Il n'y a que 300 km entre Gaza et Beyrouth ou, plus exactement, entre les camps de réfugiés palestiniens de Jabaliya et de Burj Al-Barajneh. Tandis que «l'Intifada» ébranle Israël jusqu'aux racines de sa moralité, les Palestiniens s'entre-tuent à Beyrouth «sans aucune pitié». Le traité No 19 de l'Intifada invita les Arabes à incendier les forêts d'Israël. Le traité No 20 ordonna la destruction de Jérusalem, et le numéro 21 déclara le «jour d'Al-Aksa» jour de la révolution contre les Juifs. Si l'ordre du traité No 19 fut bien suivi, les Arabes de «Cisjordanie» commencèrent à manifester de la lassitude à partir du No 20. En effet, à Jérusalem, deux cocktails Molotov seulement ont été jetés sur les passants du haut de la future résidence pour personnes âgées, le «Lev Jeruschalayim» («coeur de Jérusalem»). En outre, la manifestation massive, tant redoutée pour le «jour d'Al-Aksa», (28 juin) n'a même pas démarré. Certes une cinquantaine de soldats israéliens montèrent la garde devant chaque porte, sur le chemin vers la mosquée Al-Aksa sur la place du Temple. Mais à quoi bon puisque, après deux heures de provocations, 15 000 musulmans quittèrent comme un seul homme le mont du Temple ... Jamais la situation ne fut aussi calme.
On peut en déduire que les agitations manquent actuellement d'un centre de commande organisé. Quelques éléments radicaux individuels profitent de cette atmosphère fiévreuse pour y aller de leur propre initiative. Ainsi à Hébron, un juif de 35 ans, en train de faire ses emplettes, fut poignardé par surprise. Entre-temps, beaucoup d'autres petites cellules se sont formées, sans toutefois représenter une solution de rechange à une direction exclusive, ambitionnée par Arafat. Le Ministre de la Défense israélien, M. Rabin, estima à 250 millions de FS le coût de la révolution imposé à son ministère. Le nouveau slogan d'élection du Parti travailliste israélien (Peres) «un poing levé contre le terrorisme, une main tendue vers la paix» indique que la paix peut aussi coûter très cher.
A ce propos, le chef du gouvernement, M. Shamir (LIKOUD), reconnaît que dans ce combat il s'agit moins des terroristes que de la survie d'Israël en général. «L'OLP s'est formée en 1964, c'est-à-dire à l'époque où Israël vivait encore dans ses frontières d'avant 1967. Pendant trois ans, l'OLP mena un terrorisme sanglant contre Israël, jusqu'à ce qu'Israël commence à occuper la Cisjordanie. Or l'expert américain du Proche-Orient, M. Henri Kissinger, met en garde: Le programme de l'OLP exige non un Etat dans les frontières de 1967, mais dans celles de 1948.»»
Chose curieuse mais vraie: tous les soirs on peut voir à la télévision jordanienne, sur la carte météorologique, la nette démarcation du côté de leurs voisins Syriens et Saoudiens. Par contre Israël, y compris les villes de Tel-Aviv, Haïfa et Eilat, est ajusté à la Jordanie sans présenter aucune ligne de séparation. Les mêmes Arabes, qui ont déjà incorporé tout Israël sur leur carte, s'indignent en constatant que certains guides de voyages bon marché marquent la séparation d'Israël d'avec la Judée et la Samarie - la prétendue «Cisjordanie» - par de très petits pointillés seulement. Cependant, quelle serait la situation si effectivement cette «Cisjordanie», 55 km sur 85 km seulement, devenait un Etat indépendant de l'OLP? Le chef de l'OLP, M. Arafat, ambitionne l'installation d'un million de Palestiniens supplémentaires. Mais, «incapable sur le plan économique, écologique et politique, un tel Etat de l'OLP se transformerait rapidement en abattoir» explique, inquiet, un Arabe de Jérusalem.
Les 13 groupes de l'OLP qui, jusqu'à présent, se distinguaient particulièrement par leurs horribles massacres, attiseraient bien plus encore leurs rivalités internes dans ce nouvel Etat de l'OLP, en revendiquant le trophée et la souveraineté. Lorsque, à la suite du terrible bombardement par les combattants du groupe Abu Mussa (OLP), le camp de Chatila (Beyrouth) fut réduit à la famine, les réfugiés qui restaient s'enfuirent devant leurs frères malveillants, pour se rendre au camp le plus proche de Buri-al-Barajneh. Cependant, la haine continue.
Récemment les adeptes d'Arafat, chassés par leurs propres frères palestiniens, ont aussi dû quitter ce camp, et 147 d'entre eux ont trouvé la mort sur les routes. Blessés et humiliés, ils ont continué vers le sud, en direction d'Israël, jusqu'à Sidon. Là encore ils ont été attaqués par les «Nasseristes». Cela signifie que la guerre fratricide autour du camp palestinien Ain al-Hilweh, près de Sidon, n'est qu'une question de temps. Celui qui, aujourd'hui, passe dans les rues de Burj al-Baraineh enjambe les décombres de mosquées (!) et d'hôpitaux (!). 70% de cette ville, peuplée autrefois de 20 000 habitants, ont été entièrement détruits - non par les Israéliens, mais par ses propres habitants. Voilà ce qui se passerait dans un éventuel Etat de l'OLP en «Cisjordanie».
Cependant Arafat affiche beaucoup d'optimisme face à l'avenir et, fièrement, il proclame: «La femme arabe est notre bombe biologique. Ce n'est pas un problème pour nous de remplacer les jeunes tombés pendant la guerre». De leur côté, les Israéliens se tourmentent au sujet d'enfants arabes blessés à Gaza par leurs projectiles, de ces deux enfants qui, lors d'une manifestation de masse, ont perdu chacun un oeil. Arafat, lui, n'y voit que de la chair à canon pour nourrir son délire - c'est en cela que réside la distance entre Gaza et Beyrouth.
Nouvelles d'Israël Octobre 1988