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Second tour sous tension, le candidat évangélique reste en lice...
NDLR: La presse séculière n'est une fois de plus pas très tendre envers le candidat évangélique en lice. Il convient de prendre les déclarations du journaliste avec prudence.
"J'appelle à la grève générale dès maintenant dans tout le pays ", a lancé M. Ravalomanana à la foule rassemblée désormais quotidiennement dans le centre d'Antananarivo, dont il est le maire. Quarante jours après le premier tour de la présidentielle, le 16 décembre dernier, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) a proclamé vendredi les résultats officiels, plaçant M. Ravalomanana en tête avec 46,21% des voix, devant le président sortant Didier Ratsiraka (40,89%). Un second tour est donc prévu pour partager les deux hommes dans les trente jours.
Mais M. Ravalomanana qui, dès le lendemain du premier tour, a affirmé qu'il l'avait emporté à la majorité absolue avec 52,15% des voix, continue de rejeter ces résultats officiels, arguant que la HCC a proclamé des résultats falsifiés par le camp du président Ratsiraka, au pouvoir depuis 1975 à l'exception d'une période de moins de six ans, de 1991 à 1996. "Nous n'arrêterons pas avant la victoire ", a lancé M. Ravalomanana, qui s'exprimait en malgache, rappelant qu'il rejetait les résultats officiels. Et boycotterait un second tour, selon son entourage. "La population, tous les ministères, toutes les administrations vont être sollicités pour cette grève dans toutes les provinces et tous les secteurs. A partir de lundi, cela va chauffer ", a-t-il ajouté.
" FAIRE SAUTER LE COUVERCLE DE LA MARMITE "
La foule s'est ensuite dispersée sans incident en l'absence totale des forces de l'ordre. La prochaine manifestation est prévue lundi. "Lundi, il n'y aura pas grève générale car il n'en a pas les moyens ", a commenté le directeur général de la présidence, Gérard Andrialemirovason. Quant aux manifestations, les forces de l'ordre exerceront la même retenue "jusqu'à la limite de la légalité républicaine ", a-t-il ajouté. "S'il veut raser Antananarivo, après tout, il en est le maire, ceux qui s'en plaindront n'avaient qu'à pas l'élire ", plaisante le directeur général. Il ajoute en guise d'avertissement: "Il y a des zones rouges définies par la loi qu'il est interdit de toucher : présidence, casernes de l'armée, Sénat, Assemblée nationale, Trésor, Radio-télévision publique, banque centrale et dépôt d'hydrocarbures. "
Après l'appel à la grève générale de M. Ravalomanana, la foule a scandé: "Il faut faire sauter le couvercle de la marmite ", une formule tirée d'un proverbe malgache, la marmite se référant au pouvoir.
Marc Ravalomanana a assuré que la communauté internationale le soutenait. "Nous soutenons le processus démocratique et la transparence, de la part des deux camps, mais nous engageons Marc Ravalomanana à aller au second tour ", corrige un représentant d'un des pays bailleurs de fonds, sous couvert de l'anonymat.
"A quoi servirait un second tour ? On n'a pas respecté le choix des électeurs au premier. Ratsiraka pourra encore une fois tranquillement se livrer à une fraude électorale massive ", commente un avocat de M. Ravalomanana.
En 1991, des manifestations place du 13-Mai et de grandes grèves à répétition avaient contraint M. Ratsiraka à quitter le pouvoir qu'il dirigeait depuis seize ans, avant qu'il ne soit réélu en 1996. Mais le 10 août 1991, le président avait ordonné à la police de tirer sur les manifestants qui marchaient sur le palais présidentiel. Bilan: une centaine de morts au moins, selon des ONG, tués par les balles de la police, les grenades lâchées par un hélicoptère ou les mines qui entouraient le palais.
Le style flamboyant du "petit laitier "
Marc Ravalomanana, ancien laitier devenu industriel puis homme politique, a séduit de nombreux Malgaches avec un style flamboyant aux antipodes de celui du président Ratsiraka et des apparatchiks austères de la politique malgache. L'homme, de petite taille, est en permanence entouré de gardes du corps aux équipements sophistiqués et d'un bataillon de conseillers de tous poils. Mal à l'aise devant les caméras, qu'il apprend à apprivoiser grâce à des cours de diction, il manie mal le français et l'anglais et son malgache est également rustique.
Il compense ce handicap par un discours concis et sans fioritures et surtout des apparitions publiques à l'américaine, avec chanteurs populaires, confettis, ballons, casquettes, tee-shirts et déplacements en hélicoptère. A 51 ans, il en paraît dix de moins et plaît aux dames. Certes, il n'est pas capable de truffer ses discours de citations latines ou de références historiques, comme son rival Ratsiraka, mais c'est finalement ce qui plaît aux Malgaches, en dehors de la grande bourgeoisie qu'il méprise et qui le lui rend bien. Ses détracteurs dénoncent sa démagogie et la vacuité de sa profession de foi politique, qui se résume souvent à des versets de la Bible, et de son programme économique qui tient en un slogan: "Un Malgache = un emploi ". L'ancien laitier, comme aime à se présenter le patron du premier groupe agro-alimentaire malgache, est entré en politique en novembre 1999, sur un "coup de tête ", élu à la mairie d'Antananarivo sans l'ombre d'un parti ou d'une idéologie. Amateur de poker, il aime avancer par coups de bluff, disent ses proches. Marié et père de quatre enfants, M. Ravalomanana a abandonné son vélo et ses livraisons de yaourts il y a une quinzaine d'années, pour donner une dimension industrielle à l'entreprise artisanale familiale.
Avec un sens du marketing jamais vu à Madagascar, il a bâti le premier groupe agro-alimentaire du pays. Sous la marque Tiko, ses trois sociétés distribuent jusqu'aux villages les plus reculés produits laitiers, boissons non alcoolisées, eau minérale et huile de table.
Protestant très pratiquant, il est devenu vice-président de l'Eglise de Jésus Christ à Madagascar (FJKM, église réformée) et a gagné le soutien de toutes les églises chrétiennes du pays, y compris catholique. Son slogan électoral était celui d'un prédicateur, tiré de l'évangile selon Saint-Marc (9.23): "Tout est possible à celui qui croit ".
La légende de "M. Tiko " a sa face cachée. Ses méthodes de gestion dans ses entreprises lui ont valu récemment un redressement fiscal - ordonné par le pouvoir en place - de 51,5 millions d'euros, et des soucis à la mairie d'Antananarivo, après l'expulsion sans ménagement d'un millier de mal logés. Dans ses usines, l'uniforme est obligatoire, le culte hebdomadaire imposé et seuls les chrétiens sont embauchés. "Je suis avant tout un homme d'affaire ", répète-t-il souvent.
"L 'Amiral " ne veut pas lâcher la barre
Didier Ratsiraka, à 67 ans, brigue un cinquième mandat de cinq ans à la présidence de Madagascar, après plus de vingt ans d'un règne seulement interrompu de 1991 à fin 1996, à la suite d'un long mouvement populaire qui l'avait poussé à la démission.
C'est un jeune officier de marine pétri d'idéaux révolutionnaires et progressistes qui avait été élu président, fin décembre 1975, en même temps qu'était adoptée la Constitution de la République démocratique de Madagascar. Aujourd'hui, "l'Amiral rouge ", comme la presse étrangère le désigne souvent, a gagné en sagesse, ou en fatalisme, ce qu'il a perdu en charisme, voire en convictions.
Il est vrai que sa "traversée du désert ", comme il dit, a été marquée aussi par des problèmes de santé, de vue notamment. Son état de santé exige de fréquents séjours dans les hôpitaux parisiens. Les temps ne sont donc plus au poing levé, aux slogans à l'emporte-pièce, comme "Madagascar qui ne s'agenouille pas ", mais à une explication plus paisible des réalités du pays. S'il admet ses "erreurs ", sans jamais les préciser, l'ancien de Saint-Michel, collège des Jésuites d'Antananarivo, le brillant élève de math sup et math spé du lycée Henri-IV à Paris, sorti de l'École navale avec la considération de ses supérieurs, ne reconnaît pas pour autant ses échecs.
La mentalité frondeuse des Malgaches, alliée aux aléas de la conjoncture économique mondiale, ne lui ont pas permis de faire mieux, explique-t-il. "Je souhaite bien du courage à mon successeur ", aime-t-il à dire.
Revenu du socialisme marxisant de ses débuts au profit d'un libéralisme sous surveillance et n'excluant pas la possibilité pour sa famille de faire des affaires, l'homme est un fin politique.
Originaire de l'ethnie Betsimisaraka, sur la côte centre-est, il a su manoeuvrer au sein des 18 tribus à l'identité culturelle variée composant le pays, et préserver l'unité nationale, devoir sacré et primordial de tout chef d'État malgache aux yeux de ses compatriotes. L'homme est fatigué, souffrant, et ne quitte plus guère son palais présidentiel de Iavoloha, affaibli qu'il est aussi par la maladie de son épouse et les affaires politico-financières dans lesquelles sont fréquemment cités ses enfants et ses proches. Mais le président demande à ses compatriotes, aux jeunes en particulier, de lui renouveler leur confiance, "afin de poursuivre l'oeuvre de redressement économique vers un taux de croissance à deux chiffres ". Objectif toujours visé, mais jamais atteint.
(Clicanoo) ajouté le 28/1/2002