L'AMÉLIORATION de la santé
de Miriam ne dura que peu de temps. NI. et m.,
George Cadbury l'invitèrent à passer
quelque temps dans leur belle maison de Wynd's
Point, près de Malvern, où elle jouit
de l'air pur et vivifiant des collines.
L'état général de sa
santé s'améliora
momentanément, mais une nouvelle, crise
s'étant déclarée, Miriam
revint chez ses parents.
Sur l'avis de spécialistes qui
conseillaient les bains de soleil dans les stations
de haute altitude, le Général et Mme
Booth firent les arrangements nécessaires
pour que Miriam séjourne à Leysin, un
village des Alpes suisses. L'infirmière
Devis, garde-malade diplômée et officière de
l'Armée du Salut, l'accompagnait.
En la transportant du bateau dans le
train français, malgré leurs soins,
les marins la déposèrent un peu
rudement sur la couchette du compartiment. La
consternation était peinte sur le visage des
porteurs, qui s'attendaient à un cri de la
malade et à des reproches de la part de
l'infirmière. Mais, lorsqu'une figure
pâle, éclairée par un sourire,
les regarda, et qu'une voix affectueuse les
remercia chaudement : « Oh! merci; que Dieu
vous bénisse ! », les hommes
restèrent confus, et celui qui retrouva le
premier la parole, en ôtant sa casquette, lui
répliqua :
- Mademoiselle, vous êtes une
vraie héroïne.
Cette phrase devint le refrain de
l'infirmière Davis; elle la rappelait chaque
fois que sa malade devait affronter quelque
épreuve particulièrement
redoutable.
Le village de Leysin est presque
entièrement consacré au traitement
solaire. Il reçoit des malades de toutes les
parties de l'Europe.
Miriam écrivit, dans le train,
cette description du voyage pour l'Adjudant Simpson
:
Ce fut un trajet des plus
merveilleux. Combien j'aurais désiré
vous avoir auprès de moi pour contempler et
admirer ensemble le magnifique paysage, pics
après pics se dressaient à l'horizon,
à chaque tournant de notre train qui
gravissait les multiples sinuosités de la
ligne en zigzags de ce pays de montagnes. Les
teintes automnales étaient splendides,
toutes les nuances, depuis le pourpre le plus
sombre, l'orangé et le rouge, jusqu'au jaune
le plus pâle, en passant par tous les bruns.
Comme nous nous élevions toujours plus,
apparut le vert foncé des sapins majestueux
et, plus haut encore, plus rien que le roc
ébréché et raviné,
avec, dans le lointain, la neige.
Elle continue sa lettre en
décrivant la 'maison qu'elle devait habiter
pendant quelques mois :
Nos chambres se trouvent dans un
petit chalet. Elles sont toutes petites et toutes
simples, entièrement construites en bois,
les parois comme le plafond. Très peu de
meubles en dehors du lit, des placards dans les
murs et de quelques chaises. J'ai un très
joli balcon.
Miriam n'habitait le chalet que depuis
quelques jours, lorsque, tout à fait
involontairement, son ministère d'amour
commença. Les exigences
souvent déraisonnables de riches malades qui
se trouvent tout à coup isolés de la
société et du tourbillon de plaisirs
pour lesquels ils vivaient, et privés aussi
de bien des aises de leur ancienne existence,
rendent le sort de leur entourage rien moins
qu'heureux. Parmi les infirmières se
trouvait une ancienne salutiste, qui s'était
détournée du chemin que lui montrait
la vision céleste et avait perdu la paix de
l'âme. Elle haïssait ce village,
rendez-vous des âmes agitées et des
malades du corps. Elle était prête
à tout quitter, mais l'arrivée de
Miriam lui rendit un nouvel espoir. Parfois, au
milieu du jour, le visage inondé de larmes,
laissant jaillir un flot de paroles en
français, que l'infirmière Davis ne
comprenait pas, elle insistait pour voir Miss Booth
une minute.
- Oui, la pauvre enfant, laissez-la
entrer, disait Miriam.
Une poignée de main, une
brève prière, ou une parole
encourageante, et, apaisée et bénie,
l'infirmière retournait avec une patience
nouvelle à son travail. Quelque temps
après, elle se donna à nouveau
à Dieu et se résolut à porter
sa croix pour l'amour de Jésus
jusqu'à la fin, Miriam resta en relation
avec elle; la liste de sa
dernière collecte pour la Semaine de
Renoncement porte le nom de « soeur Alice
».
Pendant un temps, une dame de la haute
société, qui occupait une chambre
voisine de celle de Miriam, se montra hostile
à la Capitaine; elle semblait faire
constamment ce qui pouvait ennuyer la salutiste.
Miriam ne pouvait dormir qu'à l'aube, et
cette malade se mettait intentionnellement à
chanter à pleine gorge à cinq heures
du matin, et elle continuait jusqu'à ce que
la fatigue l'obligeât de s'arrêter. Des
remontrances lui ayant été faites
à ce sujet, elle se défia de son
entourage. À une certaine période de
son traitement, cette dame dut se rendre à
la clinique du docteur pour quelques jours; mais
Madame était grosse et lourde : la
transporter constituait toute une entreprise. Soeur
Alice vint trouver Miriam et lui confia leur grand
embarras. L'occasion que l'infirmière Davis
et elle avaient attendue se présentait
enfin, pensa Miriam.
- Dites à Madame qu'elle aura
l'aide de mon infirmière,
déclara-t-elle.
L'infirmière Davis vint donc
à la rescousse. À son retour au
chalet, Madame se montra la plus
reconnaissante des obligées, et infiniment
gracieuse envers la salutiste.
Miriam envoyait ses journaux anglais
à une Anglaise en traitement, le Cri de
Guerre allemand à une Allemande, et elle
essaya d'aider une jeune fille solitaire,
originaire des frontières de la
Russie.
La propriétaire elle-même,
parfois exténuée par ses efforts pour
plaire à toute une maisonnée de
malades, trouvait dans la chambre de Miriam un lieu
calme, les verts pâturages et les eaux
paisibles du Psalmiste. Elle venait conter ses
ennuis et pleurer auprès de Miriam, au grand
amusement de l'infirmière, bien que cela ne
lui convienne pas toujours. Chaque fois, la pauvre
éplorée sortait consolée de
cette visite.
Mais Miriam remplit son ministère
le plus agréable auprès de l'unique
enfant de la maison, le petit-fils de la
propriétaire. Sa mère et sa
grand'mère étaient constamment
occupées à l'entretien de la maison,
son père était employé dehors,
et le petit garçon passait bien des heures
solitaires.
Apprenant qu'il y avait un enfant dans
la maison, Miriam demanda à le voir.
À partir de ce moment,
chaque fois que sa santé le permettait, elle
recevait la visite d'Henri. De bonne heure le
matin, le petit bonhomme se postait sur l'escalier
en face de la chambre de Miriam; lorsque la porte
s'ouvrait, il criait de sa voix musicale, les
premières syllabes sur un ton
élevé, les suivantes en decrescendo
:
- Bonjour, Mademoiselle!
Et Miriam répondait sur le
même ton
- Bonjour, Henri.
Les dernières paroles du petit
gamin, le soir, étaient :
- Bonsoir, Mademoiselle!
Et Miriam lui criait:
- Bonne nuit !
Elle lui lisait les histoires du Jeune
Soldat français; le dimanche se distinguait
par un plaisir particulier, car Miriam tenait pour
lui une réunion de la « Jeune
Armée », elle lui donnait la
leçon biblique étudiée par les
enfants de l'Armée du Salut à travers
le monde entier. Le petit Henri était
enseveli dans les ténèbres de
l'ignorance la plus épaisse au point de vue
religieux, mais sous le rayonnement de l'amour de
Miriam, l'âme de l'enfant s'épanouit
comme une fleur de ses montagnes
sous les rayons du soleil printanier, elle
s'ouvrît à l'amour du Sauveur. Le
dimanche d'avant Noël, il entendit pour la
première fois, de la bouche de Miriam,
l'histoire de l'enfant Jésus.
Un jeune officier de l'armée
britannique, en visite au chalet, pendant le
séjour de Miriam, disait à quelqu'un
:
- Que c'est dur, d'être malade
dans un endroit aussi désolé!
Mais Miriam voyait les choses autrement.
Elle écrivait à une amie :
C'est un pays splendide. Oh! les
montagnes, les montagnes; c'est une fête
continuelle pour les yeux et pour l'âme'. Si
puissantes, si calmes, si majestueuses. Elles me
parlent toujours de Dieu. De ma fenêtre, on
découvre de magnifiques vues. Des montagnes,
encapuchonnées de neige, se dressent
au-dessus de pies rocheux et chaotiques; un peu
plus bas, les collines, toutes vêtues de la
sombre draperie des sapins, et enfin les pentes
gazonnées, les chalets de bois et les divers
signes de la présence de l'homme. Vous
aimeriez ces paysages. L'infirmière Davis
est avec moi. Elle est si aimable et m'apporte un
tel réconfort! Ainsi, vous le voyez, je suis
tout à fait bien.
Quand l'automne eut fait place à
l'hiver, maintes misères mirent sa patience
à l'épreuve. La neige, la pluie, les
ouragans se succédèrent pendant des
semaines sans arrêt, Miriam écrivit
:
Le froid continue à mordre.
Une tempête de neige fait rage : la
véritable tempête de neige. Au dehors,
tout est froid et blanc; à
l'intérieur, tout est froid, mais pas blanc.
Nous devons inventer toutes espèces de
moyens pour nous réchauffer. L'eau et le
lait gèlent dans ma chambre la
nuit.
Son traitement était
entravé par l'absence de soleil;
malgré ce désappointement, elle ne
voulait pas s'abandonner à la tristesse et
au découragement. Elle avait encore tant de
raisons d'être reconnaissante, et Dieu
était si bon! Retenue prisonnière par
la maladie, elle aimait cependant voir le bonheur
des autres. Un jour, où il faisait un peu
meilleur, elle écrit :
Les passants ont un air joyeux et
animé. Quelques écoliers viennent de
se lancer sur la pente raide, en face du chalet,
avec des traîneaux, aussi gais que des
écoliers en liberté peuvent
l'être. Les cris qui m'arrivent, lorsqu'ils sont
hors
de vue, me signalent une magnifique
culbute.
Et encore :
Les bobsleighs et les traîneaux
glissent joyeusement. C'est bien plus facile pour
les chevaux de les traîner que de tirer les
lourdes voitures par ces routes
escarpées.
Heureuse de la joie des gens qui
s'amusaient, elle était peinée et
souffrait de les voir oublier Dieu, et sa lettre
continue :
Dimanche, il y avait des courses
de
bobsleighs. Les foules se pressaient, les musiques
jouaient et le soleil brillait. Quelle
gaieté! Mais c'était dimanche, et
tout cela me parut bien triste. Je me demande
combien de personnes dans cette foule eurent une
pensée pour Dieu.
Noël vint pendant le séjour
de Miriam en Suisse. Des semaines auparavant, la
préparation de simples cartes doubles,
portant les armes de l'Armée, et ces mots du
livre de Job : « Ce que je ne vois pas,
montre-le-moi... », lui causa un vif plaisir.
Ce texte était la prière ardente de
son coeur, car tout en s'efforçant de
retrouver la santé, elle ne
négligeait pas son bien-être
spirituel, comme le prouve
l'extrait suivant de sa correspondance :
C'est un de mes défauts de ne
pas faire les choses à temps. Elles exigent
tout autant de temps pour se faire en retard et
d'une manière générale, elles
ne sont pas aussi utiles que lorsqu'elles sont
faites au moment voulu. Mon cerveau ne semble pas
travailler assez vite. Je me rappelle
l'anniversaire de quelqu'un le lendemain au lieu de
la veille; je pense à un billet que j'aurais
dû écrire quand il est trop tard pour
qu'il apporte le plaisir et le réconfort
qu'il aurait dû fournir. Cependant j'essaye
de me corriger, et, connaître ses fautes,
c'est déjà en être à
demi-guéri.
J'écris sur le balcon,
la
vue est magnifique, le ciel d'un bleu sombre, sur
lequel les pics neigeux se détachent avec
une netteté sans pareille. La terre est
blanche de neige, mais un commencement de
dégel a débarrassé les
branches des sapins de leur fardeau neigeux, et ils
apparaissent sous leur sombre vêtement plus
majestueux que jamais.
Ma chambre,
continue-t-elle, est
tout à fait gaie avec ses
décorations. Nous avons installé un
rayon pour y ranger nos cartes, et j'ai un peu de
gui; ainsi, tout autour de moi, je vois quelques
petite souvenirs de ceux que j'aime et qui
m'aiment.
Le matin du nouvel an, elle écrit
:
Il y a eu grand souhait
d'heureuse
nouvelle année. J'ai serré la main
à la bonne qui me monte mon déjeuner, et j'ai
envoyé mes souhaits à la
cuisinière et à sa petite aide.
À notre grande surprise, elles vinrent
toutes deux nous rendre notre politesse.
C'était la première fois que je
voyais la cuisinière. Pauvre femme, elle
était si heureuse que quelqu'un ait
songé à elle! Les servantes sont
très gentilles pour nous, mais nous ne
pouvons faire que peu de chose pour elles, en
dehors d'une parole aimable de
remerciement.
Miriam, reçut peu de visiteurs
pendant son séjour à Leysin, mais le
Commissaire Oliphant, alors à la tête
de l'oeuvre de l'Armée en Suisse, la visita
à son passage a Aigle, le poste, de
l'Armée le plus proche de Leysin; il ranima
son esprit. Elle mentionne aussi dans une lettre la
visite des officières de ce poste d'Aigle
:
Elles vinrent au village hier,
écrit-elle, et elles y tinrent une
réunion. mais nous n'en savions rien. Elles
reviendront le mois prochain et alors mon
infirmière ira à la réunion
« en force », emmenant plusieurs
personnes de la maison avec elle. La Capitaine est
une gentille petite femme, elle travaille avec
succès dans son poste. Je l'ai mise en
relation avec l'infirmière française,
j'ai dit à la Capitaine qu'il fallait en,
faire un vaillant soldat. Après la
prière en français et en anglais, et
après avoir reçu nos dons, elles
partirent joyeusement leur visite nous a fait du
bien. La
camaraderie dans l'Armée n'est-elle pas
chose merveilleuse ?
L'infirmière Davis parle ainsi du
temps passé avec Miriam :
Je regarde comme le plus grand
honneur de ma vie salutiste mon service
auprès d'elle. Elle était
parfaitement bonne et il n'y avait ni
fébrilité, ni refroidissements dans
sa vie spirituelle, mais toujours cette même
atmosphère ensoleillée, radieuse.
Elle vivait réellement près de Dieu.
Il ne semblait y avoir en elle la moindre trace
d'égoïsme.
Malgré les tuyaux d'eau
chaude qui étaient sensés chauffer
les chambres, je souffrais cruellement du froid.
Miriam s'inquiétait toujours de moi
:
- Avez-vous chaud ?
Vous devriez
placer une bouillotte d'eau chaude sur vos genoux.
Mettez-la maintenant sous vos
pieds...
Et toujours ainsi. Elle
désirait connaître ma famille, elle
lui envoyait ses amitiés chaque fois que
j'écrivais à la
maison.
Le soir nous lisions
ensemble la
portion indiquée dans le Guide du Soldat, et
nous priions à tour de rôle. Parfois,
lorsque sa température
dénonçait de la fièvre ou
qu'elle avait eu une mauvaise journée, je
lui disais : « Je vais prendre votre tour
aujourd'hui »; mais elle refusait toujours et
elle priait si bien.
Combien elle aimait
l'Armée et son oeuvre. Si elle connaissait
quelqu'un en peine, elle lui écrivait, ne
ménageant ni ses fatigues, ni ses peines,
pour encourager lu
éprouvés et elle priait pour eux.
Elle aurait parlé des heures entières
de ces pauvres gens, dont elle s'était
occupée à Barnet, à Tottenham
et 'à Shoreditch. Elle espérait se
rétablir et se marier à l'Adjudant
Simpson pour l'aider dans son travail, et
c'était magnifique, mais en même temps
pathétique, de l'entendre exposer ses plans
d'avenir.
- Je ne veux aucune de
ces
personnes que l'on voit ordinairement aux noces,
lorsque je me marierai. Je vais vous dire ce que
j'aimerais...
Alors, d'une façon
charmante, elle vous décrivait comment elle
aimerait remplir le Congress Hall de vieillards de
nos maisons de retraite et des bas-fonds de
Londres, ceux qu'elle aimait à Shoreditch et
à Bethnal Green, et des enfants des
orphelinats de l'Armée et ceux de Hackney
Wick.
- Voilà les invités
que j'aimerais avoir à mes noces,
disait-elle; mais, en attendant, nous avons, vous
et moi, à travailler dur à mon
rétablissement.
Pendant un moment, il
sembla que
notre amour, nos espoirs et nos prières
seraient récompensés; mais peu
à peu je me mis à craindre que le
traitement ne nous désappointât. Une
douce confiance nous unissait, et je compris que
Miriam partageait mes craintes. Elle devint calme
et pensive. Je vis qu'elle livrait son
suprême combat, et je ne pouvais l'aider que
par la prière et la sympathie
silencieuse.
Un jour, elle me dit
qu'elle
avait fait une découverte : le père
du petit Henri avait été
occupé à réparer les toits du
village après une tempête, et le petit
garçon l'avait raconté à
Miriam.
- Mais, le toit de
cette maison
ne s'abîme jamais; comment cela se fait-il ?
demanda-t-elle.
Et Henri de répondre
:
- Mon père a bâti
cette maison et le travail qu'il fait ne cloche
jamais.
Miriam ajouta :
- Vous savez, nurse, je
suis
venue ici pour me rétablir. Peut-être
serais-je déçue, mais le petit Henri
m'a enseigné que le travail de mon
Père céleste est toujours bien fait,
et je suis entre ses mains.
Elle faisait cette expérience
dont Faber a écrit :
- Le mal qu'Il bénit est notre bien,
- Mais le bien qu'Il ne bénit point est un mal.
- Et ce qui nous semble le pire est un bien,
- Si c'est selon sa sainte volonté.
Peu de temps après cela, le docteur,
convaincu que le traitement ne réussissait
pas à Miriam, conseilla le retour
immédiat. La Commissaire Catherine vint
à Leysin pour organiser ce voyage de
retour.
Elle était bien plus malade
qu'à son départ d'Angleterre, et le
retour était si différent de tout ce
qu'elle avait pu rêver. Cependant, pas une
ombre ne ternit son âme, tandis qu'elle fit
face aux difficultés du voyage.
Une auto devait les conduire
à Montreux, où
elles prendraient l'express pour Paris; mais un
avis leur parvint qu'à la suite d'un ouragan
de neige, la route était impraticable,
l'auto ne pouvait les prendre comme il était
d'abord convenu. Une tempête de neige faisait
rage, les arrangements pour le train et le bateau
étaient pris; si Miriam ne partait pas tout
de suite, il était à craindre qu'elle
ne puisse plus voyager plus tard. Aussi
décida-t-on le départ coûte que
coûte. Le docteur envoya sa victoria, et
Miriam fut couchée sur un brancard qui
reposait en avant sur le siège du cocher et
sur la capote à l'arrière. Elle
était soutenue d'un côté par sa
soeur la Commissaire Catherine, et de l'autre par
l'infirmière; et ainsi, par la nuit sombre,
au milieu de tourbillons de neige, elles se
dirigèrent vers la petite gare du chemin de
fer de montagnes. Pendant tout le voyage, Miriam
fut secouée et ballottée par ce petit
train à en avoir le mal de mer, mais la paix
de Dieu, qui surpasse toute intelligence, garda le
coeur et l'esprit de Miriam calme et
joyeux.
Elle fut rencontrée en gare
d'Aigle, par le Commissaire Albin Peyron, alors
Officier Provincial en Suisse romande, qui aida
à transporter la
chère malade dans le train qui devait la
conduire à Calais.
À la fin, le Homestead fut
atteint sans accident et, nichée dans sa
petite chambre ensoleillée, entourée
de l'amour de ses bien-aimés, Miriam
goûta le repos et le bonheur. Elle
était rentrée au foyer pour y mourir,
mais la sombre vallée devait être
longue à parcourir.
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