BIEN qu'au seuil de sa carrière
d'écrivain, Miriam avait déjà
gagne un large cercle de lecteurs. Lecteurs et
rédacteurs en chef des principales
publications de l'Armée du Salut,
regardaient l'avenir avec joie, dans l'attente des
grandes choses qu'elle accomplirait par sa plume,
croyaient-ils, pour la gloire de Dieu et pour le
bien du monde. En plus d'une habileté
marquée, et d'une facilité dans le
maniement d'un riche vocabulaire, elle
possédait plusieurs des qualités
essentielles pour atteindre au vrai succès
littéraire, le don descriptif, la touche
sympathique et la plus importante de toutes les
qualités : la faculté de se donner
beaucoup de peine. Loin de
ressentir la critique, elle l'accueillait avec
plaisir et, si un auteur de l'Armée la
visitait, elle lui disait :
- Contez-moi comment vous
écrivez.
Si elle recevait une réponse
générale, évasive, elle
continuait :
- En réalité, j'ai besoin
que vous me parliez de vos articles. Trouvez-vous
leur rédaction facile ? Comment trouvez-vous
les idées? Vous voyez, je ne suis qu'une
débutante, et je suis saisie de terreur
chaque fois que j'ai écrit quelque chose,
tellement que je ne sais comment continuer.
Une fois, qu'elle avait induit un
camarade à parler sur ce sujet, elle
écoutait avec avidité et disait
:
- Oh! merci! Quelle aide vous
m'apportez. Maintenant que je sais que les
vétérans aussi souffrent et se
débattent contre les mêmes
difficultés, je puis aller de l'avant sur la
même route.
Comme beaucoup d'autres qui
réussirent dans le travail
littéraire, elle commença à
écrire sans nulle idée de
publication, mais plutôt pour causer un
plaisir à sa mère en lui contant
quelques-unes de ses expériences de cadette. Elle
appela cette
série de « camées »: «
POURQUOI JE SUIS SALUTISTE » Ils parurent
d'abord dans la revue salutiste : Le Monde entier
(All the World). Nous en extrayons le passage
suivant :
C'était une belle
après-midi de gelée. Je marchais
à pas pressés dans une des rues
principales qui traversent le plus répugnant
des quartiers de l'East End à
Londres.
- Allô! ma soeur, dit
une
petite voix, au pur accent londonien, qui
s'élevait à mes
côtés.
- Allô ! petite,
répondis-je.
Immédiatement, une
petite
main sale se glissa dans la mienne, et une fillette
en haillons, toute frêle, se mit à
trottiner à mes côtés, d'un air
de parfaite sécurité et consciente du
droit absolu qu'elle avait sur moi. Elle marcha
ainsi un moment, puis, après un adieu
familier, ma petite camarade s'en
fut.
Mais bientôt j'entendis
le
bruit de petits pieds frappant le sol rapidement
derrière moi, et ma petite bonne femme
réapparut, traînant par la main son
petit frère joufflu, mais comme elle en
haillons et à demi-gelé
:
- S'il vous plaît, ma
soeur, dit-elle, tout essoufflée, vous ne
lui avez jamais dit : Allô !
- Allô, petit homme,
répondis-je sans me faire prier
davantage.
Et je caressai de ma
main va
chevelure embroussaillée.
- Comment allez-vous
cette
après-midi ?
Cela suffit. Les
enfants
sourirent et, avec l'expression du triomphe, ils
partirent en courant; ils se retournèrent
pour me faire de la tête un signe de triomphe
avant de se perdre dans la foule
affairée.
Je continuai aussi ma
route, mais
mon coeur exultait : « 0 Seigneur, dis-je,
quand ce ne serait que pour faire sentir aux
enfants que l'Armée leur appartient et
qu'ils appartiennent à l'Armée, je te
remercie de ce que je suis salutiste. »
Je faisais des visites de maison en maison
dans un quartier pauvre. Les rues avaient une
apparence respectable, elles ne présentaient
aucun signe de pauvreté
abjecte.
Comme je frappais à une
porte, on me répondit d'un ton
amical:
- Qui est
là?
Je pris courage et,
entrant
hardiment, je fis quelques pas dans un
corridor.
Une femme vint à ma
rencontre, elle était très corpulente
et tordue par les rhumatismes, elle se bougeait
très difficilement, mais elle avait une
expression agréable et ne semblait nullement
mécontente de voir le chapeau de
l'Armée du Salut, si bien
connu.
Nous entrâmes vite en
conversation.
- Ainsi vous allez à la
Mission ? lui dis-je.
- Oui, ma chère, je
vais
à l'église
régulièrement... (appuyant fortement
sur ce dernier mot).
M. X... dit que
l'église
ne serait plus la même, si je n'étais
pas à ma place, et rien d'étonnant
à cela après trente ans de
présence.
Je lui exprimai tout
mon plaisir
de l'entendre parler ainsi, et mon approbation de
sa conduite. Après quelques mots sur
l'importance de la certitude du salut, je lui
demandai la permission de prier. Mais il y avait
des larmes dans les yeux de la vieille dame, et je
voyais qu'elle avait dans l'esprit quelque chose
qu'elle désirait me dire.
J'attendis un moment.
Elle
hésitait.
- J'ai une fille,
commença-t-elle.
Puis vint toute
l'histoire. La
fille s'était mariée
dernièrement, son mari était un
être indigne, maintenant sans travail. Sa
femme qui, la mère s'efforçait de
m'en convaincre, était « une vraie
brave fille, vous savez, ma soeur, une très
bonne fille », dans son chagrin s'était
mise à boire. Elle habitait dans les
environs. Pouvions-nous, à l'Armée du
Salut, faire quelque chose pour elle
?
- Prions pour elle!
dis-je.
Nous nous agenouillâmes
dans le sombre corridor, et demandâmes au
Père céleste, toujours plein d'amour,
de sauver la fille
égarée.
Tout en lui promettant
de faire
de notre mieux, et m'efforçant de consoler
cette mère en larmes, je pris l'adresse :
« Mme N..., 82, rue de X... » Je
m'empressai de regagner la maison.
Mes compagnes étaient
en
avant, rayonnantes de bonheur et empressées
de me conter toutes leurs nouvelles.
- Un cas si magnifique,
commença avec un peu d'incohérence
l'une des cadettes.
- Si sincère, ajouta
l'autre; oui, je crois qu'elle s'est
réellement donnée à
Dieu.
- Où est-ce ?
demandais-je, nous ne devons pas la perdre de
vue.
- Oh ! oui,
répondirent-elles. C'est rue de X... une
Madame N...
- Numéro 82...
m'écriai-je.
- Mais oui, comment le
savez-vous?
C'était la fille de ma
vieille dame. Notre prière était
exaucée.
« 0 Seigneur, quand ce
ne
serait que pour le privilège d'être au
nombre des serviteurs que tu emploies pour ramener
au bercail cette brebis égarée, cette
fille prodigue, je te remercie de ce que je suis
salutiste. »
Lui, avait quatre-vingt-deux ans; ces treize
dernières années, les
infirmités le retenaient au logis. Elle
était âgée de soixante-dix ans
et n'avait plus qu'un oeil.
Ils habitaient un logis
d'une
seule pièce et possédaient pour
toutes ressources quatre shillings par semaine :
deux pour le loyer, un pour le chauffage et un pour
la nourriture.
- Il n'est pas si mal,
n'est-ce
pas, ma soeur? dit le vieillard.
Et il frappait sur la
manche de
son habit jadis noir, aujourd'hui verdâtre.
- Je l'ai porté douze
ans
et, après tout, il n'est pas en trop mauvais
état.
- Certainement,
répondis-je.
Et je complimentai
vivement mon
vieil ami sur les soins dont il avait
entouré son vieil habit de clergyman qu'on
lui avait donné douze ans
passés.
Il sourit en écoutant
mon
compliment, un sourire fatigué, à
demi-effacé, et il recommença sa
plainte au sujet du temps froid. Leur petit feu
fumait d'une façon pitoyable, il clopina
vers lui, mais sa vieille femme lui adressa un
gentil reproche.
- Nous avons tant de
sujets de
reconnaissance, John, dit-elle, et Dieu est si bon
: Il nous a gardés l'un et l'autre ensemble.
C'est déjà beaucoup, n'est-il pas
vrai, Mademoiselle? Il y a eu un petit peu de
soleil aujourd'hui, peut-être y en aura-t-il
davantage demain.
Un chat maigre, à la
robe
sale, pelage imitant la carapace d'une tortue,
sauta sur mes genoux, il se mit à ronronner
et à brasser vigoureusement de ses pattes ma
robe, pour manifester sa
satisfaction.
Le vieillard sourit
réellement cette fois :
- Il a toujours sa part
de ce que
nous avons, dit-il.
Avec une pointe de
gaieté,
il ajouta :
- Il fait partie de la
communauté, vous savez.
Je pensai qu'il était
temps de présenter mes petits cadeaux : un
châle avec des raies roses et blanches pour
la vieille dame; un peu de thé, du sucre et
une boîte de lait condensé plurent
particulièrement au vieillard.
Sa vieille femme
m'expliqua
qu'ils ne pouvaient se payer du thé et du
sucre chaque jour, ce luxe était
réservé aux occasions
spéciales; la communauté ne pouvait
se permettre un tel gaspillage sur un budget d'un
shilling par semaine au compte
alimentation.
Elle rayonna lorsque je
l'enveloppai dans les plis du châle; elle
rougit lorsque je la taquinai au sujet de la
vanité, et que je demandai au vieillard s'il
n'était pas fier de sa
Jeannine.
Nous lûmes ensemble les
paroles si connues :
« Que votre coeur ne se
trouble point... » coupées des
commentaires du vieux couple: « Oui...
Amen...
C'est bien ainsi ... Ah
! oui,
plusieurs demeures... » plusieurs demeures ...
» Et ainsi de suite. Puis nous chantâmes
:
- Quel ami nous avons en Jésus !
- Il vint se charger sur cette terre
- De nos péchés et de nos misères.
Et ils joignirent leurs deux voix
chevrotantes et fêlées à la
mienne. Cette cacophonie composait pourtant une
harmonieuse musique pour les anges.
Je priai et le
vieillard versa
quelques larmes comme je me
relevais.
- Mais Il est bon pour
nous,
John, commença la vieille dame d'un ton
encourageant où se cachait mal une pointe de
reproche. Il nous a gardés l'un et l'autre
ensemble, ne l'oublions pas.
Je dis au vieillard de
regarder
en haut et, après avoir rappelé
à sa femme les « multiples demeures
». Je me penchai sur elle pour embrasser son
pauvre visage tout ridé.
- Oh ! merci. mille fois merci,
dit-elle. Revenez nous voir, revenez.
C'était au milieu de la nuit, tout
était calme. Le vieux avait froid et il se
demandait s'il n'était pas temps de boire sa
tasse de thé.
- Jeannine !
appela-t-il.
Mais Jeannine ne
répondit
point. Il la toucha et l'effroi le saisit. D'une
main tremblante, il frotta une allumette et,
à sa lueur, il contempla d'un regard
désespéré cette figure
figée par la mort et ce corps
froid.
Jeannine était partie
pour
les multiples demeures. Il n'entendrait jamais plus
sa voix disant: « Il nous a gardés l'un
et l'autre ensemble. » Il était
stupéfié, et, laissant tomber
l'allumette, il s'effondra près du lit
où il resta jusqu'à l'aube. Alors il
demanda aux aimables voisins du
rez-de-chaussée de courir chercher la
Capitaine de l'Armée du Salut. Elle
répondit à l'appel et rendit les
derniers devoirs aux restes mortels de Jeannine, et
elle consola John.
- Dieu est bon malgré
tout
dit-elle. et vous n'êtes point perdus l'un
pour. l'autre. car n'y a-t-il point plusieurs
demeures dans la maison de mon Père ? Il
vous faut regarder en haut encore un peu de
temps.
« Quand ce ne serait
que
pour apporter un moment de joie à un de tes
saints, et consoler un de tes enfants en deuil, je
te remercie, ô Seigneur, de ce que je suis
salutiste.
Une énorme foule nous
entourait à la porte de la taverne X... Elle
était restée presque une heure sans
bouger, sans que personne ne parte, formant un bloc
solide. La conviction se lisait clairement sur plus
d'un visage et, lorsque nous nous
agenouillâmes sur le pavé et
priâmes ardemment l'un après l'autre
pour le salut des hommes, des larmes
perlèrent à de nombreuses
paupières, et un silence étrange
plana sur cette rue habituellement
bruyante.
Pendant un moment,
j'insistai
pour le don immédiat du coeur à Dieu,
et je demandai à ceux qui désiraient
se donner ainsi de s'agenouiller avec nous. Nous
chantâmes notre vieux cantique favori :
« Roc séculaire frappé pour
moi... » afin de donner à chacun le
temps et l'occasion de se prononcer. Cependant
personne ne se décida. Nous terminâmes
la réunion et la foule
s'écoula.
Mes camarades se
rangèrent
pour retourner à la salle. À ce
moment, je remarquai un monsieur bien
habillé qui avait écouté
attentivement toute la réunion et avait
manifesté quelque émotion. Il n'avait
pas esquissé le moindre mouvement pour
partir, et il se tint debout à la place
qu'il occupa toute cette heure. Son regard perdu
dans le vide, la souffrance écrite sur ses
traits, m'invitaient à lui parler. Je le
priai de venir à la réunion et je lui
dis quelques mots sur la nécessité du
salut.
- Merci, me
répondit-il,
chaque parole que vous avez dite est exacte;
j'aurais dû aller m'agenouiller avec vous ce
soir.
Et alors, avec
l'amertume d'un
homme qui voit son manteau de
propre justice réduit à l'état
de répugnants haillons, il ajouta
:
- Je le vois
maintenant, j'ai
tort, tout à fait tort.
- Dieu peut tout
transformer, lui
répondis-je rapidement.
Il souleva son
chapeau
- Bonsoir.
La petite procession
était
en marche.
- Oui, je puis croire,
- Oui, je veux croire...,
- Que Jésus-Christ est mort pour moi.
Et le chant, rythmé par les
tambourins. résonnait joyeusement. Je courus
pour rejoindre mes camarades, tout en me disant
:
« Quand ce ne serait
que
pour éveiller une conscience sincère
au sentiment de sa culpabilité, je te
remercie, ô Seigneur, de ce que je suis
salutiste. »
Ces portraits à la plume, si
vrais et si pittoresques, reçurent le plus
chaleureux accueil et, commentant le choeur
d'approbation qu'ils soulevèrent, notre
vieux Général écrivit ces mots
d'avertissement, dans son style humoristique
:
Je n'entends que des
propos
aimables au sujet de vos articles dans Le Monde
entier (All the World). Aussitôt que vous
irez mieux, vous serez assiégée et
poursuivie par tous les rédacteurs qui s'efforceront
de vous en
soutirer d'autres du même genre. Fermez vos
oreilles à tous leurs discours, tant que
vous ne serez pas complètement
guérie. Adieu. Regardez en
haut.
Mais Miriam ne se laissa pas
tourner
la tête par ses succès dans ce nouveau
champ de travail. Son humilité surpassait
ses talents. En réponse à un appel
pour une collaboration régulière,
elle écrivait au secrétaire de la
branche littéraire :
Bien des remerciements
pour votre
lettre me demandant d'écrire un court
article d'édification mensuellement.
J'aimerais beaucoup le faire, mais je crains de ne
pouvoir continuer. Si je manquais une fois mon
tour, ne vous mettrais-je pas dans un
sérieux embarras? Puis, je me demande si
j'ai assez de talent. Je sens que je puis
décrire ce que je vois ou tirer une morale
des incidents qui m'arrivent, mais je crains de ne
point posséder l'imagination
créatrice, vous me Comprenez. Et. dans les
circonstances actuelles, je vis en dehors du monde,
qui, en temps ordinaire, serait comme «
l'étang où je jetterais mon
hameçon », je suis donc à court
de matériaux.
Cependant, voulez-vous
me
permettre d'essayer un article et me dire
sincèrement s'il vaut quelque chose? Nous
remettrons à plus tard la question de ma
collaboration régulière.
J'espère que cela ne vous ennuiera pas
trop.
Bien des remerciements
pour avoir
pensé à moi.
Bien des gens, le coeur
plein de
gratitude, n'expriment pas leur reconnaissance pour
l'aide et les services reçus, Miriam
n'appartenait pas à cette classe. Elle avait
conscience de la fausse impression que le silence
peut créer. À ce sujet, elle
écrivait à l'Adjudant Simpson
:
Je trouve regrettable
la
réserve de tant de gens. Trop peu de
sentiments se manifestent dans le monde.
Peut-être cela provient-il de l'existence de
trop nombreux hypocrites et de multiples
simulateurs. Ceci n'en constitue pas moins une
grave erreur. Nous devons tous les deux faire bien
mieux que cela. Ma plus grande joie est de sentir
que nous pouvons nous faciliter l'un à
l'autre l'épanouissement de notre être
spirituel. Je suis consciente de mon ignorance, de
mon indolence et de mes imperfections... Oh !
puisse le Seigneur nous instruire, nous vivifier et
nous fortifier tous les deux.
Une de ses lettres,
adressée au Rédacteur en chef de
l'Officier (1),
montre ses dispositions à remercier pour les
bénédictions. Elle avait joint
à sa lettre un article sur les
réunions de prière du dimanche matin
:
J'espère,
écrit-elle, que vous ne trouverez pas déplacé,
ni
prétentieux de ma part, la rédaction
de cet article sur les réunions de
prière matinales. Sans doute mes
réunions de prière, depuis quatre ans
et demi, se passent forcément dans mon lit;
mais l'Esprit m'a poussée à
écrire cet article. Bon, mauvais ou
indifférent, je vous envoie le
résultat.
Je crois à la
réunion de prière et, même dans
ma courte expérience, j'ai assisté
à quelques réunions de prière
bénies.
Je profite de
l'occasion pour
vous dire combien j'apprécie L'officier. Mon
poste de combat à moi est
particulièrement dur, mais les articles et
les interviews de L'officier m'ont aidée,
réjouie et réconfortée plus
que je ne saurais le dire. Merci pour tout
cela.
Votre sincèrement
reconnaissante.
F. MIRIAM B. BOOTH.
C'était une lectrice enthousiaste de la
littérature de l'Armée du Salut
:
Quels écrits
fascinants,
déclare-t-elle. J'en suis frappée
chaque fois que je prends l'un de nos journaux ; je
ne puis le reposer avant de l'avoir lu en entier.
Bien qu'infirme et condamnée à rester
au lit, la gloire de faire partie de cette grande
entreprise me fait tressaillir de joie cette
après-midi. Combien je désire
être à nouveau sur pieds et à
l'oeuvre une fois de plus.
Elle aimait offrir de saines et
salutaires lectures à ses relations
:
Je suis si heureuse que vous
ayez
goûté le livre de Matheson :
Études du portrait du Christ. Moi aussi
je trouve ces écrits merveilleux. Avez-vous
lu ses Grands hommes de la Bible... et aussi un
livre composé de courts chapitres : Repos
sur les rives du fleuve, tel est le titre, si je
m'en souviens bien. Je trouve tous ses livres
vraiment inspirateurs. Connaissez-vous Le
procès et la crucifixion du Christ, par
Stalker ? J'en ai grandement joui ces derniers
temps, il est très clair et d'une lecture
facile.
Ses livres d'édification, sa
Bible, ses cantiques et un ou deux volumes de
méditations quotidiennes sont
soulignés presque à chaque page et
pleins de remarques qui montrent l'importance
qu'elle attachait à la prière et
à la nourriture spirituelle; elle les
considérait comme les conditions
indispensables de la vie saine de l'âme. On
trouve dans ses lettres d'innombrables
références à ses lectures,
telles les suivantes :
Mon texte dans mon «
Pain
Quotidien », hier soir, était « je
te donnerai des trésors cachés.
» (Esaïe 45 3.) N'est-ce pas magnifique ?
Quand tout semble si difficile et trouble, ces
paroles s'offrent à moi comme un message
particulier pour mon coeur.
Un soir. après avoir
écouté son infirmière qui
lisait, dans un livre d'anniversaire, un ver, set
des Saintes Écritures et une courte
poésie, Miriam resta un moment silencieuse,
réfléchissant. Un instant
après, elle dit :
- Nurse, nous n'avons pas, à
l'Armée du Salut, de livre d'anniversaire.
Ne croyez-vous pas qu'un livre d'anniversaire
d'inspiration salutiste, avec des citations
extraites des oeuvres du Général (son
père) serait le bienvenu? je lui demanderai
si je puis en Préparer un.
La gaieté et la
générosité, telles deux
fées joyeuses joignant les mains pour une
ronde, se dressèrent devant son imagination,
et elle ajouta :
- Ne serez-vous pas contente de
recevoir le livre avec cette dédicace :
« Avec les compliments du compilateur » ?
Surtout que vous saurez que vôtre petit livre
m'a fourni l'idée inspiratrice du
mien.
À partir de ce moment, tout
au début de sa maladie, elle travailla
à ce livre dans la mesure de ses forces.
Pour une malade au lit, la tâche était
difficile; mais elle y prit le plus grand plaisir,
et le livre sera le bienvenu dans tous les foyers
salutistes
du
monde entier. Il était prêt pour
l'impression avant qu'elle ne soit promue à
la gloire éternelle; mais les prix
élevés des éditions risquaient
de le placer hors de la portée des bourses
salutistes, toujours modestes, pour qui elle
l'avait spécialement préparé.
Tout en confessant son désappointement, elle
en remit la publication à des temps
meilleurs. Le petit livre a paru depuis lors sous
le titre : Miriam Booth's birthday book (2).
C'est
un
vrai petit trésor.
Dans sa vie remplie et
consacrée aux affaires pratiques, Miriam ne
trouva que peu d'intérêt à la
poésie tant qu'elle fut en bonne
santé; mais dans l'isolement ou sa maladie
la confinait, quelques poèmes choisis lui
apportèrent la paix et le
rafraîchissement de l'esprit. Comme elle
errait de-ci de-là, dans le champ
parfumé de le poésie, la
pensée lui vint qu'elle pourrait rassembler
quelques-unes des fleurs les plus rares de ces
champs, et les envoyer non seulement pour fortifier
ses camarades sur le Champ de Bataille, mais encore
ceux qui, comme elle, étaient condamnés à la
retraite prématurée. Le
Général encouragea chaudement cette
entreprise, et ainsi fut composé un livre de
poèmes choisis intitulé : In Joy and
Sorrow (3)
.
La dernière année de
sa vie, la Capitaine Miriam écrivit une
série de courts articles sur la vie de
sainteté qu'elle avait tant
hésité de commencer. Ils furent
abondamment bénis en divers pays. Le premier
de ces articles que nous reproduisons ici est
intitulé : La volonté de
Dieu.
... « Comme des
serviteurs
du Christ qui font de bon coeur la volonté
de Dieu. » (Éphésiens 6 :
6.)
« Mon Dieu, je prends
plaisir à faire ta volonté. »
(Psaume 40 : 9.)
Il est bien plus facile
de
travailler que de souffrir, de s'adonner à
l'action que d'attendre patiemment. Cependant,
quelle pensée merveilleuse : savoir que les
circonstances de la vie ne peuvent pas
empêcher l'accomplissement de la
volonté de Dieu en nous et par nous. Quel
réconfort et quelle joie apporte cette
connaissance ! Accomplir l'oeuvre de Dieu, sans
doute cela constitue une grande chose, mais faire
sa volonté est bien plus grand
encore.
Nous sommes souvent
tentés
de désirer un travail différent du nôtre,
nous sentons parfois que nous sommes bien mieux
doués pour un autre poste que celui
où Dieu nous a placés. Nous ne sommes
pas conscients que le point vital pour nous n'est
pas tant de chercher à faire quelque grande
oeuvre, mais de faire la volonté de Dieu,
d'accomplir ainsi ses desseins à notre
égard. Grâce à Dieu nous
pouvons faire cela dans la position la plus humble
et la plus effacée, aussi bien que dans la
plus exaltée, dans les coulisses, invisibles
à tous, aussi bien qu'aux lumières de
l'avant-scène, du moment que nous occupons
la place qu'il nous assigna.
Et vous, chers
camarades, qui
avez cru que vous n'étiez d'aucune
utilité, ou que votre travail avait si peu
d'importance, que n'importe qui pouvait le faire;
vous qui êtes enfermés dans un bureau,
peut-être, quand vous espériez
être employés au travail de
conquête des âmes; vous qui êtes
enchaînés au pénible labeur de
la cuisine, ou aux soins quotidiens des petits
enfants ou même vous, pauvres malades faibles
et impuissants, qui vous croyez uniquement un
fardeau pour votre entourage, voici une petite
oasis pour vous au milieu du désert de votre
vie monotone : vous pouvez faire la volonté
de Dieu. Et si vous avez au dedans de vous ce
témoignage, alors vous lui êtes aussi
utiles que ceux qui se tiennent sur le front de
bataille pour hâter l'accomplissement de son
plan de salut.
Souvenez-vous-en - Ce
qui compte
aux yeux de Dieu, ce n'est point où vous
êtes, mais ce que vous êtes.
Car l'un agira et l'autre se résignera;
L'un boira la coupe amère de la vie et l'autre son nectar;
Mais Dieu balancera les deux comptes.
Prière et activité, vous êtes les deux pales d'un tout harmonieux.,
Celui qui ne peut combattre peut néanmoins accomplir
La tâche la plus difficile : se tenir tranquille...
Le ciel n'est le ciel que parce que la
volonté de Dieu y est faite parfaitement.
Dans ce sens, nous pouvons tous avoir notre petit
paradis.
« Je suis plus que
jamais
décidée à faire de ce bureau,
qui sent le renfermé et le moisi, un
sanctuaire », m'écrivait une amie
l'autre jour. Quel est son secret ? Certainement
celui-ci : elle est résolue plus que jamais
à accepter la volonté de Dieu;
même si elle est différente de ce
qu'elle aurait choisi elle-même. Avec ce
sentiment dans son coeur, le tic tac de la machine
à écrire se transformera en musique
céleste.
Il peut en être de
même pour vous. chers amis, quelle que soit
la place que vous occupez ; la Cuisine. le bureau,
la chambre des enfants, la couche du malade,
peuvent devenir pour vous aussi un sanctuaire, le
ciel sur la terre, parce que vous aurez fait la
volonté de Dieu de tout votre
coeur.
Oh ! la joie et la paix
apportées en votre vie par l'accomplissement
de la volonté divine ! Le
mécontentement, les plaintes ne trouveront
plus de place, même au
milieu de souffrances et de la solitude ; vous
pourrez dire constamment: « Je me
réjouis de faire (ou dé souffrir) ta
volonté, ô mon Dieu.
»
Le dernier de ces articles fut
écrit seulement quelques jours avant son
départ pour l'au-delà. Il
était intitulé : La joie dans la
tristesse. Le voici :
« Personne ne vous
ravira
votre joie. » (Jean 16 : 22.)
Comme le temps fuit
rapidement!
Nous voici de nouveau au seuil de décembre,
ainsi cet article doit être un message de
Noël. Malgré le lourd fardeau de
tristesse et de deuil qui écrase le monde
aujourd'hui (4),
je désire tourner vos regards vers une
véritable et joyeuse fête,
débordante de la joie de Noël, cette
joie qui était dans le coeur de Dieu
lorsqu'il envoya ce détachement de
l'armée céleste pour chanter à
notre terre ce message: « Une grande joie qui
sera pour tout le peuple. »
Parce que Jésus porta
les
péchés et les misères du
monde, nom sommes enclins à nous le
représenter sous les traits de «
l'homme de douleur » mais il est bon que nous
nous souvenions aussi qu'il fut un « homme de
joie ». Il nous révéla une
religion joyeuse. Combien de fois nous l'entendons
répéter : «
Réjouissez-vous ! » Il aime nous voir
heureux. La joie qu'il nous
donne est une joie durable que rien ne peut
détruire.
Tôt ou tard, le
chagrin,
les épreuves apparaissent dans une vie et,
malheureusement, pour plusieurs, ces douloureuses
expériences balaient toute leur joie, car
elle est à la merci des vicissitudes de
l'existence. Mais il n'en est pas ainsi de la joie
que Jésus donne. Sa joie, nul homme et nulle
douleur ne peuvent la ravir. L'infortune,
l'adversité ne peuvent y toucher. C'est
juste avant sa crucifixion, avec la perspective de
l'agonie de Gethsémané, les
humiliations du Prétoire et de la Voie
douloureuse et, ce qui lui était
peut-être bien le plus difficile à
supporter, la connaissance parfaite des
persécutions et des tribulations
qu'endureraient ses disciples. qu'il déclare
: « je vous ai dit ces choses, afin que ma
joie demeure en vous, et que votre joie soit
parfaite. » Et pour rendre cette belle
promesse doublement certaine, il ajoute : «
Nul ne vous ravira votre joie.
»
J'ai entendu raconter
l'histoire
d'une mère qui fut plongée dans la
fournaise de l'affliction. Sa fille, qui la voyait
souffrir, une terrible agonie, lui disait
:
- O mère, comment
pouvez-vous endurer tout cela patiemment et avec
une pareille sérénité
?
- Ah ! répliqua la
mère, ma joie jaillit de sources plus
profondes que ma souffrance.
En est-il ainsi pour
vous ? Les
sources de votre joie sont-elles plus profondes que
les circonstances de la vie ? Pour certains, les
sources de la joie ne semblent pas exister; ils
possèdent tout au plus de petites mares, sans
profondeur,
desséchées par le plus léger
ennui. Un manque d'égards de la part de leur
entourage, un malentendu tarissent bien vite la
source.
À beaucoup, ce Noël
apportera de la tristesse, tristesse
intensifiée par le souvenir des grands
bonheurs des autres années. Des êtres
aimés manquent au cercle de famille,
quelques-uns pour toujours ici-bas. d'autres
souffrent et beaucoup diront :
- Oh ! Noël ne sera
plus
pour moi ce qu'il était
jadis.
Mais pour tous ceux qui
veulent
l'entendre, au milieu des ténèbres et
de la solitude, de la souffrance et du deuil, ces
paroles bénies retentissent : « Afin
que ma joie soit parfaite », et « nul ne
vous ravira votre joie ». Vous pouvez faire
l'expérience que la joie du Seigneur est
votre force, cette joie qui jaillit de notre
certitude du sourire de Dieu et de son approbation
de nos sacrifices pour lui, et de nos services du
prochain.
Cette joie vous donnera
la force
et le courage, et nul au monde ne pourra vous la
dérober. C'est une ancienne, très
ancienne joie qui a subi victorieusement
l'épreuve des siècles. Dans le
lointain passé, aux jours d'Habacuc, nous la
trouvons exprimée dans ces paroles
triomphales : « Alors le figuier ne fleurira
pas, et il n'y aura rien à récolter
dans Ici vignes. Le fruit de l' olivier manquera,
et les champs ne donneront point de nourriture,
plus de brebis dans la bergerie, plus de boeufs
dans les étables. Néanmoins, je veux
me réjouir en l'Éternel et tressaillir
de joie dans le Dieu qui me délivrera.
»
À la lumière de
cette pensée. du plus profond de mon coeur,
je souhaite à tous les lecteurs du
Libérateur Social (5)
un heureux
Noël.
À propos de cet article, une
des humbles lectrices de la Capitaine
écrivit à Mme Booth après la
mort de Miriam :
Je suis si heureuse,
dit-elle
(nous donnons sa lettre dans toute sa
naïveté), qu'elle nous ait
souhaité à tous un heureux Noël
! Il semble qu'elle connût que nous allions
avoir à souffrir une grande épreuve,
et qu'elle eût désiré nous y
préparer. Dieu vous bénisse et
puisse-t-il mettre en vôtre coeur la paix et
la joie qu'elle nous souhaitait à tous.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |