De nouveau la guerre au Liban -

Ils sont tous le uns contre les autres

 

Plus de 150 000 Libanais s'enfuient vers le sud du Liban qui est contrôlé par Israël. A Nabatyet le trafic s'effondre. Plus on avance vers le nord, plus les voyages des réfugiés sont interrompus par des barrages de routes. Près de Beyrouth, une voiture de premiers secours roule en zigzag à travers la cohue. Deux journalistes de la télévision américaine ont été grièvement blessés lors d'un reportage dans les montagnes du Chouf, deux autres sont portés disparus. Pourtant, les pentes de ces montagnes nous offrent un coup d'oeil magnifique. Subitement, des éclairs jaillissent des villas aux arcades ombragées. Des grenades manquent ou touchent des objectifs voisins ennemis. Des Libanais, portant des pistolets mitrailleurs ceinturés de rosaires sous leurs bras racontent, agités, que les druses effectuaient des massacres parmi les chrétiens. Quarante femmes, vieillards et enfants, parmi eux des prêtres, auraient été cruellement assassinés à coups de couteaux. De l'autre côté, trente enfants druses dont les parents ont été massacrés par des milices chrétiennes, ont demandé asile en Israël.

Sur la côte de Beyrouth, les soldats de paix des USA sont particulièrement irrités. Hier, deux de leurs camarades sont tombés dans la bataille. Les Français aussi ont perdu douze de leurs soldats. A Beyrouth même, 4690 soldats des Nations Unies (1200 Américains, 2000 Français, 1400 Italiens et 90 Anglais) s'efforcent de soutenir le gouvernement libanais affaibli. Le porte-avions américain «Eisenhower», chargé de troupes supplémentaires, est amarré à proximité de la côte. Dans les montagnes du Chouf qui surplombent Beyrouth, 22 000 druses et amis des druses se préparent à un combat sanglant avec les chrétiens. Les conseillers militaires syriens leurs donnent les dernières instructions. Des chars russes T-54 et de l'artillerie de la Corée du nord sont mis en position, les vignes sont transformées en tranchées. Druses et chrétiens, jusque là amis, sont devenus des ennemis mortels. Le chef communiste druse Jumblatt exige le tout. On n'attend plus que le retrait du reste des Israéliens. Abrité par l'obscurité, l'armée d'Israël ZAHAL évacue la région de Beyrouth et la nouvelle ligne du fleuve Awali. Des femmes en larmes arrivent de partout et supplient les soldats israéliens de rester. Mais ce n'est pas le simple soldat qui décide de rester ou de partir. Le retrait d'Israël était plutôt souhaité par ceux du soi-disant monde libre qui, autour de leur «table verte», pensent être plus compétents que les autres, mais passent à côté du sort des victimes. Pour de nombreux Libanais, il ne restera que la fuite vers le secteur israélien après le retrait de Zahal, ou, comme le disait un père de famille libanais, «nous deviendrons fous et de vrais malfaiteurs rien que pour nous maintenir en vie! Le président libanais, Amin Gemayel, après avoir refusé de négocier avec Israël pour se tourner plutôt du côté de l'Arabie-Saoudite et de Damas, a finalement lancé un appel au secours à Jérusalem - seulement, Israël connaît ses astuces d'escamoteur. Ainsi, le successeur de Begin, Y. Shamir, a refusé.

Instinctivement, je pense aux grands titres de la presse mondiale. Ceux qui, récemment encore, condamnaient Israël pour être resté au Liban, exigent maintenant sa présence dans cette région. Quoi qu'il fasse, Israël est toujours le «fautif». Mais avec tout cela, on oublie que le monde dépense à chaque minute 2,5 millions de DM pour réarmer; que 50 000 têtes nucléaires, dont la force explosive équivaut à un million de bombes d'Hiroshima, sont prêtes à l'emploi et qu'un seul sous-marin atomique traîne avec lui une charge destructive qui rassemble à elle seule toute la munition épuisée pendant la deuxième guerre mondiale. Malgré tout, les yeux de tous sont braqués exclusivement sur le «bouc émissaire», les Israéliens qui n'ont plus que 2000 km2 SOUS leur contrôle au Liban.

Pendant ce temps, l'Union soviétique attend patiemment l'effritement du Liban afin de ramasser, par la suite, les débris causés par une politique occidentale manquée au Proche-Orient. De même, le président syrien Assad est intéressé très personnellement à l'échauffement du front extérieur avec Israël, car cela lui évite un putsch militaire - Assad a beaucoup d'ennemis dans son pays, dont les pires sont ses propres officiers. Aussi longtemps que subsiste la confrontation avec Israël, ils peuvent se défouler sans provoquer de putsch. ici et là sur les chars des milices et combattants druses, ou sur ceux des résistants sauvages, on peut voir des personnages déguisés. Lorsqu'on leur demande raison de ce déguisement, ils répondent en riant et le fusil contre la joue: «Je veux encore jouir de la vie nocturne après!» Au Liban la mort, les machines diaboliques et la destruction, semblent s'associer aisément à la folie des plaisirs. Cela me fait penser à l'époque de «la peste noire» au Moyen Age. Plus la peste gagnait du terrain, plus le peuple s'adonnait à des festivités - en accusant les juifs. Si, auparavant, la télévision diffusait un programme de 7 heures, elle réalise actuellement 21 heures d'émission par jour pour distraire le peuple et l'empêcher de voir la réalité. Partout dans les cafés scintillent les télévisions et les vidéos. Entre deux films - érotiques ou d'horreur - on a juste le temps de crier à l'autre: «J'ai risqué de me faire tuer en venant ici!»

Au moment où je rédige cet article, Israël célèbre sa grande fête religieuse. Jamais encore les synagogues n'ont vu autant de monde que cette année - même dans les Kibboutzim socialistes. La journée de la réconciliation fait appel à la repentance et au pardon. Heureux celui qui sait à temps se débarrasser de ses oeillères. L'Etat juif ne se fait pas d'illusion car, selon l'ancien chef d'état major Motta-Gur, «la présence d'Israël au Liban conduira inévitablement à une guerre avec la Syrie»... d'autre part «chaque mètre carré qu'Israël abandonne au Liban deviendra un itinéraire routier pour les Syriens qui visent le noyau d'Israël»... «aussi longtemps que le Liban ne fait pas la paix avec lui-même, toute intervention étrangère serait comme une matière inflammable». Au Liban il y a beaucoup de détonateurs - ils sont tous les uns contre les autres.

Nouvelles d'Israël 11 / 1983

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