«d'être ou ne pas être»
De notre correspondant à Jérusalem
«Du point de vue politique, Arafat et ses fonctionnaires sont corrompus et pourris!» C'est par ces termes que le rebelle de l'OLP, Abu Mussa, justifia sa révolte contre la centrale de l'OLP. Vingt-quatre commandants et environ mille cinq cents combattants de l'OLP ont changé de camp au nord du Liban et dans la plaine de la Bekaa, après avoir jeté une trentaine d'hommes de confiance du quatrième étage de l'immeuble où se trouve le quartier général de l'OLP à Damas. Ils poursuivent la guerre d'usure interne, guerre qui a passé son premier test officiel lors de l'assassinat du politicien modéré de l'OLP, le Dr Issam Sartaoui. Pour favoriser le putsch, le chef d'Etat libyen Kadhafi accorda un don de 85 millions de DM aux rebelles.
Les onze groupes de l'OLP, qui se disputent depuis sept ans, semblent se disloquer complètement. La tactique de survie et les manoeuvres illusoires d'Arafat - histoire de changer la défaite de Beyrouth en une victoire - ne pouvait éblouir que ses favoris personnels. Le front radical, luttant contre toute stratégie de négociation, ne «renoncera jamais aux horribles combats du Champ,de bataille». En ce moment, ils se jettent les uns sur les autres. Le premier jour déjà, on pouvait compter une vingtaine de morts. Même Abu Djihad, second après Arafat, craint pour sa vie et se range opportunément du côtés des critiques d'Arafat. Considérant que l'heure d'un règlement de compte d'Arafat, ce «lâche», était venu, le «Front démocratique» avec son chef Naif Hawatme et le «Front populaire palestinien» avec George Habasch, ont commencé à occuper les dépôts les plus importants de l'OLP. Au début, la Syrie soutenait cette émeute mais, actuellement, elle cherche à aplanir la situation à cause des membres de l'OLP qui se battent à l'intérieur du front syrien, sapant dangereusement la stratégie et la morale du front. Pendant ce temps, Yasser Arafat tâte le terrain pour un nouveau quartier général en Grèce, Là-bas, il «Pense être hors du rayon d'atteinte des représailles arabes (!)».
Après son voyage en Arabie Saoudite, où il sollicita de l'aide contre les émeutiers et les Syriens, il avait prévu une visite au Kremlin laquelle, entre temps, a dû être renvoyée à cause «du sérieux de la situation». Cependant, la vérité est qu'Arafat a été désinvité. Ainsi, Moscou se tient officiellement du côté des radicaux et des Syriens. Dans son désespoir, Arafat tenta sa chance auprès du président roumain Ceaucescu, le génie des conciliations.
Lorsque deux se disputent, un troisième se réjouit. Dans ce cas, c'est Israël. Par contre, les USA abandonnent tout espoir de réconciliation entre l'OLP et le roi Hussein de Jordanie qui, depuis sa querelle avec l'OLP, est traité d'«assassin des Palestiniens» (en 1970, 10 000 Palestiniens ont été massacrés en Jordanie). La réputation légendaire qui avait fait de Yasser Arafat un chef de révolution spartiate, disparaît de plus en plus dans la vase des informations qui révèlent le vrai comportement de la tête de l'OLP dans les affaires financières, comportement qui relève du style «play-boy» comparable à celui du roi Farouk. Mais à cela Arafat réplique, irrité, que «la seule issue aux problèmes actuels au sein de l'OLP était une guerre» - il sait que chaque guerre contre l'Etat hébreu est un moyen de réunir les ennemis d'Israël.
Le général Yehoshafat Harkabi, ancien chef du service secret israélien, fait le commentaire suivant: «L'influence des Palestiniens dirigés par I'OBP - congrès national palestinien - a fortement diminué depuis l'échec lors du combat contre Israël. Toutefois, il serait erroné d'en conclure qu'ils ne jouent plus aucun rôle. En effet, ils restent, aux yeux de presque tous les pays arabes, les représentants et l'avant-garde du peuple palestinien. A leur tête se trouve le palestinensische Establishment'. Ce sont des bureaucrates de I'OBP, des membres de l'état-major, des fonctionnaires syndicalistes, des intellectuels et des journalistes. Pour eux, ce conflit représente en même temps une vocation et une raison d'être. La position et le standard de vie de ces Palestiniens professionnels' ne dépendent pas seulement de la durée de ce conflit, mais aussi de son caractère momentané, inspiré par l'appel à la libération de la Palestine', c'est-à-dire, à l'élimination d'Israël.
Si ce but devait être atteint, il appartiendrait à cet Establishment' de former l'état-major de direction et d'administration de ce pays. En attendant, il est condamné à l'inaction. Autrefois, cette couche sociale avait trouvé de l'occupation dans les pays arabes mais, aujourd'hui, une nouvelle intelligentsia s'est formée dans ce pays. Le véritable dilemme des membres de l',Establishment' est le fait de ne pas trouver de solution à ses propres problèmes. Il refuse un arrangement même partiel du conflit de peur que ses espoirs politiques s'évanouissent.
Ce sont justement les pays - quel paradoxe - dans lesquels les Palestiniens et leur,Establishment' sont indésirés qui se déclarent prêts à donner de grosses sommes d'argent pour permettre à cette organisation de se vouer à la libération de la Palestine'. En outre, ce sont les pays les plus éloignés et les moins touchés par le conflit, comme par exemple le Kowait, l'Algérie, l'Arabie Saoudite et l'Irak qui, par leur soutien, prolongent les troubles. Pour la gauche arabe, ce conflit joue un rôle spécifique car elle espère qu'il contribuera au déclenchement de la révolution dans tout le monde arabe. L'absence d'un prolétariat ou d'une population révolutionnaire exclurait la réalisation d'un schéma marxiste orthodoxe et maoïste. Cette gauche se cramponne à l'espoir que ce conflit produira une «ambiance révolutionnaire.»
Face à cette hiérarchie idéologique, des extrémistes comme Kadhafi verraient, dans l'enthousiasme se manifestant après la reconquête du territoire perdu, un moyen de donner de nouvelles impulsions au monde arabe, de raviver l'idée d'unité et de renforcer la soumission à l'Islam.
C'est ainsi que l'«Establishment» palestinien obtient de l'aide des deux camps arabes: de l'extrême gauche et des extrémistes islamiques. Malgré l'absence de progrès sur le plan politique, l'«Establishment» palestinien aura son avenir assuré aussi longtemps que dureront les tensions et que l'enthousiasme sera maintenu.
Nouvelles d'Israël 10 / 1983