Après Moubarak, un Khomeiny aussi au pays du Nil?
Leçons tirées de la révolte policière en Egypte
La police permanente, avec ses uniformes noirs a disparu des rues du Caire. Actuellement, ce sont des commandos de la brigade anti-terroriste de l'armée ou des soldats, qui surveillent les ministères, les banques, les hôtels et les ambassades. Seule, la police routière continue, sans grande efficacité, à siffler dans le chaos du trafic routier de la ville du Caire.
Rarement, la direction politique et le service secret Muchabarat n'avaient été aussi mal renseignés sur l'état d'esprit et les intrigues, avant la révolte de la police permanente, possédant tout de même un effectif de 125 000 hommes. Une fois seulement, il y avait eu la même surprise qu'aujourd'hui. C'était lors de l'assassinat du président Sadate en 1981, après la découverte des cellules clandestines islamiques au sein de l'armée. De telles choses peuvent-elles se reproduire? Le président Moubarak sera-t-il un jour remplacé par un nouveau Khomeiny au pays du Nil?
La révolte de la police permanente, composée en principe de simples fellahs, était surtout dirigée contre les hôtels, les bars et les restaurants des étrangers où l'on débitait de l'alcool. Il était évident que cette révolte avait un caractère typiquement fondamentaliste islamique. Les attaques survenues dans plusieurs villes en même temps, témoignaient d'une direction clandestine. Malgré cela, le soulèvement fut arrêté à temps. Le peuple et, ce qui est plus important encore, l'armée, n'étaient pas dans le coup. il existe en Egypte une classe moyenne discréditée, qui sert de tampon entre ceux d'en bas et ceux d'en haut.
Impossible d'appliquer, dans l'Egypte sunnite d'aujourd'hui, la recette employée par la République islamique pour discipliner les masses en Iran - deux bols de riz par jour avec une soupe aux légumes, distribués dans les mosquées - des prières au lieu d'un travail - un développement économique très ralenti et une mort prématurée dans la «guerre sainte». Il faudrait d'abord que la crise économique devienne catastrophique en Egypte, bien que cela puisse arriver si l'accroissement de la population ne diminue pas ou si le pays devait être privé de l'aide alimentaire occidentale.
Il faut ajouter que le président Moubarak emploie un système politique intérieur qu'il a partiellement emprunté au président Sadate, et qui lui permet de maintenir un certain équilibre dans son pays. Il est vrai que Moubarak est contraint d'impliquer davantage l'armée et son pouvoir aux affaires de l'Etat, leur laissant leurs propres fabriques et lieux de formation. Mais il ne tient pas à abandonner le système démocratique avec ses partis opposants et sa liberté de presse. Il voit là une soupape nécessaire aux colères qui peuvent éclater à tout moment au milieu du peuple contre la bureaucratie, la crise du logement, l'inflation, la corruption ou la mauvaise gestion des entreprises de l'Etat.
Il est vrai que le parlement n'héberge qu'un seul parti de l'opposition, le parti conservateur Wafd. Mais tout comme ce parti-là, les autres exigent aussi le détachement des USA et la résiliation de l'accord de paix avec Israël. De ce fait, les Israéliens ne sont nullement encouragés à évacuer le Golan et la côte de la Cisjordanie, puisqu'ils avaient abandonné la péninsule du Sinaï, il y a quatre ans précisément pour la paix avec l'Egypte. Il existe cependant un traité secret avec les USA qui, en guise de récompense pour la paix maintenue avec Israël par les gouverneurs du Caire, accorde chaque année à l'Egypte à peu près le même soutien financier (qui atteint le milliard) qu'à Israël. Ce n'est que par ce moyen que le gouvernement est en mesure de nourrir les 50 millions d'Egyptiens et de satisfaire à la demande de l'armée d'un armement moderne. Moubarak ne pourra donc pas se distancer davantage des résolutions de Camp-David, car ce n'est pas un hasard que Sadate ait engagé, en 1977, après les crises de famine en Egypte, des négociations clandestines avec Israël et l'Amérique.
A présent, Moubarak semble se plaire à reprocher aux créanciers occidentaux les réductions de subventions, ainsi que les restrictions provoquées par des mesures d'économie rigoureuses qui risquent de déclencher de nouveaux troubles, menaçant son régime. Une conversion de dettes et d'autres crédits pourraient passagèrement décharger l'Egypte, mais ne seraient pas une solution durable, vu la dégringolade du prix du pétrole et les virements fortement diminués de la main-d'oeuvre étrangère des pays pétroliers. En Occident, il faudrait seulement du point de vue de la crise économique mondiale, développer un peu plus de fantaisie en vue d'une aide efficace en faveur de l'Egypte. De son côté, le Caire devrait faire plus d'efforts, pour une diminution de la population.
Pour le moment, Moubarak peut encore compter sur une armée disciplinée. Mais le fait est que des soldats ont déjà tiré sur des policiers et vice-versa. Même le soutien de l'armée peut lui échapper. C'est l'expérience qu'avait faite le Chah en 1979.
Une telle évolution risque de gagner l'Egypte, si la situation économique continue à se dégrader, car les racines d'une armée obligatoire se trouvent au sein du peuple. Si, malgré tout, la poudrière d'Egypte devait exploser, même les politiciens les mieux intentionnés pourraient rayer tous les plans de Dieu.
Une chose est certaine: Le déploiement de l'Islam militant progresse sans cesse. Si nous pouvons déjà constater ce phénomène dans nos pays européens christianisés comme, par exemple, la France, où vivent plus de musulmans que de chrétiens évangéliques; à combien plus forte raison les pays arabes succomberont-ils à ce flot puissant des ténèbres! Comment pourrait-il en être autrement? C'est par l'apparition de ce mouvement que se renforce dans le monde arabe l'attente du grand «Mahdji», à l'exemple de Khomeiny, ce vieillard affaibli, qui fascine toujours les foules de l'Iran. Bien que ce peuple se saigne depuis six ans dans la guerre contre l'Irak, le «Mahdji» - le Messie arabe qui sera identique au faux Messie des Juifs - fascinera non seulement les peuples arabes, mais le monde entier qui, en le suivant, courra à sa propre perte! (Lire attentivement Apocalypse 13).
PETER M. RANKE
Nouvelles d'Israël Juin 1986