UNE des infirmières de Miriam
déclarait, parlant de la religion de la
Capitaine : « C'était une vie d'amour
», et cet amour actif s'exprimait constamment
dans les formes les plus variées de
services.
Elle s'intéressait toujours
à l'état spirituel de ses docteurs et
infirmières. De l'un d'eux elle écrit
:
J'ai eu une assez longue
conversation
avec le docteur sur la religion, l'autre soir.
Pauvre homme ! Plein de doutes et de
théories. J'ai fait de mon mieux, mais il
est difficile d'aider tes sceptiques. Je remercie
Dieu du fond de mon coeur pour la lumière
qu'il nous a donnée et pour notre foi et
notre confiance. Je suis certaine que le pauvre docteur
désire, lui
aussi, les posséder. Il est parti ce matin
emportant ma brochure (1).
Plus tard :
Le docteur semble réellement
content de mon petit traité; il l'a
passé à ses servantes qui,
maintenant. désirent avoir le Cri de Guerre;
aussi me taquine-t-il en m'accusant de
révolutionner sa cuisine.
Un de ses ministères les plus
fructueux fut la correspondance. Ce n'est
qu'après son départ que l'on connut
l'étendue de ses relations. Elle recevait
des lettres de gens de milieux les plus
différents : de filles de millionnaires ou
d'humbles petites servantes, de savants ou de
matelots. Une cadette, sa compagne, maintenant
officière, écrit :
Elle semblait connaître le
moment favorable pour envoyer une lettre. Je me
souviens d'un jour de fatigues et dé
déceptions; j'avais eu à livrer un
rude combat, et je rentrais au logis abattue. Mais
je trouvai quelques jolies roses et une aimable
lettre de la Capitaine Miriam qui m'attendaient, et
j'en fus rafraîchie et vivifiée.
Une autre jeune débutante dans le service
de Dieu, raconte :
Je n'ai jamais craint de me
montrer
à elle telle que j'étais. Si
j'étais malheureuse, je lui écrivais
une lettre triste et maussade; si j'étais
heureuse, une lettre pétillante de joie, si
j'étais embarrassée, je lui demandais
avis, et si j'étais révoltée,
je lui racontais tout. Elle aimait ce qu'il y avait
de bon en moi, et se montrait patiente pour
supporter ce qu'il y avait de mauvais. Elle me
répondait toujours les paroles
nécessaires, paroles de sympathie.
d'encouragement ou de réprimande. Une fois,
j'étais très surexcitée,
j'avais été traitée
injustement. J'exprimai mon point de vue en termes
assez vifs à mon patron; puis
j'écrivis ce qui s'était
passé, à la Capitaine Miriam. Elle me
répondit avec douceur, mais me dit
très nettement que j'avais agi d'une
manière peu sage, qu'une méthode
conciliante (paisible était son mot favori)
était la manière la plus sage, aussi
bien que la plus juste. Il est toujours imprudent
de prononcer la première des paroles
irrémédiables. J'aurais dû dire
: « Ne pensez-vous pas qu'il y a. sur ce
point, une erreur?... » plutôt que de
bondir d'indignation.
Dans le flot de messages de
condoléances qui vinrent de tous les pays
après sa mort, ces paroles reviennent
constamment : « Je conserverai pieusement la
lettre qu'elle m'a écrite. »
Ses infirmières racontent les
peines qu'elle prenait pour répondre
à ceux qui se trouvaient dans un embarras
quelconque. Elle possédait une
écriture nette, jolie, facilement lisible
même par les plus illettrés; avec
cela, le don d'exprimer en peu de mots une
pensée qui faisait vibrer les cordes du
coeur, et, apportait un conseil, une inspiration ou
une consolation.
Elle écrivit à des
officiers qui passaient par des moments de joie ou
de douleur, à des étrangers
isolés et à des gens en deuil qui
avaient été encouragés par ses
écrits, à ses anciennes camarades de
l'École Militaire, aux garçons de sa
classe à Barnet, maintenant des jeunes gens
au service militaire, à des veuves
désolées, et aux enfants de troupe de
l'Armée du Salut. À tous, ses
lettres, telles des messagères aux ailes
blanches, apportaient quelques
bénédictions.
Une officière, de service
à l'étranger, écrivait
à Mme Booth, après la mort de Miriam
:
Ce qu'elle fut pour moi, seul le
Père céleste le sait. Elle
m'empêcha de tout abandonner dans un moment
d'épreuve. J'étais tentée de
me croire incomprise, je pensais qu'il valait mieux
laisser l'oeuvre à
d'autres, mais alors m'arriva son message : «
Persévérez et ne vous relâchez
point, le bon droit finit toujours par triompher.
» Combien je l'aimais pour ce message
!
Ce n'était pas uniquement par sa
propre plume qu'elle s'efforçait de faire du
bien. Dans une lettre à une amie, elle dit
:
X... passe par un très grand
chagrin, et je crains que peu de personnes ne s'en
inquiètent. Ne pourriez-vous pas lui envoyer
quelques lignes aimables et inspirer à
d'autres de le faire aussi? je suis sûre que
cela la réconforterait.
Il n'était pas toujours facile
à Miriam d'écrire, comme le montre
l'extrait ci-dessous :
J'avais l'intention de vous
écrire, il y a longtemps, mais, en
vérité, mon temps est pris par de si
nombreuses obligations d'écrire par devoir,
qu'il me reste très peu de loisirs pour
écrire pour mon plaisir. Comme je le dis
parfois, la vie d'une malade est une vie ardente,
et la brièveté de mes journées
est vraiment étonnante.
J'ai été plusieurs
fois interrompue aussi tout dernièrement.
Une après-midi, que j'avais le dessein
d'écrire, un de mes garçons en
congé vint me voir. Il appartenait à
ma compagnie de Barnet, il est maintenant sergent
dans l'armée britannique, dans la Garde.
Pendant cette visite, j'ai remporté une
victoire - j'ai obtenu qu'il prie à haute
voix près de mon lit.
D'abord, il refusa énergiquement en secouant
la tête, mais après que j'eus
prié moi-même, il prit courage et
commença d'une voix basse et tremblante,
mais si douce. Ainsi mes lettres, encore une fois,
furent remises; mais je sentais qu'il en valait la
peine. Une autre après-midi. un
spécialiste vint au moment inattendu pour
une consultation, et les deux autres jours
où je me proposais d'écrire, je
souffrais tellement que je n'ai pu faire quoi que
ce soit.
Mais des interruptions, dans le
genre des visites des anciens membres de sa classe
de garçons, revenus du front en permission,
étaient toujours bienvenues. Elle
écrit à sa tante Lucie, au sujet de
l'un d'entre eux, qui avait été
blessé et qui vint la voir avant de
retourner au front :
Il était si grand qu'il
dut se courber pour franchir la porte de ma
chambre. Agenouillé près de mon lit,
il me dit comment il avait dû affronter la
mort, maintes et maintes fois, et comment il avait
été sauvé. Oh ! petite tante,
c'était jadis un de mes plus mauvais
garnements ! J'étais si heureuse,
qu'après son départ, si mon pauvre
corps me l'eût permis, j'aurais sauté
du lit et j'aurais dansé tout autour de ma
chambre.
Le cercle de famille avait tout
naturellement les premiers droits sur sa plume.
Elle correspondait
régulièrement avec sa soeur Marie.
Les deux soeurs formaient un couple d'âmes
jumelles. Depuis leur enfance jusqu'au
départ de Marie pour l'École
Militaire, les deux soeurs avaient mis tout en
commun : pensées, projets et travail.
L'impossibilité d'entrer ensemble à
l'École Militaire leur causa une profonde
déception, néanmoins elles
restèrent en communion d'esprit,
malgré la séparation
matérielle exigée par les besoins de
la guerre du Salut. La Colonelle Marie
écrivait après la mort de sa soeur
:
J'aimais Miriam
beaucoup plus et
mieux qu'une soeur. J'étais
l'aînée, cependant elle fut mon chef
et mon inspiratrice depuis notre plus tendre
enfance.
Devenue officière,
lorsque
je remportais une victoire, mon plus grand plaisir
était de songer à la joie de Miriam,
sa sympathie dans mes heures de tristesse et de
défaite me consolait et me
réconfortait. Dans les difficultés,
je me demandais : « Comment Miriam
agirait-elle? » Considérer toutes
choses à cette lumière m'aidait
réellement.
La pensée qu'il n'y a
plus
de Miriam à la maison à qui confier
mes joies et mes tristesses, créerait un
vide intolérable, si je ne savais que Celui
qui l'a prise nous aime toutes deux. Je garderai
toujours l'inspiration de son amour et de son
exemple, et un jour nous serons réunies.
Miriam était fière du
travail de sa soeur Marie. Celle-ci lui donna un
jour un drapeau de l'Armée; il fut suspendu
à la tête de son lit pendant toute sa
maladie. Lorsqu'elle était obligée de
quitter la maison pour suivre un traitement
spécial, elle emporta chaque fois son
drapeau, comme témoin silencieux aux yeux de
tous ceux qui viendraient en contact avec elle; il
proclamait les principes de l'Armée,
principes qu'elle aimait et avait fait siens: salut
par la foi en Jésus-Christ, pureté du
coeur et de la vie, service du prochain par la
puissance de l'Esprit.
Un ami lui donna une certaine
somme
à employer à son gré pour
l'oeuvre de sa soeur, elle put ainsi, pour son plus
grand plaisir, envoyer à la Colonelle Marie (2)
un grand
drapeau de l'Armée du Salut.
- Vous savez, confiait-elle à
une camarade, plusieurs militaires, dans les
cantonnements, se sont convertis avant de monter en
premières lignes, et je désire que
Marie les enrôle sous les plis de notre
drapeau.
Elle fit préparer aussi deux
grands textes pour les baraquements. La Colonelle
Marie choisit elle-même les paroles de l'un
des deux : Jésus, le même, hier,
aujourd'hui et éternellement. L'autre,
choisi par Miriam, portait : Faites tout ce qu'il
vous dira. Elle eut la joie d'apprendre la
conversion d'au moins un grand pécheur par
le message silencieux de son texte. Une grande
partie des succès de la Colonelle sur le
front en France sont dus aux prières de sa
soeur qui gisait malade et blessée «
à l'arrière ».
Après leur dernière
séparation, en été, Miriam
écrivit à sa mère une lettre
d'où nous extrayons quelques passages
:
Ma chère Marie est
partie
hier. Nous nous sentions très tristes toutes
les deux, je ne sais pourquoi. Je n'ai jamais
souffert de la sorte à nos
précédentes séparations. Elle
a été si bonne pour moi, je ne sais
ce que je ferai sans elle.
Papa vint déjeuner avec
Marie et moi; lui-même nous l'avait
suggéré. Ce fut si aimable de sa
part. Marie partit à 12 h. 30, papa
l'accompagna à la gare. J'ai
été heureuse d'avoir la chère
Zazzie ici pour la fin de la semaine.
Papa est venu prendre le thé à
la maison cette après-midi; il semblait
tout gai; il parla beaucoup de vous, il me dit
qu'il devait aller ce matin chercher votre photo,
qu'il porte toujours sur lui; il sentait qu'il
devait jeter un regard sur votre visage. Je pense
qu'il soupire après votre
retour.
Ma température s'est
maintenue normale ; mais j'ai souffert d'autres
façons. Des maux de dos très
pénibles toute la nuit et aujourd'hui
encore, aussi je ne me sens pas en très bon
état, et je suis un peu abattue. Il tonne et
pleut à torrents ici; cela contribue
à m'assombrir un peu. Mais je me confie au
Seigneur, il me donnera la grâce
nécessaire. Ma force et ma patience sont
à bout, et parfois je désire m'en
aller au ciel.
Ma plus tendre
affection.
Votre MIRIAM.
Elle écrivit aussi à une amie sur
le même sujet :
Je me sentais
mortellement seule
après le départ de Marie. Mais.
inutile de vous le dire, je ne voudrais à
aucun prix la retenir et la ravir à ces
magnifiques occasions d'aider nos soldats. Comme
vous le dites, je suis si fière
d'elle.
Miriam n'était pas seulement
l'inspiratrice de ses bien-aimés sur le
champ de bataille; elle était aussi la joie
de ceux qui restaient à la maison. Sa
chambre était vraiment le soleil du foyer.
La famille s'y assemblait; chacun y contait ses
joies;
personne
n'était aussi gai qu'elle, et son coeur
était assez vaste pour contenir toutes les
tristesses et pour prier pour tous les
éprouvés.
- Elle préparait notre
Noël et nos anniversaires, déclare Mme
Booth; bien des semaines à l'avance, elle
préparait tout, personne n'était
oublié.
Ses infirmières racontent
avec quel plaisir elle cachait toute trace de ses
préparatifs. Une broderie succédait
à la plume et constituait un agréable
délassement. Le mélange et
l'association des plus belles couleurs sous son
pinceau était une véritable
merveille; mais elle ne se permettait des ouvrages
de fantaisie que pour sa mère. Pour Mme
Booth, elle exécuta ainsi plusieurs jolis
cadeaux.
Miriam attendait impatiemment
chaque
année la Semaine de Renoncement. Son
activité devait se borner à
écrire des lettres à des amis.
L'année qui suivit la mort du
Général fondateur, se souvenant que
le poste de Barnet perdait le don habituel de son
grand-père, dix livres sterling, elle
résolut d'y. remédier et elle y
parvint. Année après année,
elle se fixait à elle-même sa propre
cible; souvent elle eut la joie
de pouvoir encore aider ses connaissances qui
avaient de la peine à atteindre le but et
à réunir lu sommes
désirées. Miriam croyait en un
renoncement pratique, personnel; une petite note
à une amie le prouve.
Les oranges sont
délicieuses. J'en ai pris une pour le
thé, je l'ai particulièrement
appréciée, car autrement, mon
thé sans sucre et mon pain sans beurre
n'aiguisent pas l'appétit. Mais la Semaine
de Renoncement est presque terminée. Je suis
heureuse des dix shillings que rapporta ma carte.
Ce fut une agréable surprise. Je n'ai pas
atteint complètement le montant de
l'année précédente, mais je
m'attends encore à recevoir d'autres sommes
en réponse à mes
lettres.
Les fleurs du printemps et de
l'été causaient une joie profonde
à Miriam. Elle tenait à faire
participer à cette joie d'autres personnes,
aussi des bouquets de son jardin partaient dans les
différentes directions, accompagnés
de messages aussi agréables et
réjouissants que les fleurs
elles-mêmes.
Ses anis, de leur côté,
se rappelaient à son souvenir de cette
manière. Dans une lettre à sa
mère, elle ajoute un
post-scriptum.
Les pavots de Lady
Whitla furent
magnifiques. Ils s'épanouirent tous d'une
manière merveilleuse.
Une lettre accompagnait les
pavots.
Lady Whitla écrivait, faisant allusion aux
affaires du monde et à l'état de
santé de la Capitaine :
Ma chère Miss Booth,
j'ai
pensé à vous en regardant notre
corbeille de pavots; j'ai pris une boîte pour
vous en envoyer rapidement quelques-uns.
Aussitôt qu'ils vous parviendront, placez-les
dans un verre d'eau et vous aurez la joie de les
voir s'ouvrir. J'espère que vos forces
augmentent. Sir William est parti à Dublin.
Un seul mot résume nos difficultés
actuelles, je le trouve dans la confession de foi
d'Athanase : « Incompréhensible.
»
Avec mes amitiés pour
votre mère.
Votre amie sincère,
ADA WHITLA.
Sir William Whitla est un éminent docteur
qui vint visiter Miriam, en qualité d'ami,
et en plusieurs occasions mit sa grande
expérience au service de la
Capitaine.
Par cette heureuse combinaison
de
dons faits aux autres et de cadeaux reçus,
Miriam mit un peu de bonheur dans de nombreuses
existences.
Elle faisait circuler entre
plusieurs personnes les journaux, les magazines et
les livres qui lui causaient quelque plaisir. Elle
mettait de côté les timbres et les
cartes postales pour les envoyer
à des enfants; même une enveloppe de
Kodak servit à enclore quelques jolies
babioles pour un enfant.
Un des aspects du ministère
de Miriam, qui laissa un aimable souvenir à
plusieurs, ce furent ses visites. Miriam ne pouvait
visiter les gens, mais elle les recevait dans sa
chambre de malade, et personne ne sortait sans en
rapporter quelque bénédiction. Elle
ne pouvait porter l'uniforme, mais au col de son
linge étaient brodés les S rouges, et
au-dessus de sa tête flottait le drapeau de
l'Armée; des emblèmes de
l'Armée dans les divers pays étaient
disséminés dans les
différentes parties de la chambre. À
peine tourné l'angle du paravent, qui
abritait le lit de la Capitaine du courant d'air de
la porte, le visiteur était
immédiatement saisi par le visage fin et
pâle, éclairé par les yeux
bruns, brillants, où se jouaient les
lumières et les ombres d'une grande
âme. Ses mains se tendaient en avant pour un
chaleureux accueil, et son bonjour retentissait
clair et doux. Elle était « si heureuse
de vous voir » !
La maladie ne gâta
point la
chère Miriam, écrit sa tante, la
Commissaire Booth-Hellberg. La souffrance est
une
fournaise
ardente, et beaucoup n'en sortent pas brillants
comme l'or raffiné. S'ils étaient
égoïstes auparavant, ils deviennent
encore cent fois plus égoïstes, et ils
ne peuvent parler que de leurs maux et de leur
isolement, et de leurs épreuves. Il n'en
était pas ainsi de Miriam. Aussitôt
que nous étions dans sa chambre, nous
oubliions que nous visitions une malade; vous
auriez cru que c'était elle qui nous
visitait. Elle s'intéressait tellement
à tout ce qui concernait nos oeuvres ou
notre vie, et pas un mot sur elle et sur son
état.
Lorsque j'étais en
Angleterre, pendant les dernières semaines
de la vie du Général fondateur,
j'avais coutume souvent de me glisser au Homestead
pour faire la causette avec Miriam, dans le jardin
près de sa chaise-longue, ou dans sa jolie
chambrette, et bien qu'elle ne parlât jamais
de sa maladie, qui interrompit dès le
début son service dans l'Armée, je
sentais qu'elle savait que je la comprenais. Cette
sympathie silencieuse fortifia les liens qui nous
unissaient. Dans une de ses lettres, elle
écrivait : « Oh ! si cette terrible
guerre était terminée et que vous
puissiez revenir, chère petite tante. Quels
bons moments nous passerions dans ma chambre !
Quelles conversations intimes ! Peut-être
verserions-nous quelques larmes? Mais il y aurait
tant de bons sourires pour les faire oublier.
Combien j'aimerais entendre de votre bouche le
récit de vos batailles dans votre petit
Danemark. »
Un enfant passait-il une heure
dans
la chambre de Miriam, elle aussi
devenait enfant, découvrant tout de suite
les leçons, les jeux et tout ce qu'il
aimait. L'enfant s'en allait à regret,
rempli d'admiration pour la Capitaine et
décidé à tout pour lui plaire.
Un petit homme des plus turbulents, le
désespoir de sa mère, se conduisait
comme un ange dans la chambre de Miriam.
Très gentiment, quand elle eut gagné
sa confiance, elle lui demanda pourquoi il ne lui
disait pas de paroles grossières. Il la
regarda étonné et répliqua
:
- Parce que vous ne m'en dites
pas!
La Capitaine d'État-Major
Olive Booth découvrit, parmi les membres de
son poste, une pauvre femme qui se mourait d'un
cancer. Le mari de cette femme était
allemand, interné dans un camp de
prisonniers. La malade était dans une grande
détresse, ne sachant à qui elle
pourrait laisser sa petite fille. La Capitaine
d'État-Major Olive intéressa sa
mère à cette enfant; après la
mort de la pauvre femme, Mme Booth reçut la
petite orpheline au Homestead, jusqu'à ce
qu'elle pût prendre les dispositions pour
assurer l'avenir de cette enfant. Miriam consola la
petite fille qu'elle chérit de tout son
coeur. Après la mort de la Capitaine, un os,
sculpté
par le père de l'enfant, arriva à
l'adresse de Miriam, le seul hommage de
reconnaissance que le prisonnier ait pu se
procurer.
Elle avait une grande confiance
en
l'avenir des.. cadettes de corps; elle
s'inquiétait surtout des soins qu'elles
apportaient à leur santé, afin
qu'elles puissent servir Dieu et l'Armée
longtemps. Celles qui la visitaient s'en
retournaient désireuses de lui
ressembler.
Quelques-unes des personnes qui
la
visitèrent se rappelaient avec
difficulté qu'elle avait ses propres peines.
L'une d'entre elles commença un interminable
récit de désolation à propos
d'un unique incident malheureux de sa
vie.
Comme on parvient à
cacher
ses sentiments ! écrit Miriam au Brigadier
Simpson. Je riais, parlais, sympathisais, tandis
que mon coeur était tout triste, transi,
malade, en comparant sa vie à la mienne.
Elle possédait les joies de la vie et
maintes occasions de servir, et cependant une seule
épreuve assombrissait tout son horizon. Je
pensais : si nous pouvions changer de place, je ne
trouverais guère de raison de murmurer.
D'une personne qui n'aimait pas
son
travail, elle écrit :
Si elle avait dû passer
par
mon expérience, elle serait peut-être
bien heureuse d'avoir des chiffres à
écrire ou d'être nommée
à l'étranger, ou à n'importe
quel autre poste qui lui fournirait l'occasion
d'aider dans la guerre du Salut. Qu'en pensez-vous?
L'idée de la consécration, chez
certaines personnes, me semble étrange : il
s'agit pour elles de choisit leur travail, de se
consacrer à l'oeuvre qui leur plaît,
plutôt que d'aller où elles sont
envoyées.
Un des plus grands services que
Miriam rendit à l'Armée, fut
d'inciter sa mère à la quitter pour
répondre à tous les appels du devoir
:
- Va, mère chérie,
tout ira bien, chuchotait-elle.
Et Mme Booth quittait la chambre
de
sa fille pour accomplir quelque mission importante,
ou elle partait pour un long voyage, ne sachant pas
si tout ne serait pas fini avant son retour. Tout
ce que ces séparations signifiaient pour la
mère et pour la fille, seul le coeur
débordant d'amour de notre Père
céleste peut le connaître et le
mesurer.
J'eusse aimé rester
davantage avec vous, ma chérie, écrit
Mme Booth un peu avant le Congrès
International de 1914... J'espère avoir
quelques heures de liberté avant la
réunion du Congrès. Si vous
êtes un peu mieux à ce
moment-là, je pourrai peut-être vous
lire mes notes.
Nous n'avons que peu parlé
dans ces pages du triple lien de tendre sympathie,
de mutuelle compréhension et de confiance
qui unissait Mme Booth et Miriam. Nous ne pouvons
faire à ce sujet aussi sacré qu'une
rapide allusion. Pourtant, sans exagération,
nous pouvons dire que jamais Mme Booth ne cessa de
penser à Miriam et de porter sur son coeur
le fardeau des souffrances de sa fille.
Une des nombreuses lettres de
Mme
Booth, qu'elle avait conservée
précieusement, commence ainsi :
Ma précieuse
Miriam,
Je remercie Dieu pour
votre
message de ce matin m'annonçant que vous
avez eu une bonne nuit. Papa se met au travail,
aussi je ne dois pas penser trop à vous, car
alors je m'inquiète.
Et encore :
Merci pour votre cher
billet. Vos
vaillantes paroles : « je sais que je dois
guérir », m'ont fait du bien et je prie Dieu
pour
qu'il nous guide. Je ne puis m'empêcher de
sentir que votre situation s'améliore. Le
docteur semble penser que la nature chez vous
l'emporte peu à peu sur la
maladie...
À chaque appel du devoir,
Miriam se séparait courageusement de Mme
Booth, mais elle l'accueillait à son retour
avec la joie la plus intense. Avant même de
défaire son manteau de voyage et son
chapeau, Mme Booth accourait dans la chambre de
Miriam, sachant avec quelle impatience elle
était attendue. jusqu'à la fin, un
des plus grands plaisirs de Miriam consistait
à écouter sa mère lire
quelques pages des livres qu'elle étudiait.
Pendant ses derniers mois sur la terre, elle
s'intéressa particulièrement à
la Chine : elle trouvait plaisir à y suivre
l'oeuvre des pionniers de l'Armée du Salut,
et elle jouissait d'écouter la lecture de la
biographie du pasteur Hsi, le saint et le
lettré chinois.
Je suis profondément
intéressée par ce livre,
écrit-elle, et je désire ardemment,
maintenant, pouvoir aller en Chine. Mais je suis
plus que jamais consciente de l'importance de la
prière. Prier pour la Chine, c'est un
service que je puis rendre.
Il se peut que les prières de
la Capitaine aient
constitué le plus grand service de Miriam.
Lorsque le travail tombait de ses faibles mains,
elle restait immobile, priant avec ardeur pour
l'Armée en général et pour
chaque salutiste en particulier.
L'éternité seule nous
révélera les fruits de cette
intercession sanctifiée par la
souffrance.
Citons la Commandeur Eva Booth
:
Son ministère fut
court,
mais il fut fécond et vaste. Son esprit
s'élevait bien au-dessus de ses souffrances
physiques, si grandes fussent-elles, s'oubliant
elle-même, dans son zèle pour le
service d'autrui. Nous sommes privés de la
bénédiction de sa présence,
mais l'influence de sa vie consacrée ne
passera jamais.
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