Avec hésitation, la population du Liban commence à parler des atrocités qu'elle a subies Le dernier combattant de l'OLP est parti de Beyrouth-ouest, et l'espoir renaît au Liban de ne plus jamais les revoir par là. Ils sont toujours plus nombreux à trouver le courage de raconter aux journalistes occidentaux ce qu'ils avaient eu à endurer sous la domination des «combattants de la paix».
D'Éphraïm Lahav
Au début de cette semaine, une bombe explosa à la clinique du «Labib Medical Center», dans la ville sud-libanaise de Sidon. Trois patients libanais ont été blessés, l'un d'eux assez gravement pour être transféré à Haïfa par hélicoptère. L'attentat à la bombe était un acte de vengeance de l'OLP contre le chef de l'hôpital, le Dr Labib Abu-Zahr. Son «crime»:
Avoir osé prendre position ouvertement contre l'OLP et qualifier ses membres d'intrus et de despotes.
«Pourquoi n'êtes-vous pas venus plus tôt?»
Dans une conversation avec le SAD, le médecin raconte: «L'OLP avait établi depuis 7 ans un Etat dans l'Etat. Au début, ils achetèrent leur influence avec de l'argent, dont ils disposaient à profusion. Peu à peu, elle avait le contrôle de toute la politique de Sidon.
Le gouvernement central à Beyrouth n'avait de toute façon rien à dire, la police libanaise était mise hors circuit.» Est-ce que Labib, musulman, est heureux de l'invasion israélienne? Sa réponse fut une question: «Pourquoi n'êtes-vous pas venus plus tôt pour chasser ces fils du diable?»
Des milliers d'autres Libanais ne s'en sont pas sortis aussi facilement que Labib: Non loin de son hôpital, dans la banlieue de Miamia, habite l'instituteur Suheil Wakim, 27 ans. Son frère aîné Kalim était capitaine de la gendarmerie libanaise au moment où la guerre civile éclata.
Un bus, chargé de gens de l'OLP déguisés en femmes avec des foulards noirs, et ayant caché leurs armes, tomba dans un quartier chrétien de Beyrouth, entre les mains de la phalange chrétienne qui extermina toute cette troupe de l'OLP. C'est Kalim qui en fut responsable.
Il y a différentes interprétations de cet événement. L'OLP prétend que les morts étaient des femmes. Le capitaine Kalim, par contre, savait qu'il devait craindre pour sa vie. Mais l'OLP, au lieu de se venger sur lui, s'en prit à sa famille ignorante. «Nous entendions tout à coup des coups de feu. Les gens du village vinrent nous avertir en disant: « Partez, votre maison est située trop près des camps de réfugiés. Mais nous n'en tenions pas compte . . .
Soudainement, à une heure du matin, notre maison fut encerclée. Quelqu'un enfonça la porte en criant: Sortez! Nous étions tous en pyjama. Ils me saisirent, avec mon père et mon frère, et dirent: Donnez-nous vos armes. Nous répondîmes: Nous n'avons pas d'armes. Alors, ils nous serrèrent contre la paroi et tirèrent sur nous avec une mitrailleuse. Ma mère devait assister à ce spectacle. Elle se tenait derrière le tireur et, dans son désespoir, lui administra un coup. Le fusil s'échappa de sa main et ce fut ma chance. Je ne fus blessé qu'au ventre et à la jambe. Mon père et mon frère furent tués sur le coup.»
Suheil nous montre le mur devant lequel eut lieu «l'exécution». La mère n'est pas remise de ce cauchemar. Dans sa maison reluisante de propreté, où elle habite avec Suheil, elle pense sans cesse à cette nuit d'horreur.
Nous quittons le village et nous arrivons au port de pêche de Sidon. Les pêcheurs se surpassent en plaintes contre l'OLP: «Il n'y avait plus de droits, plus de loi. La gendarmerie libanaise était sans force... Personne ne pouvait parler librement... Pour la pêche, il nous fallait des fiches de permission de l'OLP . . . Il était dangereux de sortir dans la rue à l'obscurité . . . L'invasion israélienne arriva comme un miracle du ciel . . . Israël seul était capable de mettre fin à ce problème . . .»
Les gens du port sont reconnaissants aux Israéliens, mais ils ne veulent pas les garder toujours dans leur pays: «Toutes les armées étrangères doivent partir - Les Syriens et les Israéliens aussi. Ceux qui ont vraiment souffert de la guerre étaient les Libanais.»
Le pêcheur Rames lskafi raconte une histoire horripilante: «J'avais un aide du nom d'lchsan Arnaut. Une nuit, nous partions tous les deux à la pêche, à proximité de la côte de Damour.
Nous avions atteint notre but et nous commencions à étaler le filet. En arrêtant le moteur, j'entendis un bateau s'approcher de nous. Les occupants nous avertissaient avec les projecteurs. Je criai: ,Je ne suis pas un ennemi. Je pêche avec votre permission.' Au lieu d'une réponse, ils nous envoyaient une gerbe de projectiles. lchsan était assis derrière moi.
J'avais l'impression d'avoir été touché. J'ai commencé à pleurer en criant mon nom dans l'espoir qu'ils le reconnaîtraient. C'était inutile.J'ai sauté dans l'eau. Ils arrêtèrent les coups de feu et je regagnai ma barque. J'appelai mon compagnon et lui dis: ,lchsan, c'est passé.' Je l'éclairai avec ma lampe de poche. Il était couché, les bras et les jambes écartés, là devant moi dans la barque. Il était mort.»
Pendant une demi-heure environ, on roule sur la route défoncée de Sidon en direction de Damour. Contrairement à Sidon, Damour était, jusqu'au déclenchement de la guerre civile, une ville exclusivement chrétienne (maronite).
Actuellement, les quatre églises ressemblent à des squelettes. En janvier 1976, l'OLP arrivait pour chasser tous les habitants et transformer la ville en une réserve d'armes et un camp de formation de l'OLP. Les Israéliens prirent la ville et firent partir les terroristes. Maintenant, Damour est totalement vide, une ville fantôme.
Le silence est tel que l'on peut entendre l'écho de ses propres paroles. Il n'est rompu que lorsque une voiture arrive avec d'anciens habitants, visitant leurs demeures d'autrefois. Aucun d'eux ne reste, car peu de maisons sont intactes.
Nous avons rencontré Elias Eid, qui arrivait avec sa femme dans leur vieille Mercédès chargée de quelques ustensiles de ménage.
«Je suis né à Damour, où j'ai aussi grandi.
C'est la première fois depuis 6 ans que je reviens à Damour. J'ai attendu d'être sûr que l'OLP était partie - aussi de Beyrouth -.»
Autrefois, 40 000 habitants - aujourd'hui, une ville fantôme
Elias Eid raconte: «En janvier 1976, on comptait 40 000 habitants ici. La plupart possédaient des maisons individuelles. L'OLP commença l'occupation et les bombardements qui ont duré 8 jours. Pendant tout ce temps, nous étions accroupis à la cave. Le huitième jour, les bombardements cessèrent, mais les gens de l'OLP pénétrèrent dans la ville. Le massacre commença.
Près d'ici, ils poussèrent une quantité de gens dans une maison et les fusillèrent. J'ai trouvé parmi les morts mon frère, son fils avec sa femme et leurs 4 enfants. Il y avait tant de morts que l'OLP fut obligée de ramasser les cadavres avec des tracteurs. Alors, nous avons pris la fuite.» Le chef chrétien et ancien président de l'Etat, Camille Schamoun, envoya un bateau à Damour pour recueillir les survivants et les amener à Junieh. Nous demandons à Eid: «Que pensez-vous de l'invasion israélienne?» Un phalangiste près de lui répondit sans hésiter: «Elle était absolument justifiée; maintenant, nous sommes à même de libérer tout le Liban des étrangers.» (SAD)
Nouvelles d'Israël 01 / 1983