Mises au point sur la loi anti-sectes, le point de vue de l'Alliance Evangélique Mondiale
De Mark Albrecht,
Modérateur de la conférence de la commission de l'Alliance Evangélique Mondiale sur les libertés religieuses.
Ceci est une mise au point et une analyse intéressante sur la loi anti-secte française, dossier que nous suivons soigneusement depuis plus de 2 ans.
La loi, votée par l'Assemblée Nationale le 30 mai 2001, est immédiatement entrée en vigueur. Depuis, la crainte qu'elle aboutisse à une sévère restriction des actions de nombreuses églises protestantes, en plus de mesures fortement arbitraires concernant des groupes ou des églises ayant cette apparence, ne cesse d'être au coeur des discussions internationales.
Toutefois, comme le montre cet article, il semble que cela n'ait pas eu de grands effets sur les Eglises Protestantes. «Jusqu'à aujourd'hui, rien n'a changé pour nous. Il n'y a pas de différence pour nos églises», affirme Christian Seytre, Secrétaire Général de la Fédération Protestante de France, «nous sentons qu'il y a un danger, mais nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a pas de liberté religieuse en France.» Cependant, la France à créer un précédent légal pour certains Etats, comme ceux de l'ex Union Soviétique. Ces nations sont toujours en train d'élaborer une législation ayant pour objectif la réglementation des groupes religieux et la définition des libertés religieuses. De même la Chine cite la loi française comme justification de ses décisions en ce qui concerne la répression des groupes religieux non recommandés.
M.A
Des responsables évaluent l'impact de la nouvelle loi religieuse française .
Mike Creswell
Service de Presse Baptiste
26 Février 2002
Selon des responsables d'églises Baptistes et Evangéliques, la nouvelle loi française, très discutée, n'est peut être pas une menace pour les libertés religieuses, comme certains critiques l'ont craint. La nouvelle loi adoptée en mai dernier par le Sénat français, et l'Assemblée Nationale, semblait vouloir restreindre les activités de groupes religieux considérés comme dangereux.
La loi prévoit 5 ans de prison ferme et une d'amende de 800 000 Euros (5 millions de francs) contre ceux qui utiliseraient la manipulation pour encourager les conversions. Il est interdit aux groupes religieux, d'avoir recours à des actions visant à créer ou exploiter une dépendance psychologique. Sont également illégales, les pressions répétées sur une personne ou l'utilisation de techniques susceptibles d'altérer son jugement, ou de l'amener à se comporter de manière préjudiciable à ses intérêts. La fin de l'article 24 précise que les juges peuvent dissoudre un groupe religieux dont les membres sont reconnus coupables d'un délit criminel. Il est interdit aux groupes suspects de publier des articles dans les journaux, et de chercher à recruter de nouveaux membres prés des écoles, hôpitaux ou maisons de retraite. Une liste recense 172 groupes religieux potentiellement dangereux.
Cette liste comprend plusieurs groupes Baptistes du Sud de la France, généralement considérés comme secte, ainsi que l'Eglise de Scientologie, les Mormons et les Témoins de Jéhovah. Mais cette liste n'incluait pas l'Assemblée Baptiste du Sud comme cela l'a été largement rapporté.
Bien des personnes en France et aux Etats Unis critiquaient cette loi à cause de l'effet répressif qu'elle pouvait représenter pour la religion , tout particulièrement pour les Evangéliques engagés dans l'évangélisation.
Il n'y a pas encore de changement..
Des représentants de la Fédération Protestante Française, et de la Fédération Française des Baptistes Evangéliques déclarent qu'ils ne craignent pas que cette loi dérange leur vie dans l'église, ou leur foi, et attendent que les tribunaux français commencent à appliquer la nouvelle loi dans des cas concrets, pour voir les effets réels qu'elle aura.
« Pour l'instant, rien n'a changé pour nous. Il n'y a aucune différence pour nos églises » déclare Christian Seytre, Secrétaire Général de la Fédération Protestante de France. « Nous sentons qu'il y a danger, mais nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a pas de liberté religieuse en France. Au fond je dirai que les choses vont bien et que nous sommes vigilants. Si nous sentions que les droits fondamentaux de l'homme, commençaient à ne plus être respectés, nous réagirions très vivement. Je suis sur que notre président contacterait le gouvernement » ajoute t'il.
Les Baptistes Français partagent cette position, confirme Etienne Lhermenault, Secrétaire Général de la Fédération Française des Baptistes Evangéliques. Environ 1200 congrégations y sont affiliées, incluant les Baptistes français. 1200 autres congrégations Protestantes ou Evangéliques existent en dehors d la Fédération. Quelques groupes connus et reconnus aux Etats Unis, tel que les Assemblées de Dieu, ne font pas partie de cette Fédération.
« La situation française est paradoxale, car il y a une réelle soif de spiritualité » déclare Seytre. « c'est pourquoi beaucoup de groupes religieux sectaires ont grandi. Dans le même temps il y a beaucoup de crainte face à cette croissance de la spiritualité. Je pense que nos politiciens sont déstabilisés par cette situation. Les politiciens ne connaissent rien de la religion, ou alors vraiment, très, très peu. Par exemple, quand le gouvernement français présenta son rapport en janvier 96, à propos des groupes religieux qui étaient entrées en France depuis le début du XX° siècle, celui ci incluait les Baptistes et les Pentecôtistes, à coté des Mormons et des Témoins de Jéhovah. Il semble que ces personnes ignoraient qu'à l'époque le Président des Etats Unis, qui était Bill Clinton, et le Vice Président Al Gore étaient Baptistes ! Ils ne le savaient pas ».
« Le gouvernement français craint qu'il y ait un nouveau suicide collectif massif à cause de certaines sectes, et ils essayent de prévenir cela » affirme Denis Barton, qui coordonne le travail de la Mission Baptiste du Sud de la France, pour le compte du Bureau international de Mission Baptiste. « «quatre ou cinq églises » ont eu des problèmes avant que la nouvelle loi n'apparaisse. Au fond la réglementation des églises par le gouvernement français est une chose nouvelle, la précédente loi surveillant les églises datait de 1905. » explique t'il
« Cette loi sur les associations était partiellement destinée à éviter les usages frauduleux de fonds et l'évasion fiscale », précise Lhermenault. « Selon la loi, les association cultuelles peuvent échapper à certaines taxes, mais l'Etat demande à connaître leurs intentions déclarées. Les politiciens ont estimé que l'ancienne loi était trop vague parce que les juges avaient une trop grande latitude de décision pour trancher les cas. Cela crée un sentiment de malaise quand les choses ne sont pas claires. Mais je voudrai dire que les juges français et maintenant encore, font du bon travail ». Tout comme Seytre il remarque , que les études faites dans le passé sur les juges français, permettre d'espérer que l'avenir ne sera pas trop répressif.
La Laïcité
« Que ce soit au Etats Unis ou en France, il y a séparation entre l'église et l'Etat. En France la séparation est appelée « laïcité ». Mais le gouvernement français est plus enclin à régler les questions de pratiques religieuse que le gouvernement américain. Alors que certains auraient vu la loi française de 1905 sur l'église, comme un contrôle, c'était en fait une bénédiction pour les Protestants et Evangéliques français, parce qu'elle limitait le rôle de l'église Catholique dans la société » explique Lhermenault. « Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est le débat qui se fait autour du rôle réel que la religion peut jouer pour préserver la cohésion sociale dans une société pluri-culturelle fragile. Certains politiciens ont peur de cette fonction de la religion. D'autres réclament une nouvelle conception de la « laïcité », parce qu'ils ont besoin de l'aide des assemblées religieuses pour maintenir la paix sociale dans les banlieues difficiles. Un gouvernement essaie toujours de contrôler, et tout particulièrement en France, et ici, le contrôle c'est comme le chemin de fer , ça commence par Paris. La centralisation est là règle. Quand le gouvernement ne peut pas contrôler, il se sent fragile. »
En France, très tôt, le modèle de référence a été que tout le monde soit catholique. De nos jours, il y a beaucoup plus de diversité religieuse dans la religion française » Explique Seytre. On peut y trouver des Protestants, des Bouddhistes, des Musulmans ou autres, avec des Catholiques. Pour les anglo-saxons la diversité fait partie de la culture, pas pour la France » ajoute t'il. Seytre laisse entendre que la loi est le résultat de la peur des changements, aussi bien dans la culture française, que dans le domaine religieux.
(WEF/Baptist Press) ajouté le 12/3/2002