De gigantesques pelles mécaniques déplacent les décombres, les goudronneuses avancent lentement, semblables à des chenilles - les Israéliens construisent des routes au Liban en vue de l'avenir de ce pays. Déjà, un nouveau réseau routier s'étend dans le sud du Liban. En ce moment, on est en train de réaliser une chaussée de 30 mètres de large dans la partie Est du front, juste en face des stationnements syriens. Israël pense à demain et a promis à la population libanaise de «rester au moins cinq ans dans la zone de 45 km».
Les Syriens ont obstinément refusé l'accord israélo-libanais de retrait simultané, imposé à toutes les troupes étrangères au Liban. Dès lors, certains «mouvements de paix», en Israël et ailleurs, exigent un retrait unilatéral d'Israël du Liban. Mais Beyrouth craint le pire et, dans son désespoir, demande à Israël de ne pas se retirer jusqu'à la zone des 45 km. Selon l'avis du président Amin Gemayel, ce serait équivalant à un «partage du Liban». Ni l'armée libanaise, ni les troupes de paix de l'ONU n'envisagent de prendre en charge la région abandonnée par Israël. Cela signifierait que les Syriens, accompagnés du front radical de l'OLP, feraient leur entrée dans ces lieux. il n'est pas difficile d'imaginer, à l'heure actuelle, la scène qui dominerait la plaine de la Bekaa. D'interminables combats entre les unités de l'OLP saccageraient les paysages et les villages. Des morts et des blessés partout. Des cadavres d'animaux sans nombre, des vaches et des moutons, infecteraient l'environnement. Les chars blindés ruineraient les champs de blé et de légumes libanais. Ce qui subsisterait serait pillé. Avant d'introduire de nouveaux impôts, des milices communistes parcourraient les villages et tous sens et menaceraient les gens de faire exploser leurs maisons dans les jours qui suivraient. Deux jours plus tard, les Syriens arriveraient et offriraient leur «Protection» à la population angoissée. Chaque famille serait obligée de payer 500 livres libanaises (env. 300 DM) pour ce «service». Deux semaines plus tard, le spectre de ces impôts recommencerait. Les Syriens garderaient les deux tiers de la recette, le reste serait distribué aux milices avant-coureurs. C'est pourquoi, on comprend le souci du gouvernement libanais en ce qui@ concerne le retrait unilatéral d'Israël, qu'il qualifie de «malheur et de catastrophe pour le Liban».
Par ailleurs, la présence d'Israël au Liban représente une provocation constante pour les Syriens. Il ne faut pas oublier que les Israéliens se trouvent actuellement à seulement 23 km de Damas, par surcroît dans la montagne de Baruch, à 2000 m d'altitude, d'où il leur est aisé de voir les «chambres à coucher» de l'armée syrienne. Le ministre de la défense américain Weinberger déclara «qu'Israël était en mesure d'anéantir les nouvelles fusées soviétiques Sam-5». Il n'est donc pas étonnant que le ministre de la défense syrien Mustafa Tlas menace: «Une guerre entre la Syrie et Israël est inévitable», et que le président Assad ajoute:«Le cas échéant, nous permettrons à l'armée israélienne d'avancer jusqu'à 20 km de Damas.»
Le ministre de la défense israélien connaît le danger de cette menace de guerre, il connaît aussi la force des Syriens. A côté des installations de fusées Sam, 4000 chars blindés soviétiques et 600 avions de combats modernes ont été braqués contre Israël. On sait aussi, en Israël, que la présence soviétique a pris une telle ampleur en Syrie qu'il n'est plus pensable qu'un affrontement avec la Syrie se fasse sans la participation directe des Soviétiques. Les chefs de gouvernement des troupes de paix de l'ONU stationnées au Liban s'en doutent probablement aussi. Tous font des efforts pour obtenir le retrait de leurs troupes, aussi bien les USA que la France et la Hollande. De ce fait, on pouvait noter pour la première fois en même temps une rencontre de trois ministres de l'extérieur: George Shultz, son collègue français Claude Cheysson et le ministre de l'extérieur hollandais van den Broek - - La visite à Damas de l'expert du Proche-Orient Kissinger et de George Shultz se termina par le commentaire syrien: «La visite de Shultz a été purement inutile!» Shultz répliqua qu'il ne fallait pas croire que son voyage éclair et imprévu au Proche-Orient ne soit qu'un «acte de désespoir».
En dépit de tous les efforts diplomatiques, on annonce des pertes tous les jours. Hier encore, deux soldats israéliens ont été tués et dix-huit blessés. il y a quelques jours, six soldats français de l'ONU ont perdu la vie. On a aussi cherché à éliminer le premier ministre libanais Shafik el-Wuzzan par le moyen d'une machine diabolique télécommandée. Si, pendant longtemps,
L'Union soviétique a réclamé un paiement au comptant pour chaque livraison d'armes à la Syrie, elle accorde un crédit pour chaque envoi aux Syriens depuis juin 1982. La dernière livraison était composée de 35 000 tonnes de matériel de guerre d'une valeur de 5 milliards de DM. Le réarmement massif et plus rapide est ainsi favorisé - tout pour la «paix»!
Le sable coule vite, toujours plus vite, dans le sablier du malheur - comme si tous ceux qui y sont impliqués désiraient plutôt une fin rapide dans la terreur qu'une terreur sans fin. Lorsque l'on posa des questions à ce sujet au ministre des affaires étrangères israélien Y. Shamir, il répondit: «Je suis optimiste!» A la question de savoir s'il était possible d'être optimiste par un temps aussi sombre, il répondit: «Oui, car nous savons quel sera notre avenir!»
Lors d'une rencontre avec des correspondants israéliens, le commandeur des milices chrétiennes, Fadi Faram, déclara qu'un retrait unilatéral de Tsahal signifierait une catastrophe.
Faram commande en ce moment les «forces armées libanaises», une jonction entre phalangistes et autres milices chrétiennes. L'interview eut lieu ces derniers jours à Beyrouth.
Le commandeur est d'avis que l'évacuation de Tsahal des montagnes du Chouf donnerait l'occasion à l'armée syrienne de passer à une action militaire immédiate. De cette manière, la Syrie aurait à son actif un succès politique sans avoir fait un effort quelconque, ce qui procurerait aux puissants de Damas le sentiment d'atteindre leur but stratégique, c'est-à-dire, l'occupation de tout le Liban.
Le commandeur phalangiste se montra très préoccupé et pessimiste au sujet de l'évolution de la situation, d'autant plus que ni «l'armée libanaise» ni les «forces armées libanaises» ne seraient en mesure de résister aux Syriens soutenus par l'Union soviétique. Au cas d'une retraite israélienne, il n'y aurait plus d'option militaire pour chasser l'armée syrienne du Liban.
Cela provoquerait un partage «de facto» du pays entre la Syrie et Israël.
Actuellement, les Syriens cherchent à ébranler la stabilité du Liban en paralysant son économie et en sabotant la morale politique. Ils atteignent leur but par un bombardement quotidien de Djunias et d'autres villes et localités libanaises.
Le commandeur ajouta que, en ce qui concerne les efforts des Syriens pour amener l'OLP sous leur contrôle, il faut s'attendre sous peu à une attaque des Syriens contre les «derniers nids de résistance des adhérents d'Arafat» au nord du Liban. De lourds combats se déclencheront sans doute entre les troupes syriennes et les fidèles d'Arafat, expliqua Fadi Faram à la fin de l'interview avec les représentants de la presse israélienne.
Nouvelles d'Israël 10 / 1983