La Jordanie n'engagera pas de négociations séparément avec Israël
Pour la première fois depuis sept ans, le roi Hussein de Jordanie a visité récemment le pays voisin, la Syrie. Les relations entre les deux pays avaient atteint leur point mort en 1980, lorsque la Syrie rassembla des troupes à la frontière jordanienne.
Quand, au printemps 1985, les indices selon lesquels le roi Hussein voulait négocier avec Israël se multipliaient, Damas réagissait avec de violentes menaces, en reprochant à Hussein la trahison et son accord avec l'OLP d'Arafat. Maintenant que la Syrie est établie au Liban sans que l'Occident le désapprouve et que le nouveau «processus de paix» ne peut échapper à l'OLP et à d'autres Etats arabes, le roi cherche un équilibre avec la Syrie, supérieure en force, qui est non seulement courtisée par l'Union soviétique, mais aussi par l'Occident. Depuis septembre, le chef du gouvernement syrien Kassem et son collègue jordanien Rifai ont discuté à quatre reprises au sujet d'un retour aux relations normales, ainsi que d'une suppression des restrictions commerciales et tout ce qui concerne les voyages. Là-derrière se trouve avant tout le désir de l'Arabie Saoudite d'une unité arabe. Du reste, le médiateur, le prince Abdalah a épousé une nièce du président Assad. La rencontre à Damas entre le président Assad et le roi Hussein couronne la réconciliation politique, bien qu'il subsiste des divergences.
«Rencontre historique»
A cause des efforts faits afin d'éliminer ces différences, la rencontre fut retardée de deux jours, mais à Amman, on qualifie «d'historique» la collaboration entre le roi et le président syrien. Dans tous les cas, Hussein voulait éviter de donner l'impression d'aller à «Canossa», et de céder ainsi face aux Syriens. Cependant, des observateurs politiques sont d'accord pour affirmer que le roi paie un prix politique. Il est vrai que Hussein a affirmé une nouvelle fois, dans des messages personnels au président Moubarak au Caire et au président Saddam Hussein à Bagdad, son amitié et sa fidélité à l'alliance. Néanmoins, on lui reproche de nouveau son instabilité. La Syrie regarde l'Irak et l'Egypte comme ennemis, comme complices des USA et d'Israël. Entre les trois présidents, Assad, Moubarak et Saddam Hussein, le roi jordanien doit particulièrement veiller à ne pas faire fausse route, afin de ne pas se trouver une nouvelle fois coincé entre tous les blocs.
Aux côtés de l'Irak
Face à Damas, le roi Hussein a déjà cédé sur quelques points, sans pour autant éveiller le mécontentement au Caire ou à Bagdad. Par exemple, Il n'engagera pas de négociations séparées avec Israël, qu'importe que des Palestiniens y participent ou non. C'est un net refus envers Washington qui croyait, il y a quatre semaines encore, que le roi Hussein persuaderait les Syriens de prendre part au «processus de paix». Assad et Hussein continuent à souhaiter ensemble une conférence internationale du Proche-Orient, avec la participation soviétique. Les relations avec l'OLP d'Arafat sont gelées du côté de la Jordanie, et le projet, élaboré au mois de février d'une délégation jordano-palestinienne, fait partie du passé. L'OLP doit déménager à Bagdad, parce qu'elle n'a pas obtenu le droit de domicile à Amman. A vrai dire, Hussein a obtenu que les rebelles syriens d'Arafat n'opèrent pas contre Israël depuis la Jordanie. Toute agitation antisyrienne de la Jordanie doit aussi être empêchée. Une différence déterminante subsiste cependant entre Hussein et Assad: la position opposée dans la guerre du Golfe.
Damas a donné la garantie à Téhéran que les Syriens soutenait le régime de l'ayatollah dans la guerre du Golfe, en échange de prix avantageux pour le pétrole perse. La Jordanie, par contre, continue à se tenir aux côtés de l'Irak et accorde d'importants renforts militaires aux forces irakiennes. Au moment où Assad et Hussein s'embrassent, les forces armées qu'ils soutiennent se combattent mutuellement, se bombardent avec les fusées arrivées par la Syrie ou la Jordanie, qui favorisent de nouvelles offensives sanglantes entre l'Iran et l'Irak.
Comment ne pas penser au texte de Luc 2 3, 12: «Ce jour-même, Pilate et Hérode devinrent amis, d'ennemis qu'ils étaient auparavant». Pour quelle raison les chefs d'Etat de la Syrie et de la Jordanie, qui depuis si longtemps sont de grands ennemis, se lient-ils d'amitié? C'est probablement parce que, avec l'initiative du Premier israélien Shimon Peres, on «risquait» la paix avec Israël. Sans tenir compte du fait que la visite du roi Hussein au président Assad à Damas démasque le côté déloyal du roi, pour Israël c'est une nouvelle leçon: Il n'y aura pas de paix sans le Prince de paix!
Nouvelles d'Israël Mars 1986