Hymne aux icônes dans un journal protestant

Qu'en est-il de l 'héritage réformé ?

 

L'on sait quelle importance la Bible accorde à l'héritage des pères, qu'il s'agisse d'un lopin de terre - la vigne de Naboth convoitée par Achab, par exemple - ou du bon dépôt de la foi reçu des apôtres (2 Tim. 1 : 13-14, Jude 3). Les fils héritiers sont censés conserver jalousement l'héritage (cf 1 Rois 21 : 1-3).

Si l'on considère l'inestimable trésor spirituel légué par les Réformateurs à ceux qui s'en réclament, il est poignant de voir l'héritage protestant partir progressivement en lambeaux à cause de l'insouciance et de l'inconscience des «fils». Ont-ils oublié le prix payé par les pères - souffrances, persécutions, exil, martyre - pour la défense, la sauvegarde et la transmission de l'héritage ?

Ces propos me sont inspirés par le numéro de décembre 1996 de « CROIRE », mensuel de l'Église Evangélique Réformée du Canton de Vaud.

Préparé pour accompagner les fidèles « dans la période de l'Avent », ce journal de 8 pages n'en consacre pas moins de 4 aux « ICONES», afin de permettre aux lecteurs de «VOIR Noël... Voir ce que nous nous contentons souvent d'entendre. » (Editorial, p 3).

Le même numéro contient encore un article sur «Marie au coeur du mystère de Noël», thème que l'auteur lui-même reconnaît ne pas être « très PROTESTANT » ! (page 7).

La page de garde reproduit une icône de la Nativité, les pages 4 et 5 nous font voir trois autres icônes : une de la Transfiguration, une du «Christ bénissant», et la dernière de la « Vierge de tendresse ».

 

Si, dans l'ensemble, la Personne du Seigneur occupe la place centrale, et si les commentaires explicatifs - au demeurant fort intéressants - reposent sur une théologie saine, fidèle à l'Ecriture et à la foi historique de l'Eglise, toujours est-il que le moyen de transmission du message biblique se fait à travers des icônes, des « images » (c'est le sens littéral du mot), qualifiées de «vénérables et saintes » (p 3), car « la contemplation de l'icône est vénération » (p 4).

Les Conciles, nous dit Claude Bérard, professeur d'archéologie à l'université de Lausanne - dont ce numéro de «CROIRE » publie un article très éclairant, d'une rare densité et d'une grande clarté, sur les icônes - n'ont pas cautionné toutes LES ICONES : certaines ont été condamnées comme « hétérodoxes-hérétiques », à cause de leurs « thèmes ». . . « par exemple toutes les icônes de la Trinité qui mettent en scène le Père » (p 3). Et il se réfère lui-même à « la tendance intrinsèque de l'image à tomber dans l'hérésie » (p 3).

Mais, pour Dieu, toute «icône» - toute image objet de vénération -, est sous sa condamnation. En tant qu'idole, elle est à ses yeux abominable. Pour lui, il n'y a pas d'icônes orthodoxes et d'icônes hérétiques. L'image, en elle-même, en tant qu'objet de culte, et indépendamment de son thème, est sous sa réprobation - de même que ceux qui la vénèrent - comme l'atteste le 2e commandement de la loi, Exode 20: 3-5.

 

Pénétrés de cette norme-là, les Réformateurs se sont vigoureusement dressés et ont fulminé contre le culte des images, soit l'idolâtrie qui flétrit l'Eglise romaine et donne à son culte un caractère païen, ce qui lui a permis d'ailleurs d'établir des ponts avec le paganisme en terre de mission et de créer des amalgames avec les cultures indigènes.

Personne n'ignore avec quelle énergie Farel s'est attaqué aux « images » dans les lieux de culte ! Il n'avait aucune espèce de vénération pour les « icônes », mais seulement de l'exécration.

Comment se fait-il donc qu'une «Eglise Evangélique Réformée » - tout à fait institutionnelle et officielle - prête « la vitrine » de son mensuel à une sorte de publicité promotionnelle pour les icônes? Que font ces descendants de la Réforme de l'héritage des pères ?

C'est d'autant plus choquant que, d'après l'article du professeur Bérard, l'icône jouit d'un statut spirituel très élevé, quasi divin :

 

1) Tout d'abord, à l'icône correspond un «prototype» - une sorte de modèle transcendant caché - et c'est à ce prototype que s'adresse la vénération. Ainsi lit-on que « la première icône est l'empreinte du visage du Seigneur sur un linge... Il s'agit proprement d'un autoportrait photographique, non réalisé de main d'homme » (p 4).

2) Il en résulte qu'« en principe toute icône n'est jamais faite de main d'homme, car sa réalisation découle d'une vision spirituelle et son exécution n'est possible que dans la mouvance de l'Esprit Saint. » (p 4).

3) Mais ce n'est pas tout ! L'icône est un foyer de révélation céleste : « l'icône est lumière, reflet de la lumière non créée, lumière de l'Horeb et du Thabor, lumière de la Transfiguration qui « métamorphose » (c'est le terme grec) la création tout entière, lumière du Royaume, dans lequel ni le soleil ni la lune ne seront plus nécessaires car l'Agneau régnera et illuminera toutes choses... « L'icône » est à proprement dit une « photographie »... La photographie, mot à mot, est écriture de lumière » (P 5).

4) Enfin, l'icône est matrice, c'est-à-dire qu'elle imprime quelque chose dans l'esprit de celui qui la contemple: «Contempler une icône, c'est accepter d'être matricié ! La matrice agit principalement par le regard, plus particulièrement par l'échange des regards, si j'ose dire. Dans les conditions spirituelles idéales, il y a homogénéité des regards : entre le regard de l'icône, de la matrice, et celui du fidèle. Le visage du Christ est donc toujours représenté de face ; parfois son regard nous échappe, comme si nous n'étions pas capables d'en soutenir la profondeur.

Les modalités d'action du prototype dans la matrice ressortissent aux mystères de la foi... L'icône parle au coeur dans le silence. Pour celui qui sait l'accueillir, elle fait des miracles! » (P 4)*

5) Au terme de tout ce qui a été exposé jusqu'ici, il est logique d'attribuer à l'icône une puissance salvatrice, restauratrice: «L'icône n'est donc pas une fenêtre qui s'ouvrirait sur l'au-delà, ce qui est le propre de la peinture illusionniste, mais une matrice spirituelle dont la contemplation nous restitue la ressemblance originelle, car nous avons été créés à l'image, à l'icône de Dieu, création obscurcie par la chute dans le monde. La lumière de l'icône nous purifie et nous modèle pour que nous retrouvions notre statut d'enfants de Dieu, fils de lumière. » (p5).

Tout ce qui vient d'être exposé prête à l'icône des vertus qui n'appartiennent qu'au Dieu révélé par l'Ecriture, le Dieu vivant et vrai, objet de nos louanges et de notre adoration. Et tout ce qui est dit de l'icône relève d'une mystique spiritualiste complètement étrangère à la foi chrétienne et qui rejoint le monde ténébreux de l'occulte.

En effet, selon les Ecritures, la seule icône de Dieu est son Fils, qui le représente parfaitement puisqu'il lui est consubstantiel et partage tous ses attributs :

 

« Il est l'image (l'icône-EIKôN) du Dieu invisible» Col. 1 : 15.

 

Et, pour la Bible, la seule matrice spirituelle régénératrice est « la Parole vivante et permanente de Dieu », semence incorruptible qui agit en celui qui la reçoit, le modèle et le transforme. L'Esprit du Dieu vivant n'agit pas à travers une « image » que l'on voit, mais à travers la Parole que l'on entend. (l Pierre 1: 22-25, Romains 10 : 17).

De plus, cette exaltation de l'icône est absolument incompatible avec la foi réformée, celle des origines, celle qui s'exprime dans les grandes confessions.

Pour nos « pères » Réformateurs, l'icône ne saurait avoir d'autre statut que celui d'un rival de Christ et d'un substitut de la Parole, tous les deux haïssables.

Qu'est-il donc arrivé aux «fils» de la Réforme ? Auraient-ils tourné le dos à l'héritage ?

Paul-André Dubois

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* Note de la rédaction: pour nous, ces «modalités d'action » ressortissent plutôt aux abîmes de la superstition !

La Bonne Nouvelle 3/97

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