La promotion de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l'empire soviétique a incité les commentateurs politiques occidentaux à parler d'une nouvelle ère pour l'URSS. Cependant, cette prévision repose davantage sur la jeunesse relative de Gorbatchev - il a 54 ans - et sur son affabilité prononcée devant les médias, que sur des faits concrets, qui indiqueraient sa volonté de s'engager sur de nouvelles voies politiques.
Relance de l'identification sioniste
Le Dr Baruch Gur, directeur général du conseil public en Israël pour l'Union soviétique, qualifie Gorbatchev de valeur à définir. «Le pouvoir en Union soviétique se trouve, depuis quelques années, dans une phase transitoire», dit-il, «et c'est à cause de cela que beaucoup de résolutions n'ont pas été prises. Si, à présent, une plus grande stabilité s'installait à la tête du gouvernement, les chefs soviétiques pourraient bientôt décider de s'occuper, d'une manière ou d'une autre, de la question des Juifs en URSS. Une telle décision pourrait ouvrir la porte à l'émigration, ou, au contraire, entraîner une oppression plus draconienne encore. Il est important de savoir que l'avenir du judaïsme est en jeu, aussi une lutte plus intense s'impose-t-elle».
Gur reconnaît que le judaïsme soviétique représente un gage entre les mains des diplomates des grandes puissances. Malgré tout, il insiste sur le fait qu'il y a beaucoup à faire encore. A son avis, Israël et l'Occident devraient continuer à faire pression sur l'Union soviétique, jusqu'à mettre Moscou dans l'embarras, à cause de ses procédés tyranniques envers les Juifs désireux d'émigrer. En même temps, des gouvernements occidentaux, avant tout les USA, doivent être informés de ce problème, afin que, lors des négociations avec les représentants soviétiques, cette question figure en tête de liste dans l'agenda. Le plus important peut-être, est que les Juifs de l'Union soviétique restent fermes en dépit de toutes les persécutions et les difficultés qu'entraîne une telle attitude. Les informations qui nous parviennent d'URSS permettent de croire que, malgré toutes les contrariétés, l'identification sioniste augmente sans cesse. Lors du récent congrès mondial juif, auquel a aussi participé le bureau israélien, Avraham Harman, président du Conseil public en Israël pour l'Union soviétique, a présenté des documents qui justifiaient cette augmentation continuelle de la prise de conscience juive en URSS.
Le plus important de ces documents fut sans doute une lettre de 20 pages, destinée à la visite en URSS de l'ancien président israélien, Ephraïm Katzir. Katzir avait été empêché, au dernier moment, de rencontrer des Juifs. Mais depuis lors, la lettre a pu être passée en fraude en dehors du pays. Le ton de la lettre varie entre la confiance optimiste et l'obstination, bien que la crainte à l'égard des autorités soviétiques transparaisse sans cesse.
«Les quatre dernières années», dit la lettre, «n'étaient pas simplement des années de régression ou de stagnation, mais une période de croissance intérieure et de formation d'un noyau national. Ce processus s'est manifesté par le fait que, après une longue interruption, des signes d'une vie communautaire apparurent, tels que séminaires, groupes d'études hébraïques, cercles religieux, groupes d'amateurs de musique et de théâtre, groupes d'enfants, fêtes au sein de la communauté, etc.».
Les refusniks
La lettre souligne: «Tout ce que nous faisons correspond pleinement aux lois soviétiques et internationales et est exempt de toute intention antisoviétiques». La lettre répète aussi ce qui avait été mentionné dans une pétition rédigée par 127 activistes judéo-soviétiques, et adressée au président français, François Mitterrand. Ces activistes affirment qu'ils ne sont ni dissidents, ni des gens à vouloir changer le système soviétique. Ils se considèrent plutôt comme des nationalistes juifs qui ne demandent rien d'autre que leur rapatriement, à l'instar des Polonais, des Allemands et des Grecs de l'Union soviétique, ou simplement de beaucoup de leurs frères juifs. Dans la lettre, on évalue le nombre des Juifs restés en URSS à 1,8 million, dont 100 000 parlent le yiddish, alors que d'autres - excepté un petit nombre de Juifs orientaux au sud de l'Union soviétique - parlent principalement le russe, En 1984, seuls 896 Juifs pouvaient quitter l'URSS, comparés aux 51000 de 1979. Pourtant, 400 000 Juifs en Union soviétique ont reçu des invitations légalisées de la part de leurs familles en Israël et seraient prêts à quitter le pays si la possibilité leur en était donnée. Parmi ces personnes, plus de 10 000 sont considérées comme des «refusniks», parce que, après s'être vues refuser leur demande de visa, elles se sont embarquées dans des confrontations avec les autorités. Plus de 120 familles attendent leur visa depuis plus de dix ans, et pour ces vingt refusniks environ qui sont en prison, la situation est grave. Les plus connus sont Anatoly Chtcharansky et Yosef Begun. Gur constate que la tête du mouvement sioniste est de caractère orthodoxe et qu'elle se concentre autour de Moscou et de Léningrad. La grande majorité des Juifs soviétiques désireux de venir en Israël, ont peur de s'identifier avec Israël. En effet, les autorités soviétiques ont cherché une querelle en déclenchant une intense campagne de propagande antisémite, mal échafaudée, avec des motivations antisionistes. Dans les magazines, on trouve des articles et des caricatures qui mettent le sionisme au même niveau que le nazisme, bien que la plus grande partie de cette propagande soviétique soit elle-même tirée du matériel antisémite classique du temps des nazis.
De grands dangers guettent les Juifs qui reconnaissent ouvertement leur tendance sioniste. Ces gens-là sont isolés de la société soviétique, ils ont peu de chances de trouver un emploi et pour leurs enfants, les possibilités de formation sont pratiquement nulles. Les activistes soviétiques expliquent dans leur lettre que ce sont les enfants qui souffrent le plus de cette situation. «Les enfants sont beaucoup plus sensibles à ces tourments que les adultes. Beaucoup de parents éprouvent de grandes difficultés pour former des groupes d'enfants ou pour organiser des fêtes, ainsi que pour les divers cours d'instruction. Toutes les tracasseries, comme les visites de policiers et d'hommes en uniformes qui irritent les adultes, laissent des traces bien plus profondes dans le psychisme de l'enfant. Malgré tout, nous ne pouvons renoncer à ce genre d'éducation pour nos enfants. Cela signifierait pour nous le reniement de nous-mêmes et de nos idéaux».
Soutien international
La lettre met aussi en évidence l'importance d'un soutien international . «Aussi longtemps que la population internationale a la possibilité de suivre le développement des événements, nous pouvons espérer que notre situation ne s'aggravera pas et que l'on gardera une certaine retenue à notre égard».
Or, il faut intensifier la lutte en dehors de l'Union soviétique. Abe Harman l'a formulé ainsi: «Si les Juifs en Israël se taisent, comment demander aux autres Juifs de se faire entendre? Et si les Juifs se taisent, comment exiger des non-Juifs de prendre la parole? Souvenons-nous que dans les années soixante-dix, un quart de million de Juifs ont pu quitter l'Union soviétique. Ce qui a eu lieu peut se reproduire».
Qu'importe la façon dont les Russes traitent les Juifs désireux d'émigrer. Une chose est certaine: La Parole de Dieu reste vraie! Il est écrit: «Laisse aller mon peuple ... » (Ex. 5. 1).
Gorbatchev aussi, ce pharaon moderne qui aime à se profiler, sera finalement contraint, sous des jugements terribles, à se plier à cet ordre de Dieu! Et en ce qui concerne les enfants d'Israël opprimés en Union soviétique, nous leur rappelons la puissante Parole de Dieu dans Exode 14,15: «L'Eternel dit à Moïse: Pourquoi ces cris? Parle aux enfants d'Israël, et qu'ils marchent». W. M.
Nouvelles d'Israël Février 1986