Haine anti-juive contre soutien d'Israël dans l'Eglise Anglicane

 

Des chrétiens qui haïssent les Juifs

Melanie Phillips rapporte que l'archevêque du Pays de Galles compte parmi les ecclésiastiques inquiets que l'opposition à Israël soit motivée par un antisémitisme profondément enraciné dans la théologie chrétienne.

Par Melanie Phillips, "The Spectator"

Traduit de l'anglais par Stéphane Chapus spécialement pour Reponses-Israel

 

C'était un de ces moments écourants, où l'illusion se brise, laissant de découvrir à sa place une sinistre réalité. Dernièrement, j'ai eu l'occasion de participer à une réunion où se rencontraient un groupe de Juifs et de chrétiens qui s'étaient rassemblés pour discuter de l'augmentation de l'hostilité de l'église envers Israël. Les Juifs s'attendaient à un débat difficile. Après tout, beaucoup de Juifs anglais (dont moi-même) sont aussi consternés par les destructions de villages palestiniens, les assassinats ciblés et les autres formes de représailles israéliennes dans le conflit du Moyen-Orient.

Mais ce débat là n'eut jamais lieu. Selon les chrétiens, l'hostilité de l'Église n'avait même rien à voir avec le comportement d'Israël envers les Palestiniens. Il s'agissait simplement d'une excuse. Selon eux, la véritable raison tenait à la résurgence de la haine antique envers les Juifs, profondément enracinée dans la théologie chrétienne.

Une doctrine dont l'origine remonte aux premiers Pères de l'Église, et qui avait été refoulée après l'Holocauste, était en train de ressurgir sous l'influence du conflit au Moyen-Orient. Cette doctrine s'appelle la "doctrine du remplacement". Dans les grandes lignes, elle affirme que les chrétiens ont remplacés les Juifs dans les faveurs de Dieu, et de fait, que les chrétiens auraient hérité de toutes les promesses faites par Dieu aux Juifs, y compris la terre d'Israël.

Quelques religieux anglicans se revendiquent bien "Sionistes Chrétiens" et soutiennent passionnément l'état d'Israël comme l'accomplissement de la promesse biblique de Dieu aux Juifs. Mais pour la majorité qui se réclame de la doctrine du remplacement, le sionisme est du racisme, et l'État juif est illégitime.

A cette réunion, les Juifs étaient consternés, incrédules. Les chrétiens devaient sûrement exagérer. Sûrement, l'aversion de l'Église envers Israël provenait plutôt des colonies, des territoires occupés, voire, de la personne même d'Ariel Sharon. Mais les chrétiens étaient catégoriques. L'hostilité de l'Église contre Israël prend bien racine dans leur aversion pour les Juifs.

Des éditeurs de journaux religieux se disent aujourd'hui intimidés par l'hostilité accablante de personnalités chrétiennes influentes contre Israël et contre les Juifs, qui rend impossible une couverture équilibrée des événements du Moyen-Orient. Certains ecclésiastiques et certaines personnalités affirment même ouvertement que l'État d'Israël n'aurait jamais dû être fondé. Un source religieuse dit que ce qu'il entend aujourd'hui est un "retour à l'anti-judaïsme viscéral du Moyen-Age".

A ce stade, une précision s'impose. La critique du comportement d'Israël est parfaitement légitime. Mais certains notables chrétiens reconnaissent que la limite de la haine anti-juive a déjà été franchie. Elle se manifeste par l'attribution de motifs malveillants à chaque action israélienne, tout en épargnant le terrorisme palestinien et ses diatribes antisémites; par l'idée que l'on devrait nier aux juifs leur droit à l'autodétermination, et démanteler leur État; par les liens entre le sionisme et le "complot juif", aux intérêts communs; par le venin disproportionné de ses attaques.

"Lorsque j'entends 'les Juifs' employé comme un terme générique, mon sang se glace, et j'ai entendu cela bien trop souvent", dit Rowan Williams, l'Archevêque du Pays de Galles, et l'un des candidats à la succession de l'archevêque de Canterbury. "Chaque fois que j'imprime quelque chose compatissant à l'égard d'Israël, je suis submergé de plaintes m'accusant d'être sioniste et raciste", dit Colin Blakely, rédacteur en chef du journal de l'Église anglicane.

Andrew White, canon de la cathédrale de Coventry et représentant de l'Archevêque de Canterbury au Moyen-Orient, est fortement engagé dans les tentatives pour promouvoir dialogue et paix entre Israéliens et Palestiniens. Sur l'attitude de l'Église, il dit: "Cela dépasse la critique légitime d'Israël, c'est de la haine contre les Juifs. Je reçois des courriers haineux, me traitant de défenseur des Juifs, et dénonçant mon travail comme étant celui du mal".

La raison, dit-il, vient du fait que les chrétiens palestiniens ont ranimé la doctrine du remplacement. "Cette doctrine a été un élément clef dans l'huile jetée sur le feu de l'Holocauste, qui ne serait jamais arrivé sans 2000 ans de polémique antisémite". Après l'Holocauste, le Vatican a officiellement enterré la doctrine, le pape actuel affirmant l'intégrité des Juifs et reconnaissant l'État d'Israël. Mais, selon Andrew White, cette doctrine reste 'toujours vibrante' dans les bancs catholiques et anglicans. "Presque toutes les églises s'accrochent à la doctrine du remplacement", affirme t'il.

Le catalyseur de la résurgence de cette thèse a été la tentative des Arabes chrétiens à ré-interpréter les Écritures dans le but de délégitimer la revendication des Juifs sur la terre d'Israël. Cela a eu un effet particulièrement puissant sur les églises qui, par leur travail humanitaire parmi les Palestiniens, à travers des organisations comme le Secours catholique, ont été profondément influencées, en particulier par deux ecclésiastiques.

Le premier est l'évêque anglican de Jérusalem, Riah Abu El-Assal, un Palestinien dont les attaques contre Israël sont immodérées. "Nous avons interviewé l'évêque Riah après un horrible attentat terroriste en Israël", dit Colin Blakely, "et sa position était que tout n'était que de la faute des Juifs. J'ai été stupéfait".

L'évêque a également une étonnante interprétation de l'Ancien Testament. En décembre dernier, il a dit des chrétiens palestiniens, "Nous sommes le vrai Israël... non, personne ne peut me nier le droit d'hériter des promesses, faîtes en premier lieu à Abraham, Abraham dont on ne parle jamais comme d'un Juif dans la Bible... Il est le père des croyants."

L'autre religieux, le père Naim Ateek, est plus subtil, et particulièrement influent. Bien qu'il dise accepter l'existence d'Israël, sa théologie radicale de libération le contredit, cherchant à dénigrer les liens entre les Juifs et Dieu.

Dans un cours, l'année dernière, Andrew White a pu observer que la politique palestinienne et la théologie chrétienne s'étaient inextricablement entrelacées. Les Palestiniens étaient vus comme les opprimés, et l'Église devait combattre leur oppresseur. "Qui est l'oppresseur? L'État d'Israël. Qui est Israël? Les Juifs. Par conséquent, c'est sur eux qu'il faut faire pression pour que les opprimés puissent un jour être libres de retrouver la 'terre promise' qu'on leur refuse."

Ce point de vue, selon Andrew White, influence maintenant la majorité des sociétés de pèlerinages chrétiens, et beaucoup des principales missions et organisations chrétiennes. Une de ces organisations, a-t-il ajouté, a envoyé un document lourd de sens à chaque évêque du Royaume-Uni, décrivant l'oppression de l'État d'Israël sur les Palestiniens, et accusant Israël de purification ethnique, ainsi que de systématiquement 'judaïser' Jérusalem.

David Ison, canon de la cathédrale d'Exeter, amena des pèlerins en terre sainte en l'an 2000, au début de la seconde intifada. Ils prirent un guide palestinien, ne visitèrent que les sites chrétiens et les quartiers arabes de Jérusalem Est, et ne parlèrent virtuellement à aucun Juif. "L'ancien testament est l'image horrifiante de génocides commis au nom de Dieu", déclare-t-il. "Et le génocide est maintenant commis lentement et sûrement par les Sionistes sur les Palestiniens".

Interrogé sur ce qu'il pensait du refus de Yasser Arafat aux propositions israéliennes de Camp David et de Tabah, il déclare "ne rien savoir à ce sujet". En effet, dit-il, il ne sait rien d'Israël au-delà de ce qu'il a lu dans le livre d'un défenseur de la doctrine de remplacement, qu'il approuve, et de ce que les Palestiniens lui ont dit pendant le pèlerinage.

L'évêque de Guildford, manifestement hostile à Israël, partage l'idée selon laquelle les Juifs n'ont aucune légitimité particulière à réclamer la terre promise. Christianisme et Islam, dit-il, peuvent en réclamer tout autant. Et bien qu'il admette que l'existence d'Israël est une réalité qui doit être acceptée, son idéal est très différent. Un État Palestinien serait simplement une "première étape".

"En fin de compte, une terre partagée est la vision que nous poursuivons, même si cela a peu de chances d'arriver". Et concernant l'hostilité de l'Église envers Israël, sa réponse est terrifiante: "Le problème est que toute la puissance est aux mains de l'État israélien". Et donc implicitement, l'État d'Israël mériterait la sympathie seulement si il ne disposait pas des moyens de se défendre.

L'évêque de Guildford, qui préside l'ONG Christian Aid, dit qu'il admire en particulier les évêques Riah et Naim Ateek. Dans une paroisse de son diocèse du Surrey, Virginia Water, il approuve aussi chaudement Stéphane Sizer, le curé de l'Église du Christ.

Sizer est un militant influent contre le sionisme chrétien. Il croit que les promesses de Dieu aux Juifs ont été héritées par le christianisme, y compris la terre d'Israël. "Un retour au nationalisme juif", a-t-il écrit, "semblerait incompatible avec la perspective de la communauté internationale de Jésus du Nouveau Testament".

Il reconnaît à Israël le droit d'exister depuis que ce droit a été établi par une résolution de l'ONU. Mais il dit aussi qu'il s'agit "fondamentalement d'un état d'apartheid, parce qu'il se base sur la race", et "pire encore que l'Afrique du sud" (en dépit du fait que les Arabes israéliens ont le droit de vote, qu'ils sont membres de la Knesset, et que l'un d'entre eux est même juge à la Cour suprême).

Il espère donc qu'Israël suivra la même voie que l'Afrique du Sud de l'apartheid, et sera "poussée vers sa fin par sa démographie". Ainsi, bien que prétendant soutenir l'existence d'Israël, il souhaite que l'État juif soit démantelé et condamné à un destin qui n'est promis à aucune autre démocratie correctement constituée conformément aux lois internationales.

Mais cela n'est pas surprenant, compte tenu de son attitude envers les Juifs. "L'accord entre les Juifs et Dieu", affirme-t-il, "était conditionné à leur respect des Droits de l'homme. La raison pour laquelle ils ont été expulsés de leur terre est qu'ils n'étaient intéressés que par l'argent et le pouvoir, qu'ils traitaient les pauvres et les étrangers avec mépris". Il semble que, selon lui, les Juifs d'aujourd'hui n'aient pas changé. "Aux États-Unis, les hommes politiques n'osent pas critiquer Israël parce que la moitié des financements des Démocrates et des Républicains viennent des Juifs".

De nombreux officiels chrétiens sont extrêmement inquiets de la conjugaison entre les critiques d'Israël et le rejet des Juifs. Rowan Williams dit qu'après qu'un site Internet de l'Église du pays de Galles ait attiré des messages enflammés contre les Juifs, et qu'une réunion à Cardiff au sujet d'Israël ait provoqué une rhétorique anti-juive du même genre, il fut obligé d'introduire quelques éléments d'information concernant le Moyen-Orient pour rétablir l'équilibre dans les revue de l'Église.

Le docteur Patrick Sookhdeo, directeur de l'lnstitut d'Études de l'Islam et du Christianisme, s'est adressé à divers groupes de chrétiens à travers le pays au sujet des conséquences des attentats du 11 septembre. Chaque fois qu'il a suggéré que certains aspects de l'Islam posaient problème, il a provoqué le tumulte. Ses auditeurs blâment Israël, qu'ils jugent responsable de la colère musulmane; ils veulent abandonner l'État juif, "partie morte des Saintes écritures", et soutenir "la justice" pour les Palestiniens. "Ce qui me dérange, c'est l'antisémitisme latent profondément ancré en Angleterre et dans tout le royaume", dit-il. "Je n'avais simplement pas réalisé à quel point la crainte du pouvoir et de l'influence des Juifs était profondément ancrée dans le psychisme anglais."

Depuis le 11 septembre, dit-il, le problème palestinien a eu un impact majeur et un effet déformant dans l'ensemble du monde chrétien. "Ceux qui blâment Israël pour tout les maux ne se rendent pas compte que, pour l'Islam, l'existence même d'Israël est un problème. Même la création d'un État palestinien ne suffirait pas. Il est possible qu'Israël se comporte illégalement dans un certain nombre de cas, mais c'est elle qui est attaquée. Mais les chrétiens libéraux blancs trouvent profondément offensant de ne pas blâmer Israël d'agir injustement."

L'archevêque de Canterbury, George Carey, a d'ailleurs fait entendre sa voix contre la doctrine du remplacement. Mais à la différence des catholiques romains, les catholiques anglicans n'ont jamais eu à confronter le rôle de leur église dans l'Holocauste et leur attitude envers les Juifs.

Carey, d'après certaines sources de l'Église, est désormais dans une situation délicate. Contraint à ne pas se froisser avec les musulmans, il est aussi mis sous pression par des ennemis d'Israël haut placés dans l'Église, et il est peu disposé à s'engager dans un combat avec l'Establishment.

Néanmoins, de nombreux notables chrétiens ne partagent pas ce point de vue. Le réseau des conseils Chrétiens et Juifs se renforcent. L'archevêque Williams a fait une prêche à la synagogue de Cardiff le week-end dernier. Et les chrétiens qui affirment leurs inquiétudes se préparent à risquer l'opprobre, et même pire.

Mais pour les Juifs, pris entre les diffamations sanguinaires des islamistes d'un côté et la doctrine chrétienne du remplacement de l'autre, la Grande-Bretagne est soudain devenue un endroit bien froid.

Melanie Phillips est chroniqueuse au "Daily Mail".

© The Spectator.co.uk, , 16 février 2002.

(Spectator.co.uk) ajouté le 19/2/2002

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.