DU PASSÉ
VERS
L'AVENIR
(Échos de la Retraite
missionnaire de juillet 1952)
Historique, cette année 1952
l'est non seulement par le souvenir d'un
émouvant et riche passé, mais aussi
par une vision nouvelle sur l'avenir. Il semble que
Dieu ait permis qu'elle soit comme un stade dans
l'évolution harmonieuse de l'oeuvre
missionnaire :
La semence de l'Évangile,
après avoir engendré l'Eglise, en
manifeste l'édification, la
plénitude.
La conférence entre anciens et
missionnaires que nous venons d'évoquer,
trouve son prélude dans celle de juillet
entre missionnaires seuls. En effet, la grande
préoccupation qui devait la dominer
fut : l'Eglise.
Dans le message d'ouverture à
l'écoute de I Cor.3, le
vénérable doyen M. Audétat
explique : Il nous fut accordé de poser
le seul fondement, Jésus-Christ ;
à vous, jeunes, d'y bâtir
désormais avec vigilance ; ... y
édifier Son Église.
« Ce que tu as entendu de
moi... confie-le à des hommes fidèles
capables de l'enseigner également à
d'autres » (2 Tim. 2.2).
Cette parole lue ensemble
s'éclaira d'une véritable
révélation : N'est-ce pas ici
notre consigne future, celle laissée par le
vieux missionnaire Paul au jeune
Timothée ?
La vision du passé :
évangéliser le Laos.
Celle de l'avenir : y
édifier l'Eglise...
... une Église missionnaire
à son tour, qui elle,
évangélisera le Laos. Il s'agit donc
pour le missionnaire de prêcher et
d'enseigner encore, mais de le faire
« à travers » ces hommes
qu'il aura instruits. Sa souffrance sera de ne plus
prêcher ou enseigner lui-même, mais sa
récompense sera de voir ses enfants
spirituels, serviteurs indigènes
formés à son école, le faire
à sa place. Oui, si ma vie connaît cet
humble sacrifice d'enfanter et de former dix
serviteurs, ma joie sera de voir dix vies au
service de Dieu plutôt qu'une, mon repos sera de
comprendre que,
mieux que
moi, ils sauront apporter l'Évangile
éternel dans la langue et la
mentalité de leur peuple.
Tout naturellement les
préoccupations mises alors en commun durant
cette conférence, portèrent sur cet
aspect du service missionnaire :
ÉCOLE
BIBLIQUE
Il s'agit donc de porter tout
particulièrement l'attention et les efforts
sur l'enseignement ; de trouver des hommes
spirituels et doués pour leur confier la
grande charge de l'évangélisation et
de l'enseignement. Prendre conscience de cette
nécessité, c'est jeter les
véritables bases d'une école
biblique. Celle-ci est aujourd'hui en voie de
réalisation.
COURS
BIBLIQUES
La nécessité de poursuivre
les cours bibliques annuels groupant les
chrétiens de tout le Bas-Laos
résultait de la même
préoccupation. Ces semaines de retraite et
de communion furent de tout temps combien
enrichissantes ; les croyants isolés,
les communautés fatiguées viennent y
retremper leur foi et leur zèle. C'est
à l'issue de ces conventions
chrétiennes que se renouvelle la grande
décision des colporteurs volontaires. Le
chant aussi y occupe une place d'honneur pour la
jeunesse ; enrichie de mélodies
nouvelles, elle les rapportera, après la
dispersion, aux diverses communautés de
brousse.
COURS DE
JEUNES
Depuis toujours les missionnaires
comprirent l'importance primordiale d'instruire les
jeunes. Keng-Kolz est le lieu de
prédilection de camps bibliques à
leur intention. Pour la première fois, en
1951, des jeunes filles répondirent à
leur invitation.
Ce problème d'un travail plus
effectif encore en faveur de la jeunesse
féminine, de l'Eglise notamment, fut
également apporté durant ces
journées de conférence.
JEUNES
FILLES
Infiniment trop peu nombreux, les
missionnaires débordés de travaux
n'ont pas pu soutenir en faveur des jeunes filles
le service complet qu'ils auraient aimé
pouvoir leur accorder. C'est le problème de
l'éducation chrétienne qui se pose
pour elles comme d'ailleurs pour toute la jeunesse
laotienne. Cette lacune se fait sentir dans un
domaine insoupçonné, le mariage. S'il
se manifeste aujourd'hui, dans l'Eglise, des jeunes
hommes consacrés, il est difficile pour eux d'y
rencontrer
« l'aide qui leur
corresponde » ; peu de jeunes filles
sont en mesure de partager avec eux une
véritable vocation au service de Dieu. Un
des cas les plus significatifs et émouvants
est celui d'un jeune évangéliste, un
serviteur de valeur, au visage rayonnant. Le
problème de sa vie d'homme est de n'avoir pu
trouver : « Je n'ai pu concilier
l'oeuvre de Dieu et le mariage, confia-t-il au
missionnaire, mais l'oeuvre de Dieu
d'abord. » Une pareille
détermination dénote une
personnalité et une consécration
remarquables ; elle prend en Orient une
signification infiniment plus exceptionnelle que
chez nous. Elle nous montre au Laos aussi une
véritable vocation au célibat.
CAMPS DE
JEUNESSE,
ÉDUCATION CHRÉTIENNE
Le problème urgent posé
par l'enfance et l'adolescence chrétiennes
fut encore évoqué en ces
journées.
Les enfants, ne sont-ils pas au premier
échelon d'une action progressive et
complète en faveur de l'Eglise
laotienne ? Avec une profonde angoisse les
missionnaires voient la jeune
génération chrétienne glisser
hors de l'Eglise, emportée par la vague
d'émancipation et d'immoralité
consécutive au
« progrès » et à
la guerre. En terre païenne, la valeur d'une
génération issue de parents
chrétiens est inestimable ; elle
constitue par son éducation morale et son
instruction biblique un fondement d'une grande
solidité, un terrain humain incomparablement
riche ; la conversion est alors
immédiatement mise au bénéfice
de tout cet acquis et l'assemblée locale
n'en est que plus forte. (Les missions romaines
l'ont fort bien compris : il est de
règle de n'admettre à la
prêtrise que des éléments de la
troisième génération
chrétienne.)
La formule des camps de jeunesse semble
répondre à cet impérieux
besoin ; il faudrait sans tarder passer aux
réalisations concrètes : mais
aucun missionnaire ne se trouve disponible pour
cette tâche urgente, quelle souffrance de n'y
pouvoir répondre et d'assister impuissants
à ce drame !
Et le problème semble aller plus
profond encore. Dans l'Eglise, et même parmi
ses anciens, une irrémédiable carence
d'éducation humaine, morale et
psychologique, se fait douloureusement sentir. (Cf.
Silhouettes laotiennes, p. 17.) Sa marche en avant
semble même compromise par cette lacune
fondamentale. - impossible de construire plus haut
l'édifice avant de consolider les
fondements. Sur ce point, la prédication et
l'enseignement spirituel se sont vainement
épuisés en exhortations, en censures
même... il faut plus encore :
Jésus a non seulement enseigné ses
disciples, il les a pris avec lui. Le
problème relève en définitive
de l'éducation. C'est ce que les
missionnaires ont depuis longtemps compris :
« Nos chrétiens
laotiens, malgré les dons spirituels que le
Seigneur a distribués parmi eux, sont encore
mineurs, écrivait M. Audétat en 1935,
ils ont besoin de conducteurs spirituels
(missionnaires). Il y a toute une jeunesse, enfants
de parents chrétiens à instruire,
à éduquer : il y a très
longtemps que nous voyons la
nécessité de créer un internat
à leur intention et nous demandons au
Seigneur un couple capable de le
diriger. »
Après dix-huit années, cet
appel pressant resté sans réponse
garde toute son actualité ; il n'en est
que plus insistant encore. En effet, pour cet
aspect du service, ce sont dix-huit années
irrémédiablement perdues, aujourd'hui
l'internat est encore inexistant. Pourquoi
n'avons-nous pas répondu ? Et qui
trouvera maintenant pour cette jeune Église
cette phalange introuvable et indispensable que
nous n'avons pas pu... ou pas voulu lui
préparer ? Et pour demain, pour les
dix-huit années qui viennent, qu'allons-nous
faire, qui se lèvera ?
On ne peut creuser trop profond, ni voir
trop loin pour fonder et édifier Son
Église. Avec quelle patience, depuis
dix-neuf siècles, le Seigneur la bâtit
en Occident.
VISITES AUX
ÉGLISES
Une manière excellente et
indispensable de répondre à ce
service d'édification, c'est d'intensifier
encore les visites aux assemblées, des
visites périodiques pour apporter dans leur
cadre même, cet enseignement suivi, cette
réponse complète dont elles ont
besoin ; puis les laisser à
elles-mêmes, découvrir et vivre
l'expérience laotienne de la
communauté chrétienne.
ORPHELINS
C'est pour pratiquer l'Évangile
et le vivre pour eux et avec eux que des orphelins
furent recueillis avec tant de dévouement et
d'amour à la station missionnaire de
Song-Khône. Le chrétien ne peut pas
laisser mourir ce nouveau-né victime d'une
cruelle superstition, ou laisser condamner cet
enfant de lépreux à la maladie ou
à la dépravation... et bien d'autres
cas encore. De plusieurs points du champ, des
enfants infortunés appellent à
l'aide. Que faire ? Impossible à chaque
missionnaire d'en recueillir quelques-uns, la
tâche matérielle et éducatrice
les paralyserait au détriment des autres
services. Alors, il faudrait les grouper,
créer un orphelinat auquel un ou une
missionnaire se consacrerait secondé par
quelque aide indigène. Telle est la
brûlante question posée aujourd'hui
par ces enfants. Jusqu'ici des familles
chrétiennes accueillirent aussi de ces
malheureux délaissés ; cette
solution serait certes la meilleure si elle pouvait
suffire ; toutefois, elle ne permettrait pas
en faveur de ces enfants, cette
solide éducation chrétienne dont
l'Eglise a tant besoin.
INSTRUCTION
ET
ÉCOLES
Dès le début les
missionnaires se sont préoccupés de
l'enseignement scolaire comme d'une tâche
essentielle. Song-Khône, Keng-Kok, Ban-Lao,
Savannakhet ont connu et connaissent encore
aujourd'hui de semblables et féconds
efforts. Plusieurs assemblées se sont
constituées « autour »
d'une école dont l'instituteur
chrétien, formé sur la station,
était aussi un conducteur spirituel ;
ce fut le cas, notamment pour Nong-Boua, la
Sé-Bang-Nouen, Kram-San... Cette magnifique
solution avait des effets multiples : non
seulement elle donnait à la
communauté un conducteur spirituel, mais en
village païen, elle évitait aux enfants
l'influence de la pagode à laquelle
était confiée l'instruction publique,
et elle préparait, pour l'église, une
jeunesse sainement instruite. Les effets de ce
travail furent considérables pour le
maintien et le développement des
assemblées chrétiennes au
Laos.
Cependant ce service n'a pas pu jouir
des forces et du temps qu'il méritait, et
une action systématique n'a pu être
étendue et poursuivie dans ce domaine car
l'effectif missionnaire devait rester infiniment
trop faible pour envisager un plan de grande
envergure. Bien des croyants ne peuvent encore lire
couramment leur Bible ; or le missionnaire
sait bien qu'il est essentiel pour un
chrétien de pouvoir lire les
Écritures ; cette lecture signifie
nourriture, progrès, solidité dans la
foi ; c'est pourquoi plusieurs missions en
font une des conditions du baptême.
Plusieurs perspectives sont à
envisager par le moyen de
l'instruction :
- Tout d'abord arriver absolument
à donner aux croyants de tout âge
cette faculté de lire leur Bible. Certains
préconisent la célèbre
méthode « Laubach » pour
résoudre cet insoluble
problème.
- Puis instruire, éduquer la
jeunesse : excellente préparation aux
cours ou écoles bibliques. Car il faut pour
l'Eglise du Laos, des « hommes non
seulement fidèles, mais aussi capables,
capables d'enseigner ... » Cette
capacité reçue de Dieu, elle se
développe aussi sur les bancs d'école
en « s'efforçant d'ajouter
à la foi... la science, la vraie
science ».
- Poursuivre aussi l'activité
scolaire en faveur de la jeunesse
évoluée. Il semble au premier abord
que cette action ne saurait appartenir à la
tâche missionnaire. Cette remarque est juste
si nous entendons par
« mission », exclusivement la
prédication orale de
l'Évangile ; mais elle cesse
d'être valable, si «mission»
implique un témoignage total de
l'Évangile au sein de l'existence humaine,
sa présence et son
influence portées au coeur même d'une
nation païenne. Or il est indiscutable que
l'école de Savannakhet est actuellement le
seul moyen de pénétration dans la
classe laotienne évoluée et
dirigeante. En effet, si les enfants de
médecins, d'officiers, de ministres, de
gouverneurs, etc. fréquentent l'école
de la mission, les missionnaires à leur tour
entreront dans ces milieux jusqu'ici fermés.
Plus encore, ces enfants, enseignés dans une
atmosphère chrétienne, ne seront-ils
pas appelés un jour à présider
aux destinées du Laos de demain ? Or
c'est l'avenir que nous sommes sans cesse
invités à considérer lorsque
nous entreprenons pour Dieu parmi les
hommes.
- Envisager enfin une école
primaire pour les enfants missionnaires.
Le champ missionnaire éprouve un
impérieux besoin de serviteurs formés
pour de semblables tâches, institutrices,
instituteurs, professeurs même. Ceux sur
lesquels elles pèsent accomplissent
actuellement un travail admirable et surhumain,
mais qui risque fort de dépasser leurs
forces et leurs possibilités.
SERVICE
MÉDICAL
Dans le service médical aussi le
passé nous lègue une magnifique et
lourde succession. Il faut donc poursuivre,
étendre encore ce geste d'amour pour le
prochain : « Va, et toi fais de
même », ordonne Jésus au
docteur de la Loi pour conclure la parabole du bon
Samaritain.
Quel remarquable service les trois
stations de brousse n'ont-elles pas accompli ;
des dizaines de malades y affluent journellement
pour implorer secours ; la nuit comme le jour,
la porte est ouverte ; il n'y a pas d'heure
pour la souffrance lancinante, pas d'heure non plus
pour un coeur compatissant.
Ils sont là accroupis sur la
grande galerie de la mission, de tout âge, de
toute condition, de toute maladie, comme aussi de
toute misère morale et spirituelle ;
ils sont là, accourus de près ou de
fort loin ; et sur ce groupe souffrant et
constamment changeant, un grand coeur et une
inlassable main prodiguent sans compter secours
médical et spirituel.
Quelques-uns diront peut-être,
c'est très bien, mais que reste-t-il de ce
travail immense ? Jésus a guéri
les dix lépreux et tous les autres... pour
se trouver finalement seul à la croix,
abandonné de tous. Vivre l'Évangile,
c'est « prêter sans rien
espérer ».
Et pourtant de tels sacrifices
inscrivent dans la société
païenne un signe indélébile.
Avec quelle émotion j'entendais un colon
marié à une Laotienne de Keng-Kok me
décrire l'émoi, la détresse
même de la population païenne de la
ville lors de l'arrestation de M. Brügger par
les Japonais. «Ils nous ont enlevé
notre père... qu'alIons-nous devenir sans
lui,
sans sa présence, sans ses exhortations,
sans son appui et ses soins ? » Ce
moment suprême manifesta le véritable
attachement porté aux missionnaires,
l'influence profonde de leur vie infatigable et
dévouée au service de ce peuple. Ils
y tenaient, ils y tiennent à leurs
missionnaires ; sans que ceux-ci s'en doutent,
leur présence et leur témoignage
rayonnent sur un peuple païen qui tourne ses
regards vers eux. « Ça leur est
tellement impossible de rompre avec leurs
traditions ancestrales, leurs superstitions, leurs
bonzes ... » et cependant cette
présence missionnaire les attire, les apaise
et leur parle. « Ils vivent, selon le mot
de R. de Pury, parce qu'il leur reste
Jésus-Christ à
connaître. » L'Évangile
pratiqué a son éloquence.
LÉPROSERIE
ET
LÉPREUX
C'est une de ces actions
concrètes qu'attendent en silence, depuis
fort longtemps, les lépreux de Paksé.
Ce nom seul éveille la vision poignante de
ce qu'on a appelé « la
léproserie de Paksé »,
cruelle ironie du langage ! Et l'on comprend
pourquoi beaucoup de malades
préfèrent mourir dans leur
village.
Laissant la route coloniale à
quelques kilomètres de la ville, une sente
taillée dans la brousse vous y
conduit ; nous franchissons une tranche de
forêt, passons à gué un
« roué », contournons
quelques rizières puis... « Mais
c'est là ! » indique mon
collègue ; le spectacle est
pitoyable : un poteau à demi
arraché devait porter jadis
l'écriteau du lieu ; et quel lieu,
sorte de campement désolé pour y
cacher la désolation ! Un terrain
défriché couvert de hautes herbes
s'enfonce en triangle dans la grande
forêt ; sur notre gauche, l'unique
bâtisse digne d'homme, au fond,
pêle-mêle, des
« toupes »
délabrées essaient d'abriter encore
ceux qui furent des hommes ; ils sont une
quarantaine à vivre ou plutôt à
mourir ici, de cette mort lente, inévitable.
Le mal ronge et consume en d'intolérables
brûlures les membres puis l'épiderme
du condamné ; et il cherche vainement
la fraîcheur, un peu de fraîcheur, de
cette fraîcheur introuvable parce que la
forêt torride ne la laisse pas venir et que
la peau détruite ne la laisse plus passer.
Ils dépérissent là, dans cet
enfer, des mois, des années durant dans le
plus effroyable abandon moral et médical. Un
gouvernement païen ne s'intéresse plus
au sort de ceux que soignait la France : La
seule maison salubre ne fut récemment
construite que sur les instances
répétées du missionnaire.
Comme nourriture, c'est à peine si du riz
leur est encore apporté pour les
empêcher de mourir de faim ; les moins
atteints essaient de cultiver les rizières
des autres.
Devant ce dénuement et cet
abandon qui révoltent notre conscience
chrétienne, nous mesurons ce que signifie
une civilisation païenne ; et le
missionnaire ne peut faire autrement qu'entrer dans
ce lieu désolé pour y apporter en
paroles et en actes l'Évangile du salut.
Mais ce « missionnaire », c'est
nous, et ces « actes » nous
appartiennent ; ces malades sont nos
frères parce qu'ils sont des hommes et pour
plusieurs, convertis. Une quinzaine de croyants,
fruits du témoignage émouvant de
Souphine la petite lépreuse, partagent ici
leur foi. Le missionnaire essaie de les aider, de
les consoler, de les soigner, mais ses moyens sont
tragiquement insuffisants. « Si de
limités que nous sommes nous osions voir
grand, écrivait-il en substance, alors bien
sûr, il faudrait absolument retirer ces
malheureux de cette clairière malsaine et
étouffante pour créer à leur
intention une colonie hospitalière sur les
rives salubres du Mékong ; il faudrait
absolument une vocation médicale en leur
faveur... » Oui, pour cette
réponse, la « grande »,
la seule digne des grandes détresses, et
d'un grand amour, une vocation médicale
s'impose immédiatement pour le Laos :
infirmière, infirmier, médecin ?
Qui entendra, « Qui marchera pour
nous », vers eux ? « Priez
le Seigneur de la moisson de les
envoyer ! »... des centaines de
lépreux attendent !
TRADUCTIONS
ET
PUBLICATIONS
Avec l'ampleur sans cesse croissante de
la tâche, un service de traductions et de
publications s'impose de plus en plus. La
nécessité d'une nouvelle
révision et d'une nouvelle
réimpression des Saintes Écritures
nous a déjà été
signalée ; à celle-ci s'ajoute
la pressante nécessité de
créer toute une littérature
évangélique pour les besoins de
l'Eglise et du peuple laotiens. Un simple coup
d'oeil sur notre propre bibliothèque suffira
pour nous convaincre de l'indispensable
enrichissement qu'apporte une telle
littérature (cf. 2 Tim. 4. 13).
L'analphabétisme recule à grands pas
au Laos aussi ; les chrétiens et les
non-chrétiens iront à d'autres
nourritures si l'Eglise ne leur fournit pas une
saine lecture.
Une tâche aussi
considérable requiert des hommes qui s'y
donnent résolument. Déjà un
missionnaire particulièrement doué
pour les langues s'oriente dans cette direction.
ADMINISTRATION
Qu'on le veuille ou non, la
présence missionnaire reste liée aux
contingences matérielles de la vie. Une
« colonie » missionnaire en
pays étranger implique nécessairement
des réalités administratives
auxquelles il faut bien prendre le temps de
répondre. En outre, tout un service de
liaison s'impose entre les stations :
transport de personnes, achats de marchandises et
leur acheminement vers les stations dépourvues,
etc.
Il convient qu'un missionnaire y consacre le temps
nécessaire ; et ce sera tout
naturellement celui en résidence dans la
ville située au centre du champ,
Savannakhet. Ce travail est considérable, et
c'est sans compter que le missionnaire s'y
dépense pour s'acquitter au mieux de ces
services sans noms et sans nombre.
LIENS AVEC
L'ÉGLISE-MÈRE
Incontestablement, la mission au Laos a
souffert, et souffre encore, d'un réel
isolement. Un contact suivi a manqué entre
missionnaires et églises de
l'arrière. La correspondance, une
information ordonnée et continue, un partage
de sujets de prières suivis sont autant de
liens vivants entre les envoyés et l'Eglise
au pays. Le missionnaire débordé de
travaux n'a pas toujours pu trouver le temps et les
forces pour créer, maintenir, intensifier ce
contact vivifiant avec l'Eglise, et celle-ci n'a
pas toujours su s'intéresser et solliciter
ces relations étroites pour vivre avec lui
un service missionnaire pleinement
partagé.
Toute une découverte reste
à faire de part et d'autres ; il faut
des hommes ici et là-bas appelés
à être ces humbles chaînons
intermédiaires entre la mission et l'Eglise.
ÉVANGÉLISATION
Ces tâches variées qui,
chacune pour sa part, manifestent et servent
l'Évangile, ne sauraient remplacer la
prédication elle-même.
Prêcher l'Évangile demeure
la vocation fondamentale de la mission, cette
vocation qu'elle s'efforce de transmettre à
l'Église laotienne.
Le moment semble venu d'intensifier
l'effort d'évangélisation en faveur
des principales villes du Bas-Laos. Ce besoin fut
fortement souligné aussi au cours de ces
rencontres de juillet 1952. Il s'agit maintenant
d'atteindre les classes
évoluées : laotiennes,
vietnamiennes, chinoises et françaises
également. Des conférences en langue
française tenues « en
équipe » dans les grandes salles
de ville, sont apparues comme la réponse la
plus actuelle à ce grand appel des
populations urbaines. Cette attente des villes
n'affaiblit en rien l'insistance des appels de la
brousse aux besoins immenses et grandissants.
Quelle tâche, quelle tâche
incommensurable t
Quel travail multiple et
multiplié implique un témoignage
missionnaire intégralement
donné :
Évangélisation,
églises, écoles et cours bibliques,
littérature, éducation
chrétienne, camps de jeunesse, services
scolaires, médical, social, administratif,
etc., ce sont autant de tâches bien
définies proposées avec tant
d'urgence à l'ensemble des missionnaires.
Certes pas à eux seulement,
mais à toutes ces assemblées
chrétiennes dispersées dans le pays.
« IL
FAUT
QU'IL CROISSE ET QUE JE
DIMINUE »
Très remarquable et significative
est la conclusion vers laquelle l'Esprit de Dieu
achemina ces rencontres missionnaires. Ce fut comme
une nouvelle découverte, une prise de
conscience impérative : Non, nous
n'avons pas le droit de prendre des
décisions nous les missionnaires seuls, de
conclure sans « eux ». Tout ce
qui concerne l'oeuvre de Dieu au Laos, ce qui nous
préoccupe tellement, ce que nous avons mis
en commun au cours de ces journées de
conférence, tout cela ne nous appartient pas
à nous seuls, mais au même titre
à nos frères laotiens aussi. C'est en
dernier ressort à eux que le Seigneur veut
confier l'honneur et la responsabilité du
témoignage de l'Évangile au Laos. Ce
sont eux qu'il appelle à être son
Église en ce pays, Église accomplie,
vivante, conquérante.
Il fut alors décidé de ne
rien arrêter arbitrairement entre
missionnaires, mais de se rencontrer avec les
anciens responsables des diverses
assemblées. Le moment semblait venu de
partager avec eux ces problèmes, pour les
introduire dans les responsabilités du
travail, de recueillir leur opinion, leurs
convictions, leur vision, pour « qu'elle
croisse, cette Église, et que nous
diminuions, nous missionnaires » (cf. Jean
3. 30). Ces paroles admirables
prononcées au cours de cette
conférence proposaient ce que devait
être notre ligne de conduite envers nos
frères laotiens. Tel Jean-Baptiste devant
l'Époux, le missionnaire face à
l'Épouse s'effacera progressivement devant
sa croissance... « jusqu'à
n'être plus rien », devait conclure
le missionnaire saisi par cette vision :
« Oh ! pardonne, Seigneur, chaque
fois que je n'ai pas été à
l'humble service de mes frères laotiens,
mais à leur tête, un obstacle à
leur croissance. Grâces te soient rendues,
Seigneur, parce que tu as permis et que tu assures
cette croissance de ton Épouse au Laos,
jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus
à l'unité de la foi, et de ta
connaissance, ô Fils de Dieu
éternellement béni et adoré.
Amen ! »
(Eph.
4.)
« Grâces soient rendues
à Dieu pour son don ineffable. »
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