Elections présidentielles, le poids des franc-maçons
A L'APPROCHE DE L'ÉCHÉANCE PRÉSIDENTIELLE, LES POLITIQUES JOUENT LE JEU DE LA SÉDUCTION AUPRÈS DES OBÉDIENCES MAÇONNIQUES. MAIS LA RÉCIPROQUE N'EST PAS FAUSSE NON PLUS... PETITS ASSAUTS DE CHARME
par Christophe Deloire (avec Denis Demonpion et Catherine Lagrange à Lyon)
Soldatesque de la République rompue à la réflexion spirituelle, la franc-maçonnerie constitue une cohorte de recrues militantes, un vivier électoral. Avant l'échéance présidentielle, le ban et l'arrière-ban de la classe politique défilent dans les temples, dissertent devant des cénacles ésotériques, promeuvent leurs thèses politiques. Rituel obligé en cette période de mobilisation générale.
Le 19 novembre, le président de la République recevait à l'Elysée les grands maîtres de neuf obédiences. Trois jours plus tard, le Premier ministre honorait, en semblable compagnie, une invitation à déjeuner au siège du Grand Orient de France, 9, rue Cadet, à Paris. Certes, Jacques Chirac et son rival Lionel Jospin agissaient ès qualités de chef de l'Etat et de chef du gouvernement. Mais il est peu probable que les deux hommes aient tout à fait oublié qu'ils sont aussi des candidats en puissance.
Le 10 décembre, le héraut de la République, Jean-Pierre Chevènement, discourait sur « La modernité de l'idée républicaine » devant des loges du Grand Orient. Le 19 décembre, Robert Hue participait en délégation à des agapes au siège de l'obédience. Au menu : une discussion à bâtons rompus sur l'histoire des communistes ayant adhéré à la franc-maçonnerie malgré le niet formel du Komintern. Le président du PCF avait déjà prononcé une allocution devant des loges lors d'une « tenue blanche » - une réunion maçonnique -, en avril, sur le thème « Etre communiste au XXIe siècle ».
Le Pen : « Je suis le diable »
« Il est amusant de voir l'inclination subite des hommes politiques envers la franc-maçonnerie avant les scrutins », souligne un ancien grand maître. « Ce sont souvent eux qui nous sollicitent pour plancher devant nos frères, soutient Michel Barat, grand maître de la Grande Loge. Ils en profitent d'ailleurs quelquefois pour se livrer à leur propagande. » La plupart des candidats à la présidentielle ne partagent pas ces vues : ce sont les loges qui les démarchent.
Tous les candidats de poids, en tout cas, se sont prêtés à l'exercice. Comme a pu le constater Le Point. Avant sa candidature, le représentant des Verts, Noël Mamère, qui flirta avec eux, a passé trois fois cet oral très spécial dans des loges de Bayonne, Montauban et Paris, sur le thème de l'écologie et de la citoyenneté. Selon lui, l'influence des francs-maçons en politique sert parfois d'« ascenseur social ». Mais si les membres des loges s'entraident, ils ne le font « ni plus ni moins que les hauts fonctionnaires issus des grands corps de l'Etat comme les Mines, les Ponts et Chaussées ou l'Ena », souligne Mamère.
Sollicité à trois reprises - lorsqu'il était président de la corpo de droit, puis député - pour en faire partie, Jean-Marie Le Pen considère que ces « organisations de promotion mutualiste » agissent comme des « chasseurs de têtes ». « Le Front national ne fait pas la chasse aux maçons. Pas plus qu'aux déviants, assure son président-candidat. Il laisse chacun responsable de sa vie privée. » Jamais, cependant, le président du parti d'extrême droite n'a été convié à débattre devant ces congrégations laïques. « Pourquoi voulez-vous qu'on m'invite à des tenues blanches ? A des tenues noires, à la rigueur, puisque je suis considéré comme le diable ! » lance-t-il.
Les petits candidats, eux, ne sont pas courtisés. Candidate de Lutte ouvrière à la présidentielle, Arlette Laguiller affirme qu'il n'y a « aucun lien d'aucune sorte » entre les loges, dont elle ignore tout, et son parti d'extrême gauche. La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) d'Alain Krivine se dit tout aussi « extérieure à ces sociétés secrètes ». « Pour nous, c'est la planète Mars », lâche Krivine. Historiquement, les trotskistes ont pourtant infiltré la franc-maçonnerie.
Alain Madelin déclare « ne pas avoir attendu d'être candidat à la présidentielle » pour participer à des tenues blanches devant les frères de la Grande Loge nationale et de la Grande Loge de France, classées à droite. C'était au temps où le candidat de Démocratie libérale, ancien ministre de l'Economie, avait le vent en poupe. Même chose pour Corinne Lepage. La présidente fondatrice de CAP 21 (Citoyenneté Action Participation) a bien été invitée par les maçons à parler d'éthique et d'environnement, mais c'était lorsqu'elle était ministre du gouvernement Juppé. Depuis, plus rien. François Bayrou, lui, a bien participé à une « tenue » sur la réforme des universités lorsqu'il était ministre de l'Education, mais il n'a jamais été coopté. « Sans doute en raison de mes convictions religieuses », estime le candidat de l'UDF. Dissidente du parti centriste, Christine Boutin, elle, affirme n'avoir jamais été approchée.
Des opérations sont néanmoins conduites auprès de ceux qui comptent. En mai 2001, Michel Charasse, sénateur (PS), Henri Emmanuelli, député (PS), et Emile Zuccarelli, maire radical de Bastia, débattaient de « La République face aux lobbys », à l'invitation de frères de La Rochelle. Plus récemment, la ministre de la Communication, Catherine Tasca, le responsable des Verts, Jean-Luc Bennahmias, et le maire communiste de Saint-Denis, Patrick Braouzec, se sont prêtés à ce genre de prestation. Peut-être ont-ils médité cette phrase prêtée au général de Gaulle : « Les francs-maçons n'ont pas assez d'influence pour être pris en considération, mais trop pour qu'on s'en désintéresse. »
Malgré une mauvaise réputation imputable à l'affairisme et à certains trafics d'influence ourdis dans les ateliers, les « frères de la lumière » sont toujours en odeur de sainteté dans les sphères élevées de la société civile et de l'appareil d'Etat. Valéry Giscard d'Estaing avait nommé un ancien grand maître du Grand Orient, Jean-Pierre Prouteau, au secrétariat d'Etat à la Petite et Moyenne Industrie. François Mitterrand se moquait gentiment des francs- maçons, qu'il affublait du sobriquet de « frères la gratouille » en raison de leur signe de reconnaissance quand ils se serrent la main. Mais il veillait à se ménager leur bienveillance. En 1981, le grand maître du Grand Orient, Roger Leray, lui apporta un concours discret lors de sa campagne.
Blague à l'Elysée
Jacques Chirac, lui, ne manque jamais une occasion d'évoquer la mémoire de son grand-père Louis Chirac, directeur d'école à Brive-la-Gaillarde, autrefois vénérable d'une loge du Grand Orient, selon le syllogisme suivant : « J'aime mon aïeul franc-maçon, donc j'apprécie les francs-maçons. » Dans « Les frères invisibles » (Albin Michel), Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre rapportent que « des maçons de haut grade affirment que Jacques Chirac a été initié à la Grande Loge Alpina, une obédience suisse très élitiste qui ne coopte que des dirigeants de très haut niveau ».
Jacques Chirac en tablier et de surcroît à l'étranger ? Lors de la réception à l'Elysée, le grand maître du Grand Orient, Alain Bauer (voir portrait page 24), a abordé le sujet : « Votre appartenance clandestine à la maçonnerie suisse est une ombre entre nous, monsieur le Président. » Sourires en coin. La petite assemblée savait erronée cette information que Chirac avait lui-même démentie. La hiérarchie d'Alpina a fouillé ses listes sur cinquante ans. Pas de Jacques Chirac. Mais un certain Jacques Chibrac. L'erreur sur la personne résulterait d'une quasi-homonymie.
Devant les dignitaires maçonniques, Chirac a répété ses convictions : « Ne craignons pas d'affirmer l'existence d'une éthique universelle » et s'est enquis des détails du « rite égyptien ». Il a demandé aux neuf grands maîtres les spécificités de leurs chapelles laïques : Grand Orient, Grande Loge de France, Grande Loge féminine, Droit humain, etc.
Jacques Chirac n'a pas à se plaindre des frères. En 1995, avant l'élection présidentielle, le Grand Orient s'est montré très sensible à ses discours sur la « fracture sociale ». L'actuel grand maître de cette obédience classée à gauche, Alain Bauer, ne lui est d'ailleurs pas hostile. Echanges de bons procédés, puisque le président de la République a parfois sollicité les conseils de ce rocardien, spécialiste en sécurité. Lors de son intervention télévisée du 14 Juillet, le chef de l'Etat a fait allusion à une étude comparée sur la délinquance aux Etats-Unis et en France signée Bauer.
A la Mairie de Paris, l'entourage de Jacques Chirac comportait nombre de « frères ». Au sommet de l'Etat, il les courtise. Un de ses chargés de mission, Alain Devaquet, est membre de la Grande Loge de France (GLF). Le président a flatté cette obédience en recrutant, en novembre, l'un de ses dignitaires : Philippe Massoni. Préfet de police de Paris jusqu'à son départ à la retraite début 2001, le policier a fait ses classes à la loge « Le Parthénon ». En 1997, il a accédé au 33e degré, le plus haut de son obédience.
Conseiller spécial de Jacques Chirac pour les affaires de sécurité et de terrorisme, Philippe Massoni assure avoir cessé de porter le tablier depuis ce jour de 1986 où il a pris la tête de la direction centrale des Renseignements généraux. La maçonnerie ? « Je n'en parle jamais avec le chef de l'Etat », déclare-t-il. La preuve, selon lui : il n'a pas été de la partie lors de la réception des grands maîtres à l'Elysée, le 19 novembre. Les temples ne sont pourtant pas pour lui qu'un vieux souvenir : « Massoni est pénétré de maçonnerie et s'est toujours montré très serviable à l'égard des frères », confie un membre éminent. L'ex-patron de la préfecture de police - un Etat dans l'Etat - devrait donc user de ce réseau-là, comme de quelques autres, au service du président sortant.
Lionel Jospin est moins à l'aise que son principal rival avec les maçons. Situation paradoxale, car ceux qui sont engagés en politique sont plutôt de gauche. Le chef de cabinet du Premier ministre, Henry Pradeaux, appartient à la fratrie. Les conseillers en communication successifs de Jospin, Manuel Valls et Yves Colmou, ont été initiés au Grand Orient. Elu maire d'Evry en mars, le premier, ami de jeunesse d'Alain Bauer, est membre de la même loge que lui, « L'infini maçonnique ». Malgré ces affinités électives, Jospin aurait bloqué la nomination de l'ex-grand maître Philippe Guglielmi, lors du dernier renouvellement du Conseil économique et social. « Je crois qu'il est dans la nature de Lionel Jospin de se méfier d'organisations dont il ne comprend pas le fonctionnement, analyse Bauer. Il faut dire que la réunion du 22 janvier 2000, où des frères ont rencontré des nationalistes corses à notre siège, ne lui a guère donné confiance. » Cette assemblée, censée rester secrète, a laissé penser que le gouvernement s'était prêté à des négociations parallèles sur la Corse.
Lionel Jospin ne manque cependant pas de relais parmi les « frères de la lumière ». Mais vont-ils s'engager ? Le maire socialiste de Lyon, Gérard Collomb, adhérent d'une loge parisienne du Grand Orient, ne veut pas compromettre son avenir local dans une ville traditionnellement de droite. Il entend garder ses distances avec la campagne nationale : « Seul un danger du côté de l'extrême droite pourrait justifier un engagement des maçons. »
« Une auberge espagnole »
Ministre des Anciens Combattants de Jospin jusqu'en septembre, date de son élection au Sénat, Jean-Pierre Masseret a été élu président de la Fraternelle parlementaire, association non déclarée de frères, de droite et de gauche, des deux assemblées. Servira-t-il le chef du gouvernement ? « La maçonnerie, c'est l'auberge espagnole, indique l'intéressé. Elle n'influence pas la vie politique profane. » « L'influence de la Fraternelle parlementaire est inférieure à celle des amateurs de cigares d'André Santini », plaisante Michel Barat, grand maître de la Grande Loge de France. Selon le député (PS) Christian Bataille, précédent président de la Fraternelle, les francs-maçons font porter leurs conciliabules sur « le droit à mourir dans la dignité, autrement dit l'euthanasie, la bioéthique, le problème des langues régionales, notamment l'octroi de crédits publics aux écoles privées bretonnantes Diwan ».
Le ministre délégué à l'Enseignement professionnel, Jean-Luc Mélenchon, a démissionné du Grand Orient, mais il serait en voie de réintégration. S'il a critiqué l'intégration des écoles Diwan au sein du service public, dénonçant un dangereux précédent « contraire à l'idéal laïque », c'est en accord avec la plupart des maçons. Le promoteur de cette mesure - annulée depuis par le Conseil constitutionnel - n'est autre que Jack Lang. Le ministre de l'Education nationale a, lui aussi, jadis - avant d'entrer en politique - adhéré à une loge de Nancy. Il en a été exclu pour « défaut de capitation », c'est-à-dire « arriéré de cotisation ». Le ministre délégué à l'Industrie, Christian Pierret, fréquente, quant à lui, la Grande Loge nationale de France (GLNF), la troisième grande obédience française, réputée de droite, et qui fait obligation à ses membres de croire en Dieu. Le nouveau secrétaire d'Etat aux PME, François Patriat, a été initié il y a quelques mois à la loge « Demain » du Grand Orient.
Cette loge est un haut lieu de la maçonnerie politique. Le conseiller de Chirac Alain Devaquet y est passé, à l'instar de l'ancien maire d'Auxerre Jean-Pierre Soisson, exclu en raison de son alliance de circonstance avec le FN. Roger Bambuck, Olivier Stirn et Jean-Michel Baylet, ministres sous Mitterrand, en constituent les piliers. Noël Mamère y a même été initié en 1994. Le candidat des Verts à la présidentielle en a démissionné six mois plus tard, « faute d'y avoir trouvé sa place », confie une éminence. Un épisode que l'écologiste passe sous silence. « Je ne suis pas moi-même franc-maçon », dit-il. En tout cas, il ne l'est plus. « Mais, ajoute-t-il, les maçons disent que je parle comme un maçon sans tablier. »
Parmi les frères de la grande famille de « Demain », un ancien préfet de Bourgogne, magistrat à la Cour des comptes, oeuvre en faveur de Jean-Pierre Chevènement. Conseiller à son cabinet au ministère de l'Intérieur, Gérard Cureau a rejoint son comité de campagne, aux côtés de l'ex-grand maître du Grand Orient Patrick Kessel. En 1995, ce journaliste de formation avait été accusé de « chiraco-trotskisme » par ses frères, pour s'être montré très sensible à la thématique de la « fracture sociale ». Le neveu de l'écrivain Joseph Kessel s'en est toujours défendu. « Il y a des passerelles naturelles entre ma philosophie de maçon et mon engagement politique auprès de Chevènement », note-t-il. La loge « République », qu'il a fondée et à laquelle appartient Marc Blondel, secrétaire général de FO, a organisé la tenue blanche de Chevènement au Grand Orient, qui a fait un tabac. Un paradoxe : « La maçonnerie est une société philosophique universaliste, donc favorable à tout ce qui peut abaisser les frontières », note René Mahé, ancien PDG de RFO, membre de « Demain ». Deux grands maîtres adjoints du GO auraient rejoint des comités départementaux du « Che ». Les adeptes du Grand Orient pourront bientôt juger sur pièces. « Fin janvier, nous allons envoyer un questionnaire à tous les candidats, confie Bauer. Nous publierons les réponses dans Humanisme, la revue de l'obédience. »
Un moyen de promotion sociale
Les adhérents des autres obédiences sont moins enclins au militantisme. Le grand maître de la Grande Loge de France, Michel Barat, a sa carte au Parti radical valoisien, appendice de l'UDF. Adjoint au maire de la commune d'Herblay (Val-d'Oise), ce professeur de philo a été réélu à la tête de la deuxième obédience de France, réputée de centre droit, en juin. Il avait déjà occupé ce poste entre 1990 et 1993. Nommé cette année-là directeur général du pôle universitaire Léonard-de-Vinci, à Nanterre, il se défend de tout lien étroit avec le président du conseil général des Hauts-de-Seine, Charles Pasqua. « Nos relations se sont dénouées », explique Barat. L'ancien ministre de l'Intérieur, qui sera peut-être le candidat du Rassemblement pour la France (RPF) à la présidentielle, compte un lieutenant de poids au 33e degré de la Grande Loge : Jean-Jacques Guillet, secrétaire général du RPF.
Que le pouvoir de la franc-maçonnerie soit moindre que par le passé, comme l'assurent aussi bien l'ancien ministre Roland Dumas, franc-maçon depuis plus de cinquante ans, qu'Alain Krivine, responsable de la LCR, est un phénomène difficile à apprécier. Cruellement, à l'Elysée comme à Matignon, on remarque que, pour s'en convaincre, il n'est que d'observer les grands maîtres d'aujourd'hui : « Ils sont bien loin d'avoir le niveau de leurs ancêtres ! » Les francs-maçons, eux, relativisent évidemment le poids de leur influence dans la société. Le secret est leur règle.
« La fraternité a un petit peu fait place au copinage », reconnaît Roland Dumas. Contre toute attente, le déferlement des « affaires » suscite des vocations, car les loges donnent l'image d'un moyen de promotion social efficace. De nouvelles loges voient le jour, qui recrutent de plus en plus. L'idéal maçonnique de laïcité continue aussi à séduire. Rien de plus normal pour l'ancien ministre des Affaires étrangères. Et de conclure : « On dit que la France est la fille aînée de l'Eglise. La maçonnerie, elle, est la soeur puînée de la République »
Les fidèles du président
Philippe MASSONI, 65 ans
Conseiller à l'Elysée, l'ex-préfet de police de Paris est au 33e degré de la Grande Loge de France, le plus haut grade.
Alain DEVAQUET, 59 ans
Chargé de mission auprès de Chirac, l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur fréquente les temples de la GLF.
Les adeptes de Chevènement
Henri CAILLAVET, 87 ans
Avocat de formation, figure du Grand Orient, ce radical influent lutte depuis longtemps pour le droit à l'euthanasie.
Patrick KESSEL, 50 ans
Ex-grand maître du Grand Orient, ce journaliste a organisé la venue de Chevènement devant les « frères ».
Jean-Robert RAGACHE, 62 ans
Ex-grand maître du Grand Orient de France, cet agrégé d'Histoire est adjoint au maire de Rouen.
Gérard CUREAU, 69 ans
Magistrat à la Cour des comptes, cet ancien conseiller ministériel côtoie les politiques à la loge « Demain » du Grand Orient.
L'éminence de Pasqua
Jean-Jacques GUILLET, 55 ans
Secrétaire général du Rassemblement pour la France (RPF) et député non inscrit des Hauts-de-Seine, il a accédé au 33e degré de la Grande Loge de France, à l'égal de l'ancien préfet de police de Paris, Philippe Massoni. Pasqua est venu « plancher » devant son obédience sur l'« idée de République », en 1992.
Les frères parlementaires
Jean-Pierre MASSERET, 57 ans
Ex-secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, sénateur, il préside la Fraternelle parlementaire.
Philippe DECHARTRE, 82 ans
Ce gaulliste, membre du bureau politique du RPR, a présidé la Fraternelle parlementaire.
Christian BATAILLE, 55 ans
Président de la Fraternelle parlementaire jusqu'en septembre, cet élu PS du Nord est enseignant.
Guy DRUT, 51 ans
L'ancien champion olympique, député RPR de Seine-et-Marne, est membre de la Grande Loge nationale de France.
Les frères conseillers et ministres de Jospin
Jean-Luc MÉLENCHON, 50 ans
Le ministre délégué à la Formation professionnelle, issu de la Gauche socialiste, fait son retour au Grand Orient.
François PATRIAT, 58 ans
Secrétaire d'Etat aux PME et au Commerce, il a été initié à la loge « Demain » du Grand Orient.
Christian PIERRET, 55 ans
Secrétaire d'Etat à l'Industrie, il a été initié à la Grande Loge nationale de France, plutôt de droite.
Manuel VALLS, 39 ans
Ami d'Alain Bauer, dont il fréquente la loge, il conseillait le Premier ministre avant d'être élu maire d'Evry.
Yves COLMOU, 46 ans
Adhérent du Grand Orient, ce conseiller à la communication de Jospin vient du cabinet de Daniel Vaillant.
Henry PRADEAUX, 51 ans
Chef de cabinet du Premier ministre depuis 1997, il n'a pas fait de cadeaux au Grand Orient, dont il est membre.
Les principales obédiences en France
Grand Orient de France (GO)
43 000 frères dans 1 000 loges.
Grande Loge de France (GLF)
23 000 frères dans 700 loges.
Fédération française du droit humain (FFDH) :
13 500 soeurs et frères dans 700 loges.
Grande Loge féminine de France (GLFF) 13 000 soeurs dans 350 loges.
Grande Loge nationale française (GLNF)
Environ 21 000 membres. Emanation du GO en 1913, la GLNF est affiliée à la Grande Loge unie d'Angleterre. Elle est à part dans le « paysage maçonnique français », en voie d'unification.
« Mitterrand se méfiait des maçons »
Roland Dumas a rejoint la franc-maçonnerie juste après la guerre. « J'avais 25-26 ans. Un vénérable de la Haute-Vienne, qui s'était engagé à recruter mon père à la Libération, m'a rappelé la promesse qu'il lui avait faite avant qu'il soit fusillé par la Gestapo », note l'ancien ministre de François Mitterrand.
Que « des ponts existent entre les candidats à une élection et la franc- maçonnerie » ne fait pour Roland Dumas aucun doute, même s'ils sont aujourd'hui moins solides qu'à l'époque où « les règles de confidentialité » étaient de mise. « Y adhérer servait de tremplin », note-t-il. Mais, à mesure que son cercle d'influence s'est élargi, la franc-maçonnerie a, selon lui, perdu de sa substance.
François Mitterrand était, quant à lui, « assez réticent » à l'égard des maçons, témoigne ce fidèle de l'ancien président. En raison de son éducation catholique, de son passage chez les frères maristes et de l'affaire dite « des fuites », relative à la divulgation, en 1954, de secrets de la Défense nationale sur fond de guerre froide. Le patriotisme de François Mitterrand, ministre de l'Intérieur du gouvernement Mendès France, avait alors été sérieusement mis en cause dans cette opération menée par le préfet de police, Jean Baylot, un franc-maçon qu'il avait révoqué. Cet épisode avait renforcé la méfiance de l'ancien chef de l'Etat à l'encontre de la franc-maçonnerie en général. « Comment des maçons peuvent-ils se comporter de la sorte ! » tonnait-il.
Une fois élu à l'Elysée, il recevait cependant régulièrement leurs représentants. « C'était devenu traditionnel. Giscard l'avait fait avant lui », relève Roland Dumas. Dans ce domaine, Mitterrand, qui faisait montre d'une « curieuse alchimie intellectuelle », avait, selon lui, « des préjugés ». Entre eux, la franc-maçonnerie était devenue « un sujet de taquinerie ». Lors de leurs rencontres conjointes de chefs d'Etat africains, membres d'une loge, le président Mitterrand s'amusait de la « chaleur toute particulière » que ces derniers manifestaient à son ministre des Affaires étrangères. Epoque durant laquelle Roland Dumas a joué de son entregent et de sa fonction pour négocier le rapatriement, toujours en cours, de Moscou, des archives de la franc-maçonnerie française. Classées par les Allemands sous l'Occupation, elles avaient été déménagées en Tchécoslovaquie, où les Soviétiques s'en sont emparés après la chute de Berlin en mai 1945
© le point 04/01/02 - N°1529 - Page 18 - 3739 mots
(Le Point) ajouté le 15/1/2002