte. » Je me rappelle bien
une certaine occasion, où le
Général nous parla d'une de ses
réunions de la Semaine de Renoncement
où l'on trouva à la collecte 120
livres (3.000 francs or). Le même jour, nous
tenions une réunion dans un petit village de
notre district, et la collecte ne produisit que 13
shillings (16 francs or). Le Général,
malgré ses nombreuses et importantes
occupations, ne manqua point de nous interroger sur
les résultats de notre réunion. Avec
hésitation, nous lui parlâmes de la
petite somme collectée, mais il vit
promptement notre
désappointement.
- Je trouve ce résultat
magnifique, dit-il, et j'ose dire qu'aux yeux de
Dieu, il y avait plus d'effort et de sacrifices
dans cette collecte de 13 shillings que dans mes
120 livres.
L'exemple et les propos du
Général étaient toujours
présents à la pensée de
Miriam. Par exemple, comme on lui disait qu'un
certain édifice était froid, elle
répliqua :
- Quelle négligence! Ne pas
avoir de feu dans cette salle. Pas étonnant
qu'il y ait eu si peu de personnes. Sans doute les
gens sont allés au cinéma, où
il faisait chaud. Notre ancien
Général disait : « Vous ne
pouvez avoir une bonne réunion de
sanctification avec des auditeurs aux pieds froids.
» Je ne sais pas ce qu'il dirait d'une
réunion de salut dans de telles
circonstances.
Miriam, en grandissant, devint
une
cause toujours plus grande de joies et de
réconfort pour son grand-père. Dans
le journal de la jeune fille, nous trouvons ces
lignes :
Le Général parle
des services que je puis lui rendre en lisant les
brouillons de ses manuscrits. Il m'a envoyé
une charmante lettre ce matin et dix shillings, me
disant que, puisque je dois devenir sa
secrétaire, il se sentait responsable en
partie de mon confort. Bien aimable de sa part,
lettre et argent furent les
bienvenus.
Un des plaisirs du
Général était de voir Miriam
présider le thé l'après-midi,
quand parfois, dans les dernières
années, il dirigeait les affaires de
l'Armée, à Hadley Wood. Dans une
certaine occasion, il faisait remarquer à un
officier qui était avec lui :
- Nous attendrons un moment,
Miriam
va venir nous verser le thé.
Les yeux gris, perçants,
prirent alors une expression rêveuse. Le
Général sembla tomber alors dans une
profonde
méditation. Puis il murmura :
- Avez-vous remarqué ses
yeux? Tout à fait les yeux de sa
grand'mère.
Gaie comme un rayon de soleil,
Miriam se joignait à la petite
société, et avec le tact d'un coeur
à l'affection vigilante, elle égayait
cette demi-heure, elle la rendait réellement
reposante.
Quelquefois, elle encourait le
mécontentement du Général. Si
elle avait mérité une gronderie, elle
l'acceptait et promettait de s'efforcer de
s'amender, mais si elle savait n'avoir point tort,
ou qu'elle avait de bonnes raisons de croire que
quelqu'un était blâmé
injustement, les yeux brillants qui ne cillaient
point, un rire joyeux sur les lèvres, elle
tenait tête au Général.
Personne n'appréciait comme lui un franc et
loyal adversaire.
Miriam suivait avec
intérêt le récit des faits et
gestes du Général, dans ses
tournées en Angleterre et à
l'étranger; elle se faisait un point
d'honneur d'aller le conduire à la gare au
moment du départ, et de l'accueillir sur le
quai au retour.
Il était vraiment
aimable
avec nous les enfants, dit-elle une fois. Quand j'y
pense, la manière dont il accueillait nos
manifestations intempestives et extraordinaires,
était fort bienveillante. À n'importe
quel moment qu'il partit, notre groupe
l'accompagnait à la gare. Nous formions une
étrange petite bande, en ce temps-là;
nous allions pieds nus et portant un drapeau pour
saluer le départ de notre grand-père.
Grand-papa et papa marchaient en avant en grande
conversation, et nous, nous suivions
derrière, jacassant tout le long du chemin.
Après le baiser d'adieu, quand le train
partait, nous agitions notre drapeau et criions de
toute la force de nos poumons. Je me demande
combien de grands hommes auraient supporté
cela.
Dans son journal, nous trouvons
ce
passage:
Le Général est
arrivé ce soir, après son long voyage
en Amérique. *Il semble en très bonne
santé, quoique nous ne puissions nous
empêcher de constater qu'il a
considérablement vieilli. Nous sommes
reconnaissants à Dieu de l'avoir
ramené sain et sauf parmi nous.
Naturellement, papa revint avec lui à Hadley
Wood. Nous avions retenu une voiture, mais le
Général dédaigna notre «
affectueuse attention » et fit le chemin
à pied d'un pas vif. Bernard, Cliffe (2)
et moi nous
étions à la gare,
maman et Catherine l'attendaient à «
Rookstone ».
Quand le Général
voyageait. Miriam l'approvisionnait de gentils
messages, qui devaient lui être comme autant
de fleurettes d'amour pour parfumer la vie du vieux
guerrier solitaire. Les lignes suivantes nous en
offrent un échantillon :
Nous avons lu dans le
Cri de
Guerre le récit des moments bénis,
dont vous avez joui, et plus noue les lisions, plus
nous désirions être avec vous.
Particulièrement aujourd'hui et demain,
quand vous serez avec Cath (3)
à
Bath. Nous prions Dieu pour que vous ayez une
journée bénie de toutes
façons.
Marie est partie avec
papa et
maman. Je suis dans une misérable condition
sans elle, mais je tiens ferme et à la
maison et au poste. Notre Adjudante est en
vacances.
Elle terminait en donnant des
nouvelles de 14 mort du chat, de « Carlo
» (4),
qui
était en bonne santé, des vacances
des enfants :
Hier, je les ai
conduits au bain
et ils s'en sont donné à coeur joie,
sautant et se jouant comme des poissons dans l'eau.
Dans les Souvenirs
déjà cités, Miriam
écrit :
Pas un grand-père, je
pense, n'écrivit autant ses petits-enfants
que le Général. Bien que toujours sur
le front de bataille, écrasé par de
multiples fardeaux, portant la
responsabilité de quelque voyage à
l'étranger, ou de lourdes campagnes en
Angleterre, le Général trouvait
toujours le temps d'envoyer un joyeux et affectueux
message écrit de sa propre
main.
Une fois, il m'écrivit d'une
ville à l'étranger :
« Nous avons des
réunions merveilleuses. Je ne puis me
rappeler rien qui les surpasse. Je voudrais que
vous puissiez être ici avec moi pour me
chanter un solo de temps à autre, mais la
réalisation de ce souhait doit être
remise à d'autres temps. Vous lirez les
comptes rendus de ces réunions dans le Cri
de Guerre, mais ils ne peuvent décrire
qu'imparfaitement l'impression faite dans les
diverses villes où nous tînmes nos
réunions. Quelles magnifiques occasions
d'agir s'offriront à l'Armée dans
l'avenir. Dieu vous bénisse, ma chère
fille, et qu'il vous prépare pour le
rôle que le Maître, je crois,
désire vous voir jouer. Je pars pour Rome
aujourd'hui. Oh! que j'y puisse dire quelques
paroles qui honoreront mon Maître et
sauveront l'âme de quelqu'un.
Lorsque Miriam entra à
l'École Militaire, le Général
fut très heureux. Dans son journal, à cette date,
Miriam écrit de courtes notes dans le genre
de celle-ci :
Couru dire bonjour au
Général. Il fut très aimable.
Il a parlé merveilleusement bien à sa
réunion d'anniversaire hier
soir.
Au moment de la réunion
d'ouverture du Congrès International des
Oeuvres Sociales, dans les premières
semaines de l'été 1911, à la
veille de sa maladie, Miriam écrit
:
Je fus autorisée à
aller voir le Général à
l'heure du thé, lorsqu'il reçut les
délégués au Congrès. Il
fut très affectueux pour moi. J'ai bu le
thé à même de sa tasse et j'ai
partagé son pain et son
beurre.
Sa maladie causa un profond
chagrin
à son grand-père. Lorsque l'enfant
qu'il aimait si tendrement, et pour laquelle il
rêvait une glorieuse carrière, dut
s'aliter, on ne pouvait considérer sans
émotion ce grand vieillard, âgé
de plus de quatre-vingts ans, presque aveugle et
déclinant rapidement, s'efforçant de
réconforter la jeune fille. Lui
écrivant, quelques jours après
qu'elle eut été frappée par la
maladie, il disait :
Je me sens poussé à
vous envoyer ces lignes par la
chère Marie, qui, je l'apprends, aura le
plaisir de vous chuchoter un mot d'affection
à l'oreille, ce matin. Ce plaisir m'est
interdit, aussi je vous envoie mon gribouillage
pour remplacer ma visite. Je ne puis pas vous dire
combien je suis reconnaissant envers le Seigneur
pour ses bontés à mon égard.
Son saint nom soit béni! Vous devez vous
hâter lentement dans votre convalescence.
Vous avez passé par une grande
épreuve, et il vous faudra de la patience et
du temps avant que vous ne retrouviez votre
santé parfaite et votre première
vigueur. Mais Dieu vous aidera, et nous aurons la
joie de vous voir accomplir, comme auparavant,
votre oeuvre de guérison des coeurs
blessés, de découvertes des
prodigues, et du salut des âmes. Mes yeux ne
veulent pas me laisser écrire tout ce que je
désirerais. Tout mon amour,
chérie.
Votre grand-père affectueux.
S'il quittait Londres pour quelques jours, il
lui envoyait une couple de lignes dans le genre de
celles-ci :
J'aurais dû aller vous
voir
et vous embrasser, hier soir. Pardonnez-moi. Je
serai de retour demain et j'espère vous
trouver en meilleure santé.
Ou bien encore :
Je suppose que vous
êtes
bien seule ce soir. Papa parti à Manchester
et maman en Irlande. Cependant,
il vous reste Dora et Olive pour vous soigner.
Relevez votre courage, ma chérie. Je
désire tout simplement que vous sachiez que
je pense à vous.
Une fois, comme la chère
malade traversait une crise spirituelle, il lui
écrivit :
C'est le moment pour
vous,
chère Miriam, comme pour moi, de montrer la
foi dont nous avons parlé et que nous avons
chantée. Et vous le ferez. Je suis sûr
que vous voulez le faire, ma chérie; et je
veux, de mon côté, combattre fermement
le même combat. Dieu vit, j'en suis certain.
Il est amour et miséricorde, j'en suis
certain. Il se soucie de vous et il vous donnera le
meilleur pour le moment présent et pour
l'éternité, j'en suis
également certain.
Elle lui manqua beaucoup, quand
elle
quitta la maison pour un changement de climat, et
parfois un écho de cette privation se
glissait dans ses lettres :
Dora et Wycliffe
viendront
prendre le thé avec moi, mais quand Miriam
viendra-t-elle ? Je ne devrais pas demander cela,
car je sais qu'elle a déjà
elle-même posé cette question bien des
fois. Je me sens tout à fait perdu ici sans
vous. Il me semble étrange, qu'après
avoir attendu si longtemps, si patiemment et si
anxieusement que vous franchissiez le tournant
critique pour que vous puissiez nous rejoint un
peu, - même beaucoup, - vous disparaissiez.
Enfin nous
devons
être patients, et les choses s'arrangeront un
peu mieux à notre gré qu'elles ne
l'ont été ces derniers mois. J'ai
pour ma part des hauts et des bas, dans mon
état de santé comme dans mon humeur.
J'ai passé un mauvais quart d'heure sur le
steamer, en revenant de Flushing, mardi dernier. Je
pars à Tunbridge Wells pour dimanche. Dieu
soit béni, Il peut et veut m'employer
malgré mes infirmités.
La dernière lettre du
Général à Miriam fut
écrite par portions, peu de temps avant
l'opération suprême de ses yeux. Quand
il s'interrompait, il ne voyait plus, il fallait
que sa main soit replacée à l'endroit
où il devait recommencer. Miriam souffrait
d'un rhume et le Général lui
écrivit :
Il m'est interdit
d'aller au
Homestead, j'aurais tant aimé jeter un
regard sur vous. J'espère que vous serez
débarrassée de votre nouvel ennemi
à mon retour, ainsi je pourrai aller vous
voir. Combien de fois nous nous sommes entretenus
du mystère de nos afflictions! Ne
vaudrait-il pas mieux pour nous les accepter comme
la volonté de notre cher Seigneur, et cela
sans hésiter et toujours ? Je ne puis pas
vous aider, je puis seulement demander comment vous
allez, et me réjouir quand ils me disent que
vous allez mieux, et gémir quand ils disent
que vous n'êtes pas aussi bien. Si, je puis faire
davantage, je puis
prier
pour vous et cela, soyez-en sûre, je le fais.
Peut-être ai-je besoin de plus de foi ? Nulle
nécessité de dire peut-être!
Cette vérité est trop
évidente. Je serai meilleur et j'agirai
mieux, Seigneur, aide-nous tous les deux! Aide ton
pauvre serviteur en augmentant ma confiance en tes
soins paternels en faveur de ma petite-fille, et
aide ma chère Miriam en améliorant sa
santé et en la conduisant quelque part en
Allemagne (5),
ici ou à l'étranger, et fais d'elle
une conquérante d'âmes. Adieu. Je ne
puis plus lire ce que j'écris, et je me
demande si vous le pourrez vous-même. En tous
cas, cela vous aidera à comprendre que vous
n'êtes pas oubliée par votre
affectionné grand-papa.
P.-S. - Mes amitiés
à Dora et à chacun de ceux qui sont
auprès de vous, en bonne santé, y
compris les chiens!
Les semaines suivantes, la coupe
de
Miriam fut mêlée de douceurs et
d'amertumes, de joie et de tristesse. L'Adjudant
Simpson entra dans sa vie, au moment où le
Général reposait, aveugle et
fatigué par son opération, approchant
rapidement du seuil de l'éternité.
Nous avons des aperçus de cette situation
dans ses lettres à
l'Adjudant. Elle s'exprime ainsi dans ses
premières allusions à cet état
de choses :
Vous prierez, je le
sais, en ce
moment d'anxiété, pour le
Général. Il est un petit peu mieux
cet après-midi, mais il a été
bien mal. Mère a été
auprès de lui toute la
journée.
Et un peu plus tard :
Nous passons par une
heure
sombre. Il semble que la fin ne saurait tarder. Le
cher Général ne souffre pas, mais les
docteurs disent qu'il ne sortira pas du coma. C'est
un noble guerrier glissant au repos. Je ne puis pas
me persuader qu'il nous quitte, mais il aura au
ciel une entrée vraiment
triomphale.
Un jour ou deux après la mort
du Général, Miriam écrit
:
Nous allâmes tous dire
le
suprême au revoir à notre cher
Général, la nuit dernière. Ce
fut un moment triste et solennel. Mon cher
père fut admirable, il nous parla tandis que
nous entourions la forme inanimée du grand
guerrier, si cher à chacun de nous, non
seulement comme chef, mais aussi comme
grand-père; il nous parla de l'idéal
pour lequel le Général vécut :
justice, simplicité et
fidélité aux principes; puis il pria.
Oh! si bien, si éloquemment! Je me sentis
profondément abattue quand j'eus conscience que
je regardais
le
cher visage pour la dernière fois. Je ne
puis expliquer ce déchirement. La mort est
terrible, et pourtant ma foi fut fortifiée,
je sentis toute la différence entre la vie
et la mort. Ce cadavre froid n'était pas mon
cher Général. Je sens avec une
certitude inébranlable qu'il est parti, il
nous a devancés.
De la fenêtre du bureau de sa
mère, au 101, Queen Victoria Street, a
Londres, Miriam vit le cortège
funèbre traverser la Cité et,
après, quand elle revint à Hadley
Wood avec son infirmière, elle
écrivit :
Il faisait bien triste
ici cet
après-midi. J'ai prié pour eux tous
à Abney Park (6).
Ces paroles
merveilleuses : « O mort, où est ton
aiguillon ? O sépulcre, où est ta
victoire ? » me vinrent à l'esprit avec
une fraîcheur sans pareille.
Le service solennel
commémoratif, présidé par
notre, Général actuel au «
Congress Hall », fut la dernière
réunion publique à laquelle Miriam
assista. Avant que ne revienne, pour la
sixième fois, l'anniversaire de la mort du
Général, du haut de la même
estrade, son père, Bramwell Booth, avait
présidé les funérailles de Miriam.
Elle avait rejoint ses grands-parents
bien-aimés.
Miriam, quelques semaines plus
tard,
parlant de la vague de sympathie que souleva la
mort du Général, écrivit ces
lignes :
C'est un moment unique
dans la
vie de l'Armée. Comme je désire
pouvoir profiter de l'occasion offerte par cette
inclination des coeurs vers nous, et aider ainsi
à rassembler une ample moisson
d'âmes.
Bien que sa maladie
empêchât Miriam de parler en public de
la vie de son grand-père, comme elle aurait
aimé le faire, nous avons, en un plan
très bref, préparé pour
l'Adjudant Simpson, des notes qui montrent, non
seulement son appréciation du
caractère du Général, mais
aussi son art de choisir les matériaux et
son respect des proportions.
J'aimerais vous aider à
préparer votre discours, écrit-elle,
et comme vous avez très peu de temps, je
trace rapidement les pensées comme elles me
viennent. Prenez deux ou trois points principaux et
tenez-vous-y, illustrez-les par le récit de
nombreux incidents. Ne rassemblez pas trop de
matériaux, ou vous serez submergé et
vous n'arriverez pas à prononcer la
moitié de votre discours.
La dernière fois que
vous
avez vu le Général, il vous a dit : « Vous devez
faire mieux que votre mieux! » Vous pouvez
glisser cette phrase dans votre allocution. Que
penseriez-vous de ces trois points principaux ?
I. - Le salut des âmes
fui
le but suprême de la vie du
Général. J'étais sur le quai
d'une gare attendant le train avec le
Général. Un monsieur s'approcha,
évidemment avec le désir de
critiquer. Il dit :
- Général,
croyez-vous légitime l'emploi de
l'émotion pour amener les gens au
salut?
La réponse ne se fit
pas
attendre :
- Je crois que l'on
doit sauver
les gens. Pourvu que vous les sauviez
réellement, je ne me soucie pas de la
méthode que vous employez.
Il. - L'humilité et la
simplicité du Général.
Toujours le même, quand les rois l'honoraient
comme lorsque le monde le raillait et le
méprisait. Il ne fut pas gâté
par le succès. Après une fin de
semaine des plus surchargées, où il
avait attiré de grandes foules et fait une
profonde impression, le Général,
très fatigué, s'était
retiré. Sa sonnette retentit, et un officier
répondit à l'appel. Le
Général était à genoux.
Il dit :
Venez m'aider à chanter
:
À genoux, à ses pieds sanglants,
Je veux les baigner de mes larmes.
J'aime toujours chanter ce cantique, lorsque
j'ai eu un moment de succès.
III. - Résumez : Le
secret
de la puissance du Général. Une bonne
phrase pour finir, à moins que vous ne préfériez
en faire le refrain, le Leitmotiv de votre discours
: « Les promesses de Dieu sont certaines, mais
il faut y croire (7).
» Papa
demandait au Général, pendant sa
dernière maladie, quel était le
secret de sa puissance. Il répondit
:
- Je me suis décidé
à consacrer à Dieu tout William
Booth.
Faites entrer dans
votre discours
tout ce que vous pouvez. Parlez assez rapidement et
ne consacrez pas trop de temps à
l'introduction et aux deux premiers points, la fin
est la partie la plus intéressante et la
plus importante.
Comme nous l'avons vu, elle fut
la
première de la famille du
Général à suivre notre Chef
bien-aimé de l'autre coté du fleuve.
Lorsque la nouvelle de sa mort fut annoncée
dans un certain foyer salutiste, le petit
garçon écouta avec cet air impassible
et sérieux des petits garçons qui
écoutent les conversations des grandes
personnes, puis il fit cette remarque :
- Je suppose que le bon Dieu
laissera aujourd'hui le vieux Général
se rendre à la porte du ciel. Et quand il
verra venir Miriam, il descendra à mi-pente
de la colline pour aller a sa rencontre et
l'introduire.
Comprise de façons
différentes, selon l'âge et
l'expérience, cette foi joyeuse et
réconfortante dans la glorieuse
immortalité, dans la réunion au sein
de l'amour et de la joie, par-delà le
tombeau, existe dans le coeur de tous les
salutistes.
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